Cour de justice de l'Union européenne 1er mars 2011
ASSURANCE VIE
Droit de l'Union européenne - Directive 2004/113 - Egalité des sexes - Article 5, 2. - Dérogation à durée indéterminée - Invalidation
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Test-Achats e.a.
Aff.: n° C-236/09 |
En juin 2008, l'association belge des consommateurs Test-Achats s'est associée au recours introduit devant la Cour constitutionnelle par deux assurés de sexe masculin qui, lors de la souscription d'assurances décès 'solde restant dû', s'étaient vu réclamer des montants de primes supérieurs à ceux qui leur auraient été appliqués s'ils avaient été du sexe opposé, afin d'obtenir l'annulation de la loi du 21 décembre 2007 ayant modifié l'article 10 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, pour ce qui est de l'appartenance sexuelle en matière d'assurance (MB 31 décembre 2007, p. 66.175). En vertu de cette modification législative, les assureurs vie ont été autorisés, à certaines conditions, à continuer à fixer des primes et des prestations différentes en fonction du sexe.
En juin 2009, la Cour constitutionnelle a saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une demande de décision préjudicielle portant sur la validité de l'article 5, 2., de la directive 2004/113 du Conseil du 13 décembre 2004, mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (JOUE L 373, p. 37). C'est, en effet, sur le fondement de cette disposition, qui laissait aux Etats membres jusqu'au 21 décembre 2007 pour décider d'autoriser les assureurs à maintenir “des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises”, que fut adoptée, in extremis, la modification de l'article 10 de la loi du 10 mai 2007.
Dans un arrêt du 1er mars 2011, la Cour de justice, se ralliant à la solution préconisée par Mme l'avocat général Kokott dans ses conclusions du 30 septembre 2010, a invalidé l'article 5, 2., de la directive 2004/113.
Faisant observer que, aux termes de l'article 5, 1., de cette directive, le législateur de l'Union a entendu consacrer, au titre de l'objectif général d'égalité de traitement des sexes poursuivi par ladite directive, la règle des primes et des prestations unisexes en assurance tout en prévoyant une période transitoire jusqu'au 21 décembre 2007, la Cour a, en substance, considéré que ce législateur ne pouvait pas, dans le même temps, autoriser les Etats membres, à l'article 5, 2., de la directive, à tolérer des différences fondées sur le sexe en matière de primes et de prestations d'assurance, sans limitation dans le temps, et ce, au risque que cette dérogation à l'égalité de traitement soit indéfiniment permise par le droit de l'Union.
Elle en a conclu que l'article 5, 2., de la directive 2004/113 est contraire à la réalisation de l'objectif d'égalité poursuivi par cette directive et incompatible avec les articles 21 et 23 de la charte des droits fondamentaux relatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu'à l'interdiction des discriminations fondées sur le sexe.
L'invalidation de cette disposition a cependant été tenue en suspens jusqu'à l'expiration d'une 'période de transition adéquate', à savoir le 21 décembre 2012 (date à laquelle les Etats membres auraient été tenus, en vertu de la disposition invalidée, de réexaminer leur décision prise au titre de celle-ci).
Cet important arrêt, qui soulève de nombreuses questions, dont celle, d'un intérêt pratique évident pour les professionnels de l'assurance vie, des effets de cette invalidation sur les contrats en cours, fera l'objet d'un commentaire approfondi dans un prochain numéro de cette revue.