Article

Cour d'appel Bruxelles, 15/10/2009, R.D.C.-T.B.H., 2011/5

Cour d'appel de Bruxelles 15 octobre 2009

J.M. / Endoscopie Richard Wolf Belgium SA, Nouvag Dental Und Medizintechnik Gmbh et Nouvag AG

Zet.: H. Mackelbert (conseiller ff président), M.-F. Carlier et M. Moris (conseillers)
Pl.: Mes. P. Péters, T. de Haan et A. Jacobs-von Arnauld, F. de Visscher
I. Décision entreprise

Les appels sont dirigés contre le jugement prononcé contradictoirement le 3 février 2006 par le tribunal de première instance de Bruxelles.

Les parties ne produisent aucun acte de signification de ce jugement.

II. Procédure devant la cour

L'appel principal est formé par requête, déposée par le docteur M. au greffe de la cour, le 24 novembre 2006.

Les appels incidents sont introduits par conclusions, déposées par les sociétés Nouvag Dental und Medizintechnik et Nouvag (dénommées ci-après ensemble 'Nouvag') au greffe de la cour, le 30 janvier 2007, et par la société Endoscopie Richard Wolf Belgium (dénommée ci-après 'Wolf') le 21 février 2007.

La procédure est contradictoire.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Faits et antécédents de la procédure

1. Le docteur M. est actif dans le domaine de .la chirurgie esthétique et plus particulièrement dans celui de la lipoaspiration.

Il est titulaire du brevet belge n° BE 1011084, délivré le 6 avril 1999 (avec date de dépôt au 3 avril 1997) et du brevet européen n° EP 0 971 754 délivré le 27 juin 2001 (avec date de priorité au 3 avril 1997), relatifs à un appareil de lipo-aspiration.

La revendication première est la suivante:

“appareil de lipo-aspiration comprenant une canule d'aspiration (3) agencée pour aspirer de la graisse sous-cutanée par un orifice (14) d'entrée, la canule ayant un axe longitudinal (16) et étant montée sur un organe d'entraînement mécanique (10, 11) logé dans un boîtier (2) ledit organe d'entraînement ayant une entrée pourvue pour y connecter une source d'énergie et agencée pour produire un mouvement et le transmettre à ladite canule et le mouvement de la canule comprenant un composant de translation suivant l'axe de la canule, caractérisé en ce que le mouvement de la canule est un mouvement de nutation comprenant un composant de vibration perpendiculaire à l'axe de la canule et le composant de translation suivant l'axe de la canule, le composant de translation ayant une amplitude entre 2 mm et 1 cm, et un espace (18) étant prévu entre la canule (3) et le boîtier (2), ledit espace étant suffisamment dimensionné de façon à permettre au composant de vibration de provoquer la dislocation de la graisse”.

A l'occasion d'une foire commerciale de matériel médical à Dusseldorf, le docteur M. constate, en 2003, que Nouvag propose un appareil de lipo-aspiration sous la marque Vacuson qu'il estime être une contrefaçon de ses brevets. Il en informe Nouvag par mail du 22 novembre 2003, en la prévenant qu'il compte lui réclamer une juste indemnisation pour les préjudices subis par la commercialisation concurrente d'une copie de ses brevets.

2. Le 8 avril 2004, le docteur M. dépose entre les mains du juge des saisies du tribunal de première instance de Gand une requête en saisie-description à l'encontre de Wolf qui distribue l'appareil Vacuson en Belgique.

Il est fait droit à cette demande, par ordonnance du 9 avril 2004 qui désigne M. Van Cutsem en qualité d'expert.

Ce denier dépose son rapport le 9 août 2004.

3. Par exploit du 9 septembre 2004, le docteur M. fait citer Wolf et Nouvag en déclaration de contrefaçon devant le tribunal de première instance de Gand. Il leur réclame également une somme provisionnelle de 50.000 EUR à titre de dommages et intérêts.

De l'accord des parties, la cause est renvoyée devant le tribunal de première instance de Bruxelles pour que la procédure soit poursuivie en français.

Nouvag introduit une demande reconventionnelle qui tend à entendre prononcer la nullité du brevet.

Wolf introduit une demande reconventionnelle contre le docteur M., tendant à l'entendre condamner à lui payer 5.865 EUR en couverture des frais exposés et une demande incidente contre Nouvag en intervention et en garantie, et en paiement de dommages et intérêts à concurrence de 6.412,59 EUR et 5.865 EUR.

Le premier juge dit les demandes non fondées.

4. Le docteur M. interjette appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, il demande à la cour de:

Statuant sur l'appel principal du Dr. M.

A titre principal

- le déclarer recevable et fondé; et en conséquence;

- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré la demande en contrefaçon du brevet européen n° EP 0 971 754 de l'appelant non fondée, et, jugeant à nouveau:

- dire pour droit que les intimées sont coupables de violation du brevet européen de l'appelant en important, en offrant, en commercialisant, en mettant dans le commerce, en détenant ou en utilisant des appareils de lipo-aspiration de la marque Vacuson, tels que décrits par l'expert judiciaire Paul Van Cutsem dans son rapport du 9 août 2004;

- condamner les intimées à cesser les violations du brevet européen n° EP 0 971 754 de l'appelant, sous peine d'une astreinte de 5.000 EUR par infraction et par jour de retard à se conformer à cet ordre de cessation;

- condamner les intimées au paiement d'un montant de 50.000 EUR de dommages-intérêts pour violation du brevet européen n° EP 0 971 754, augmentés des intérêts judiciaires à dater de la citation;

- condamner les intimées au paiement des frais de procédure des deux instances, tels que liquidés;

- condamner les intimées au paiement d'un montant de 12.026,07 EUR à titre de frais et honoraires de conseils techniques en brevet de l'appelant et au paiement d'un montant forfaitaire de 50.000 EUR à titre de frais et honoraires d'avocat;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait jugé que la contrefaçon du brevet de l'appelant n 'est pas établie

- condamner les intimées à cesser toute publicité quelconque (emballages, prospectus, brochures, déclarations orales, internet) dans laquelle il serait encore fait mention du fait que la canule a un mouvement d'une amplitude égale ou supérieure à 2 mm et en particulier de 2,5 mm, sous peine d'une astreinte de 5.000 EUR par infraction;

- condamner les intimées à cesser toute publicité quelconque dans laquelle il serait encore dit ou faisant croire que l'appareil litigieux utilise une 'technique vibratoire', alors qu'il ne s'agirait que d'une méthode de cisaillement, sous peine d'une astreinte de 5.000 EUR par infraction;

- condamner les intimées à appliquer clairement et de manière indélébile dans toutes les langues légalement requises la mention suivante en caractères gras de minimum l cm sur tous leurs produits et toute publicité pour l'appareil Vacuson: “L'appareil Vacuson utilise une méthode de CISAILLEMENT, qui extrait la graisse avec les bords coupants de la canule. I1 ne s'agit PAS d'une méthode vibratoire”, sous peine d'une astreinte de 5.000 EUR par infraction;

- condamner les intimées au paiement de 50.000 EUR de dommages-intérêts pour publicité mensongère interdite;

Statuant sur l'appel incident de Nouvag contre le Dr. M.

A titre principal

Le dire recevable, mais non fondé;

A titre subsidiaire, avant de statuer sur la demande en annulation du brevet européen du Dr. M.

Solliciter l'avis technique de l'Office européen des Brevets sur la validité du brevet européen, moyennant paiement de la redevance par les demanderesses en nullité, Nouvag et Richard Wolf, et surseoir à statuer dans l'attente de la réception dudit avis.

Statuant sur l'appel incident de Richard Wolf contre le Dr. M.

A titre principal

Le dire recevable, mais non fondé;

A titre subsidiaire, avant de statuer sur la demande en annulation du brevet européen du Dr. M.

Solliciter l'avis technique de 1'Office européen des Brevets sur la validité du brevet européen, moyennant paiement de la redevance par les demanderesses en nullité, Nouvag et Richard Wolf, et surseoir à statuer dans l'attente de la réception dudit avis.

Statuant sur l'appel en garantie de Richard Wolf contre Nouvag

Statuer comme de droit.

5. Wolf introduit un appel incident et demande à la cour de:

Statuant sur l 'appel principal,

le dire non fondé,

débouter l'appelant de sa demande de dommages et intérêts

Statuant sur [son] appel incident,

le dire recevable et fondée,

déclarer nul, en ce qui concerne la Belgique, le brevet européen 0.971.754 déposé le 2 avril 1998 et délivré le 25 juin 2001 pour un appareil de lipo-aspiration, en toutes ses revendications;

ordonner la notification du jugement à intervenir à l'Office Belge de la Propriété Intellectuelle aux fins d'inscription de l'annulation dans le registre des brevets;

condamner l'appelant au principal à [lui] payer la somme de 5.865.00 EUR en couverture des frais en rapport avec la promotion de l'appareil prétendument contrefait majorée des intérêts depuis la date des débours jusqu'au jour du remboursement;

ou, alternativement, au cas ou il serait fait droit à la demande principale,

statuant sur la demande en garantie,

Se déclarer compétent pour en connaître

la déclarer recevable et fondée;

prononcer la résolution de la vente de l'appareil Vacuson 60 LP Lipectomie avec ses accessoires, intervenue entre les parties,

condamner solidairement les intimées appelées en garantie à [lui] rembourser la somme de 6.412.59 EUR majorée des intérêts au taux légal depuis le 16.6.2003 jusqu'au jour du remboursement, et celle de 5.865.00 EUR en couverture des frais en rapport avec la promotion de l'appareil contrefait outre les intérêts sur cette somme depuis la date des débours.

à [la] garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle dans le cadre de la présente instance.

Et en tout cas,

condamner toute partie succombante à [lui] rembourser les frais de l'intervention de l'avocat chargé d'assurer la défense de ses intérêts, évalués provisionnellement à 7.000 EUR.

La condamner aux dépens.

6. Nouvag introduit également un appel incident et demande à la cour de:

Statuant sur l'appel principal:

- le dire recevable mais non fondé en tous ses chefs de demande; en conséquence, en débouter l'appelant.

- à titre subsidiaire: avant dire droit, nommer un expert, conseil en brevets, qui aura pour mission (1) de vérifier la longueur de la course (mouvement translatif) dans l'appareil Nouvag, et (2) de donner à la cour son avis sur la reproduction par l'appareil Nouvag des autres caractéristiques de la revendication 1 du brevet européen 0.971.754, son rapport étant établi conformément aux articles 962 et suivants du Code judiciaire, après communication aux parties du rapport préliminaire et répondant à leurs observations pour lesquelles un délai minimal d'un mois après cette communication sera accordé; pour son rapport être déposé au greffe dans les six mois de la notification qui lui sera faite de l'arrêt à intervenir, et ensuite être conclu, plaidé et jugé comme de droit;

- à titre très subsidiaire: mettre hors cause la troisième intimée;

A titre tout aussi subsidiaire et statuant sur la demande incidente de la première intimée contre la deuxième intimée et sur la demande nouvelle contre la troisième intimée:

- se déclarer incompétent pour en connaître;

- à tout le moins; les déclarer non fondées et, en conséquence, en débouter la première intimée;

Statuant sur l'appel incident formé par [elles]:

- le dire recevable et fondé; et en conséquence, mettant à néant quant à ce le jugement dont appel, et faisant ce que le premier juge eût dû faire:

- prononcer, en ce qui concerne la Belgique et en toutes ses revendications, la nullité totale du brevet européen 0.971.754 déposé le 2 avril 1998 et délivré le 25 juin 2001 pour un appareil de lipo-aspiration;

- ordonner la communication de l'arrêt à intervenir par le greffe à l'Office belge de la Propriété Intellectuelle pour que celui-ci inscrive l'annulation prononcée dans le registre des brevets conformément à l'article 51, § 1, alinéa 2 de la loi du 28 mars 1984 sur les brevets d'invention;

- subsidiairement, avant dire droit, nommer un expert qui aura pour mission de donner à la cour son avis sur (1) l'activité inventive dans l'objet du brevet au regard de l'état antérieur de la technique, et (2) sur le caractère suffisant de la description, son rapport étant établi conformément aux articles 962 et suivants du Code judiciaire, après communication aux parties du rapport préliminaire et répondant à leurs observations pour lesquelles un délai minimal d'un mois après cette communication sera accordé; pour son rapport être déposé au greffe dans les six mois de la notification qui lui sera faite de l'arrêt à intervenir, et ensuite être conclu, plaidé et jugé comme de droit;

Statuant sur [leur] demande incidente:

- condamner l'appelant, intimé sur incident, à [leur] payer la somme de 30.000 EUR;

En toute hypothèse, sauf expertise avant dire droit:

- condamner l'appelant, intimé sur incident, aux dépens.

- condamner la première intimée aux dépens de son action.

IV. Discussion
1.- Sur la nullité du brevet
a.- Sur la nouveauté et l'activité inventive

7. Aux termes des articles 5 de la loi du 28 mars 1984 sur les brevets d'invention et 54 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.

Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. L'homme du métier est donc un spécialiste dans le domaine concerné qui a eu connaissance de tous les brevets et documents publiés sur cette matière avant la date de dépôt ou de priorité du brevet litigieux et qui dispose de l'équipement et l'expérience nécessaires pour les combiner et les mettre en oeuvre en vue de résoudre le problème posé. En ce qui concerne l'évidence, il convient de se demander pour chaque revendication définissant l'invention si, avant la date de dépôt ou de priorité qui s'applique pour cette revendication et compte tenu de l'état de la technique à cette date, il n'aurait pas été évident pour un homme de métier de parvenir à un résultat couvert par cette revendication. L'évidence doit ainsi s'apprécier en faisant abstraction du brevet litigieux. L'état de la technique le plus proche qu'il faut prendre en considération est généralement celui qui correspond à une utilisation semblable et qui appelle le moins de modifications structurelles et fonctionnelles pour parvenir à l'invention revendiquée (Bruxelles 16 juin 2006, Ing.-Cons. 2006, liv. 5, 503).

8. Selon le docteur M., l'invention se caractérise par le fait que le mouvement de la canule est un mouvement inédit de nutation, dont le composant de translation suivant l'axe de la canule a une amplitude entre 2 mm et 1 cm, et par le fait qu'un espace libre est prévu entre la canule et le boîtier, de façon à permettre à la canule d'avoir un composant de vibration qui permettra de, disloquer la graisse à aspirer.

Le mouvement de nutation peut s'illustrer comme suit:

Nouvag conteste tant la nouveauté que le caractère inventif. Elle s'appuie sur différents brevets antérieurs pour soutenir que le mouvement de nutation était déjà connu. Selon elle, l'invention ne serait nouvelle que sur deux points, à savoir l'amplitude du composant de translation (entre 2 mm et 1 cm) et la présence d'un espace libre entre la canule et le boîtier, auxquels elle dénie toute inventivité.

(i).- Le brevet 'Watmough' US 4.735.604

9. Nouvag s'appuie sur ce brevet pour soutenir que le mouvement de nutation dans la lipo-aspiration était déjà connu.

Le brevet 'Watmough' concerne un appareil de prélèvement de tissus biologiques par aspiration. Rien ne permet d'affirmer qu'il pourrait également servir pour la lipo-aspiration de la graisse. En tout cas, aucune pièce le démontrant n'est déposée. La comparaison n'est donc pas pertinente.

Lors du dépôt de son brevet européen, le docteur M. n'a pas manqué de mentionner l'existence de ce brevet (cf. paragraphe 7), en précisant que le mouvement produit par ce type d'appareil était limité à un mouvement de translation inférieure ou égale à 1 mm et qu'il n'était donc pas possible d'effectuer une lipo-aspiration efficace, ce qui n'a jamais été contredit.

Cet appareil diffère fondamentalement de l'invention du docteur M. en ce qu'il est expressément mis au point pour empêcher tout autre mouvement qu'un mouvement de translation rectiligne, ce qui s'explique logiquement dès lors qu'il est destiné à des extractions très précises, inférieures au mm, alors que les orifices de la canule du docteur M. ont un diamètre de 2 à 5 mm, ce qui est tout différent.

L'invention du docteur M. se caractérise au contraire par le fait qu'elle entend favoriser le mouvement de nutation pour procéder à une émulsion de la graisse en vue de faciliter son extraction. Jusqu'à cette invention, on ne concevait pas que la canule puisse avoir un autre mouvement qu'un mouvement rectiligne de va-et-vient. Le contraire n'est en tout cas pas démontré.

10. Ce n'est pas parce qu'on savait à l'époque que lorsqu'on actionne une tige d'avant en arrière (mouvement de translation), il existe un risque de mouvement latéral (plus ou moins important en fonction de la longueur de la tige et de sa souplesse), qu'il faut dénier tout caractère nouveau et inventif à un procédé qui entend faire exactement le contraire de ce qui était préconisé par la technique pour l'extraction de tissus biologiques ou graisseux.

L'examinateur de l'OEB ne s'y est d'ailleurs pas trompé lorsqu'il a constaté que l'objet de la revendication différait de l'appareil 'Watmough' en ce que le composant de translation a une amplitude entre 2 mm et 1 cm [soit près de dix fois plus] et en ce que un espace libre est prévu entre la canule et le boîtier (cet espace étant de dimension suffisante de façon à permettre le composant de vibration pour provoquer la dislocation de la graisse).

Il est donc établi qu'avant l'invention du docteur M., l'état de la technique ignorait l'existence d'un appareil qui bouge selon un mouvement de nutation. A cet égard, c'est à tort que Nouvag fait référence au brevet 'Hilton Becker' US. 5.182.907 puisque ce dernier ne fait pas référence au mouvement de nutation mais décrit un appareil de lipo-aspiration dont l'extrémité de la canule vibre longitudinalement par l'effet d'ultrasons provoqués par un cristal piézo-électrique, traversé par un courant électrique.

L'invention est donc incontestablement nouvelle sur le plan de la mise en oeuvre du mouvement de nutation.

(ii).- Le brevet 'Cucin' US 5.112.302

11. Ce brevet décrit un appareil de lipo-aspiration dont la canule effectue un mouvement de va-et-vient, provoqué par un moteur à piston à gaz.

Dès lors qu'il n'est pas mentionné dans ce brevet qu'il faudrait éviter tout mouvement de nutation, Nouvag en déduit qu'il en résulte inévitablement un mouvement latéral de la canule, c'est-à-dire la vibration de l'extrémité de celle-ci et que, partant, il est inexact de prétendre qu'il existait un préjugé contre le mouvement de nutation.

12. Ce n'est évidemment pas parce que le brevet 'Cucin' ne préconise pas la mise en oeuvre d'un mécanisme pour éviter un éventuel mouvement de nutation qu'il faut en déduire que l'état de la technique ne considérait pas à l'époque que celui-ci était contre-indiqué pour réaliser des prélèvements, que ce soit de tissus biologiques ou de graisse.

Le brevet 'Cucin' est postérieur au brevet 'Watmough' (reconnu comme étant l'état antérieur le plus proche) et ne le contredit pas sur ses recommandations d'éviter toute vibration de la canule.

Il s'en déduit qu'il n'était nullement évident d'imprimer volontairement a la canule un mouvement de nutation en vue d'émulsionner la graisse avant son aspiration, alors que l'état de la technique antérieure ne préconisait qu'une simple translation rectiligne pour sectionner la graisse.

La littérature médicale produite par le docteur M. démontre par ailleurs les avantages de la vibroliposuccion par rapport à la technique classique, dans la mesure où la fragmentation sélective du tissu graisseux avant son aspiration [provoqué par le mouvement de nutation] entraine une proportion significativement plus élevée de graisse extraite et est à la base du faible taux de complication de cette technique.

Cet avantage marquant apporté par l'invention constitue un indice de l'activité inventive (M. Buydens, Droit des brevets d'invention, Larcier, 1999, p. 73, n° 141).

13. De même, il n'était pas évident de prévoir une amplitude de mouvement longitudinal d'au moins 2 mm et de 1 cm au plus, ainsi qu'un espace libre entre la canule et le boîtier, pour permettre l'émergence recherchée du composant de vibration.

Ce n'est certes pas par tâtonnements et essais de routine que l'homme du métier aurait pu concevoir tant dans leur principe que dans leur mise en oeuvre, l'amplitude et l'espace décrits dans le brevet. En tout état de cause, Nouvag ne le démontre pas.

C'est à tort que Nouvag soutient que cet espace était déjà prévu dans le brevet 'Cucin'. Ce n'est en effet pas parce que la canule est logée dans un cylindre qu'il faut en déduire que l'inventeur a voulu prévoir un espace entre la canule et le boîtier. Il n'y a pas lieu de confondre la cavité dans laquelle se meut le cylindre dans le brevet 'Cucin' pour permettre son coulissement et l'espace dont il est question dans l'invention du docteur M., dès lors qu'ils ne produisent pas les mêmes effets. Au demeurant, le brevet 'Cucin' ne mentionne pas la nécessité d'un espace pour provoquer le mouvement de nutation.

L'espace revendiqué par le docteur M. est nécessairement différent des quelques centièmes de millimètres qui séparent nécessairement tout axe du boîtier cylindrique dans lequel il se meut. Concevoir cet espace n'était donc pas évident.

14. Il s'en déduit que l'invention du docteur M., telle qu'elle est décrite dans la revendication 1, remplit la condition d'inventivité.

Il n'y a des lors pas lieu de statuer sur les revendications complémentaires puisque celles-ci s'appuient sur la revendication 1 que la cour n'a pas jugé évidente.

b.- Sur la clarté du brevet

15. Nouvag considère que l'invention n'a pas été exposée d'une façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter et en poursuit, de ce fait, la nullité sur la base de l'article 138, § 1 b) de la Convention de Munich et 49, § 1er, 2) de la loi sur les brevets.

Elle met en exergue le fait que le brevet ne précise ni la forme ni les dimensions de l'espace libre entre la canule et le boîtier qui est nécessaire pour provoquer le mouvement de nutation.

16. Le paragraphe [26] du brevet est ainsi rédigé:

L'amplitude du composant de vibration au bout de la canule est en fonction de la longueur de la canule. Au plus long la canule, au plus grande est l'amplitude du composant de vibration au bout de la canule. La longueur des canules utilisées est de l'ordre de 5 à 35 cm. En utilisant une canule d'une longueur d'environ 25 cm et une fréquence de va-et-vient de 15 Hz, on peut obtenir une amplitude de l'ordre de l cm à l'extrémité de la canule. Ceci signifie que l'extrémité libre de la canule décrit un mouvement de nutation à l'intérieur d'un cercle, tel qu'illustré à la figure 5 dans laquelle le cercle a un diamètre de l'ordre de 2 cm.

La grandeur du mouvement de nutation peut également être exprimée sous forme d'un angle de nutation a, tel qu'illustré à la figure 5. Dans le cas d'une canule de 25 cm et une amplitude de 1 cm, l'angle a est de l'ordre de 2,3°. L'amplitude peut également avoir une amplitude inférieure à 1 cm, par exemple de l'ordre de 3 à 5 mm.

A l'audience du 3 septembre 2009, le conseil du docteur M. a fait une démonstration permettant de calculer cet espace en fonction de la longueur de la canule, et ce avec une simple calculette munie d'une fonction trigonométrique.

Par ailleurs, A la demande de l'examinateur de l'OEB, et afin de clarifier les revendications, l'expression suivante a été ajoutée: “cet espace étant suffisamment dimensionné de façon à permettre le composant de vibration pour provoquer la dislocation de la graisse”, sans qu'il n'ait été requis de préciser la dimension de l'espace.

Tout a donc été mis en oeuvre pour permettre me exécution claire de l'invention et il ne peut être reproché au docteur M. de ne pas avoir précisé ce que l'examinateur de l'OEB ne lui demandait pas.

17. C'est en vain que Nouvag invoque l'étude qu'elle a demandée au professeur Preumont pour tenter de prouver que le brevet n'était pas clair. Celle-ci ne revêt d'ailleurs aucun caractère contradictoire.

Au demeurant, à suivre ce dernier, l'espace n'aurait aucune influence sur la vibration du bout de la canule. Si tel est le cas, on se pose alors la question de l'intérêt à pouvoir le calculer.

En tout état de cause, il a été démontré qu'il était aisé de faire ce calcul. Le professeur Preumont le fait également à la dernière page de son rapport puisque, pour lui cet espace (B) est égal à la demi-amplitude de la vibration (A) multipliée par la position axiale de l'espace libre par rapport à la fixation de la canule (1) divisé par la longueur de la canule (L).

Il s'en déduit que les dimensions exactes de l'espace ne devaient pas être précisées dans le brevet, ce dernier pouvant être calculé par l'homme de métier, sur la base des informations reprises dans la description. En appliquant une simple formule de trigonométrie, il lui suffit de dimensionner l'espace libre de telle sorte que la canule la moins longue qui pourrait être utilisée puisse réaliser le mouvement de nutation escompté.

Enfin, si l'appareil Vacuson est bien une réplique de l'invention, comme l'affirme l'expert Van Cutsem, désigné dans le cadre de la saisie-description, i1 faut en conclure que Nouvag, qui est un homme de métier n'a eu aucune peine à comprendre comment il fallait faire pour construire un appareil reprenant les revendications du brevet.

La demande de nullité n'est pas fondée et l'appel incident sur ce point ne l'est pas non plus.

2.- Sur la contrefaçon

18. Pour qu'il y ait contrefaçon, il n'est pas nécessaire que l'objet contrefaisant soit identique sur tous les points à l'objet contrefait. Il suffit que des éléments essentiels s'y retrouvent (Bruxelles, 17 septembre 2004, Ing.-Cons. 2004, liv. 3, 67).

Les différences secondaires ou superficielles ne sont pas de nature à exclure la contrefaçon. Il va de soi, en vertu du même principe qu'il n'y aura pas contrefaçon si le dispositif argué de contrefaçon présente une différence essentielle avec l'invention (M. Buydens, o.c., p. 198, n° 385).

19. L'appareil Vacuson peut être schématisé comme suit (schéma proposé par le docteur M.):

1 = canule

2 = porte canule (appelé 'adaptateur' par Nouvag)

3 = axe (appelé 'pilon' par Nouvag)µ

4 = organe d'entraînement mécanique

5 = espace ayant un diamètre supérieur au diamètre de l'axe

6 = boitier.

Il est présenté dans un document publicitaire de Wolf comme une combinaison d'appareils de liposuccion assortis de manière judicieuse et précise (pompe d'infiltration et d'aspiration + canule vibratoire) ... La vibration dans la canule est produite par un micromoteur intégré dans la poignée de la canule. Ce micromoteur exécute un mouvement de levée de 2,5 mm qui fait vibrer la canule sur la pièce à main.

Il est décrit, en ces termes, par l'expert Van Cutsem (qui a repris les mêmes numéros que ceux de la revendication 1):

“L'appareil de lipo-aspiration Vacuson comprend une canule d'aspiration (3), qui est prévue pour aspirer de la graisse sous-cutanée par un orifice d'entrée (14) prévu à cet effet, la canule présentant un axe longitudinal (16). Ladite canule (3) est montée sur un organe moteur mécanique (10) qui est logé dans un boîtier (2) et qui est formé par un micromoteur. Cet organe moteur possède une entrée qui est prévue pour y connecter une source d'énergie, et en particulier une source d'énergie électrique, et qui est prévue pour produire un mouvement et le transmettre à la canule (3). Le mouvement de la canule est un mouvement vibratoire, qui, par rapport à l'axe de la canule (31, peut se décomposer en deux composants, l'un selon l'axe même de la canule (3), l'autre perpendiculairement. Chaque vibration peut en effet être décomposée en deux directions perpendiculaires l'une à l'autre. Le micromoteur précité opère un mouvement d'à-coups avec une amplitude de 2,5 mm qui fait vibrer la canule.”

Cette description est tout à fait conforme à la revendication n° 1 et suffirait déjà à établir la contrefaçon.

Nouvag conteste cependant avoir contrefait la revendication de base aux motifs que:

- la translation du Vacuson est inférieure à deux millimètres alors que la revendication prévoit une amplitude de 2 mm à l cm;

- un composant de vibration n'est pas recherché et est même évité autant que possible dans le Vacuson, où il n'existe pas d'espace entre la canule et le boîtier.

a.- Sur la translation

20. Les documents publicitaires du Vacuson, diffusés tant par Nouvag que par Wolf, font état d'un mouvement de levée de 2,5 mm qui fait vibrer la canule sur la pièce à main.

Nouvag soutient que ces mentions résulteraient d'une erreur et qu'en réalité la course longitudinale de la canule serait limitée à 1,9 mm ou 1,98 mm si on tient compte de la tolérance de 0,04 mm indiquée sur les plans.

21. Le docteur M. revendique l'inventivité d'un mouvement de nutation comprenant, d'une part, une composante de translation entre 2 mm et 1 cm et, d'autre part, un composant de vibration perpendiculaire à l'axe de la canule.

A supposer que les documents publicitaires de Nouvag contiennent une erreur par rapport aux plans de l'appareil - ce que conteste le docteur M. - il convient de constater qu'eu égard à l'étendue de l'amplitude longitudinale revendiquée par le docteur M., une différence de 0,02 mm par rapport à l'amplitude minimale doit être considérée comme une différence secondaire ou superficielle, puisqu'elle n'est que de l'ordre de 1%.

En matière de contrefaçon, il y a lieu de s'attacher plus aux ressemblances qu'aux différences. Or, en l'espèce, Nouvag reconnaît que son appareil provoque un mouvement longitudinal dont l'amplitude est identique à 1% près à celle revendiquée par le docteur M.

Si les appareils sont fabriqués avec une tolérance supérieure à 0,04 mm (ce qui est dans le domaine du possible) l'amplitude de la translation dépassera les 2 mm, ce qui explique probablement pourquoi les documents publicitaires font état d'un mouvement de levée de 2,5 mm.

Il s'en déduit que la différence d'amplitude alléguée par Nouvag est sans incidente sur la contrefaçon.

b.- Sur la vibration

22. Les documents publicitaires présentent le Vacuson comme un appareil destiné à la vibroliposuccion. Il est précisé que la vibration dans la canule est produite par un petit micromoteur intégré dans la poignée de la canule et que ce micromoteur exécute un mouvement de levée de 2,5 mm qui fait vibrer la canule sur la pièce à main.

Le site Chirugie-esthétique-paris.com décrit le Vacuson en ces termes:

En 2002, les Suisses mettent au point une nouvelle machine: le Vacuson. Cet appareil permet de pratiquer un modelage du tissu graisseux: la Lipovibrosculpture. Les canules polyvalentes utilisées par cette machine permettent de traiter le tissu graisseux en apportant des vibrations spécifiques intra-tissulaire qui 'décrochent' les adipocytes sans les faire éclater comme avec les ultra-sons: c'est l'effet porte. Ce mécanisme vibratoire, grâce à cet effet, augmente l'efficacité de la liposculpture, diminue nettement la douleur, limite considérablement les réactions inflammatoires, permet un lissage de la peau beaucoup plus visible (...)

On croirait lire une description de l'invention du docteur M.

Il est donc contraire aux pièces du dossier de soutenir que le Vacuson est un appareil qui évite autant que possible la vibration et qu'il ne s'agit que d'un appareil utilisant l'ancienne technique classique de cisaillement de la graisse par un seul mouvement de va-et-vient.

23. Nouvag soutient encore que si vibration il y a, elle ne peut être provoquée par la même technique que celle revendiquée par le docteur M. puisqu'il n'y aurait pas d'espace à l'endroit où l'axe (appelée par elle 'pilon') s'insère dans le porte-canule (cf. point 5 sur la figure reproduite au point 19).

Sauf à soutenir que le mouvement transversal serait produit par la simple flexibilité de la canule, Nouvag n'explique pas comment le micromoteur produirait la vibration qu'elle revendique dans ses documents publicitaires.

Dès lors que l'expert a constaté la présence d'un espace situé entre l'axe (ou le pilon) et le boîtier lorsque l'appareil lui a été présenté, ouvert - ce qui prouve qu'il a été démonté (cf. son rapport, pages 11 et 12), il est logique de conclure que la vibration ne peut être provoquée que par cet espace. Dans ses documents publicitaires, Nouvag reconnaît d'ailleurs que c'est le micromoteur qui provoque la vibration, ce qui contredit sa thèse actuelle selon laquelle la vibration de la canule se produit naturellement en raison de sa flexibilité.

En tout état de cause, il est constant que la canule Vacuson bouge selon deux composants, ce qui fait l'objet de la revendication. Or, dans l'appréciation de la contrefaçon, si le brevet décrit un moyen technique, le fait d'utiliser un autre moyen remplissant la même fonction avec le même résultat (moyen équivalent) constitue une contrefaçon de l'invention (M. Buydens, o.c., p. 123, n° 250). Il s'en déduit que même si le mouvement transversal n'est pas produit par l'espace allégué, le docteur M. peut s'appuyer sur la théorie des équivalents puisque le moyen technique utilisé par le Vacuson, quel qu'il soit, produit un résultat semblable.

Il est donc inutile d'ordonner une nouvelle expertise.

24. Il se déduit de ce qui précède que les intimées ont bien fabriqué, offert, mis dans le commerce, importé et détenu un appareil reprenant les éléments essentiels du brevet du docteur M. et que la contrefaçon est ainsi établie.

Le fait que l'appareil Vacuson injecte en même temps un liquide est sans incidente puisque cela est étranger aux revendications.

Il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris sur ce point.

c.- Sur les mesures sollicitées

25. La demande en cessation est fondée et l'astreinte de 5.000 EUR par jour de retard est de nature à dissuader les intimées de ne pas se conformer à l'ordre de cessation.

Afin de leur permettre de récupérer les appareils éventuellement en circulation en Belgique, l'astreinte ne sera due que dans les trente jours calendrier après la signification du présent arrêt.

26. Il est reconnu - et non contesté - qu'aucun appareil n'aurait été vendu et que l'appareil détenu par Wolf n'était qu'un appareil de démonstration.

Le docteur M. ne peut donc faire valoir un quelconque préjudice matériel. Au demeurant, ce n'est pas lui qui commercialise l'appareil Lipomatic, fabriqué sous licence de son brevet.

Il n'est pas prouvé non plus qu'il aurait subi personnellement un dommage moral suite aux trois offres qui ont été faites à des acheteurs potentiels et qui n'ont pas été suivies d'effets.

La demande en paiement de 50.000 EUR de dommages et intérêts n'est donc pas fondée.

27. En revanche, les frais et honoraires d'avocat et de conseil technique exposés par la victime d'une faute extracontractuelle peuvent constituer un élément du dommage donnant lieu à indemnisation dans la mesure où ils sont nécessaires pour permettre à la victime de faire valoir ses droits à l'indemnisation de son dommage (Cass. 16 novembre 2006, JT 2007, p. 14).

En ce qui concerne les frais d'avocat, ce chef de demande ne concerne que ceux qui ont été exposés en première instance, puisque, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et frais d'avocat, aucune partie ne peut plus être tenue au paiement d'une indemnité pour l'intervention de l'avocat de l'autre partie au-delà du montant de l'indemnité de procédure.

Le docteur M. produit des justificatifs de frais de conseil technique (Bureau Gevers) pour 12.026,07 EUR. Les factures sont cependant adressées à la société luxembourgeoise MC Anton Holding. Dès lors que le docteur M. ne prouve pas qu'il serait subrogé dans les droits de cette société, il n'a pas qualité pour réclamer le remboursement des sommes payées par cette société. Ce chef de demande n'est donc pas fondé.

En ce qui concerne les frais d'avocat pour la première instance, le docteur M. produit des états d'honoraires qui lui sont adressés personnellement pour 40.455,50 EUR, jusque et compris le 14 juillet 2006 (dernier état d'honoraires avant la requête d'appel du 24 novembre 2006). Sa demande est fondée à concurrence de ce montant, augmenté des intérêts compensatoires au taux légal depuis la date moyenne du 17 octobre 2005.

28. Il convient de condamner les trois intimées, in solidum, au paiement de cette somme.

Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société suisse Nouvag AG, dès lors qu'elle offre en Belgique le produit contrefait par l'intermédiaire de son site Internet.

3.- Sur l'action en garantie

29. La société Wolf est le distributeur des appareils Vacuson en Belgique.

Elle a commandé à la société de droit suisse Nouvag AG, le 2 juin 2003, en vue de la revente à sa clientèle, un appareil Vacuson 60 LP Lipectomie avec accessoires, qui lui a été livré et facturé le 13 juin 2003 par la société de droit allemand Nouvag Dental und Medizintechnik GmbH, pour le prix de 6.164,30 EUR. Cette commande principale a été suivie de deux petites commandes complémentaires d'accessoires facturés respectivement le 28 novembre 2003 au prix de 169,53 EUR et le 11 février 2004 au prix de 79,06 EUR, soit au total 6.412,59 EUR.

Par ailleurs, elle a organisé plusieurs séances de présentation de l'appareil de démonstration qu'elle se proposait de distribuer sur le marché belge. Elle expose qu'elle a participé à l'organisation du congrès “International course on body contouring & aesth. breast surgery” le 3 décembre 2003 à 1'ULG à Liège, ce qui lui a coûté 1.240 EUR outre 1.500 EUR de rémunération d'un représentant pendant 4 jours, qu'elle a encore participé à l'organisation du congrès '4th edition The coupure Seminars' du 6 mai 2004 à Gand, dont coût: 1.000 EUR, outre 1.125 EUR de rémunération d'un représentant pendant 3 jours, et enfin qu'elle a organisé 4 visites de démonstration à l'hôpital de Hasselt Virga Jesse, ce qui représente un coût de 1.000 EUR, soit au total 5.865 EUR.

Ces montants ne sont pas contestés.

Wolf poursuit la résolution de la vente et le paiement des sommes de 6.412,59 EUR et 5.865 EUR.

30. Nouvag AG soutient qu'elle doit être mise hors de cause puisqu'en définitive la vente a été conclue avec Nouvag GmbH.

Cette dernière estime que les cours et tribunaux belges sont sans compétence pour connaître de la demande en intervention et garantie et qu'en tout état de cause, elle n'est pas fondée, dès lors qu'en vertu de ses conditions générales de vente seul le droit allemand est applicable et que sa responsabilité ne peut être engagée qu'en cas de dol ou de faute grave, inexistants en l'espèce.

31. Par échange de mails d'octobre 2004, Nouvag AG s'est engagée à assurer la direction du procès intenté par le docteur M. contre toutes les parties et à reprendre l'appareil Vacuson si le tribunal reconnaissait une violation du brevet.

En exécution des articles 8 et 9 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, les cours et tribunaux sont compétents pour connaître de la demande incidente dirigée contre cette société suisse.

La commande a été adressée à la société suisse Nouvag AG, mais a été livrée et facturée par la société allemande Nouvag GmbH, sans conclusion d'un contrat préalable avec celle-ci ou cession du contrat conclu avec la société suisse. Par ailleurs, le paiement de la facture adressée par la société allemande n'implique pas une novation par changement de débiteur. Le lien de droit entre Wolf et la société suisse n'a donc pas été rompu. En revanche, en se substituant à la société suisse, la société allemande s'est engagée personnellement sur la base de la délégation imparfaite.

Les deux sociétés Nouvag sont donc tenues, in solidum, des conséquences résultant de la vente d'un produit contrefait.

32. C'est à tort que Nouvag GmbH invoque ses conditions générales pour justifier la compétence des tribunaux allemands. Les conditions générales d'une facture, même non contestée, ne peuvent modifier le contenu d'un contrat préalable; il n'est en effet pas du pouvoir d'un cocontractant de modifier unilatéralement la convention originaire conclue sur la base de documents ne comportant aucune condition, en transmettant, ultérieurement, des conditions générales à l'occasion d'envoi de factures (Mons 17 septembre 1996, JT 1997, p. 183, Liège 1 février 1996, JLMB 1996, p. 1563, Anvers 17 mai 1995, RDC 1996, p. 980, Mons 28 mars 1990, Pas. II, p. 191, Com. Hasselt 16 février 2000, Limb.Rechtsl. 2000, p. 435).

Nouvag GmbH ne peut donc se prévaloir d'une prorogation de compétence sur la base de l'article 23 du Reglement (CE) 44/2001 du 22 décembre 2000.

Les tribunaux belges sont compétents en application de l'article 5, 1) du Règlement, des lors que les marchandises devaient être livrées en Belgique.

33. En vendant un objet contrefait, Nouvag a manqué à son obligation de garantie, notamment d'éviction.

Dès lors que les conditions générales ne sont pas opposables, il n'y a pas lieu de prendre en considération une éventuelle exonération de responsabilité du vendeur.

En tout état de cause, la vente d'un objet contrefait est une faute grave, justifiant la résolution de la vente.

La demande en intervention et garantie est donc fondée.

4.- Sur les dépens

34. Eu égard à la complexité de l'affaire et aux nombreux moyens soulevés par Nouvag, l'indemnité de procédure d'appel due au docteur M. peut être fixée à la somme de 10.000 EUR.

Il convient cependant de soustraire de l'état liquidatif des dépens déposé par le docteur M. le 3 septembre 2009, la somme de 12.026,07 EUR de frais de conseils techniques qui a été jugée non fondée.

Les dépens du docteur M. s'élèvent donc à 16.880,18 EUR.

35. Quant aux dépens de Wolf dus par Nouvag, ils peuvent être fixés au montant sollicité par elle, soit 5.356,97 EUR d'indemnités de procédure, eu égard à la complexité de l'affaire.

V.- Dispositif

Pour ces motifs,

LA COUR,

1. Dit l'appel principal recevable et fondé dans la mesure précisée ci-après.

2. Met le jugement attaqué a néant et statuant à nouveau:

a. Dit la demande originaire du docteur M. recevable et partiellement fondée;

b. Dit pour droit que les intimées sont coupables de violation du brevet européen du docteur M. en important, offrant, commercialisant, mettant dans le commerce, détenant ou utilisant des appareils de lipo-aspiration de la marque Vacuson, tels que décrits par l'expert judiciaire Paul Van Cutsem dans son rapport du 9 août 2004;

c. Condamne les intimées in solidum à cesser en Belgique les violations du brevet européen n° EP 0 971 754 du docteur M., sous peine d'une astreinte de 5.000 EUR par infraction et par jour de retard à se conformer à cet ordre de cessation dans les trente jours calendrier après la signification du présent arrêt et à lui payer 40.455,50 EUR de dommages et intérêts, augmentés des intérêts compensatoires au taux légal depuis la date moyenne du 17 octobre 2005.

3. Dit la demande en intervention et garantie introduite par Wolf contre les sociétés Nouvag recevable et fondée:

a. prononce la résolution de la vente de l'appareil Vacuson 60 LP Lipectomie avec ses accessoires, intervenue entre les parties, aux torts des sociétés Nouvag;

b. condamne in solidum les sociétés Nouvag à rembourser à Wolf la somme de 6.412,59 EUR, majorée des intérêts au taux légal depuis le 16 juin 2003 jusqu'au jour du remboursement, en contrepartie de la restitution de l'appareil et de ses accessoires, et celle de 5.865 EUR en couverture des frais en rapport avec la promotion de l'appareil contrefait, outre les intérêts compensatoires au taux légal sur cette somme depuis la date des débours.

4. Dit l'appel incident introduit par les sociétés Nouvag non fondé et les en déboute.

5. Met les dépens des deux instances à charge des sociétés Nouvag.

Les condamne à payer 16.880,18 EUR au docteur M. et 5.356,97 EUR à Wolf.