Article

Cour d'appel Bruxelles, 12/02/2009, R.D.C.-T.B.H., 2011/4, p. 297-302

Cour d'appel de Bruxelles 12 février 2009

CREDIT HYPOTHECAIRE
Contrat de crédit - Remboursement anticipé du crédit - Indemnité de remploi
L'indemnité de remploi due lors de la résiliation anticipée du crédit par le crédité est destinée à couvrir la perte subie par la banque qui correspond à la différence entre l'intérêt produit par le placement au taux du marché, du crédit remboursé anticipativement et les intérêts au taux du crédit que la banque ne perçoit plus.
HYPOTHECAIR KREDIET
Kredietovereenkomst - Vervroegde terugbetaling van het krediet - Wederbeleggingsvergoeding
De wederbeleggingsvergoeding, verschuldigd door de vervroegde terugbetaling van het krediet door de kredietnemer is bedoeld om het verlies te dekken dat de bank hierbij ondervindt. Dit verlies komt overeen met het verschil tussen enerzijds de interest die de bank verkrijgt op het bedrag van het vervroegd terugbetaalde krediet aan marktvoorwaarden en anderzijds de interesten zoals onderhandeld in het vervroegd terugbetaalde krediet, die de bank nu niet meer ontvangt.

Duplicata e.a. / Fortis Banque

Siég.: H. Mackelbert, M.-Fr. Carlier et M. Moris (conseillers)
Pl.: Mes A. Leroy et J.-P. Buyle
I. La décision attaquée

L'appel est dirigé contre le jugement du tribunal de commerce de Bruxelles rendu le 1er février 2005.

Les parties ne produisent pas d'acte de signification de ce jugement.

II. La procédure devant la cour

L'appel est formé par requête déposée par la SPRL Duplicata (ci-après dénommée Duplicata) et la société de droit français Vyf (ci-après dénommée Vyf), au greffe de la cour le 29 mars 2005.

La procédure est contradictoire.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Les faits et antécédents de la procédure

1. Duplicata a pour objet social toutes activités d'imprimerie, de photocopie, de dactylographie, d'édition, de conception publicitaire et de graphisme.

Par une convention du 9 mai 2000, la SA Fortis Banque (ci-après dénommée Fortis), accorde à Duplicata un crédit à moyen et long terme d'un montant de 14.000.000 FB “destiné à financer l'achat et la rénovation d'un immeuble situé à Ixelles, place Stéphanie, 16”.

Ce contrat prévoit que “tous les engagements présents et futurs du crédité envers la banque seront garantis par les sûretés mentionnées dans la lettre de la banque, datée du 28 avril 2000”. Suivant cette lettre, la majoration du crédit ne peut être utilisée qu'après la constitution de nouvelles sûretés, l'inscription d'une hypothèque en premier rang d'un montant de 12.650.000 FB en principal et accessoires sur l'immeuble situé à Ixelles, place Stéphanie, 16.

Par acte notarié du 30 mai 2000, Duplicata acquiert l'usufruit de cet immeuble et le gérant de cette société et son épouse en acquièrent la nue-propriété.

2. Au mois de septembre 2002, Duplicata est contactée par la SA Vortan qui lui offre d'acquérir l'immeuble pour un prix de 24.100.000 FB. Duplicata expose cette situation à son agence bancaire, ainsi que son projet d'ouvrir un supermarché en France qui impliquait la constitution d'une société en France et l'acquisition d'un immeuble.

Par mail du 15 octobre 2002, Fortis adresse à Duplicata un décompte des sommes dues en cas de remboursement anticipé du crédit. Ce décompte comprend une indemnité de remploi d'un montant de 34.989,74 EUR.

Le 24 octobre 2002, Duplicata signe un compromis de vente de l'immeuble en cause et un acompte de 10% du prix est déposé entre les mains du notaire.

Duplicata propose à Fortis le maintien du crédit en cours et d'autres sûretés en contrepartie de la mainlevée de l'hypothèque inscrite sur l'immeuble situé à la place Stéphanie.

Par courrier du 24 décembre 2002, Fortis répond à Duplicata que son projet commercial en France ne l'intéresse pas et qu'elle subordonne la mainlevée de l'hypothèque sur l'immeuble en cause au remboursement intégral des créances garanties et au paiement d'une indemnité de remploi.

Afin d'obtenir la main levée de l'hypothèque en vue de passer l'acte authentique de vente, Duplicata accepte la retenue sur le prix de vente du montant nécessaire au remboursement intégral du crédit ainsi que de l'indemnité de remploi. Ce montant de 358.504,55 EUR est versé par le notaire à Fortis.

3. Par deux citations distinctes, signifiées le 14 août 2003, Duplicata et Vyf font citer Fortis devant le tribunal de commerce de Bruxelles.

Devant le premier juge, Duplicata invite le tribunal à:

“A titre principal, condamner (Fortis) à (lui) payer la somme de 45.005,81 EUR, à majorer des intérêts moratoires et judiciaires au taux légal depuis le 21 mars 2003, ainsi que la somme de 489,96 EUR à majorer des intérêts moratoires et judiciaires au taux légal depuis le 21 mars 2003 et la somme de 2.500 EUR à majorer des intérêts compensatoires et judiciaires depuis le 21 mars 2003;

A titre subsidiaire, condamner (Fortis) à (lui) payer la somme de 35.208,99 EUR, à majorer des intérêts moratoires et judiciaires au taux légal depuis le 21 mars 2003, ainsi que la somme de 489,96 EUR à majorer des intérêts moratoires et judiciaires au taux légal depuis le 21 mars 2003 et la somme de 2.500 EUR à majorer des intérêts compensatoires et judiciaires depuis le 21 mars 2003;

Condamner (Fortis) aux entiers dépens, en ce compris l'indemnité de procédure;

Dire la décision à intervenir exécutoire par provision nonobstant tout recours et sans caution, ni cantonnement.”

4. Vyf forme les demandes suivantes:

“Condamner (Fortis) à lui payer la somme de 104.112 EUR, à majorer des intérêts moratoires et judiciaires au taux légal depuis le 21 mars 2003;

Condamner (Fortis) aux entiers dépens, en ce compris l'indemnité de procédure;

Dire la décision à intervenir exécutoire par provision nonobstant tout recours et sans caution, ni cantonnement.”

5. Fortis demande au tribunal de déclarer non fondée la demande introduite par Duplicata et forme à son encontre une demande reconventionnelle par laquelle elle invite le tribunal à la condamner à payer une indemnité de 1.500 EUR augmentée des intérêts judiciaires pour procédure téméraire et vexatoire.

Fortis forme la même demande à l'encontre de Vyf devant le premier juge.

6. Après avoir joint les causes, le premier juge déboute Duplicata et Vyf de leurs demandes principales et les condamne chacune au paiement d'une somme de 1.500 EUR majorée des intérêts judiciaires au taux légal.

7. En appel, Duplicata invite la cour, à titre principal, à condamner Fortis au paiement d'une somme de 44.448,43 EUR majorée des intérêts moratoires au taux légal depuis le 21 mars 2003, d'une somme de 489,96 EUR majorée des intérêts moratoires au taux légal depuis le 21 mars 2003 et d'une somme de 2.500 EUR à majorer des intérêts compensatoires depuis le 21 mars 2003.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de condamner Fortis au paiement d'une somme de 34.651,61 EUR majorée des intérêts moratoires au taux légal depuis le 21 mars 2003, d'une somme de 489,96 EUR majorée des intérêts moratoires au taux légal depuis le 21 mars 2003 et d'une somme de 2.500 EUR à majorer des intérêts compensatoires depuis le 21 mars 2003.

8. Vyf demande de condamner Fortis au paiement d'une somme de 104.112 EUR majorée des intérêts moratoires au taux légal depuis le 21 mars 2003.

Duplicata et Vyf demandent également de condamner Fortis au paiement d'1 EUR à titre provisionnel en indemnisation des frais de défense exposés par elles et des frais et dépens des deux instances, en ce compris l'indemnité de procédure.

9. Fortis invite la cour à confirmer le jugement dont appel et à condamner Duplicata et Vyf solidairement ou in solidum aux dépens de l'instance, en ce compris l'indemnité de procédure.

IV. Discussion
A. L'accord sur le paiement de l'indemnité de remploi

10. Duplicata soutient que le paiement de l'indemnité de remploi par l'intermédiaire du notaire, lors de la vente de l'immeuble en cause, ne vaut pas accord sur le principe de la débition d'une telle indemnité parce qu'elle n'a jamais voulu que la ligne de crédit soit résiliée et que le paiement de l'indemnité de remploi a été fait avec réserve.

Les réserves auraient été faites, d'après Duplicata, “sur les documents destinés à la banque le jour de la signature de l'acte de vente” (p. 11 des conclusions de Duplicata). Elle se réfère à un usage bancaire suivant lequel la banque soumet à la signature du client un document par lequel celui-ci accepte les conditions du remboursement anticipé du crédit. Elle se réfère, pour établir cet usage, au décompte de Fortis du 15 avril 2002 qui mentionne en majuscules et en caractères gras, “en cas de remboursement veuillez faire signer ce décompte par le client” (pièce 25 du dossier de Duplicata).

Fortis conteste l'existence d'un tel usage bancaire, de sorte que Duplicata doit en rapporter la preuve, ce qu'elle reste en défaut de faire. La seule mention précitée dans le décompte du 15 avril 2002 n'établit pas à suffisance de droit l'exi­stence d'un tel usage.

11. En tout état de cause, Duplicata était informée de la volonté de Fortis de subordonner la résiliation anticipée du crédit au paiement d'une indemnité de remploi.

La convention de crédit à moyen et long terme prévoit en effet qu' “aucun remboursement anticipé n'est autorisé”. Un mail du 15 octobre 2002 à l'attention du gérant de Duplicata concernant le décompte du remboursement anticipé du crédit au 15 janvier 2003, indique en gras le paiement d'une indemnité de remploi d'un montant de 34.989,74 EUR.

Par un courrier du 10 décembre 2002, le notaire Indekeu, agissant à la demande de Duplicata, du gérant de cette société et de son épouse, demande à Fortis un décompte du remboursement total de la créance garantie par l'inscription hypothécaire et le montant qui doit être payé afin d'obtenir la mainlevée de l'inscription hypothécaire.

En réponse à un courrier du 16 décembre 2002 par lequel l'avocat de Duplicata expose à Fortis le projet de sa cliente et son souhait de conserver l'ouverture de crédit, Fortis écrit le 24 décembre 2002, qu'elle ne souhaite pas soutenir le projet et qu'elle refuse de donner mainlevée de l'hypothèque sans un remboursement intégral des créances garanties et le paiement d'une indemnité de remploi.

Fortis écrit à Duplicata le 9 janvier 2003 qu'à la suite de la demande du notaire Indekeu du 10 décembre 2002, elle accepte de donner mainlevée de l'inscription hypothécaire moyennant le remboursement du crédit et le paiement d'une indemnité de remploi de 44.026,41 EUR.

Duplicata n'a pas contesté les conditions posées par Fortis à l'acceptation de la mainlevée de l'inscription hypothécaire exprimées dans le courrier adressé à son avocat le 24 décembre 2002 et dans celui du 9 janvier 2003.

Par conséquent, en passant l'acte de vente de l'immeuble sur lequel l'hypothèque garantissant les crédits était inscrite, Duplicata a accepté les conditions posées par Fortis à la mainlevée de cette hypothèque, à savoir, le remboursement anticipé du crédit et le paiement d'une indemnité de remploi.

Il n'est pas établi dans ces circonstances, que Duplicata aurait dû signer le jour de la signature de l'acte de vente, un document destiné à la banque par lequel elle était invitée à donner son accord sur les conditions du remboursement anticipé et sur lequel elle aurait émis des réserves quant au paiement de l'indemnité de remploi.

Le courrier du notaire Indekeu du 30 juillet 2003 dans lequel il écrit qu'à la suite de ses demandes, Fortis lui fait savoir qu'il n'y a pas de trace de l'ordre de virement signé par Duplicata, n'établit pas qu'un tel document, sur lequel des réserves auraient été exprimées, existe.

B. La qualification du crédit

12. Duplicata se prévaut de l'article 1907bis du Code civil suivant lequel, “lors du remboursement total ou partiel d'un prêt à intérêt, il ne peut en aucun cas être réclamé au débiteur, indépendamment du capital remboursé et des intérêts échus, une indemnité de remploi d'un montant supérieur à six mois d'intérêts calculés sur la somme remboursée au taux fixé par la convention”.

Le crédit consiste, d'après Duplicata, en un contrat de prêt parce qu'il répond aux caractéristiques suivantes:

- le capital emprunté a été mis à disposition en une fois par l'émission de deux chèques, le premier lors de la signature du compromis de vente et le second, lors de la passation de l'acte de vente;

- l'emprunteur a l'obligation de disposer de la totalité du montant emprunté avant le 30 septembre 2000 sous peine de sanction sous la forme de paiement d'une indemnité de remploi;

- le prêt était destiné à l'achat de l'usufruit d'un immeuble;

- le capital et les intérêts sont remboursés par des versements mensuels fixes suivant un plan de remboursement annexé au contrat;

- le prêt est soumis à la condition de l'inscription d'une hypothèque en premier rang sur l'immeuble;

- le taux d'intérêt de 6,25% est fixe sur une durée de 15 ans;

- suivant la convention, le crédit est régi par le règlement des ouvertures de crédit de la banque du 27 juin 1985, dans la mesure où ses dispositions ne sont pas incompatibles avec les termes de la présente convention.

13. Le prêt est un contrat réel par lequel la banque remet à son client la totalité de la somme d'argent convenue moyennant l'obligation de la rembourser à l'échéance convenue.

Dans l'ouverture de crédit, le banquier s'engage à accomplir des actes de crédit à concurrence d'un montant maximum et pour une période limitée ou non.

14. La convention du 9 mai 2000, intitulée “convention de crédit à moyen et long terme”, mentionne que “par lettre du 28 avril 2000, la banque a octroyé au crédité un crédit dont les formes, modalités et conditions sont les suivantes:”.

Dans la lettre du 28 avril 2000, Fortis écrit qu'elle accepte de majorer de 17.000.000 FB le montant de la ligne de crédit précédemment octroyée, sous la forme, d'une part, d'un crédit à moyen et long terme de 14.000.000 FB destiné à financer l'achat et la rénovation de l'immeuble en cause et d'autre part, de prêts à terme fixe à concurrence de 3.000.000 FB.

Cette lettre indique les conditions auxquelles la majoration du crédit est soumise. Elle précise que cette offre est valable jusqu'au 31 mai 2000 et qu'en cas d'accord, Duplicata doit la signer ainsi que les deux exemplaires de la convention CMLT (crédit moyen et long terme).

Cette lettre a été signée le 9 mai 2000 par le gérant de Duplicata, soit le même jour que la convention de crédit à moyen et long terme.

La lettre du 28 avril 2000 et la convention de crédit moyen et long terme forment un tout, parce que la lettre prévoit qu'en cas d'acceptation de l'offre qu'elle exprime, la copie de cette lettre doit être signée, de même que les deux exemplaires de la convention CMLT. Ces deux documents ont d'ailleurs été signés le même jour et ils ne peuvent être pris indépendamment l'un de l'autre.

Le courrier du 28 avril 2000 qualifie le crédit en cause de majoration du montant de la ligne de crédit octroyée précédemment. Il s'agit donc bien, suivant l'offre de Fortis acceptée par Duplicata le 9 mai 2000, d'une ouverture de crédit.

15. Contrairement à ce que soutient Duplicata, les fonds n'ont pas été mis à disposition en une seule fois.

Le crédit à moyen et long terme, d'un montant de 14.000.000 FB, a pour objet le financement de l'achat et de la rénovation de l'immeuble. D'après Duplicata, cette somme aurait été mise à disposition par la remise de deux chèques, l'un de 1.300.000 FB correspondant à l'acompte sur le prix d'achat de l'immeuble, l'autre de 13.688.000 FB correspondant au solde du prix d'achat.

Si Duplicata produit la copie du chèque qui correspond à l'acompte de 1.300.000 FB, elle ne démontre pas que cette somme provient du compte crédit à moyen et long terme.

D'après le relevé du compte du crédit à moyen et long terme, les sommes suivantes ont été débitées de ce compte (pièce 35 du dossier de Fortis):

- 13.688.000 FB le 30 mai 2000;

- 59.500 FB le 26 juillet 2000;

- 100.000 FB le 26 juillet 2000;

- 152.000 FB le 1er juillet 2000.

La somme de 13.688.000 FB correspond à une partie du prix d'achat de l'immeuble. Les sommes de 100.000 FB et de 152.500 FB représentent des frais de rénovation de l'immeuble justifiés par une facture comme le prévoit la convention de crédit à moyen et long terme (pièces 21 et 22 du dossier de Fortis).

La somme de 152.500 FB a d'abord été payée par le crédit de caisse mais ce compte a été crédité par le débit du compte du crédit à moyen et long terme (pièce 36 du dossier de Fortis).

Le prélèvement sur le compte du crédit à moyen et long terme pour les frais de rénovation de l'immeuble est prévu par la convention suivant laquelle, “chaque prélèvement se fera par la banque sur base d'un duplicata des justificatifs (ou des factures) relatifs à l'investissement muni d'une instruc­tion de paiement ou de la preuve de leur paiement quand les factures ont déjà été payées”.

Le prélèvement sur le compte crédit à moyen et long terme de ces deux sommes a été fait par la banque sur la base d'une facture de l'entrepreneur adressée à Duplicata et qui a dû être communiquée par celle-ci à Fortis en vue d'effectuer le prélèvement.

La somme de 59.500 FB a été débitée du compte crédit à moyen et long terme par le crédit du compte de crédit de caisse (pièces 35 et 36 du dossier de Fortis).

16. Le montant du crédit de 14.000.000 FB n'a, dans les faits, pas été mis à la disposition de Duplicata en un seul versement, ce qui n'est d'ailleurs pas prévu par la convention.

D'après cette convention, le crédit doit être entièrement utilisé pour le 30 septembre 2000 au plus tard et la non-utilisation de tout ou partie du crédit donne lieu au paiement d'une indemnité de remploi. Ces caractéristiques ne sont pas celles d'un prêt mais d'une ouverture de crédit.

La circonstance que, d'après Duplicata, le taux du crédit en cause est égal ou inférieur au taux des emprunts hypothécaires n'est pas pertinente en l'espèce, pour qualifier la convention en cause de prêt.

S'agissant d'une convention de crédit et non d'un prêt, l'article 1907bis ne lui est pas applicable.

C. Mode de calcul de l'indemnité de remploi

17. Duplicata soutient que le montant de l'indemnité de remploi excède manifestement le préjudice subi par Fortis du fait du remboursement anticipé du crédit et que cette indemnité ne repose pas sur des éléments objectifs entrés dans le champ contractuel.

Pour les motifs développés plus haut, en procédant à la vente de l'immeuble sur lequel l'hypothèque était inscrite à titre de sûreté du crédit, Duplicata a accepté les conditions posées par Fortis à la mainlevée de cette hypothèque qui consistent en un remboursement anticipé du crédit assorti d'une indemnité de remploi. Ces conditions ont été clairement exposées dans le courrier adressé par Fortis au notaire Indekeu agissant à la demande de Duplicata et dans le courrier adressé par Fortis à Duplicata elle-même.

Duplicata savait qu'en passant l'acte de vente, elle devait payer l'indemnité de remploi dont le décompte lui a été communiqué.

Lors du remboursement anticipé d'un crédit, la banque subit une perte parce qu'elle ne reçoit plus les intérêts au taux convenu par ce crédit, alors qu'elle doit continuer à payer l'intérêt de l'emprunt auprès de sa source de financement. Les banques n'octroient en effet pas les crédits au moyen de fonds propres mais par des sources de financement extérieures. La perte de la banque correspond à la différence entre l'intérêt produit par le placement du crédit remboursé anticipativement et les intérêts au taux de ce crédit qu'elle ne perçoit plus.

L'équilibre du contrat de crédit consenti par la banque est rompu si lors du remboursement anticipé de ce crédit, le capital remboursé produit un intérêt inférieur au taux prévu dans le contrat, alors que la banque doit continuer à payer l'intérêt de l'emprunt contracté pour consentir ce crédit. La perte d'intérêt est actualisée en fonction de la date contractuellement prévue parce que la perte se réalise à chaque échéance future. L'indemnité de remploi correspond donc à la somme des pertes futures actualisées.

L'indemnité de remploi est destinée à compenser cette perte et correspond au dommage de la banque qui trouve sa cause dans la résiliation anticipée du contrat de crédit par le client. Ce mécanisme est expliqué dans la note interne à Fortis relative à l'indemnisation de la banque en cas de remboursement anticipé dans le crédit à moyen et long terme (pièce 25 du dossier de Fortis). Cette note interne démontre que l'indemnité de remploi en cas de remboursement anticipé d'un crédit correspond à une pratique bancaire et qu'en conséquence, Fortis ne doit pas prouver qu'elle aurait pu consentir de nouveaux prêts au moyen des sommes remboursées anticipativement ni à quel taux.

Le taux du crédit à moyen et long terme consenti à Duplicata le 9 mai 2000 est un taux fixe de 6,25%, alors que d'après le décompte de Fortis au 9 janvier 2003 et le taux de référence chez Gottex Brokers, les taux de références sont inférieurs (pièces 11 et 28 du dossier de Fortis).

18. La communication par Fortis de cinq décomptes entre le 15 avril 2002 et le 5 mai 2003, qui comportent chacun une indemnité de remploi d'un montant différent, ne signifie pas que cette indemnité serait calculée sur la base de critères qui ne sont pas objectifs, comme le soutient Duplicata.

L'augmentation de l'indemnité de remploi entre le 15 avril 2002 et le 5 mai 2003 s'explique par la baisse du taux d'intérêt du marché, ce qui signifie que Fortis n'a pu replacer les fonds remboursés anticipativement qu'à des conditions moindres qu'en 2002.

D'après Gottex Brokers, l'un des deux plus grands courtiers qui déterminent le taux du marché interbancaire en euro et auquel Duplicata se réfère également, le taux du marché a diminué d'environ 1% entre avril 2002 et janvier 2003 (pièces 27 et 28 du dossier de Fortis).

Comme le crédit a été remboursé par Duplicata en janvier 2003, soit pendant la période de baisse du marché interbancaire, Fortis subit une perte plus importante du fait de ce remboursement anticipé en janvier 2003, ce qui a pour conséquence, l'augmentation à due concurrence de l'indemnité de remploi.

19. La circonstance qu'entre les mois d'octobre 1998 et août 2000, les taux de références étaient nettement en hausse chez Gottex Brokers (pièce 27 du dossier de Duplicata) n'est pas pertinente en l'espèce, parce que la perte de la banque prêteuse a lieu au moment du remboursement anticipé du crédit. L'indemnité de remploi doit donc être calculée en fonction des taux de référence au moment du remboursement anticipé du crédit, soit en l'espèce, en janvier 2003.

De même, le fait que Duplicata n'a payé qu'une indemnité de remploi de 20.000 FB pour le remboursement anticipé d'un crédit le 11 août 2000 n'est pas pertinent. La convention de crédit qui fait l'objet de la présente cause exclut la résiliation anticipée, ce qui implique que Fortis pouvait soumettre l'acceptation de la mainlevée de l'hypothèque inscri­te en garantie de ce crédit au remboursement anticipé et à la réparation du dommage subi du fait de la baisse des taux du marché, par le biais de l'indemnité de remploi.

(…)

E. Les demandes d'indemnités pour les fautes de Fortis

21. Duplicata demande le paiement d'une somme de 2.500 EUR à titre d'indemnisation du préjudice subi en raison des fautes de Fortis qui consistent à avoir exigé le remboursement anticipé du crédit et le paiement d'une indemnité de remploi contractuellement non due alors qu'elle n'a subi aucun préjudice.

Pour les motifs exposés plus haut, Fortis n'a commis aucune faute en soumettant l'acceptation de la mainlevée de l'hypothèque demandée par Duplicata, inscrite en garantie du crédit, au remboursement anticipé de ce crédit, qui est exclu par la convention, et au paiement d'une indemnité de remploi, destinée à indemniser Fortis du dommage résultant de la baisse établie des taux d'intérêts au moment du remboursement du crédit.

En l'absence de faute de Fortis, la demande de dommages et intérêts formulée par Duplicata est non fondée.

22. Vyf demande la condamnation de Fortis au paiement d'une somme de 104.112 EUR qui correspond aux intérêts et frais du crédit qu'elle a dû contracter en France en raison du manque de liquidités résultant de la retenue par Fortis de l'indemnité de remploi. Elle soutient qu'en l'absence de cette retenue, le gérant de Duplicata et son épouse, qui sont ses actionnaires, auraient disposé des fonds nécessaires à la réalisation de son investissement.

Pour les motifs déjà exposés, l'exigence du paiement de l'indemnité de remploi par Fortis n'est pas constitutive de faute, de sorte que la demande de dommages et intérêts formulée par Vyf n'est pas fondée.

(…)

V. Dispositif

Pour ces motifs, la cour,

1. Reçoit l'appel introduit par Duplicata et le dit très partiellement fondé;

Réforme le jugement entrepris uniquement en tant qu'il a prononcé sa condamnation au paiement d'une indemnité de 1.500 EUR pour procédure téméraire et vexatoire;

Statuant à nouveau sur ce chef de la demande, dit pour droit qu'une telle indemnité n'est pas due par Duplicata;

2. Reçoit l'appel introduit par Vyf, le dit non fondé et l'en déboute.

(…)