Cour constitutionnelle 16 décembre 2010
ASSURANCE VIE
Article 124 de la loi sur le contrat d'assurance terrestre - Constitutionnalité - Rapport successoral
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Aff.: n° 147/2010 |
Dans l'arrêt n° 96/2008 du 26 juin 2008, la Cour constitutionnelle a jugé l'article 124 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre contraire au principe d'égalité et de non-discrimination énoncé aux articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il “a pour effet que la réserve ne peut être invoquée à l'égard du capital en cas d'opération d'épargne par le decujus sous la forme d'une assurance vie mixte”. Il découle, en substance, de cet arrêt que le bénéfice procuré par une opération d'épargne prenant une telle forme est dorénavant soumis à l'application des règles de droit commun relatives à la protection des héritiers réservataires et doit, en cas d'atteinte à la réserve héréditaire, faire l'objet d'une réduction, au sens du droit successoral. Pareille réduction ne peut plus être subordonnée à la condition, énoncée à l'article 124 de la loi sur le contrat d'assurance terrestre, tenant au caractère manifestement exagéré du financement du contrat au regard de la situation de fortune du souscripteur.
Se prononçant sur la réserve, l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 juin 2008 avait laissé ouverte la question de la conformité à la Constitution du régime dérogatoire au droit commun qu'institue cet article 124 également en ce qui concerne le rapport, lequel concerne l'égalité entre les héritiers légaux, réservataires ou non. Au prix d'une motivation plutôt succincte, la Cour constitutionnelle dissipe cette zone d'ombre dans son arrêt du 16 décembre 2010, en excluant une violation des articles 10 et 11 de la Constitution par ledit article 124 en ce que celui-ci a trait au rapport. A l'appui de cette solution, elle souligne que, tandis que les règles relatives à la protection de la réserve héréditaire sont impératives (hormis les exceptions prévues par la loi elle-même), l'obligation de rapport ne concerne pas les donataires autres que les héritiers légaux et ces derniers peuvent, du reste, être dispensés de cette obligation par la volonté du donateur. Elle ajoute que la circonstance que les donations prenant une forme autre que l'assurance vie relèvent, en vertu du Code civil, d'une présomption d'obligation de rapport alors que les donations sous la forme d'une telle assurance relèvent, en vertu de l'article 124 de la loi sur le contrat d'assurance terrestre, d'une présomption de dispense de rapport, ne saurait être jugée constitutive d'une différence de traitement injustifiée, étant donné que, dans un cas comme dans l'autre, le decujus a la possibilité de faire primer sa volonté pour écarter l'obligation de rapport.