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Interprétation d'un contrat d'assurance de la responsabilité des dirigeants: premiers pas en jurisprudence, R.D.C.-T.B.H., 2011/2, p. 179-180

ASSURANCE
Assurance terrestre - Assurance de dommages - Assurance responsabilité - Assurances mandataires sociaux et personnel dirigeant - Entity cover - Notion de tiers - Limite temporelle de la garantie - Paiement des frais et honoraires d'avocats
En l'espèce, il ressort du contrat d'assurance de la responsabilité des dirigeants que l'implication d'un tiers étranger aux demanderesses n'est pas une condition nécessaire à l'intervention de l'assureur. D'autre part, il ressort de ce contrat que les demanderesses se sont vues accorder la qualité d'assuré, cette couverture n'étant cependant accordée que dans les limites de la garantie 'entity cover'. Les ASBL ne peuvent soutenir qu'elles seraient des dirigeants de droit au sens de la police, ne pouvant se prétendre dirigeant ou mandataire social d'elles-mêmes.
Les sinistres invoqués se situent dans les limites temporelles de la garantie. C'est vainement que l'assureur invoque à cet égard l'article 78, § 2, 2ème alinéa, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre. Cet alinéa n'est pas d'application en l'espèce, les parties n'ayant pas prévu les conditions d'assurances requises pour l'application de cet alinéa et figurant à l'alinéa 1er du même article [1].
VERZEKERING
Landverzekering - Schadeverzekering - Aansprakelijkheidsverzekering - Verzekeringen bestuurders en leidinggevend personeel - Entity cover - Begrip derden - Dekking in de tijd - Betaling van kosten en erelonen van de advocaten
In deze zaak blijkt uit de bestuurdersaansprakelijkheidsverzekering dat de betrokkenheid van een voor de verzoekers onbekende derde geen noodzakelijke vereiste is voor de tussenkomst van de verzekeraar. Anderzijds blijkt uit dit contract dat de verzoekers de hoedanigheid van verzekerden hadden gekregen terwijl de dekking enkel binnen de grenzen van de 'entity cover'-waarborg viel. De VZW's kunnen niet betogen dat zij de wettelijke bestuurders zijn in de zin van de polis, aangezien zij zich niet kunnen identificeren als bestuurder of maatschappelijk lasthebber van zichzelf.
De ingeroepen schadegevallen situeren zich binnen de temporele beperkingen van de waarborg. De verzekeraar doet daarbij tevergeefs beroep op artikel 78, § 2, 2de alinea, van de wet van 25 juni 1992 op de landverzekeringsovereenkomst. In deze zaak is deze alinea niet van toepassing aangezien de partijen geen verzekeringsbepalingen hebben voorzien die vereist zijn voor de toepassing van deze alinea en die vermeld staan in het 1ste lid van hetzelfde artikel [2].
Interprétation d'un contrat d'assurance de la responsabilité des dirigeants:
premiers pas en jurisprudence
Cécile Coune [3]

1.Dans cette affaire, le tribunal de commerce de Bruxelles examine l'application d'un contrat d'assurance de la responsabilité des dirigeants à quatre sinistres (litiges) mettant en cause plusieurs associations sans but lucratif et certains administrateurs (personnes physiques et personnes morales) pour des faits remontant à fin 1999 et courant 2000 et que le tribunal qualifie de 'sériels'. Ce jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 13 novembre 2008 intéressera le lecteur comme l'une des très rares décisions ayant pour objet l'interprétation d'un contrat d'assurance de la responsabilité des dirigeants [4]. On note que ce jugement est frappé d'appel.

Cette décision met en lumière trois des principales questions qui se posent dans la mise en oeuvre de ce type de garantie, soit l'application de la garantie ratione personae, ratione temporis et ratione materiae.

2.Application de la garantie ratione personae. Typiquement, dans ce genre de litiges mettant en cause diverses parties, des questions se posent quant aux personnes qui bénéficient de la garantie du contrat et celles qui en sont exclues. A cette fin, on examine à la lumière du contrat d'assurance quels sont les protagonistes dans les litiges en responsabilité sous-jacents à l'appel à la garantie de l'assureur, et en quelle qualité ces parties ont été mises à la cause. En l'espèce, le tribunal juge que le fait que les litiges qui ont donné lieu à la réclamation contre l'assureur concernent des assurés entre eux n'est pas déterminante. La solution retenue ressortirait des termes du contrat. A cet égard, on note cependant que certaines polices excluent expressément les actions en responsabilité qui seraient dirigées par un ou plusieurs assurés contre un ou plusieurs autres d'entre eux, en tout cas dans certaines circonstances [5].

Dans ce type d'assurance se pose aussi la question de savoir si les personnes morales attraites en justice sont ou non des dirigeants couverts ou, en d'autres termes, si ces personnes ont la qualité d'assuré [6]. En règle, en effet, ce type de garantie vise à couvrir les conséquences pécuniaires d'une mise en cause de la responsabilité de dirigeants personnes physiques sur leur patrimoine propre. On note qu'en l'espèce, la couverture a été étendue par une clause dite 'entity coverage'. Les garanties de la police litigieuse, souscrite il y a plusieurs années, semblent particulièrement larges.

3.Application de la garantie ratione temporis. L'article 78, § 2 al. 1 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (LCAT), tel qu'amendé par la loi du 16 mars 1994, autorise dans certaines branches de la responsabilité civile, dont l'assurance de la responsabilité des dirigeants, l'assurance sur la base dite 'claims made', par opposition à une couverture de type 'loss occurrence'. Sur la base 'claims made', l'élément déterminant de la couverture est la réclamation du tiers lésé, qui doit être introduite pendant la période de couverture pour entrer dans les limites temporelles de celle-ci. Les réclamations ultérieures ne sont en principe pas couvertes. Sur une base dite 'loss occurrence', l'élément déterminant est le moment de la survenance du dommage. C'est le principe général prévu à l'article 78, § 1er, LCAT, avec pour conséquence la couverture des réclamations ultérieures sans limitation dans le temps.

Lorsque l'assurance est prévue sur la base 'claims made', comme le sont habituellement les contrats d'assurance de la responsabilité des dirigeants, l'article 78, § 2 al. 2 LCAT impose une garantie de postériorité. Pourvu qu'elles soient formulées par écrit dans un délai de trente-six mois après la fin du contrat, l'assureur reste tenu de couvrir les demandes en réparation de dommages survenus avant la fin du contrat si le risque n'est pas couvert par un autre assureur, ainsi qu'à des actes ou faits pouvant donner lieu à un dommage, survenus et déclarés à l'assureur avant la fin du contrat. On considère toutefois que les parties peuvent convenir de dispositions dérogatoires à celles de l'article 78, § 2 al. 2 LCAT lorsqu'elles sont plus favorables au preneur ou aux assurés [7].

En l'espèce, le tribunal juge que les sinistres invoqués se situent dans les limites temporelles de la garantie et que “c'est vainement que l'assureur invoque à cet égard l'article 78, § 2, 2ème alinéa, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre; cet alinéa n'est pas d'application en l'espèce, les parties n'ayant pas prévu les conditions d'assurances requises pour l'application de cet alinéa, et figurant à l'alinéa 1er du même article”. Contrairement à la plupart des contrats d'assurance de ce type, le contrat d'assurance litigieux ne semble pas avoir été (expressément) conclu sur la base dite 'claims made' [8].

4.Application de la garantie ratione materiae. Il ne semble pas contesté en l'espèce que l'objet des litiges ait trait à la gestion des ASBL concernées et entre a priori dans le champ d'application de l'assurance de la responsabilité des dirigeants. Actori incumbit probatio. Le tribunal “doit être en mesure de vérifier que les frais et honoraires (d'avocats) dont le remboursement est réclamé ont été exposés dans le cadre d'une réclamation couverte par la police”. A ce titre, le tribunal rejette une série de frais qu'il juge indûment réclamés ou ordonne la réouverture des débats pour préciser certains montants.

5.Conclusion. Ce jugement illustre quelques questions qui se posent régulièrement dans la mise en oeuvre d'un contrat d'assurance de la responsabilité des dirigeants. L'interprétation qu'en fait le tribunal en l'espèce et ses conséquences sur l'obligation de garantie de l'assureur soulignent que seule une analyse approfondie des conditions d'assurance applicables permet de mesurer les limites du transfert contractuel du risque, au cas par cas. A cet égard, nous renvoyons à la contribution intitulée “De verzekering van de aansprakelijkheid van bedrijfsleiders in de praktijk”, rédigée avec Thérèse Loffet, publiée dans ce même numéro.

[1] Cette décision est frappée d'appel.
[2] Er is beroep ingesteld tegen deze beslissing.
[3] Avocat Liedekerke Wolters Waelbroeck Kirkpatrick.
[4] Pour un autre cas d'application d'un contrat d'assurance de la responsabilité des dirigeants, voy. Comm. Tongres 30 janvier 2007, RDC 2007, pp. 916 -923.
[5] J.-F. Goffin, “Prévention et couverture de la responsabilité des administrateurs et dirigeants”, Les responsabilités des dirigeants d'entreprise au quotidien, Seminarie Vanham & Vanham, 7 octobre 2010, p. 33; N. Gilbert, “De verzekering van bestuurdersaansprakelijkheid”, RGAR 2010, 14670.
[6] Si tel n'est habituellement pas le cas, la qualité d'assuré est cependant généralement acquise, à certaines conditions, à la personne physique représentant permanent de cette personne morale administrateur.
[7] M. Fontaine, Droit des assurances, Précis, 3ème éd., Bruxelles, Larcier, 2006, n° 702 et références en note infrapaginale n° 118, p. 422.
[8] Nous n'avons cependant pas vu ce contrat.