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Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 04/05/2010, R.D.C.-T.B.H., 2010/7, p. 698-699

Cour de justice de l'Union européenne 4 mai 2010

DROIT JUDICIAIRE EUROPÉEN ET INTERNATIONAL - RÈGLEMENT CE N° 44/2001 DU 22 DÉCEMBRE 2000
Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution de décision en matière civile et commerciale - Règlement (CE) n° 44/2001 - Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions - Champs d'application - Relation avec d'autres conventions - Reconnaissance et exécution - Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR)

TNT Express Nederland BV / AXA Versicherung AG

Aff.: n° C-355/08

Dans l'affaire TNT, la Grande Chambre de la CJUE a été amenée à se pencher sur la question de l'articulation entre les régimes de reconnaissance et d'exécution des jugements instaurés par le règlement Bruxelles I et la Convention de Genève de 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route ('convention CMR'). Plus particulièrement, la Cour a dû répondre à la question de savoir si, dans le cas où la compétence du juge de fond a été établie sur la base de la Convention CMR, la reconnaissance et l'exécution de la décision de ce juge est soumise au régime du titre III du Règlement Bruxelles I, et, plus particulièrement à l'interdiction de contrôler la compétence des juridictions qui statuent au fond, consacrée à l'article 35, point 3, de ce règlement.

Cette question, déférée à la Cour par le Hoge Raad des Pays-Bas, trouve son origine dans des litiges parallèles, engagés entre un transporteur néerlandais (TNT) et l'assureur de la cargaison (AXA), soumis à la CMR et relatifs à la responsabilité pour la perte de la cargaison confiée à TNT. C'est le transporteur qui a agi en premier en envoyant ce que d'aucuns nomment une 'torpille', c'est-à-dire en introduisant aux Pays-Bas une action déclaratoire visant à faire dire pour droit qu'il ne répondait envers AXA d'aucun dommage en raison de la perte des marchandises transportées. L'assureur a, pour sa part, introduit en Allemagne une action en réparation du dommage subi par son client en raison de la perte des mêmes marchandises. Etant donné que la procédure allemande a commencé environ deux ans après la procédure aux Pays-Bas, le transporteur a soulevé l'exception de litispendance prévue à l'article 31, paragraphe 2, de la CMR. Les tribunaux allemands ont rejeté l'argumentation de TNT et l'ont condamnée à verser une indemnité. L'assureur a alors entamé la procédure visant à faire exécuter la décision du tribunal allemand aux Pays-Bas, procédure au cours de laquelle le transporteur a demandé de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour d'appel de La Haye statue sur le recours introduit contre la décision du tribunal de première instance rejetant son action déclaratoire négative. Le transporteur considérait en outre que la reconnaissance des décisions du tribunal allemand était manifestement contraire à l'ordre public néerlandais puisque, en vertu de la règle de litispendance prévue à l'article 31, paragraphe 2, de la CMR, ce tribunal n'était pas compétent pour connaître de l'action d'AXA. Cette dernière estimait en revanche que la reconnaissance et l'exécution de la décision allemande était soumise au Règlement Bruxelles I, et notamment à son article 35, paragraphe 3, conformément auquel le juge néerlandais ne pouvait contrôler la compétence du juge allemand, le critère de l'ordre public visé à l'article 34, point 1, de ce règlement ne pouvant être appliqué aux règles de compétence. C'est dans ce contexte que la Cour suprême néerlandaise a posé à la CJUE une série de questions relatives à la fois à l'interprétation de l'article 71 du Règlement Bruxelles I qui régit les questions de l'articulation entre ce règlement et d'autres instruments concernant la compétence internationale et la reconnaissance et exécution des décisions dans les matières spécifiques, et des dispositions de la CMR régissant l'exception de la litispendance.

En répondant à ces questions la Cour de Luxembourg, a tranché en faveur de l'application du régime spécifique de la CMR, et la soumettant à une série de conditions assez vagues. La Cour a notamment souligné que pour qu'elles puissent être appliquées, les règes d'une convention internationale telle que la CMR doivent présenter un haut degré de prévisibilité, faciliter une bonne administration de la justice et permettre de réduire au maximum le risque de procédures concurrentes, ainsi d'assurer, dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues par le Règlement Bruxelles I, la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale et la confiance réciproque dans la justice au sein de l'Union. Dans le même temps, la Cour s'est déclarée incompétente pour interpréter la convention CMR, laissant ainsi les questions du Hoge Raad relatives à celle-ci sans réponse.