Cour de cassation 23 avril 2010
INSOLVABILITE
Faillite - Effets - Obligations - Dessaisissement - Arrêt des saisies imposées par la faillite - Restitution des produits d'une procédure de saisie
En vertu de l'article 16, 1er alinéa, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le failli est, à compter du jour du jugement déclaratif de la faillite, dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens et tous paiements, opérations et actes faits par le failli depuis ce jour sont inopposables à la masse.
Aux termes de l'article 25, 1er alinéa, de la même loi, le jugement déclaratif de la faillite arrête toute saisie faite à la requête des créanciers chirographaires et des créanciers bénéficiant d'un privilège général.
Il suit de ces dispositions que le curateur à la faillite du débiteur saisi est en droit de se faire remettre par l'huissier de justice instrumentant les fonds saisis qui n'ont pas encore été distribués lors de la survenance de la faillite, soit toutes sommes non encore remises à ce moment aux créanciers bénéficiaires de la distribution.
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INSOLVENTIE
Faillissement - Gevolgen - Verbintenissen - Buitenbezitstelling - Ophouden van gelegde beslagen door faillissement - Teruggave van opbrengsten uit een beslagprocedure
Op grond van artikel 16, 1ste lid, Faill.W. verliest de gefailleerde van rechtswege het beheer over al zijn goederen te rekenen van de dag van het vonnis van faillietverklaring en alle betalingen verrichtingen en handelingen van de gefailleerde gedaan vanaf de dag van het vonnis zijn niet tegenstelbaar aan de boedel.
Op grond van artikel 25, 1ste lid, Faill.W. doet het vonnis van faillietverklaring elk beslag gelegd ten verzoeke van de gewone en algemeen bevoorrechte schuldeisers ophouden.
Hieruit volgt dat de curator van het faillissement van de beslagene gerechtigd is om de sommen waarop beslag werd gelegd terug te vorderen van de tussenkomende gerechtsdeurwaarder, indien deze nog niet werden verdeeld voor de faillietverklaring, m.n. alle sommen die op dat moment nog niet werden uitbetaald aan de begunstigde schuldeisers.
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Office national de sécurité sociale / P. J.-L., curateur à la faillite de la SA Béton Métal Construction
Siég.: Ch. Storck (président), D. Batselé, A. Fettweis, Ch. Matray et G. Steffens (conseillers) |
MP: A. Henkes (avocat général) |
Pl.: Mes A. De Bruyn et Fr. T'Kint |
I. | La procédure devant la Cour |
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 26 juin 2008 par la cour d'appel de Liège.
Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport.
L'avocat général André Henkes a conclu.
II. | Le moyen de cassation |
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées |
- articles 1627, 1629 et 1630 du Code judiciaire;
- articles 16, 18 et 25 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.
Décisions et motifs critiqués |
L'arrêt, réformant le jugement dont appel, condamne le demandeur à payer au défendeur 8.695,85 EUR avec les intérêts au taux légal depuis le 23 janvier 2007, par les motifs suivants:
“(Le premier juge) a exposé les faits donnant lieu au litige, rappelant qu'une saisie-arrêt pratiquée à charge de la société (Béton Métal Construction) avait produit 17.970,90 EUR que l'huissier de justice a répartis suivant le procès-verbal de distribution par contribution qu'il avait établi le 7 novembre 2006 et qui, à défaut de contredit, était devenu définitif le 22 novembre 2006.
L'huissier avait donc, conformément à son projet, viré les fonds disponibles le 24 novembre 2006, le paiement étant parvenu [au demandeur] le 28 novembre 2006, soit après la déclaration de faillite survenue le 27 novembre 2006.
La procédure de distribution par contribution organisée par les articles 1627 et suivants du Code judiciaire s'applique à la saisie-arrêt.
Si une procédure collective, par exemple la faillite du débiteur saisi, survient alors que les fonds se trouvent chez l'huissier, la distribution par contribution ne devient pas sans objet et est diligentée par l'huissier qui, après prélèvement de ce qui revient aux créanciers privilégiés spéciaux, remettra les fonds destinés aux créanciers chirographaires et aux privilégiés généraux au représentant de la masse, soit le curateur, chargé d'effectuer pour celle-ci la répartition (...). Après la déclaration de faillite, il appartient au curateur de se faire remettre par l'huissier les fonds qui n'ont pas encore été distribués.
Il s'agit donc essentiellement de vérifier en l'espèce si les fonds avaient été distribués, c'est-à-dire si le paiement aux créanciers avait été opéré avant ou après la survenance de la faillite, seule la première hypothèse permettant au créancier de conserver les fonds sortis du patrimoine du débiteur saisi. Ce n'est en effet que par la remise des fonds aux créanciers que la saisie prend fin et que le produit de la saisie sort du patrimoine du débiteur (Civ. Bruxelles 2 juin 2000, JLMB 2001, 181).”
Griefs |
Contrairement à ce qu'affirme l'arrêt, ce n'est pas par la remise effective des fonds aux créanciers saisissants, en l'espèce, la remise de la somme de 8.695,85 EUR au demandeur, que la saisie-arrêt-exécution prend fin et que le produit de la saisie sort du patrimoine du débiteur.
La saisie-arrêt-exécution a en l'espèce pris fin et les deniers saisis sont sortis du patrimoine de la société faillie (la société Béton Métal) dès l'instant où, en l'absence de contredit, ils ont été remis à l'huissier instrumentant avec mission de les répartir conformément au projet de répartition définitivement approuvé.
L'article 1627 du Code judiciaire prévoit à ce propos que, “quinze jours au plus tard après la vente ou la saisie des deniers, l'huissier de justice invite les créanciers saisissants ou opposants à faire parvenir en ses bureaux, dans les quinze jours, la déclaration et la justification de la créance en principal, intérêts et frais”.
L'article 1629 du Code judiciaire dispose qu'“à l'expiration du délai prévu à l'article 1627, au plus tard dans les quinze jours de l'invitation qui lui est donnée par la partie la plus diligente, l'huissier de justice dresse un projet de répartition”.
Et l'article 1630 du Code judiciaire ajoute que, “dès l'expiration du délai prévu à l'article 1629, lorsque aucun contredit n'a été formé, l'huissier de justice est tenu de répartir les deniers conformément au projet”.
Certes, en vertu de l'article 16 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, “le failli, à compter du jour du jugement déclaratif de la faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens [...]. Tous paiements faits par le failli depuis ce jour sont inopposables à la masse”, tandis que l'article 25 énonce que “le jugement déclaratif de la faillite arrête toute saisie faite à la requête des créanciers chirographaires et des créanciers bénéficiaires d'un privilège général. Si antérieurement à ce jugement, le jour de la vente forcée des meubles ou immeubles saisis a déjà été fixé et publié par les affiches, cette vente a lieu pour le compte de la masse. Néanmoins, si l'intérêt de la masse l'exige, le juge-commissaire peut, sur la demande des curateurs, autoriser la remise ou l'abandon de la vente”.
Il ressort de ces dispositions que, ce qui est arrêté par le jugement déclaratif de la faillite, ce sont les ventes et autres actes d'exécution, telle une saisie-arrêt-exécution.
Mais lorsque la vente a eu lieu, lorsque, comme en l'espèce, les deniers saisis ont été remis à l'huissier avec mission de les distribuer conformément à un projet de répartition définitif, l'exécution de la saisie-arrêt a pris fin et le jugement déclaratif de la faillite ne peut donc arrêter la distribution des deniers.
A tort, l'arrêt oppose-t-il que la distribution des deniers serait l'acte final de la saisie-arrêt-exécution et qu'elle n'est accomplie que par la remise des fonds aux créanciers concernés.
La distribution par contribution du produit d'une vente ou d'une saisie-arrêt est, par nature même, postérieure à la saisie puisque, lorsqu'il y a distribution des deniers saisis, il n'y a plus de saisie. En effet, alors que la saisie-arrêt rendait les deniers indisponibles, leur distribution, plus précisément leur remise à l'huissier avec mission de les répartir, constitue un paiement du débiteur.
Ceci est indirectement confirmé par l'article 1630 du Code judiciaire, qui impose à l'huissier instrumentant de répartir les deniers conformément au projet de répartition dès l'expiration du délai prévu à l'article 1629.
En l'occurrence, puisque la remise des fonds à l'huissier instrumentant a constitué un paiement qui a précédé la faillite, les deniers saisis ne se trouvaient plus dans le patrimoine de la société Béton Métal Construction au moment de l'ouverture de la faillite.
En l'espèce, lorsque la faillite de la société Béton Métal Construction a été déclarée, l'huissier instrumentant avait non seulement reçu mission de répartir les deniers selon un projet de répartition définitif, mais il les avait déjà virés aux créanciers concernés. Le paiement par la société et l'obligation de répartir les deniers reçus imposée à l'huissier par l'article 1630 étaient, par conséquent, entièrement accomplis et la saisie-arrêt-exécution, entièrement terminée, sans égard au fait que les créanciers n'ont effectivement été crédités des fonds qu'après le jugement déclaratif de la faillite. Ce jugement ne pouvait en effet arrêter un paiement et une distribution des deniers par répartition déjà faits.
En résumé, ce n'est que si la saisie-arrêt litigieuse n'avait pas été entièrement terminée au moment du jugement déclaratif de la faillite de la société Béton Métal Construction que le défendeur eût pu exiger que les deniers saisis lui soient remis. Ce n'était plus possible dès l'instant où le projet de répartition des fonds était devenu définitif et où l'huissier instrumentant avait reçu les deniers avec mission de les répartir entre les différents créanciers conformément audit projet.
Il s'ensuit que l'arrêt n'a pu légalement décider que le demandeur devait remettre au défendeur la somme de 8.695,85 EUR que l'huissier instrumentant lui avait déjà versée au motif que la saisie-arrêt n'avait pas pris fin lors de ce versement et que les fonds se trouvaient par conséquent encore dans le patrimoine du failli lors du jugement déclaratif de la faillite de la société Béton Métal Construction (violation de l'ensemble des dispositions légales citées en tête du moyen).
III. | La décision de la Cour |
En vertu de l'article 16, 1er alinéa, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le failli est, à compter du jour du jugement déclaratif de la faillite, dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens et tous paiements, opérations et actes faits par le failli depuis ce jour sont inopposables à la masse.
Aux termes de l'article 25, 1er alinéa, de la même loi, le jugement déclaratif de la faillite arrête toute saisie faite à la requête des créanciers chirographaires et des créanciers bénéficiant d'un privilège général.
Il suit de ces dispositions que le curateur à la faillite du débiteur saisi est en droit de se faire remettre par l'huissier de justice instrumentant les fonds saisis qui n'ont pas encore été distribués lors de la survenance de la faillite, soit toutes sommes non encore remises à ce moment aux créanciers bénéficiaires de la distribution.
Le moyen, qui soutient que les deniers saisis ne doivent plus être remis au curateur lorsque, avant l'ouverture de la faillite, le projet de répartition de l'huissier de justice est devenu définitif par l'expiration du délai prévu à l'article 1629 du Code judiciaire pour former un contredit, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de 429,05 EUR envers la partie demanderesse et à la somme de 276,11 EUR envers la partie défenderesse.
(…)