Article

Cour de cassation, 09/10/2009, R.D.C.-T.B.H., 2010/7, p. 637-638

Cour de cassation 9 octobre 2009

INSOLVABILITE
Faillite - Procédure - Juge-commissaire - Autorisation - Opposition de tiers contre les ordonnances du juge-commissaire
Aucune disposition de la loi sur les faillites n'exclut la tierce opposition des voies de recours pouvant être exercées contre les ordonnances du juge-commissaire ou ne soumet cette voie de recours à des conditions dérogatoires au droit commun.
INSOLVENTIE
Faillissement - Rechtspleging - Rechter-commissaris - Machtiging - Derdenverzet tegen beschikkingen van de rechter-commissaris
Geen enkele bepaling van de faillissementswet sluit het derdenverzet uit van de rechtsmiddelen die tegen de beschikkingen van de rechter-commissaris kunnen worden ingesteld of onderwerpt die rechtsmiddelen aan voorwaarden die van het gemeen recht afwijken.

SA Cosabel et SA Sorest-B / L. Austraet, curateur à la faillite de la SA Le Buffet de Godefroid

Siég.: Ch. Storck (président), D. Batselé, Ch. Matray, M. Regout et A. Simon (conseillers)
MP: Ph. de Koster (avocat général délégué)
Pl.: Me Fr. T'Kint
I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 10 décembre 2007 par le tribunal de commerce de Bruxelles, statuant en dernier ressort.

Le conseiller Christine Matray a fait rapport.

L'avocat général délégué Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation

Les demanderesses présentent un moyen libellé dans les termes suivants:

Dispositions légales violées

- articles 812, 1028, spécialement 2ème alinéa, 1030, 1033 et 1122 du Code judiciaire;

- articles 35, spécialement 5ème alinéa, et 37 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.

Décisions et motifs critiqués

Après avoir constaté que le défendeur, en sa qualité de curateur à la faillite de la SA Le Buffet de Godefroid, a été autorisé, par ordonnance du juge-commissaire rendue par application de l'article 49 de la loi du 8 août 1997, à vendre certains actifs de la faillite, le jugement attaqué déboute les demanderesses de la tierce opposition qu'elles ont formée contre cette ordonnance par les motifs suivants:

“Cependant, à bon droit, le défendeur fait observer que l'autorisation donnée sur [la base] de l'article 49 de la loi sur les faillites n'est pas ouverte aux tiers.

Le juge-commissaire, en effet, n'a pas juridiction à l'égard des tiers (...).

La tierce opposition n'est ouverte qu'aux personnes qui avaient qualité pour intervenir dans l'instance originaire.

En l'espèce, les demanderesses, tierces à la procédure de l'article 49 devant le juge-commissaire, n'avaient pas qualité pour intervenir.

Leur tierce opposition n'est dès lors pas recevable.”

Griefs
Première branche

L'article 1122 du Code judiciaire, qui énonce la règle générale, ouvre la voie de la tierce opposition à “toute personne qui n'a point été dûment appelée et n'est pas intervenue à la cause”, sans énoncer aucune autre condition.

L'article 1033 du même code énonce la même règle, s'agissant de la tierce opposition formée contre une décision rendue sur requête unilatérale, en disposant que “toute personne qui n'est pas intervenue à la cause, en la même qualité, peut former opposition à la décision qui préjudicie à ses droits”.

Aucune disposition de la loi du 8 août 1997 ne déroge à cette règle.

Au contraire, l'article 37 de la loi, de portée générale, dispose que les décisions rendues en matière de faillite “sont susceptibles de recours conformément au Code judiciaire”. L'article 35, 5ème alinéa, s'agissant des ordonnances rendues par le juge-commissaire qui, en règle, le sont sur requête unilatérale, reconnaît expressément que ces ordonnances sont susceptibles de recours, lesquels “sont portés devant le tribunal”.

Il s'en déduit que tout tiers qui justifie de l'intérêt requis est reçu à former tierce opposition contre l'ordonnance du juge-commissaire, autorisant le curateur à vendre certains actifs, rendue sur requête unilatérale par application de l'article 49 de la loi du 8 août 1997, et que cette tierce opposition n'est soumise à aucune autre condition que celle énoncée par les dispositions citées du Code judiciaire.

Le jugement attaqué, qui dit non recevable la tierce opposition des demanderesses aux motifs a) que “l'autorisation donnée sur [la base] de l'article 49 de la loi sur les faillites n'est pas ouverte aux tiers”, b) que le juge-commissaire “n'a pas juridiction à l'égard des tiers” et c) que “la tierce opposition n'est ouverte qu'aux personnes qui avaient qualité pour intervenir dans l'instance originaire”, ne justifie pas légalement sa décision, en soumettant l'exercice de cette voie de recours à des conditions qu'aucune disposition légale n'énonce (violation des art. 1033 et 1122 du Code judiciaire, 35, spécialement 5ème al., et 37 de la loi du 8 août 1997).

Seconde branche

L'article 812 du Code judiciaire autorise un tiers, qui justifie de l'intérêt requis, à intervenir “devant toutes les juridictions, quelle que soit la forme de la procédure”.

Les articles 1028, spécialement 2ème alinéa, et 1030 du Code judiciaire reconnaissent, de façon implicite mais certaine, ce droit d'intervention d'un tiers dans une procédure sur requête unilatérale.

Aucune disposition de la loi sur les faillites ne déroge à cette règle.

Il s'en déduit qu'un tiers intéressé est recevable à intervenir devant le juge-commissaire saisi sur requête unilatérale du curateur d'une demande d'autorisation de vendre certains actifs par application de l'article 49 de la loi du 8 août 1997.

En conséquence, en disant non recevable la tierce opposition formée par les demanderesses à l'ordonnance du juge-commissaire aux motifs a) que “l'autorisation donnée sur [la base] de l'article 49 de la loi sur les faillites n'est pas ouverte aux tiers”, b) que le juge-commissaire “n'a pas juridiction à l'égard des tiers” et, singulièrement, c) que “la tierce opposition n'est ouverte qu'aux personnes qui avaient qualité pour intervenir dans l'instance originaire”, circonstances qui, pour le jugement, feraient obstacle à l'exercice de cette voie de recours, le jugement attaqué ne justifie pas légalement sa décision (violation des art. 812, 1028, spécialement 2ème al., et 1030 du Code judiciaire).

III. La décision de la Cour
Quant à la première branche:

Le jugement attaqué déclare irrecevable la tierce opposition formée par les demanderesses contre l'ordonnance du juge-commissaire autorisant le défendeur, sur la base de l'article 49 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, à vendre certains actifs.

La tierce opposition est, conformément aux articles 1033 et 1122 du Code judiciaire, ouverte à toute personne qui n'a point été dûment appelée ou n'est pas intervenue à la cause en la même qualité contre une décision qui préjudicie à ses droits.

En vertu de l'article 35, 5ème alinéa, de la loi du 8 août 1997, les recours contre les ordonnances du juge-commissaire sont portés devant le tribunal de commerce.

Si l'article 37, 2ème alinéa, 4., dispose que ne sont susceptibles ni d'opposition ni d'appel les jugements statuant sur les recours formés contre les ordonnances du juge-commissaire rendues dans les limites de ses attributions, aucune disposition de cette loi n'exclut la tierce opposition des voies de recours pouvant être exercées contre les ordonnances de ce juge ou ne soumet cette voie de recours à des conditions dérogatoires au droit commun.

Par aucun des motifs que le moyen reproduit, le jugement attaqué ne justifie légalement sa décision.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Par ces motifs

La Cour

Casse le jugement attaqué;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;

Renvoie la cause devant le tribunal de commerce de Nivelles.

(…)