Article

Pour une théorie de l'acte de concurrence illicite affranchie des articles 1382 et 1383 du Code civil, R.D.C.-T.B.H., 2010/7, p. 563-593

Pour une théorie de l'acte de concurrence illicite affranchie des articles 1382 et 1383 du Code civil

Thierry Léonard [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

Section I. La filiation entre l'action en responsabilité civile extra-contractuelle et l'action en cessation commerciale

Section II. L'action en cessation des actes de concurrence illicite n'est pas une action en responsabilité civile extra-contractuelle A. La cessation d'un acte de concurrence illicite n'est pas la réparation d'un dommage

B. Un acte de concurrence illicite n'est pas une faute mais un acte objectivement illicite

C. L'acte de concurrence illicite n'implique pas un dommage certain et personnel

Section III. L'exercice illicite des libertés économiques comme fondement de l'action en cessation commerciale

Conclusions

RESUME
L'auteur livre ici ses réflexions sur les liens tissés entre la théorie des actes de concurrence illicite sanctionnés par l'action en cessation commerciale et l'action en responsabilité civile.
Il rappelle d'abord l'origine de la filiation entre les deux actions en remontant aux sources, l'arrêté royal n° 55 du 23 décembre 1934 ainsi qu'aux principaux commentaires de l'époque. Une nette différence semble d'emblée faite entre les deux actions. Pourtant, suite aux arrêts de la Cour de cassation du 25 novembre 1943, doctrine et jurisprudence reconnaissent à l'acte de concurrence illicite un caractère exclusivement extra-contractuel.
L'auteur souligne ensuite l'éloignement toujours plus grand des deux actions quant à l'objet étudié. La cessation d'un acte de concurrence illicite ne peut se confondre avec la réparation d'un dommage. Un acte de concurrence illicite ne constitue pas une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil. Il n'implique pas un dommage certain et personnel. Il n'y a partant pas de lien causal requis entre la faute et le dommage.
Il en conclut que l'action en cessation commerciale est aujourd'hui à ce point spécifique que l'on ne peut plus considérer trouver dans les articles 1382 et 1383 du Code civil un fondement à la théorie des actes de concurrence illicite et à l'action en cessation commerciale. Il ne s'agit plus d'un contentieux de réparation mais d'un contentieux de l'illicite, bridé seulement par la nécessité d'une potentialité d'atteinte aux intérêts professionnels du demandeur ou aux intérêts du consommateur.
Ce constat serait vain si aucun autre fondement n'était recherché à la théorie de l'acte de concurrence illicite. Ce fondement est recherché au départ de la qualification de liberté et des modes de résolution de conflit propres à ces pouvoirs (qui ne sont pas les mêmes que pour les droits subjectifs). Le problème de la théorie des actes de concurrence illicite revient à tenter de résoudre les conflits qui naissent lorsque l'entreprise exerce ses libertés économiques (liberté de commerce et d'entreprendre, liberté de contracter, liberté de concurrence, …) d'une manière qui apparaît illicite et, en définitive inacceptable au regard des devoirs naissant des droits, subjectifs, libertés et intérêts d'autrui, voire de l'intérêt général.
L'exercice de ces libertés est illicite chaque fois qu'il enfreint des devoirs qui s'imposent à l'entreprise dans l'exercice de ses activités économiques. L'attribution égalitaire des libertés économiques provoque des devoirs spécifiques de prise en compte des libertés et intérêts d'autrui, l'acte étant illicite en fonction des circonstances dans lesquelles il a été posé par le titulaire qui n'a pas eu le comportement qui s'imposait de la nécessaire prise en compte des libertés d'autrui, voire de leurs intérêts légitimes. On retrouve les actes de concurrence illicite originaires considérés hier comme 'contraires aux usages honnêtes' ou aujourd'hui comme 'contraires aux pratiques du marché' ou 'contraires à la diligence professionnelle'.
De plus, l'exercice d'une liberté économique ne peut se concevoir - comme l'exercice de toute liberté civile - que dans le nécessaire respect des droits subjectifs d'autrui qui s'imposent par principe aux titulaires de ces libertés (devoirs de respect des droits subjectifs de propriété, des droits subjectifs de propriété intellectuelle ou des droits subjectifs de créance). On comprend alors que le non-respect d'obligations contractuelles peut parfaitement constituer un acte de concurrence illicite puisqu'il y a violation d'une obligation juridique qui s'impose au débiteur par la force obligatoire du contrat. En amont de toute question de responsabilité, la théorie du concours des responsabilités paraît exclue en la matière.
Enfin, l'entreprise doit, comme tout un chacun, respecter les lois et règlements qui lui imposent des comportements ou abstentions déterminés.
Aucun de ces devoirs ne naît d'une application des articles 1382 et 1383 du Code civil. La réparation - qu'elle soit contractuelle ou extra-contractuelle - n'apparaît plus dès lors que comme une sanction possible de l'acte de concurrence illicite. Ses conditions sont spécifiques et ne peuvent se confondre avec celles de la cessation de l'acte.
Outre l'existence d'un acte illicite, la condition de l'atteinte aux intérêts professionnels ou aux intérêts des consommateurs au sens de la loi sur les pratiques du marché limite le champ matériel du conflit soumis au juge des cessations commerciales. L'interdiction n'est pas là pour permettre une sanction spécifique à toute illicéité commise par les entreprises dans le cadre de leurs activités. L'illicéité est spécifique en ce qu'elle ne peut se comprendre qu'à l'aune des intérêts qui sont potentiellement violés. Ces intérêts sont la mesure de l'acte de concurrence illicite qui le distingue de tout autre acte, fut-il interdit.
Cette manière d'envisager l'acte de concurrence illicite, détachée du carcan des conditions de l'action en responsabilité, permet d'entrevoir un élargissement de la notion d'acte de concurrence illicite à la lumière des objectifs actuels de la libre concurrence.
SAMENVATTING
In dit artikel geeft de auteur zijn beschouwingen weer over de samenhang tussen de theorie van daden van onrechtmatige mededinging waar die enerzijds worden gesanctioneerd door de vordering tot staking en anderzijds door de burgerrechtelijke vordering tot schadevergoeding.
Vooreerst wijst hij op de oorsprong van de juridische band tussen beide vorderingen door terug te grijpen naar de initiële (rechts)bronnen, zijnde het koninklijk besluit nr. 55 van 23 december 1934 en de voornaamste commentaren uit die tijd. Hierbij wordt er reeds van in het begin een duidelijk onderscheid gemaakt tussen de twee rechtsvorderingen. Naar aanleiding van de arresten van het Hof van Cassatie van 25 november 1943, kennen de rechtsleer en de rechtspraak nochtans een exclusief buitencontractueel karakter toe aan de daad van onrechtmatige mededinging.
Vervolgens onderstreept de auteur het steeds groter wordende onderscheid tussen de twee types van rechtsvorderingen die het voorwerp uitmaken van deze studie. De stopzetting van een daad van onrechtmatige mededinging, valt niet te verwarren met het herstel van schade d.m.v. schadevergoeding. Een daad van oneerlijke mededinging vormt immers geen fout in de zin van de artikelen 1382 en 1383 van het Burgerlijk Wetboek en houdt geen vaststaande en persoonlijke schade in. Bijgevolg is er dan ook geen vereiste tot oorzakelijk verband tussen de fout en de schade.
De auteur besluit dat de (commerciële) vordering tot staking vandaag de dag zo specifiek is, dat in de artikelen 1382 en 1383 van het Burgerlijk Wetboek niet langer een grond kan worden gevonden voor de theorie van onrechtmatige mededinging en vordering tot staking. Het gaat hier niet meer om geschillen tot schadeloosstelling maar om geschillen over de onwettigheid van een handeling, slechts beheerst door een mogelijke inbreuk op de professionele belangen van de eiser of op de belangen van de consument.
Deze bevinding zou weinig zin hebben indien er geen andere grond werd gezocht voor de theorie van de daad van onrechtmatige mededinging. Deze grondslag wordt gezocht bij de kwalificatie van vrijheid en de manieren om een conflict op te lossen die eigen zijn aan deze bevoegdheden (die niet dezelfde zijn dan voor de subjectieve rechten). Het probleem van de theorie van daden van onrechtmatige mededinging kan worden herleid tot het trachten op te lossen van conflicten die ontstaan (vrijheid van handel en ondernemen, vrijheid om te contracteren, vrijheid van concurrentie, …) op een manier die ongeoorloofd blijkt te zijn, en niet accepteerbaar ten aanzien van de verplichtingen die voortvloeien uit subjectieve rechten, vrijheden en belangen van anderen, en zelfs het algemene belang.
De uitoefening van deze vrijheden is ongeoorloofd telkens als deze een inbreuk maken op de verplichtingen die gelden voor de onderneming in de uitoefening van haar economische activiteiten. De gelijke toewijzing van de economische vrijheden leidt tot specifieke verplichtingen om rekening te houden met de vrijheden en belangen van anderen. De daad is onrechtmatig in functie van de omstandigheden waarin deze worden gepleegd door de rechtsonderhorige die niet de houding heeft gehad die zich opdringt omwille van de noodzaak de vrijheden van anderen, zelfs hun legitieme belangen, in acht te nemen. Waar de daden van onrechtmatige mededinging gisteren nog werden beschouwd als 'in strijd met de eerlijke handelsgebruiken' worden ze vandaag beschouwd als 'in strijd met de marktpraktijken' of 'in strijd met de professionele toewijding'.
Bovendien kan de uitoefening van een economische vrijheid - zoals bij iedere burgerrechtelijke vrijheid - enkel worden begrepen mits het noodzakelijke respect voor de subjectieve rechten van anderen die zich in principe opdringen aan de houders van deze vrijheden (de plichten tot eerbiediging van de subjectieve eigendomsrechten, intellectuele eigendomsrechten en vorderingsrechten). Men begrijpt dus dat de niet-naleving van contractuele verplichtingen perfect een daad van onrechtmatige mededinging kan uitmaken aangezien er een overtreding is van een juridische verplichting die zich aan de schuldenaar opdringt door de bindende kracht van de overeenkomst. Voorafgaand aan elk aansprakelijkheidsvraagstuk, lijkt de theorie van de samenloop van aansprakelijkheden in deze materie uitgesloten te zijn.
Uiteindelijk moet de onderneming, zoals iedereen, de wetten en regelgeving eerbiedigen die haar een bepaald gedrag of onthoudingen opleggen.
Geen van deze verplichtingen vloeit voort uit de toepassing van de artikelen 1382 en 1383 van het Burgerlijk Wetboek. De schadeloosstelling - zij het contractueel dan wel buitencontractueel - blijkt niet meer dan een mogelijke sanctie van een daad van oneerlijke mededinging te zijn. De voorwaarden hiervoor zijn specifiek en kunnen niet worden verward met deze die gelden voor de stopzetting van de handeling.
Buiten het bestaan van een onrechtmatige daad, beperkt de voorwaarde van schade aan de professionele belangen of de belangen van de consumenten in de zin van de wet op de marktpraktijken het materiële toepassingsgebied van het geschil dat aan de (commerciële) stakingsrechter wordt voorgelegd. Het verbod is er niet om een specifieke sanctie toe te kennen aan elke onrechtmatigheid begaan door de ondernemingen in het kader van hun activiteiten. De onrechtmatigheid is specifiek in die zin dat ze enkel kan worden begrepen in correlatie met de belangen die potentieel zijn geschonden. Deze belangen zijn bepalend voor de daad van ongeoorloofde concurrentie die haar van om het even welke andere - zelfs verboden - handeling onderscheidt.
Dergelijke manier om een daad van onrechtmatige mededinging te beoordelen, los van het keurslijf van de voorwaarden m.b.t. aansprakelijkheidsvordering, laat een uitbreiding toe van het begrip 'daad van onrechtmatige mededinging' in het licht van de handeling van de huidige doelstellingen van de vrijheid van mededinging.
Introduction

1.La problématique étudiée et son contexte - Feu la loi sur les pratiques du commerce, devenue aujourd'hui loi sur les pratiques du marché à l'heure où nous écrivons ces lignes [2], a subi bien des modifications durant ces trois dernières années.

Si l'on appréhende celles-ci par le biais de l'action en cessation des actes de concurrence illicite, les changements principaux apparaissent au niveau de l'élargissement de la compétence du juge des cessations commerciales au contentieux de la contrefaçon et à une réécriture complète de la règle d'interdiction des actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale préjudiciables aux consommateurs, rebaptisés pratiques commerciales déloyales.

Le moment paraît dès lors propice à revisiter la question toujours controversée de la nature de l'action en cessation commerciale sanctionnant les actes de concurrence illicite: actes contraires aux pratiques honnêtes du marché et pratiques commerciales déloyales [3]. Traditionnellement rattachée à l'action en réparation extra-contractuelle, la filiation ainsi posée en termes de principe paraît rarement remise fondamentalement en cause. Cependant, la doctrine a souligné à différentes reprises les caractéristiques propres de l'action en cessation - principalement en ce qui concerne le dommage et le lien causal - qui se démarquent assurément des conditions d'application traditionnelles des articles 1382 et 1383 du Code civil.

Elle a fait récemment l'objet d'une attaque en règle au départ d'une des plus importantes conséquences de la filiation entre l'action en cessation et de l'action en responsabilité civile extra-contractuelle: le rejet de la qualification d'actes de concurrence illicite aux manquements purement contractuels et l'application de la théorie du concours des responsabilités civiles contractuelle et extra-contractuelle [4].

Nous avions déjà exprimé nos doutes par rapport à l'opinion majoritaire ainsi qu'à ses conséquences [5]. Surtout, l'assimilation paraît masquer la nature réelle du conflit soumis au juge de la cessation commerciale: un contentieux de l'illicite propre à l'exercice de libertés économiques.

Nous n'avons ni la volonté, ni les moyens dans un simple article, de faire le tour de l'ensemble de la controverse. Tous les aspects du problème ne seront pas abordés ici.

Notre but est uniquement de montrer que le refus de l'assimilation, qui paraît justifié à bien des égards, permet de redécouvrir ce qui apparaît comme le véritable fondement de l'action en cessation commerciale: les libertés économiques qui sous-tendent l'activité économique des entreprises [6]. Nous tenterons de nous expliquer par une application de la théorie des libertés civiles, développée dans nos récents travaux [7]. Un tel retour aux libertés économiques paraît en effet porteur d'enseignements propices à revisiter une problématique en perpétuelle évolution.

2.Plan de la contribution - Il n'est pas inutile de revenir sur l'origine du constat de l'affirmation commune - mais parfois nuancée - de l'assimilation de l'action en cessation avec l'action en responsabilité extra-contractuelle (art. 1382 et 1383 du Code civil) (Section I).

Un relevé des divergences des sanctions des deux actions et, partant, de leurs conditions d'application permet cependant de constater leur éloignement grandissant. Franchissant un pas supplémentaire, nous défendrons l'idée que l'action en cessation commerciale est aujourd'hui à ce point spécifique qu'elle ne peut plus être considérée comme une application - fut-elle particulière - de l'action en responsabilité civile extra-contractuelle issue des articles 1382 et 1383 du Code civil. Elle apparaît au contraire comme une action en cessation de toute concurrence illicite indépendante de l'action en responsabilité (Section II).

Nous tenterons ensuite de montrer que la notion d'acte de concurrence illicite peut se comprendre par un retour au fondement réel de la matière, à savoir l'exercice des libertés 'civiles' économiques que sont les libertés de commerce, de concurrence et de contracter et leurs déclinaisons spécifiques. C'est que, pensons-nous, ce fondement permet d'envisager plus adéquatement la sanction de cessation qui s'y attache ainsi que ses conditions (Section III).

Nous conclurons ensuite par une rapide mise en exergue des principales conséquences théoriques et pratiques d'une telle conception.

Section I. La filiation entre l'action en responsabilité civile extra-contractuelle et l'action en cessation commerciale

3.Une filiation historique - Si les articles 1382 et 1383 du Code civil hantent la matière, c'est d'abord et surtout parce qu'à l'origine, seules ces dispositions permettaient aux cours et tribunaux de sanctionner des actes de concurrence déloyale [8]. Une importante jurisprudence s'était développée sur cette base, constituant un creuset précieux au sein duquel s'est développée la théorie de la concurrence déloyale.

L'application en la matière de l'action en réparation a néanmoins vite montré ses limites 'comme moyen de répression' [9] de la concurrence déloyale. Le monde commercial se plaignait d'une carence législative en la matière qui finissait par nuire à la loyauté commerciale [10]. On en appelait à l'adoption d'une loi de 'police' efficace du commerce [11].

L'arrêté royal n° 55 du 23 décembre 1934“protégeant les producteurs, commerçants et consommateurs contre certains procédés tendant à fausser les conditions normales de concurrence”, pris en exécution de l'article 10 bis de la Convention d'Union de Paris, introduisit alors l'action en cessation commerciale en droit belge: le président du tribunal de commerce reçoit ainsi pour la première fois la compétence d'ordonner la cessation d'un“acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale”.

On explique traditionnellement la création de cette action par le souci de se départir de l'application stricte des conditions d'application des articles 1382 et 1383 du Code civil, peu adaptées aux besoins spécifiques de la matière. On vise généralement la nécessité de prouver un dommage, la durée et les coûts de la procédure en réparation mais surtout l'absence d'effet pour l'avenir de la décision de réparation qui n'empêche pas la réitération de l'acte [12] comme son incapacité à produire des effets à l'égard de tiers à la procédure [13].

Les conditions de la nouvelle action ont ensuite progressivement été interprétées au seul regard de celles de l'action originaire en réparation extra-contractuelle, dont l'action en cessation n'aurait été qu'une application au contexte commercial. La Cour de cassation, dans ses arrêts célèbres du 25 novembre 1943 [14], édictés dans la lignée du non moins célèbre arrêt du 16 mars 1939 [15], a emporté l'opinion en ce sens. Sont alors exclus de la notion d'acte de concurrence illicite ceux trouvant uniquement leur source dans une faute contractuelle.

4.L'interlude oublié des premières années d'application de l'arrêté royal n° 55 - La filiation entre l'action en cessation et l'action en réparation extra-contractuelle, entraînant l'importation de tout ou partie des conditions d'application des articles 1382 et 1383 du Code civil, n'allait pourtant pas d'elle-même.

Originellement, l'action en cessation n'est pas justifiée dans l'exposé des motifs qui précède l'arrêté royal n° 55 par référence à l'action en responsabilité civile extra-contractuelle. Il n'y est nullement fait mention des actions en réparation civile si ce n'est pour indiquer que “Il va de soi que les dispositions du projet ne suppriment aucun recours en réparation que la législation et la jurisprudence actuelles reconnaissent aux personnes qui ont été victimes d'actes de concurrence déloyale” [16]. Le texte originel de l'arrêté royal n° 55 - pas plus que les textes actuels - ne font mention explicite des conditions de faute, de dommage et de lien causal.

Une relecture des premiers commentaires de l'époque montre d'ailleurs une tendance claire à distinguer assez précisément les deux actions.

D'abord parce qu'elles ne prévoient pas la même sanction: la cessation de l'acte de concurrence déloyale n'est pas la réparation du préjudice subi.

Comme l'indique Louis Fréderick “l'une a pour effet de faire cesser l'usurpation, l'autre d'assurer la réparation du préjudice” [17]. La cessation a un objet spécifique qui est différent de l'ancienne action en réparation. Le but premier est de faire cesser l'acte de concurrence déloyale, la réparation relevant d'un autre juge et d'un autre débat [18].

Il distingue alors les conditions d'intentement de l'action en cessation en indiquant qu'elle ne requérait plus de prouver l'existence d'un dommage, en ne parlant dès lors plus non plus, fort logiquement, de la condition du lien causal et en ne visant plus les conditions d'imputabilité, de dommage et de causalité qu'en ce qui concerne les actions en réparation [19].

Même l'avocat général Cornil - pourtant à la source de la filiation actuelle des deux actions - indique dans ses célèbres conclusions précédant l'arrêt du 16 mars 1939 que “Le président du tribunal de commerce ordonne simplement la cessation, il ne peut ordonner la réparation du préjudice, c'est l'action existant antérieurement qui doit être intentée.” [20].

Du reste, l'exclusion de toute idée de réparation obtenue par le biais de l'action en cessation ressort de la finalité qui lui était assignée et des déficiences qu'elle était sensée pallier.

Le but exprimé était, on l'a vu, de constituer une loi de 'police' ayant principalement en vue la répression des actes de concurrence déloyale. Le débat s'était du reste à l'époque focalisé sur l'opportunité et le choix des modalités de la pénalisation des actes en cause. Le rapport indique qu'au lieu d'ériger en infraction la commission de l'acte, il était apparu préférable d'en assurer rapidement la cessation par une action spéciale introduite devant une juridiction civile, ce qui protégerait plus efficacement les demandeurs qu'une poursuite répressive [21]. Seule est alors retenue comme infraction pénale le manquement à l'injonction ordonnée par le juge commercial. Comme le souligne l'avocat général, “C'est donc pour arriver à la répression pénale de la concurrence déloyale qu'a été instituée l'action en cessation.” [22].

Ensuite, les deux actions sont distinguées parce que leur champ d'application est perçu comme différent. A priori, les actes de concurrence déloyale ne sont pas uniquement des actes illicites d'origine extra-contractuelle. Comme l'indique un auteur d'alors: “Le premier des usages honnêtes du commerce consiste d'ailleurs dans le respect des conventions librement consenties.” [23].

C'est pourquoi il semble que la doctrine et la jurisprudence se refusaient majoritairement à limiter le champ d'application de l'arrêté aux quasi-délits à l'exclusion des actes pris en violation de contrats [24]. Comme l'énonçait Louis Hendrickx, “Quoi de plus clair, quoi de plus précis: une action spéciale, une juridiction nouvelle, permettant de faire cesser rapidement tous actes qui tendraient à fausser les conditions normales de la concurrence: aucune allusion n'est faite aux dispositions des articles 1382 et suivants ni aux obligations contractuelles; la base de l'action éventuelle en dommages et intérêts est donc indifférente pour apprécier le procédé reproché et sa compatibilité éventuelle avec le libre jeu d'une concurrence normale.” [25].

Enfin, il semble aussi que les auteurs qui se sont penchés sur l'effet de l'autorité de chose jugée du jugement de cessation aient perçu celui-ci comme très limité, ce qui montre bien que les conditions des actions n'étaient pas considérées comme identiques. Ainsi, le commentateur du Répertoire pratique du droit belge énonce que “le défendeur ne sera plus recevable à contester devant le juge du fond ni que l'acte ait été commis, ni que cet acte ait un caractère illicite” [26].

5.L'affirmation de la filiation entre l'action en cessation et l'action en responsabilité civile par la Cour de cassation - Prenant le contre-pied de cette opinion, semble-t-il majoritaire, la Cour de cassation considéra néanmoins dans la première espèce des arrêts du 25 novembre 1943 [27] que l'acte de concurrence déloyale se limitait au domaine de l'article 1382 du Code civil.

Elle se fonde principalement sur le fait que les actes visés par la Convention d'Union de Paris se limitaient à un tel domaine et que l'arrêté royal reprenait cette notion dans son prescrit en ne visant, à titre exemplatif, que des actes répréhensibles à titre extra-contractuel [28]. Elle considère en outre que des actes qui ne seraient répréhensibles que du point de vue contractuel ne pouvaient fausser les conditions normales de concurrence.

Comment comprendre cette prise de position qui ne paraissait nullement s'imposer dans le contexte doctrinal et jurisprudentiel de l'époque?

Cet arrêt doit sans doute être lu à la suite de l'arrêt de la Cour du 16 mars 1939 [29] qui a tranché la controverse relative à la possibilité du juge des cessations de connaître des faits de contrefaçon, en l'espèce un droit de marque.

On connaît les critiques qui ont été portées ensuite à cet arrêt [30] et le long cheminement qui conduisit ensuite d'abord à l'exclusion légale de toute compétence du juge des cessations en la matière puis aux modifications législatives de 2007.

Il convient néanmoins de souligner que l'arrêt de 1939, afin de justifier sa position, avait déjà attribué le fondement de l'action en concurrence déloyale à l'article 1382 du Code civil pour la distinguer de l'action en contrefaçon, sans avoir aucun égard au caractère spécial et spécifique de la nouvelle action [31].

La Cour s'appuyait pour ce faire sur les conclusions de l'avocat général Cornil. Ce dernier utilisait spécifiquement l'opinion doctrinale et jurisprudentielle d'alors considérant qu'il n'était pas concevable que la contrefaçon d'une marque de fabrique puisse donner lieu à d'autres actions que celles prévues par la loi du 1er avril 1879. On visait essentiellement ici l'action en concurrence déloyale introduite sur la base de l'article 1382 du Code civil, disposition qui seule fondait une telle action avant l'arrêté royal n° 55 [32]. Selon lui, les auteurs de l'arrêté royal n° 55 connaissaient cette doctrine et jurisprudence antérieures et n'avaient pas entendu la modifier. Bien entendu, pour que le raisonnement tienne, il fallait que la nouvelle action ne présente pas une autre nature que celle, extra-contractuelle, fondée sur l'article 1382 du Code civil.

A partir de ce moment, la Cour ne pouvait plus, sans se contredire, admettre que l'action en concurrence déloyale puisse s'appliquer au cas où les actes litigieux étaient d'origine purement contractuelle et cela, quelle que soit l'état doctrinal et jurisprudentiel sur ce dernier problème. L'exclusion de la contrefaçon de l'acte contraire aux usages honnêtes semble en quelque sorte avoir provoqué l'exclusion de l'atteinte aux obligations contractuelles.

6.Une filiation doctrinale et jurisprudentielle constante - La filiation est depuis traditionnellement réaffirmée en la matière, et ce quelles qu'aient été les modifications successives de la LPC et des dispositions interdisant les actes de concurrence déloyale.

L'action en cessation commerciale est en effet le plus souvent présentée comme une application particulière ou une concrétisation de l'action fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil et cela tant en doctrine [33] qu'en jurisprudence [34], [35].

Certains auteurs sont plus nuancés. Ainsi, Andrée Puttemans, dans son travail doctoral, indique d'entrée de jeu que “Il ne fait aucun doute que la technique juridique et les conditions d'application de l'action en cessation d'un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale diffèrent profondément de ceux qui gouvernent l'action en responsabilité civile fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil.” [36]. Dès lors qu'il y aurait analyse identique du concept de faute et une appréhension cohérente du concept de dommage, elle réaffirme pourtant le lien intrinsèque entre les deux actions et constate que “Dans l'ensemble, on assiste incontestablement à un retour partiel aux origines et une mise en évidence des affinités profondes de la norme de conformité aux usages honnêtes avec le droit de la responsabilité civile extra-contractuelle.” [37].

Diverses conséquences importantes y sont attachées.

D'abord, la logique de l'assimilation veut que toutes ou parties des conditions de la responsabilité extra-contractuelle soient applicables et conditionnent la cessation des actes contraires aux usages honnêtes et/ou des pratiques commerciales déloyales.

Il s'ensuit que se pose la question de l'autorité de chose jugée de la décision du juge de la cessation à l'égard du juge de la responsabilité qui serait saisi d'une demande ultérieure en réparation. S'il est vrai que les conditions des deux actions sont largement identiques, quelle est la marge de manoeuvre réelle du juge de la responsabilité en dehors de la détermination du quantum du dommage? Peut-il considérer qu'il n'y a pas faute, malgré le jugement définitif du juge des cessations qui constate l'acte de concurrence déloyale, que le dommage n'est pas prouvé ou remettre en question le lien causal entre la faute et le dommage prétendu?

Une autre implication de cette assimilation - plus importante en pratique - est l'impossibilité pour le juge des cessations de statuer sur la violation d'une disposition contractuelle en application des règles du concours entre les règles de responsabilité extracontractuelle et de responsabilité contractuelle. Il n'y aurait pas d'action en cessation possible si l'acte contraire aux usages honnêtes naît de la violation d'un contrat, sauf exception issue de l'interprétation de cette théorie, telle que admise par notre Cour de cassation.

Section II. L'action en cessation des actes de concurrence illicite n'est pas une action en responsabilité civile extra-contractuelle

7.L'existence d'une opinion minoritaire contestant l'assimilation trop poussée de l'action en cessation commerciale et de l'action en responsabilité civile - Régulièrement, une certaine doctrine remet en question une assimilation trop poussée des deux actions [38]. Il s'agit surtout de constater le manque d'intérêt et de jurisprudence relative à l'application des conditions de dommage et de lien causal, mais aussi, le cas échéant de contester l'assimilation complète des actes anti-concurrentiels avec la notion de faute, voire le principe même de la nature extra-contracuelle de l'acte.

Nous souscrivons à différentes de ces critiques mais il nous paraît utile de les développer dans la présente contribution, au regard de ce que nous considérons comme réellement dirimant dans ce débat.

Les modifications successives des dispositions légales relatives à l'interdiction des actes de concurrence déloyale sont venues renforcer encore cette remise en question.

Il paraît finalement que, aujourd'hui, l'action en cessation commerciale n'a jamais été aussi éloignée des conditions de la responsabilité civile extra-contractuelle. Mais cette consta­tation doit d'abord être précédée d'une autre qui explique elle-même nos propos ultérieurs: la cessation n'a pas pour objet une réparation dès lors qu'elle n'a pas pour effet d'obliger l'auteur fautif de l'acte à réparer le dommage qui a été subi en conséquence de cet acte.

A. La cessation d'un acte de concurrence illicite n'est pas la réparation d'un dommage

8.La réparation du dommage et la cessation de l'acte de concurrence déloyale - Rappels - Nous sommes d'avis, comme d'autres, qu'il convient d'opérer une stricte distinction entre les sanctions de cessation d'actes illicites et les sanctions de réparation [39]. La confusion de nature entre ces sanctions entraîne souvent, comme en la présente matière, des confusions concernant les conditions d'application des différentes actions.

Le souci n'est pas d'ordre purement théorique dès lors que l'on remarque une très nette tendance, en toute matière, à importer des conditions issues de l'action en responsabilité civile dans le cadre d'actions qui lui sont étrangères et, ainsi, à freiner inutilement leur efficacité ou à restreindre leur champ d'application [40].

Les articles 1382 et 1383 du Code civil ne prévoient qu'un seul devoir à charge de celui qui commet une faute: la réparation du préjudice subi. Il n'interdit aucun comportement in se. Les normes de conduites dont la violation est constitutive de faute n'y sont pas décrites et la condition de faute est laissée à l'interprétation des juges, sous le contrôle de la Cour de cassation. Comme le rappelle Pierre Van Ommeslaghe “[la responsabilité civile] n'a pas non plus pour objet de prévenir la répétition de la faute par un effet dissuasif” [41].

Non pas que ces dispositions ne remplissent pas une fonction de prévention et de régulation sociale: sachant qu'il devra réparer les conséquences dommageables de ses fautes, chacun est ainsi incité à adopter un comportement exempt de faute et ainsi, à éviter de créer un dommage à autrui [42]. Mais tel n'est pas le but de la responsabilité civile [43] et la seule 'sanction' civile qui résulte de la faute en lien causal avec le dommage est la réparation du dommage.

L'objet général de la responsabilité civile est donc “d'assurer la réparation d'un dommage subi par le demandeur en responsabilité” [44]. L'objet précis de la réparation étant le rétablissement de la partie préjudiciée “dans l'état où elle serait demeurée, si le fait générateur de dommage, le plus souvent une faute, n'avait pas été commis (…) Elle implique donc la compensation du dommage résultant de cette inexécution et elle n'a pas pour objet l'exécution directe de l'obligation” [45].

La manière dont on doit réparer le préjudice subi n'est pas non plus définie par ces dispositions. C'est pourquoi, outre l'allocation de dommages et intérêts, on admet depuis longtemps le prononcé de mesures de réparation en nature. Il s'agira alors de diverses injonctions de faire ou de ne pas faire censées compenser adéquatement le préjudice subi.

Doctrine et jurisprudence ont utilisé le concept de ' réparation en nature ' pour qualifier un très grand nombre de sanctions différentes [46]. De la demande de démolition d'une construction qui empiète sans autorisation sur le fond du demandeur à l'action en revendication ou possessoire en passant par la condamnation à la publicité du jugement, la sanction en nature de la lésion qualifiée, l'annulation des décisions des actionnaires majoritaires entachées d'abus, l'inopposabilité au créancier du contrat conclu par le débiteur avec un tiers complice ou encore la sanction de l'atteinte à un droit de la personnalité, etc.: c'est comme si la notion hypertrophiée de réparation en nature accueillait toute sanction autre que pécuniaire.

Certains auteurs français [47], principalement à la suite de la thèse de Marie-Eve Roujou de Boubée [48], ont depuis longtemps cherché à mettre un frein à la dérive en tentant de définir avec plus de précision le concept de réparation en nature. Une constante dans ces approches: l'exclusion du concept de réparation des actions tendant à faire cesser une situation illicite, dont les mesures visant le respect d'un droit subjectif violé [49]. En Belgique, si l'idée est principalement défendue par Patrick Wéry, la distinction entre réparation en nature et les actions tendant à mettre fin à la situation illicite est encore assez rare [50]. Pour notre Cour de cassation, il semble que ces mesures soient, en règle, absorbées par le concept de réparation en nature [51].

9.La nécessaire distinction entre la sanction de réparation du dommage et la cessation de l'acte de concurrence illicite - La cessation de l'acte de concurrence illicite - comme l'interdiction d'une pratique imminente [52] - n'est pas une sanction visant à la réparation d'un dommage subi par celui qui intente l'action. Il ne peut donc s'agir ni d'une réparation en nature, ni d'une réparation par équivalent. Elle ne suppose pas, pour sortir ses effets, la constatation préalable d'un dommage subi ainsi que son évaluation pour en obtenir la compensation auprès du tiers qui a commis l'acte illicite. Autrement dit encore, elle n'a pas pour objet d'indemniser - par équivalent ou en nature - la victime de l'acte auquel on met fin [53].

Du reste, on le verra, l'action en cessation ne suppose pas que le demandeur fasse la preuve de l'existence d'un dommage certain, voire personnel, au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil et peut, en toute hypothèse, être introduite en excipant un dommage simplement potentiel ou éventuel. On ne peut dès lors considérer que l'action en cessation a pour objet de réparer un dommage qui, par hypothèse, n'est que potentiel et ne s'est donc pas réalisé ou dont, à tout le moins, la réalisation future n'est pas certaine. A fortiori si le demandeur ne peut exciper d'aucun dommage personnel réparable. Pour les articles 1382 et 1383 du Code civil, la preuve d'un dommage n'est alors pas rapportée et la sanction de réparation qu'ils prévoient ne peut être admise.

La cessation vise à mettre fin à une situation illicite pour l'avenir. Elle n'agit pas directement sur le préjudice mais sur l'acte qui causera - éventuellement - celui-ci. Elle laisse en toute hypothèse intact le préjudice passé. Elle peut permettre cependant que pour l'avenir un préjudice apparaisse ou se renouvelle. Mais cet effet indirect et potentiel ne peut masquer son objet premier: mettre fin à une situation contraire au droit [54].

Appliquée à notre matière, la cessation commerciale est prononcée à l'égard d'un acte de concurrence déloyale interdit en vertu des articles 86 et 95 de la loi. Elle a pour objet premier d'être une mesure de police du commerce et de faire respecter des règles de comportements loyaux, devant prévaloir sur le marché tant entre entreprises qu'à l'égard des consommateurs. Elle bride l'exercice des libertés économiques de commerce et d'entreprendre, de concurrence et de contracter. Par conséquent, l'action a pour objet de mettre fin à tout acte déviant, dans les conditions que ces dispositions déterminent. Elle impose donc à l'auteur d'une situation jugée illicite, un comportement conforme au droit [55].

Cette différence essentielle justifie en elle-même que l'action en cessation commerciale ne puisse être présentée comme une application des articles 1382 et 1383 du Code civil qui seuls obligent à réparer le dommage subi. Du reste, il nous semble qu'à tout le moins, les tenants d'une telle assimilation ne pourraient accepter de considérer la cessation de l'acte illicite comme un mode de réparation que si la cessation est prononcée après la constatation de l'existence d'un dommage personnel et certain dans le chef de la victime. Or, le dommage certain - voire même personnel - n'est pas une condition d'existence d'un acte de concurrence déloyale et partant, de sa cessation.

10.Les conséquences de la distinction - Les concepts de faute, dommage et lien causal ont été patiemment développés durant plus de deux siècles en fonction de la sanction de réparation qu'ils conditionnent en application des articles 1382 et 1383 du Code civil. Leur portée se justifie principalement au regard de considérations liées à cette sanction particulière.

La notion subjective de la faute est liée à la vision individualiste et moralisatrice de la responsabilité. Pour devoir réparer les conséquences de sa faute, il faut avoir été capable tant de juger des conséquences juridiques de cet acte que de faire une distinction entre le bénéfice escompté et la responsabilité corrélative que l'on encourt [56]. On ne peut reprocher un acte dommageable en vue d'en obtenir réparation qu'à celui qui a une conscience suffisante de mal faire, de poser un acte en violation d'un devoir qui s'impose à lui.

Mais si le but premier est la cessation de l'acte illicite, indépendamment de se prononcer sur la responsabilité de l'auteur de l'acte et de son devoir de réparation, faut-il donner le même poids à l'élément moral? Le retour à la légalité et au droit serait-il lié à la conscience du contrevenant, ce retour devenant impossible si l'on devait considérer qu'il n'a pas volontairement et sciemment enfreint la règle (cas de l'erreur inexcusable, par exemple)?

Il tombe également sous le sens que si la sanction vise la réparation du dommage, il faut nécessairement qu'un dommage soit subi ou soit certain d'être subi pour en demander réparation et ainsi, être indemnisé. Cette condition ne se justifie plus s'il s'agit d'obtenir la fin de l'acte anti-concurrentiel.

Par identité de motifs, s'il n'y a plus de dommage certain à prouver, quelle portée réelle reconnaître encore à la condition du lien causal entre la faute commise et le dommage subi? La potentialité du dommage rejaillit nécessairement au niveau du lien causal qui devient tout aussi potentiel. Et du reste, au vu de l'objectif visé - obtenir la cessation de l'acte illicite - devra-t-on aussi laisser l'acte sortir tout ou partie de ses effets dès lors qu'une cause étrangère libèrerait de sa responsabilité l'auteur de l'acte (cas où la perte de clientèle paraît bien être due à la crise économique liée à un délaissement généralisé d'une technologie etc. et pas, par exemple, aux conséquences d'une simple campagne publicitaire illicite)?

Voyons maintenant ce qu'il en est de l'application de ces conditions en la matière au regard de l'objectif spécifique de la cessation de l'acte de concurrence illicite.

B. Un acte de concurrence illicite n'est pas une faute mais un acte objectivement illicite

11.Le concept de faute - Rappels - En droit positif belge, la faute est constituée de deux éléments: l'un, objectif, est l'acte objectivement illicite et l'autre, subjectif, est l'imputabilité de cet acte à la personne fautive [57]. Comme le souligne Pierre Van Ommeslaghe, l'imputabilité “est tantôt considérée comme un élément constitutif de la faute, tantôt comme une condition distincte de la responsabilité civile; mais les deux conceptions aboutissent au même résultat” [58]. Un troisième élément est retenu par certains auteurs en ce qui concerne généralement les seules violations d'une norme générale de prudence: la prévisibilité du dommage.

On distingue généralement deux 'types' d'acte objectivement illicite: la violation d'une norme de comportement déterminée et la violation de la norme générale de prudence [59].

Mais comme le rappelle Bernard Dubuisson: “La faute civile, dans sa conception actuelle, ne se déduit pas de la simple méconnaissance d'une règle de conduite. Il s'y ajoute un élément moral en ce sens que la violation de cette règle de conduite doit avoir eu lieu librement et consciemment. On rapporte généralement cette condition à la capacité de discernement et à l'absence de cause de justification. Aucune faute ne peut être retenue à charge de l'auteur du dommage s'il a été le jouet d'événements extérieurs sur lesquels il n'avait et ne pouvait avoir aucune prise.” [60].

L'élément d'imputabilité, auquel certains auteurs rattachent la prévisibilité du dommage [61], est reconnu comme étant l'élément subjectif constitutif de la faute.

Même si la portée du concept n'est pas parfaitement claire [62], on admet qu'elle renvoie à la faculté de discernement de l'auteur de l'acte [63]: on ne peut admettre qu'un individu soit civilement responsable si, en l'absence d'une volonté libre et consciente, il est incapable de juger des conséquences juridiques de son acte ou si cette volonté est sous la maîtrise d'une force contre laquelle il est incapable de lutter.

C'est pourquoi l'imputabilité répond à des difficultés de deux ordres, généralement traduites par les termes néerlandais distincts de 'schuldbekwaamheid' et de 'toerekenbaar­heid[64]. L'absence de volonté consciente peut d'abord être inhérente à la personnalité de l'auteur de l'acte. On retrouve ici la question de savoir si l'enfant, le malade mental, etc. peut voir sa responsabilité engagée en cas d'acte objectivement illicite. Mais l'absence de volonté peut aussi trouver sa cause dans des éléments externes à l'individu, dont ce dernier n'est alors que l'instrument [65]. C'est la question de l'existence de faits justificatifs ou causes de justification qui est alors posée: légitime défense, état de nécessité, ordre de l'autorité, etc.

12.L'absence de débat quant à l'application de l'élément subjectif de la faute - Il convient de relever que l'élément subjectif de la faute n'a jamais retenu réellement l'attention dans le cadre de la théorie de l'acte de concurrence déloyale.

La plupart du temps, il n'est pas visé en tant que tel par la doctrine qui se contente d'assimiler l'acte de concurrence déloyale aux deux types d'acte objectivement illicites appréciés en fonction du contexte propre au litige, à savoir l'exercice de l'activité économique de l'entreprise: violation de la loi et violation d'une norme de prudence. S'il est visé, il ne donne en général lieu ni à explication, ni à justification [66].

En faisant référence aux éléments subjectifs de la faute, on a surtout insisté - et durant les premiers temps controversé - sur l'élément intentionnel de l'acte, dont on admet unanimement aujourd'hui qu'il n'est pas requis. Mais cette discussion porte en réalité sur les conditions de l'acte objectivement illicite (violation de la loi ou de la norme de prudence) et non sur l'élément subjectif de la faute au sens précité [67].

La jurisprudence ne paraît pas non plus avoir accordé une attention spécifique à la condition subjective de la faute.

13.L'absence d'utilité de l'élément subjectif de la faute? - Ne faut-il pas conclure de cette absence de débat que l'élément subjectif de la faute est inutile dans le contexte de la cessation des actes anti-concurrentiels?

Le problème de l'imputabilité au sens strict paraît purement théorique en matière d'acte de concurrence déloyale. L'entreprise qui pose un acte de concurrence déloyale est la plupart du temps une personne morale de droit privé ou public. A tout le moins, un professionnel dont le discernement ne fera pas de doutes et paraît nécessaire à toute activité économique de l'agent. L'acte de concurrence est souvent assez complexe et requiert réflexion. On imagine mal une campagne de publicité lancée par un enfant ou un dément…

L'invocation éventuelle par l'auteur de l'acte de concurrence illicite d'une cause de justification ou d'un fait justificatif qui, dans la théorie de la responsabilité civile, purge l'acte dommageable de son illicéité, paraît nettement plus envisageable. L'effet du fait justificatif est d'agir sur l'imputabilité de l'acte à son auteur. Ce dernier n'est pas en faute s'il n'a pu poser l'acte librement et consciemment agissant sous l'effet d'une cause de justification: légitime défense, état de nécessité, erreur invincible, contrainte irrésistible ou ordre de la loi ou de l'autorité. On peut penser à la formidable expansion que prend l'admission du principe général de droit que constitue l'erreur invincible [68] ('onoverkomelijke dwaling') en matière de responsabilité des pouvoirs publics et à sa possible application en notre matière.

Si l'on admet que l'imputabilité est une condition de la cessation comme dans toute action en responsabilité, il faudrait alors admettre que l'auteur de l'acte anti-concurrentiel puisse exciper d'une cause de justification ou d'un fait justificatif afin d'échapper à la sanction de l'action.

Celui qui commettrait la faute particulière que constitue(rait) l'acte anti-concurrentiel pourrait ainsi éviter la cessation en invoquant l'erreur de droit ou de fait qui aurait prévalu lors de la commission de l'acte, c'est-à-dire, selon la dernière jurisprudence de la Cour, dès qu'il découle des circonstances entourant l'erreur, qu'il s'est comporté comme toute personne normalement prudente et diligente [69].

Il faudrait alors en conclure que sous l'effet du fait justificatif, l'acte de concurrence déloyale doit subsister et continue à sortir ses effets, toutes les conditions de la cessation - en l'espèce celle de l'élément subjectif de la faute - n'étant pas remplies.

On pressent directement l'écueil auquel aboutirait une telle conclusion dans le cadre de l'action en cessation commerciale. Or, une telle condition de subjectivité de l'acte illicite paraît inutile et non nécessaire dès lors que la sanction de l'action en cessation n'est pas la responsabilité et la réparation d'un dommage mais la cessation d'un acte illicite. On comprend que dans notre système de responsabilité, une personne ne puisse être responsable des conséquences dommageables de ses actes si ces derniers échappaient en réalité à sa volonté ou à son contrôle. Il nous paraît cependant inacceptable que l'acte de concurrence objectivement illicite, potentiellement dommageable, subsiste parce qu'il participe d'une erreur, fut-elle invincible et de bonne foi [70].

14.L'admission d'une imputabilité 'objective' de l'acte? - Selon nous, l'imputabilité 'subjective' de l'acte ne ressort pas de l'action en cessation commerciale mais de l'action au fond en responsabilité civile [71].

En matière de cessation commerciale, il importe d'abord et surtout que l'acte critiqué ait été matériellement posé par le défendeur, ce dernier devant avoir le pouvoir d'y mettre fin suite à l'éventuelle injonction de cessation.

Comme l'indiquaient les anciens, il faut, en la matière que l'acte soit 'personnel' à celui qui le pose. Elle doit lui être imputable 'matériellement' ou 'juridiquement'. La logique de la cessation exige en effet que le défendeur qui a posé l'acte puisse donner suite à l'injonction de cessation, ce qui suppose qu'il ait le pouvoir d'agir directement sur la source de l'acte illicite.

On rejoint donc ici la jurisprudence qui énonce que l'action ne peut être dirigée qu'à l'égard du mandataire ou du préposé sauf si le mandant, le représenté ou l'employeur a ordonné l'acte, l'a toléré ou n'a pas pris toutes les mesures pour le prévenir, l'éviter ou y mettre fin [72].

On justifie cette condition par le fondement de l'action trouvé dans les articles 1382 et 1383 du Code civil. Il ne s'agit cependant pas - selon nous - d'un problème de responsabilité - l'article 1384 du Code civil rendant par exemple en principe l'employeur responsable des actes du préposé dans les conditions déterminées par cette disposition -. Nous y voyons plutôt le signe que la seule imputabilité requise a priori par l'action en cessation est une imputabilité matérielle de l'acte posé. Si l'employeur ou le mandant a ordonné l'acte ou l'a toléré, il se l'est approprié et l'on peut considérer qu'il a commis lui-même, par cette appropriation, un acte illicite propre qui lui est objectivement imputable, qui pourra le cas échéant être considéré comme un acte de concurrence illicite. Il en est de même s'il s'est montré imprudent en ne prenant pas les mesures requises.

Il y a là sans doute matière à une réflexion plus approfondie. En toute hypothèse, la notion d'imputabilité de l'acte nous paraît devoir être revisitée au regard de la finalité de l'action en cessation. Comme l'indiquaient fort à propos Alex Tallon et Aimé De Caluwé en cas d'illégalité de l'acte de concurrence déloyale “La conscience de l'illégalité et la volonté de la violation ne constituent pas des conditions d'applicabilité. Le juge doit ordonner la cessation dès qu'objectivement l'acte se révèle contraire aux usages honnêtes.” [73].

Il ne semble en effet nullement requis que la personne qui pose l'acte ait agi sur la base d'une volonté libre et consciente - imputabilité subjective - pour que l'interdiction puisse être prononcée, mais seulement que l'acte soit objectivement imputable de sorte que l'injonction de cessation soit potentiellement efficace [74]. Le débat se focalise sur l'élément objectif de la faute - l'existence d'un acte objectivement illicite considéré comme contraire aux pratiques du marché - sans attention sur l'élément subjectif.

C. L'acte de concurrence illicite n'implique pas un dommage certain et personnel

15.La notion de dommage en responsabilité civile extra-contractuelle - Le Code civil ne donne pas de définition du dommage. Si l'article 1382 du Code civil en utilise expressément le terme, il se borne à exprimer l'obligation de réparation qui pèse sur celui qui en est la cause.

Le dommage est une notion de fait [75], généralement assimilé en droit positif comme dans le langage commun, à tout désavantage matériel ou moral, perte, diminution du patrimoine d'une personne ou atteinte à ses biens, à sa personne ou à ses sentiments [76]. On en revient donc “au sens vulgaire et courant du mot 'dommage'” [77] perçu comme un 'préjudice'.

Il est fréquemment admis que sa constatation naît d'une comparaison entre la situation de la victime après le fait constitutif de la faute et celle, hypothétique, qui serait la sienne, si ce fait n'avait pas été commis [78]. La notion de dommage comporte clairement l'idée d'une diminution, d'une réduction ou d'une différence négative entre ces deux situations. Son caractère factuel apparaît encore plus clairement ici.

Partant d'une définition factuelle du dommage et de l'indépendance de la notion à l'égard de la violation des droits subjectifs, la doctrine [79], comme la Cour de cassation [80], appréhendent aujourd'hui le dommage par référence à la violation d'un intérêt.

Dans un effort d'abstraction, une adéquation pure et simple paraît souvent faite entre la violation de l'intérêt - notion abstraite - et le désavantage, la perte, le préjudice, etc. réellement ressenti par la victime - notion de pur fait [81] -. Une série quasi illimitée d'hypothèses factuelles se retrouvent dès lors intégrée dans un concept abstrait.

On retrouve alors des définitions du dommage intégrant la notion d'intérêt. Ainsi, d'après Jan Ronse, le dommage est “ieder nadeel spruitend uit de krenking van het belang dat iemand heeft bij het voortbestaan of bij het verwezenlijken van een voordeel dat door de onrechtmatige daad verminderd of verhinderd werd, met uitzondering van de onrechtmatige voordelen” [82].

La relation entre le dommage et l'intérêt doit cependant bien être comprise.

Comme l'indiquait avec beaucoup de justesse le procureur général de Wilde: “Men zegt, en men leest ook vaak, dat schade belangenkrenking is. Deze wijze om zich uit te drukken, is natuurlijk een ellips. De schade wordt duidelijker omschreven als een feit dat het gevolg is van de onrechtmatige aantasting van een situatie, bij het behoud waarvan het slachtoffer een belang had.” [83]. Nous approuvons totalement ce point de vue: le dommage ne s'identifie pas véritablement à la violation de l'intérêt mais naît, prend sa source, dans la violation de l'intérêt [84].

Une distinction analogue paraît ressortir de la jurisprudence récente de la Cour de cassation. Dans sa jurisprudence plus ancienne, le dommage est défini comme la perte d'un avantage ou d'un bénéfice qui ne peut être illégitime ou illicite [85]. Le dommage n'est plus ensuite identifié à la perte de l'avantage, mais ne fait que résulter de la perte de cet avantage [86] c'est-à-dire de la violation du droit subjectif ou de l'intérêt légitime [87].

On rappelle encore que pour donner lieu à réparation, le dommage doit être certain, ce qui exclut tout dommage éventuel ou hypothétique [88]. Il doit également être personnel à celui qui réclame réparation [89].

16.L'absence de nécessité de prouver un dommage né ou actuel depuis l'origine de l'action en cessation - La nécessité de devoir prouver un dommage certain et actuel est à l'origine de la volonté de se départir de l'action en responsabilité civile et de créer l'action en cessation commerciale par l'arrêté royal n° 55.

L'arrêté royal n° 55 ne visait pas la condition de dommage en tant que telle. Certes, son article 1er indiquait que l'acte interdit devait avoir pour conséquence d'enlever ou de tenter d'enlever la clientèle d'un concurrent, de porter atteinte ou de tenter de porter atteinte à leur crédit, et plus généralement, de porter atteinte ou de tenter de porter atteinte à leur capacité de concurrence.

On en déduisait que l'acte litigieux devait avoir été posé dans une relation concurrentielle pour être sanctionné. Cela permettait de réduire le champ matériel des actes répréhensibles à ceux posés dans une relation de concurrence entre parties. Cette condition de concurrence n'existe plus aujourd'hui.

Les premiers commentateurs de l'arrêté ont considéré avec raison qu'aucun dommage subi ne devait être rapporté pour intenter l'action en cessation, cette condition étant reléguée comme condition de fond de l'action en réparation [90].

La cessation de l'acte se situait clairement en amont de l'apparition du dommage: “Le préjudice subi n'est pas une condition à l'intentement de l'action comme c'est le cas pour l'article 1382 du C.civ. Il n'est pas nécessaire que la clientèle ait été réellement détournée; il suffit qu'une tentative ait été faite, que l'éventualité du dommage existe. Voulant couper le mal dans ses racines, le législateur autorise le recours avant même que le fait de concurrence déloyale ait produit ses résultats.” [91].

Le texte a ensuite été modifié, l'article 54 de la première loi sur les pratiques du commerce ne parlant plus que d'atteinte ou de tentative d'atteinte aux intérêts professionnels. Se libérant de la condition trop stricte de concurrence, le lien avec la notion de dommage s'est alors réaffirmé, ce dernier étant souvent assimilé - un peu rapidement - à la violation des intérêts d'autrui. La loi de 1991 apporta une modification supplémentaire en substituant la tentative - à consonance subjective - par une potentialité plus objective ('peut porter atteinte'). On verra qu'en ce qui concerne les pratiques commerciales déloyales, toute liaison avec un dommage, fut-il uniquement potentiel, paraît aujourd'hui exclue à la suite de l'adoption de la loi du 6 avril 2010.

17.Conséquence: le dommage n'est pas une condition de l'action en cessation - On a certes interprété la disposition comme n'impliquant pas un dommage né ou actuel, au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil [92]. L'ambiguïté est que ce faisant, on a à la fois réaffirmé l'exigence du dommage, fut-il seulement potentiel ou éventuel.

Dès lors que le dommage ne peut être qu'éventuel, il est plus correct et moins ambigu de constater que la cessation n'implique pas la preuve d'un dommage [93]. Si l'atteinte aux intérêts n'est que potentielle, c'est donc bien qu'un dommage au sens de l'article 1382 du Code civil n'est pas requis. Le dommage ne conditionne donc pas l'action en cessation commerciale.

La différence est essentielle. Le dommage certain, né et actuel est la condition première de l'action en responsabilité civile [94]. Il est la mesure de la sanction demandée. Si le but n'est pas de réparer, la condition de dommage change de nature.

Dans une logique de cessation de l'illicite, on passe du constat de l'existence d'un dommage à la vérification du caractère potentiellement préjudiciable de l'acte. La cessation ne porte en effet pas sur le préjudice, ni même sur le préjudice potentiel mais sur sa cause. Cette cause est l'acte illicite.

Cependant, dès lors que le juge de la cessation commerciale n'est pas là pour faire cesser toute illicéité, on réintègre le caractère potentiellement dommageable dans la qualification de l'acte illicite interdit lui-même. L'acte de concurrence illicite ne vise pas toute illicéité mais celle qui provoque ou est susceptible de provoquer une atteinte aux intérêts professionnels d'une autre entreprise ou aux intérêts du consommateur au sens compris par la loi sur la protection du marché. Cette atteinte aux intérêts d'autrui est en effet à la source d'un dommage potentiel qui apparaît alors comme une mesure de l'illicéité particulière considérée comme inacceptable sur le marché. On touche selon nous ici à la spécificité de l'action en concurrence illicite [95].

18.L'atteinte aux intérêts en amont de l'apparition d'un dommage - L'assimilation du dommage à la violation d'un intérêt est née de l'abandon de l'assimilation du dommage à l'atteinte au droit subjectif. Selon cette thèse, le simple préjudice, compris comme la lésion d'un intérêt, n'aurait pas suffi pour qu'un dommage existe au sens de l'article 1382 du Code civil [96].

Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 16 janvier 1939 [97], il est communément admis que la violation d'un droit subjectif ne conditionne pas l'apparition du dommage [98]. La violation de l'intérêt de la victime suffit pour faire naître un dommage.

Pour autant, le dommage - notion de fait - ne s'assimile pas à l'atteinte à l'intérêt d'autrui -notion abstraite [99]. Toute contrariété d'intérêt n'implique pas une diminution, une perte entre la situation de la victime après le fait constitutif de la faute et celle, hypothétique, qui serait la sienne, si ce fait n'avait pas été commis [100]. C'est encore plus vrai si cette contrariété est seulement potentielle ou virtuelle.

Un préjudice peut naître d'une telle atteinte, mais pas nécessairement. J'ai intérêt à ne pas voir mon concurrent connaître un succès commercial dans le lancement d'une nouvelle gamme de produit que je ne distribue pas. Ce succès, qui augmente sa notoriété, ne provoque pas nécessairement un dommage réparable dans mon chef.

Il en est de même en cas d'atteinte à un droit subjectif ou à une liberté civile. Si mon voisin gare sa voiture dans ma propriété sans me demander mon consentement, il viole mon droit et une faute pourra sans doute être retenue. Mais je ne peux en inférer automatiquement un dommage: il n'est pas certain qu'une perte apparaisse de la comparaison entre ma situation première et celle hypothétique où il n'aurait pas commis l'acte fautif. Il pourrait en être également ainsi en cas d'atteinte à ma liberté de contracter: si une entreprise accole un label de qualité sur un produit sans avoir obtenu l'autorisation nécessaire, elle trompe le consommateur et énerve sans conteste sa liberté de (ne pas) contracter mais ne fait pas nécessairement naître un dommage dans son chef s'il apparaît qu'il aurait de toute façon acquis le produit qui répond parfaitement à ses besoins spécifiques.

En réalité, l'atteinte ou la potentialité d'atteinte aux intérêts d'autrui se situe en amont du préjudice. De cette atteinte naîtra - probablement - un dommage qui devra être constaté en fait par le juge de la responsabilité. Mais ce dommage ne conditionne ni la naissance d'un acte de concurrence illicite, ni sa cessation.

19.L'atteinte aux intérêts du consommateur n'est plus une condition de l'interdiction d'une pratique commerciale déloyale - Du reste, il faut remarquer que la loi du 5 juin 2007 ne faisait déjà plus mention de l'atteinte ou de la potentialité de l'atteinte comme condition de l'interdiction de la pratique commerciale déloyale. Cette dernière a été remplacée par une condition qui paraît plus étroite et précise: il faut, mais il suffit, que l'acte considéré comme contraire aux exigences de la diligence professionnelle “altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur” et par conséquent, in fine, ait - ou ait pu - avoir comme conséquence d'influencer sa décision commerciale [101].

L'altération de la décision commerciale n'est plus une atteinte à n'importe quel intérêt du consommateur et cette atteinte est subordonnée à une exigence d'intensité - l'altération doit être substantielle - inexistante en droit de la responsabilité civile. Elle se transforme d'ailleurs quelque peu touchant plus précisément l'exercice de la liberté de (ne pas) contracter du consommateur, voire, si la décision porte sur l'exercice d'un droit contractuel, au libre exercice d'un droit subjectif contractuel.

Le même raisonnement peut être tenu en ce qui concerne les conditions des pratiques commerciales déloyales trompeuses et agressives. Ces dernières impliquent que la pratique soit susceptible d'amener le consommateur à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, par exemple, en l'induisant en erreur ou en étant susceptible de l'induire en erreur [102] ou en ce que cette décision soit prise suite à un harcèlement ou à une contrainte [103].

On ne voit pas ici non plus en quoi l'influence sur la décision du consommateur, certes néfaste, pourrait être considérée comme faisant naître automatiquement un dommage au sens du droit de la responsabilité civile, fut-il même potentiel. On est clairement ici en amont de tout dommage, on s'attaque à la source du dommage potentiel: l'altération d'une décision commerciale.

Dans certains cas, la loi de 2007 vise du reste des actes spécifiques interdits en toutes circonstances sans qu'une atteinte aux intérêts ne soit requise [104]. Or, comme on le sait, on ne peut, en responsabilité civile, présumer un dommage de la constatation d'un acte fautif, quelle que soit sa gravité ou sa dangerosité [105].

En outre, le comportement économique du consommateur en question n'est pas celui de l'éventuel consommateur lésé qui se plaindrait d'une pratique commerciale spécifique. La directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 se référait déjà explicitement au comportement du consommateur moyen ainsi qu'à l'interprétation qui en est donnée par la jurisprudence de la Cour de justice [106]. Si la loi de transposition du 5 juin 2007 n'avait pas repris en son texte le critère du consommateur moyen, il n'en est pas de même pour la loi du 6 avril 2010. C'est en effet maintenant par référence exprès au comportement économique, à l'erreur, à la décision commerciale, à la liberté de choix ou de conduite du consommateur 'moyen' que l'interdiction de l'acte est conditionnée [107].

En ne se référant plus qu'au consommateur 'moyen', on impose plus de violation à l'intérêt personnel du consommateur quel que soit le demandeur à l'action. Partant, la notion de dommage au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil - toujours personnelle au demandeur dans une action en responsabilité civile - s'éloigne encore un peu plus.

Certes, celui qui intente l'action en cessation doit exciper d'un intérêt au sens de l'article 17 du Code judiciaire - s'il est un intéressé au sens de la loi - mais cette condition procédurale ne peut évidemment se confondre avec celle qui est en cause dans la conception abstraite du dommage. Quoi qu'il en soit, il n'est plus requis pour n'importe quelle personne qui intente l'action de faire la preuve d'une potentielle atteinte 'personnelle' à l'intérêt d'un consommateur ou groupe de consommateurs en particulier. Le lien avec le dommage certain et personnel au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil paraît dès lors être définitivement rompu concernant les pratiques commerciales déloyales.

Rappelons pour être complet que certaines autorités ou associations de défense des consommateurs peuvent aussi introduire l'action en cessation sans nécessairement pouvoir exciper d'un dommage réparable dans le cadre d'une action en réparation fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil ou qu'un intérêt à agir leur soit reconnu pour introduire une action en responsabilité civile.

Sauf à dénaturer le concept issu de la responsabilité civile, l'exigence d'un dommage réparable semble en réalité complètement détachée des conditions de l'action en cessation commerciale.

20.L'absence de condition du lien causal - Comme le rappelait récemment un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles: “Par ailleurs, l'article 93 de la LPCC n'implique pas l'existence d'un lien causal nécessaire entre un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale commis par un vendeur et le dommage subi par un autre vendeur. Il suffit que l'acte soit susceptible de porter atteinte aux intérêts de ce vendeur, sans que soit requise la preuve que la déloyauté a causé un dommage.” [108]. Partant, il paraît logique qu'il n'y ait quasi aucun débat jurisprudentiel sur l'existence d'un lien causal en la matière [109].

Si le dommage n'est pas une condition de l'action en cessation, un lien causal entre le dommage et l'acte déloyal n'est pas plus requis, à défaut d'objet.

Partant également, la problématique des causes étrangères semble devoir être exclue. Si l'acte s'explique par un cas de force majeure ou un cas fortuit ou que la faute d'un tiers exclut la faute de celui qui a posé l'acte anti-concurrentiel contesté, l'acte posé n'en est pas moins illicite. Il est dès lors susceptible de constituer un acte contraire aux pratiques honnêtes du marché ou une pratique commerciale déloyale si les conséquences requises de l'acte sont remplies (potentialité d'atteinte aux intérêts professionnels, etc.). Si l'acte produit encore ces effets ou s'il risque objectivement d'être réitéré, la cessation doit pouvoir être prononcée.

Encore une fois, cette constatation s'impose non pas d'une logique de sanction de responsabilité, externe à l'action en cessation, mais de la logique du contentieux de l'illicite et de sa cessation.

Il faut bien entendu que l'acte ait eu, en fait, les conséquences auxquelles la loi conditionne l'interdiction des actes déloyaux. Par exemple, il y a lieu de vérifier si l'acte a pu avoir comme conséquence d'être susceptible de modifier la décision commerciale d'un consommateur moyen ou de porter atteinte aux intérêts professionnels d'une entreprise. Mais tout comme pour la condition de dommage, la relation de causalité devient éventuelle, voire hypothétique, dès lors qu'un dommage potentiel suffit. Il ne s'agit donc plus d'un lien causal au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil.

21.Conclusions - L'action en cessation commerciale des actes contraires aux pratiques honnêtes et des pratiques commerciales déloyales, ou actes de concurrence illicite, ne vise pas à obtenir la réparation d'un dommage mais à faire cesser un acte illicite et portant - potentiellement - atteinte aux intérêts protégés par la loi sur les pratiques du marché.

L'acte de concurrence illicite n'est pas une véritable faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil; il n'en retient que le caractère objectivement illicite apprécié en fonction des particularités de la protection des intérêts en cause visés par les dispositions de la loi sur les pratiques du marché.

L'acte, pour donner lieu à cessation, ne requiert ni un dommage réparable, ni un lien de causalité entre un tel dommage subi et l'acte au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil. Il peut même ne pas avoir débuté et être simplement imminent.

Il nous paraît dès lors raisonnable d'en conclure que la responsabilité quasi-délictuelle fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil ne peut plus être retenue pour caractériser le fondement d'une telle action, quel qu'ait été le lien historique entre les actions en cessation commerciale et en réparation.

L'action en cessation commerciale s'est détachée de son fondement originel. Elle l'a fait au travers d'une évolution qui a vu les conditions de la cessation s'objectiver au regard des conditions nécessairement subjectives de l'action en réparation.

Il ne s'agit plus d'un contentieux de réparation mais d'un contentieux de l'illicite, bridé seulement par la nécessité d'une potentialité d'atteinte aux intérêts professionnels du demandeur ou aux intérêts du consommateur prenant la forme principalement d'une atteinte aux décisions commerciales qu'un consommateur moyen est censé prendre.

Autrement dit encore, au débat subjectif de la faute permettant à la victime d'obtenir compensation de son dommage propre paraît s'être substitué un débat plus objectif portant sur le caractère objectivement illicite d'un acte, apprécié au regard du contexte économique dans lequel il est posé.

Certes, l'action présente encore un caractère subjectif par le passage à la condition d'intérêt processuel - s'il s'agit d'intéressés - au sens de l'article 17 du Code judiciaire et sauf dérogation explicite prévue par la loi sur les pratiques du marché. Mais ce caractère subjectif disparaît dans les nombreux cas où il est dérogé à cette condition (concernant par exemple l'introduction de l'action par les autorités publiques que la loi désigne ou les associations professionnelles ou les associations de protection des consommateurs).

Cette objectivation des débats permet aussi de mieux intégrer dans le raisonnement du juge une recherche d'équilibre entre les divers intérêts qui s'affrontent au cas où un acte est posé sur un marché de biens et/ou services: les droits, libertés ou intérêts de l'entreprise, les droits, libertés ou intérêts du consommateur et l'intérêt général.

Mais quel est alors le fondement de cette action?

Section III. L'exercice illicite des libertés économiques comme fondement de l'action en cessation commerciale

22.Les libertés 'civiles' 'économiques' au fondement de la police des actes de concurrence illicite - La doctrine des pratiques du commerce vise régulièrement, d'une manière ou d'une autre, la liberté de commerce et d'industrie comme étant à la source de la nécessité de protéger les entreprises et les consommateurs des actes de concurrence illicite. Elle y rattache alors sous différents vocables, différentes libertés proprement économiques - comme la liberté de concurrence - ainsi que des libertés d'origine civile - comme la liberté de (ne pas) contracter - [110].

La matière est ainsi présentée comme un ensemble de règles venant protéger les acteurs du marché des excès et abus commis par l'entreprise dans l'exercice de ses activités économiques sur le marché. Rappelons les travaux préparatoires de la loi de 1971: “Le commerce doit s'exercer avec dynamisme et dans un climat de liberté. Il ne peut donc être question de créer des entraves artificielles au développement normal de la concurrence. Mais la liberté du commerce ne peut dégénérer en un régime d'anarchie. La vraie liberté doit s'exercer dans les limites, d'ailleurs fort larges, de la loyauté de la concurrence. Chaque fois que ces droits sont méconnus, le devoir des autorités est d'assurer le rétablissement de l'équilibre rompu.” [111].

L'objet même du droit de la concurrence s'est élargi au fur et à mesure de l'évolution du droit et des activités économiques. On admet généralement qu'il tend à la protection du bon fonctionnement du marché, par la recherche d'un équilibre entre les libertés et intérêts des entreprises et des consommateurs au travers de l'intérêt du marché, et donc de l'intérêt général lui-même. Cette conception est adoptée par la doctrine dominante [112]. Ainsi la célèbre définition du droit de la concurrence d'Aimé De Caluwé, Claude Delcorde et Xavier Leurquin: “Cette branche du droit qui vise à établir, sur le plan de la production des biens (pris dans le sens le plus large) et dans un contexte social et politique déterminé, un équilibre harmonieux entre le jeu et les exigences de l'intérêt général, de l'intérêt professionnel (collectif), de l'intérêt privé du consommateur et de l'intérêt du producteur.” [113].

Il est donc fondé de replacer ces libertés économiques au fondement de la théorie de l'acte de concurrence illicite.

On peut dès lors appréhender l'action en cessation comme ayant pour objet de trancher des conflits de libertés, droits et intérêts spécifiques, qui se résout le cas échéant par la con­statation, puis par l'interdiction de l'illicéité particulière de la pratique perçue dans le contexte particulier où elle est posée. La recherche d'équilibre entre ces pouvoirs et intérêts divergents est au centre de la problématique de la concurrence illicite [114].

23.Le fondement de l'acte de concurrence illicite dans les libertés de commerce et d'entreprendre et la liberté de concurrence par Marcel Gotzen - L'oeuvre magistrale de Marcel Gotzen, publiée sous le titre Vrijheid van beroep en bedrijf & onrechtmatige mededinging a profondément marqué le développement, en Belgique, du droit de la concurrence en général et de la théorie de la concurrence déloyale en particulier [115].

On retient à raison de ses théories, un effort particulier de systématisation des normes régissant et garantissant une saine concurrence ainsi qu'une tentative d'explication des liens existant entre la théorie de la concurrence illicite et la théorie de la responsabilité civile. Ce faisant, on oublie peut-être un peu le formidable travail effectué sur les fondements de celle-ci.

Il fut sans doute le premier à tenter d'ériger sur la base d'une théorie de la concurrence illicite alors essentiellement casuistique, totalement tournée et fondée sur l'application originelle des articles 1382 et 1383 du Code civil, une compréhension systémique de la matière par une réflexion originale au départ de ses sources principales, à savoir le décret d'Allarde et la loi Le Chapelier.

Tout le premier tome de son ouvrage est consacré à la mise en exergue d'un prisme de lecture du jeu de la concurrence fondée sur l'application entre particuliers de la liberté de commerce et d'entreprendre et du conflit perpétuel impliqué par son exercice. Il conçoit en effet le droit de la concurrence comme la résultante du jeu d'exercice réciproque de cette liberté fondamentale [116] auquel il rattache la liberté de (ne pas contracter) et la liberté de concurrence elle-même.

En résumant à l'extrême la théorie de l'auteur, on peut relever qu'il conçoit la concurrence comme un combat entre plusieurs acteurs offrant des biens ou services afin de conquérir une même partie potentielle à un échange, en agissant sur la volonté de ce dernier pour l'amener à conclure un contrat [117]. Le lien de concurrence entre les deux parties suppose que chacun des combattants qui s'opposent ait une chance réelle, si minime soit-elle, de réaliser l'échange contesté [118]. Une fois l'échange effectué, le concurrent qui a succombé voit ses chances annulées ou à tout le moins affaiblies [119]. La concurrence lui apparaît dès lors comme un prolongement de la liberté de commerce et d'entreprise: celle-ci octroie à chacun de tenter sa chance dans un échange professionnel. Ce faisant, une solution apparaît nécessaire pour régler les conflits qui naissent de la recherche de réalisation de telles chances et qui constituent, ce faisant, un trouble au développement des affaires d'autrui [120]. Là se situe le terrain des actes de concurrence. Un conflit d'intérêts 'professionnels' naît nécessairement de l'exercice réciproque de cette liberté.

Suite à une analyse extrêmement fouillée des sources historiques de la liberté de commerce et d'industrie, il voit dans ces textes le creuset et le fondement de la liberté de concurrence qu'il qualifie de droit subjectif. Celle-ci octroie à chacun, via le décret d'Allarde, la jouissance de chances de réalisation d'échanges, sauf à souffrir de l'atteinte à ses propres chances par la concurrence loyale des autres titulaires de ce droit. La victime d'un acte de concurrence illicite est celui qui voit ses chances de réalisation d'échanges atteinte par un acte qui ne respecte pas suffisamment ce droit. L'action en cessation renforce encore, d'après lui, la reconnaissance de ce droit [121].

Cela lui permet de clarifier ensuite les conditions d'existence d'un acte de concurrence illicite. L'élément de dommage est constitué par la diminution des chances provoquée par l'acte concurrentiel d'autrui [122]. Il convient de noter que pour l'auteur, tout acte concurrentiel est dommageable, la liberté de concurrence comprenant 'un droit de nuire'. Le dommage apparaît donc indépendamment de la licéité de l'acte [123]. Dès lors que l'acte de concurrence provoque toujours in se un dommage, le lien causal apparaîtrait dès que l'acte est posé en vue d'offrir des biens et services.

L'acte de concurrence illicite apparaît quant à lui comme une atteinte au principe d'égalité des chances qui apparaîtra au juge comme étant contraire aux usages honnêtes au regard des circonstances factuelles qui lui sont soumises. Ainsi en sera-t-il de la violation d'une disposition légale dans le jeu de la concurrence considérée comme toujours contraire à la norme des usages honnêtes ('norm der wettigheid') [124]. En dehors de ces violations légales, il revient au juge de dégager les normes traduisant les devoirs de respect minimum des chances d'échanges d'autrui ('norm der gebruiken') dont la violation constituera un acte de concurrence illicite [125].

24.Le conflit des libertés civiles économiques au fondement de la détermination des actes de concurrence illicite - La vision de la concurrence développée par le savant auteur peut paraître quelque peu limitée aujourd'hui [126]. Le passage au droit subjectif apparaît en outre comme inutile, tout entier justifié par des controverses dépassées [127].

Il n'empêche. L'opinion selon laquelle le fondement de la matière se trouve dans l'exercice des libertés civiles économiques et que l'objet même du débat tenu devant le juge des cessations - ou de la responsabilité - est la résolution des conflits naissant de l'exercice concurrent de celles-ci apparaît comme toujours valable et porteuse d'enseignements.

Aujourd'hui comme hier, les actes contraires aux pratiques du marché doivent se comprendre comme autant d'exercices illicites des libertés de commerce et d'entreprendre, de (ne pas) contracter et de concurrence qui se déclinent en liberté de copier, liberté de refuser de vendre, liberté de capter la clientèle, etc. Il en est de même des pratiques commerciales qui ne sont que des actes posés dans l'exercice des libertés précitées mais qui portent atteinte illicitement aux droits subjectifs (ex.: un droit de créance), aux libertés civiles (ex.: la liberté de (ne pas) contracter) ou aux intérêts légitimes des consommateurs compris en application des articles 84 et suivants de la loi sur les pratiques du marché.

Ce qu'il convient de comprendre maintenant c'est comment ces conflits permettent de justifier les conditions de détermination des actes de concurrence illicite et de leur cessation.

25.Un prisme de lecture du conflit concurrentiel par les qualifications de droit civil - Il s'agira principalement ici de se nourrir de l'enseignement tiré d'un travail beaucoup plus large portant sur les conflits de droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes. Notre réflexion a débouché sur un système global de résolution de conflits applicable a priori à tout litige de droit privé.

Il fut construit au départ d'une analyse menée au travers de la théorie de la responsabilité civile extra-contractuelle et du principe d'opposabilité. Nous avions déjà pris comme exemple de conflits de libertés, les libertés économiques dont on parle ici mais nous ne nous étions occupés que des demandes en réparation, tout en pressentant les particularités de l'action en cessation [128].

Nous revisitons dès lors le conflit spécifique analysé ici dans le cadre de la sanction spécifique de sa cessation, indépendante de l'idée de responsabilité. On le fait par application du prisme de lecture qu'est notre analyse initiale, en étant conscient des ajustements à y apporter. Mais l'affirmation de principe du fondement de la matière dans ces libertés n'est pas seulement théorique. Elle permet de mieux comprendre, voire d'orienter vers de nouvelles pistes de réflexion, la manière dont le droit positif connaît des actions en cessation commerciale.

On ne développera ici qu'une partie de cet enseignement. On part du principe que l'acte posé par l'entreprise, définie aujourd'hui comme une personne physique ou morale qui poursuit de manière durable un but économique, résulte de l'exercice de ses libertés. Ces dernières concourent en effet à la réalisation de ce but. Inversement, on peut a priori considérer que l'atteinte aux intérêts professionnels d'autrui se comprend comme une atteinte aux libertés économiques des autres entreprises [129].

Dès lors que le critère principal d'atteinte aux intérêts des consommateurs se situe dans les décisions commerciales qu'ils prennent ou sont susceptibles de prendre dans leurs relations avec les entreprises, on peut raisonnablement considérer que l'atteinte les touchera le plus souvent dans l'exercice de leurs libertés civiles, spécialement leurs libertés de (ne pas) contracter, mais aussi dans l'exercice de certains de leurs droits contractuels.

Il n'est pas théoriquement exclu que l'acte puisse être posé dans l'exercice d'un droit subjectif particulier ou dans la réalisation d'un intérêt légitime. On renvoie cependant à nos travaux qui démontrent que des modes de résolutions différents pourraient alors devoir s'appliquer comme la proportionnalité ou la pondération des intérêts [130].

On n'exclut pas non plus certaines difficultés de qualification à explorer concernant les pouvoirs exercés par une autorité publique ou des entités sans but lucratif. Il nous paraît cependant, que pouvant être visés par le concept d'entreprise, il convient, a priori, de leur reconnaître les mêmes armes que les autres, sous réserve du respect des règles spécifiques qui s'appliquent à elles. En d'autres termes, le statut juridique de l'entité en cause n'est pas exclusif a priori de l'exercice des libertés dont on parle ici.

26.La qualification de liberté civile au centre d'une compréhension spécifique de l'action en cessation des actes de concurrence illicite - On peut, au départ de la qualification de liberté civile des libertés économiques [131], faire le lien entre le fondement assigné à la théorie de l'acte de concurrence illicite, ses conditions d'application et sa sanction spécifique.

Comme toutes les libertés civiles, on peut y voir des pouvoirs spécifiques d'agir ou de ne pas agir (1) attribués égalitairement par le droit objectif (2) en vue de la satisfaction qui en forme le but (3) [132].

(1) Pouvoirs d'agir ou de ne pas agir, les libertés civiles ont toujours un effet de légitimation des actes posés sous leur couvert. Cet effet de légitimation hante littéralement toute la matière de la concurrence illicite. La jurisprudence le rappelle souvent.

La liberté de commerce légitime permet qu'un concurrent établisse un commerce identique dans l'immeuble quitté par un autre commerçant qui l'a quitté et continué ses activités commerciales trente mètres plus loin [133]. Elle permet à quiconque de s'engager au service d'une entreprise concurrente ou de créer sa propre entreprise pour commercialiser un produit identique ou concurrent [134]. Liée à la liberté de concurrence, elle permet à un ancien employé de faire concurrence à son ex-employeur sauf la violation d'une clause de non-concurrence licite. Au nom de ces libertés, chaque commerçant est du reste libre de prospecter la clientèle d'autrui [135] ou de débaucher le personnel d'autrui [136]. La liberté de commerce permet également à une ASBL organisant une foire annuelle de n'y admettre que les vendeurs de son choix sauf si ce refus devient illicite au vu des circonstances de l'espèce [137]. Elle permet encore de fixer le prix des services prestés, sauf réglementation particulière ou l'accomplissement d'un acte de concurrence déloyale s'il est démontré que ce prix ne pourrait d'aucune manière assurer une rentabilité normale et durable [138]. Les libertés de concurrence et de commerce englobent également la liberté de copier des produits concurrents sauf s'il y a atteinte aux droits intellectuels d'autrui ou pratique déloyale comme la création d'un risque de confusion [139]. Le nombre d'exemples est en réalité illimité.

Ainsi également, la liberté de contracter et/ou la liberté de commerce impliquent le refus de contracter ou de vendre [140]. Rompre les négociations ou refuser de contracter est donc a priori légitime et n'est pas illicite en soi [141].

(2) Contrairement aux droit subjectifs, les libertés civiles sont attribuées égalitairement à tous, sous réserve de conditions de capacité. Autrement dit encore, elles ne s'acquièrent pas 'sous conditions' et ne créent aucune inégalité entre titulaires comme c'est le cas pour les droits subjectifs. On retrouve ici l'idée chère à Marcel Gotzen d'égalité des chances dans la réalisation des échanges de biens et services qu'il déduit du décret d'Allarde.

En réalité, cette idée d'attribution égalitaire des pouvoirs issus des libertés de commerce et d'entreprendre sont l'essence de toutes les libertés civiles, économiques ou non [142]. La liberté d'expression, la liberté de contracter, la liberté d'aller et de venir, la liberté de la vie privée, la liberté de concurrence, etc., sont toutes reconnues égalitairement à chacun. La liberté civile, attribuée universellement, ne donne à personne une exclusivité sur le pouvoir qui lui est reconnu. La liberté civile n'est pas le lieu d'un pouvoir réservé au titulaire dont autrui est exclu en ce sens qu'elle ne reconnaît pas à son titulaire un pouvoir que les autres n'ont pas. Les libertés civiles sont égalitairement attribuées à chacun.

Cette attribution égalitaire s'oppose ainsi à la reconnaissance des pouvoirs exclusifs contenus dans les droits subjectifs. Alors que la reconnaissance d'un droit de brevet sur une invention ou d'un droit de propriété sur immeuble sépare le monde entre les titulaires de ces droits et tous les autres, tenus de respecter ceux-ci, l'attribution égalitaire des pouvoirs contenus dans les libertés civiles implique en soi la coexistence des libertés qui vont nécessairement s'exercer en concurrence les unes par rapport aux autres.

L'absence d'exclusivité du pouvoir interne des libertés implique dès lors une absence de limite a priori aux pouvoirs de chacune des libertés. Chaque titulaire de liberté civile, fort de son pouvoir, va librement poser des actes en vue de la réalisation de l'intérêt dont la satisfaction en forme le but. Il ne rencontrera pas a priori dans la liberté d'autrui, une limite analogue à celle qu'il trouve dans le droit subjectif d'autrui.

Ce n'est donc pas un dommage qui découle en tant que tel de la rencontre des libertés, la limite d'une liberté n'étant pas préconstituée et s'ouvrant sur un nombre indéfini d'actes, mais une réduction du champ d'exercice de l'une au profit de l'autre. Les limites des unes et des autres sont circonstancielles.

(3) Les libertés étant attribuées aux fins de la satisfaction des intérêts de chacun, la recherche individuelle de leur satisfaction porte en elle-même une source incessante d'immixtions des libertés des uns dans l'exercice des libertés des autres. Alors que la reconnaissance d'un droit subjectif dans les conditions déterminées par le droit objectif pacifie la relation juridique en ce qu'elle tranche cette dernière au bénéfice du titulaire du droit dont le pouvoir exclusif s'impose à tous, l'attribution de la liberté se situe en amont de toute relation aux tiers. Elle ne s'occupe pas a priori du jeu de pouvoirs et de leur influence réciproque.

Mais l'exercice par chacun de ses libertés civiles fait naître - nécessairement - des immixtions mutuelles dans le champ d'exercice des autres titulaires. Le cas typique est le conflit qui va naître entre deux entreprises concurrentes en chasse de la même clientèle.

On retrouve l'effet d'annulation ou d'amoindrissement des chances dont parlait Marcel Gotzen, mais qui est aussi général à toutes les libertés civiles. En exerçant sa liberté de contracter, l'entreprise limite la liberté de contracter d'autres entreprises en ce que cet exercice la rend moins satisfactoire, voire empêche en fait leur titulaire d'obtenir la jouissance de l'intérêt qui en forme son but. La décision du client de finalement contracter avec l'un plutôt qu'avec l'autre, la perte de l'investissement consenti pour conclure l'échange avec le ou les clients potentiels (frais de publicité, de marketing, de négociations, etc.), la naissance de droits subjectifs de créances au profit exclusif de l'un par rapport à l'autre (créances de paiement, créances de non-concurrence, etc.), etc. sont autant de limitations portées à l'exercice des libertés d'autres entreprises.

En exerçant sa liberté de concurrence, par exemple en prenant contact avec un employé d'un concurrent, en attaquant un marché de produits qui était dominé par un autre acteur, en s'installant à proximité d'une entreprise concurrente dans le but avéré de venir lui prendre des clients sur son terrain, en copiant les produits d'autrui, une entreprise influence les possibilités d'exercice de la liberté de concurrence comme le bénéfice escompté mais aussi l'exercice des libertés de contracter, de commerce et d'entreprendre d'une autre entreprise.

En exerçant sa liberté de concurrence et de commerce, une entreprise - comme le soulignait très exactement Marcel Gotzen - va rechercher à influer sur le partenaire cible à la transaction d'échange en vue de sa réalisation effective (par de la publicité, par une présentation de ses produits et services, etc.). Ce faisant, il va essayer d'amener le partenaire potentiel à exercer sa liberté de contracter à son propre avantage en s'immisçant - a priori légitimement - dans cet exercice. Là se situe le conflit avec les libertés ou les intérêts protégés du consommateur.

Le problème de la théorie des actes de concurrence illicite est de tenter de résoudre les conflits qui naissent de la sorte lorsque l'entreprise exerce ses libertés d'une manière qui apparaît déloyale, illicite et, en définitive, inacceptable au regard des droits, subjectifs, libertés et intérêts d'autrui, voire de l'intérêt général pris en considération au travers de ceux-ci.

27.La résolution particulière des conflits de libertés civiles - Généralités - Comme Marcel Gotzen, nous considérons que le juge de la cessation commerciale va intervenir dans les conflits entre entreprises ou entre entreprises et consommateurs afin de les résoudre.

La recherche de la résolution de ces conflits trouve sa méthode dans les qualifications juridiques en cause et dans leur effet d'opposabilité.

Si le droit objectif attribue égalitairement les libertés civiles et les libertés économiques, il en résulte, logiquement, qu'aucun individu ne trouvera dans sa propre liberté la capacité juridique de réduire à néant celle des autres. La reconnaissance d'une liberté à tous suppose, sous peine d'incohérence, que tous puissent, en principe l'exercer. Vis-à-vis des tiers, cela suppose que ces derniers ne puissent pas usurper ou confisquer la liberté d'autrui ou se la faire céder. Pour le titulaire de la liberté, cela implique qu'elle soit incessible et indisponible. C'est l'effet général d'opposabilité des libertés civiles [143].

Cet effet exerce une influence importante en droit commercial et en droit de la concurrence mais sort un peu de notre propos. On pense par exemple ici au régime des clauses de non-concurrence par lesquelles les uns limitent l'exercice de leur liberté de concurrence au bénéfice de leur cocontractant et la mesure dans laquelle ces clauses peuvent être acceptées, sous peine de les voir annihiler la liberté de celui qui s'oblige, contrevenant ainsi à l'effet d'opposabilité général dont question ici.

Si le droit objectif attribue égalitairement les libertés civiles, il en résulte aussi que chacun doit tenir compte de la liberté des autres dans l'exercice de sa propre liberté et dans la recherche de la satisfaction de ses intérêts. Sans cela, aucune coexistence des libertés civiles n'est possible. C'est l'effet spécifique de l'opposabilité des libertés civiles qu'il convient d'analyser plus avant.

28.La résolution des conflits de libertés civiles entre elles par la recherche de l'effet spécifique de leur opposabilité - Dès lors que le droit objectif attribue à chacun des libertés civiles dont l'exercice peut s'avérer conflictuel, il faut rechercher un effet juridique spécifique plus précis que celui induit de leur attribution égalitaire.

L'effet d'opposabilité de la liberté civile est, dans cette hypothèse, un devoir général de tenir compte de l'effet de légitimation a priori, reconnu par le droit objectif, des actes posés par son titulaire. C'est ce que traduit, un peu maladroitement il est vrai, la maxime “la liberté des uns s'arrête où commence celle des autres” [144].

Dans l'exercice de sa liberté, dans la poursuite de son intérêt légitime, chacun doit tenir compte des libertés civiles d'autrui. Chacun doit limiter le champ d'exercice de sa propre liberté à l'aune de celui d'autrui. Personne ne peut exercer sa liberté ou chercher à satisfaire son intérêt sans prendre en compte les effets que cet exercice va nécessairement provoquer dans la sphère de liberté d'autrui.

Une fois l'acte posé, autrui ne pourra peut-être plus poser lui-même certains actes au nom de sa liberté alors même que cette possibilité lui était a priori reconnue par cette liberté: le refus de contracter empêchera un autre commerçant d'exercer une libre concurrence; une manifestation à l'entrée d'une entreprise empêchera celle-ci d'exercer sa liberté de commerce ou d'entreprendre, l'aboutissement de l'exercice de la liberté de contracter fera naître des obligations dans le chef du cocontractant, etc.

Ce devoir général de prise en compte est, selon nous, l'effet spécifique d'opposabilité résultant de l'attribution égalitaire et universelle des libertés civiles [145]. Opposer sa liberté, dans cette hypothèse, c'est invoquer l'intérêt légitimé par la qualification de 'liberté civile' et sa nécessaire irradiation sur l'acte posé en son nom. Ainsi, le débauchage du personnel d'autrui est licite et l'employeur actuel de l'employé débauché ne peut a priori que l'accepter. Parce que l'acte est en soi légitimé par la liberté de concurrence en exercice de l'entreprise [146]. Lorsque l'entreprise invoque cette liberté, elle force l'employeur actuel 'à prendre en compte' sa propre liberté dans l'exercice de la sienne. La liberté de concurrence, comme toute liberté civile, est opposable en tant qu'elle impose une légitimité a priori de l'acte posé au service de l'intérêt protégé par la liberté. Cet effet de légitimation impose à autrui une nécessaire prise en compte.

On touche à l'essence même de la qualification de liberté civile. Le champ d'application des libertés ne peut être comparé, contrairement aux droits subjectifs, à un vaste territoire composé de parcelles bien circonscrites, chacune attribuée à un titulaire qui peut opposer un strict devoir de respect aux tiers. Au contraire, chaque liberté a, a priori, vocation à s'exercer sur l'intégralité de ce territoire sans être circonscrite à l'une ou l'autre parcelle.

Une première limite est donnée par l'opposabilité générale de chaque liberté civile: à chacun doit être reconnu la possibilité d'investir une part du territoire. Mais les véritables limites que l'on va reconnaître à chaque parcelle n'apparaissent qu'au niveau de l'exercice de la liberté civile. C'est à ce moment que des bornes précises - mais circonstancielles - surgissent à l'aune du devoir de prise en compte réciproque qui pèse sur chaque titulaire des libertés qui s'opposent. Ces parcelles n'ont cependant pas vocation à perdurer ou à se fondre dans un moule admis une fois pour toute. Chaque conflit redessine, en fonction des circonstances propres, les parcelles qui représentent alors la limite précise de chacune des libertés [147]. La liberté civile est donc inviolable, au sens de son effet d'opposabilité général mais cette inviolabilité stricte n'apparaît qu'à la marge. Contrairement au droit subjectif, elle présente d'emblée à autrui un espace d'immixtion possible en fonction des pouvoirs dont le tiers est porteur.

29.La résolution des conflits de libertés civiles économiques entre elles par l'équilibre - L'équilibre s'est révélé dans notre étude doctorale comme le mode de résolution des conflits entre libertés civiles [148].

Attribuées égalitairement à tous, douées d'un effet d'opposabilité propre inférant un devoir de prise en compte de la liberté d'autrui, les libertés civiles, lorsqu'elles s'opposent entre elles, ne peuvent donner lieu, a priori, à la constatation de la prédominance de l'une sur l'autre. Egales dans leur reconnaissance, elles doivent s'équilibrer aussi dans leur exercice sous peine d'incohérence entre les règles de droit régissant, d'une part, cet exercice et, d'autre part, leur attribution. On retrouve ici, généralisée, l'intuition de Marcel Gotzen concernant la liberté de concurrence.

L'équilibre comme mode de résolution de conflit suppose dès lors la détermination d'un point d'équilibre - ou a contrario d'un point de déséquilibre - entre les intérêts servis par chacune des deux libertés qui s'entrechoquent. Ce déséquilibre suppose, dans sa constatation, que les intérêts concrets poursuivis soient jaugés à l'aune des valeurs abstraites que ces libertés défendent.

De l'équilibration des intérêts en présence et des circonstances de fait propres au conflit naît un devoir spécifique de prudence à l'égard de la liberté civile d'autrui. La violation de ce devoir s'appréciera en fonction du comportement de l'homme normalement prudent et diligent, soucieux des libertés d'autrui et de l'équilibre à maintenir entre libertés civiles. Cette violation permet de constater le déséquilibre qui est un acte objectivement illicite.

Il est illicite car il naît de la violation par le titulaire de la liberté civile d'un devoir qui s'impose à lui dans l'exercice de sa liberté civile. Le champ de légitimation des actes posés, induit de la qualification, ne le libère pas du respect de devoirs juridiques qui s'imposent à lui en application des règles de droit objectif.

Le lecteur attentif aura lui-même fait le lien avec un premier type d'acte de concurrence illicite que l'on assimile souvent à la détermination des règles de prudence en droit civil. La pratique est loyale ou honnête dès lors qu'elle naît de l'exercice légitime d'une liberté économique. Elle devient malhonnête ou déloyale lorsque le juge ne peut plus lui reconnaître d'opposabilité et de légitimité du fait de la constatation d'une illicéité commise dans cet exercice.

Cette illicéité prend ici la forme du non-respect du devoir général de prise en compte des libertés économiques et/ou civiles d'autrui rompant l'attribution égalitaire de celles-ci. Le juge des cessations recherche alors dans les circonstances de fait propres à chaque conflit de libertés, si l'entreprise a eu le comportement qui s'imposait à toute entreprise prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances. La condition d'atteinte réelle ou potentielle aux intérêts professionnels d'une autre entreprise prend ici tout son sens.

La pratique constante des présidents des tribunaux de commerce permettra d'ailleurs de prévoir les comportements considérés généralement comme créant ce déséquilibre illicite. Ces comportements seront néanmoins stigmatisés et contrôlés à l'aune des circonstances propres à chaque espèce.

On retrouve systématisée ici la manière dont les présidents des tribunaux de commerce identifient souvent les 'actes contraires aux usages honnêtes'. Ainsi, par exemple, dans une espèce récente, le Président du Tribunal de commerce de Charleroi rappelle d'abord l'effet légitimateur de la liberté en cause lorsqu'il énonce que “Le principe en matière de prospection de clientèle est le droit de libre accès à tous les clients potentiels. En effet, la liberté de commerce implique la liberté de la concurrence qui permet à toutes les entreprises de s'efforcer d'attirer à elles la clientèle. Chaque vendeur est ainsi en droit de prospecter tout le marché, et donc la clientèle de ses compétiteurs. Celle-ci est considérée comme une res nullius qu'un vendeur ne peut se réserver ou s'approprier.”

A force de rechercher les points de déséquilibre, les présidents sont souvent à même de décrire des règles de principes décrivant le point de passage à l'illicite. Ainsi, en l'espèce, il précise alors les comportements qui ne peuvent plus être légitimés par l'exercice normal de la liberté en cause: “L'égalité des compétiteurs est rompue lorsque, pour s'attacher une clientèle, il est fait usage de procédés frauduleux, comme par exemple quand le vendeur entretient la confusion avec un concurrent ou utilise des fichiers d'adresse copiés ou encore accompagne sa prospection de propos dénigrant pour le concurrent” [149]. Il contrôle ensuite dans les faits si un tel comportement illicite apparaît au vu des circonstances propres à l'espèce.

Il convient d'être attentif au fait que si cette manière de jauger l'équilibre emprunte à la faute extra-contractuelle une méthode permettant de révéler un acte objectivement illicite, le devoir de respect de la liberté d'autrui ne trouve pas son fondement dans la responsabilité civile mais dans l'opposabilité de la liberté d'autrui. Il y trouve néanmoins une sanction particulière, la réparation du dommage subi, pour autant que les conditions édictées par les articles 1382 et 1383 du Code civil soient remplies. En matière de concurrence illicite, la loi sur les pratiques du marché lui en offre une autre, la cessation de l'acte illicite.

30.La limitation de l'exercice des libertés économiques et par les devoirs de respect des lois - Mais la source de l'illicéité peut également être autre que le devoir de respect des autres libertés économiques ou civiles. Celui qui exerce sa liberté doit aussi, comme tout un chacun, respecter les devoirs qui naissent d'une disposition légale ou réglementaire qui lui impose ou lui interdit un comportement déterminé. Titulaire d'une liberté, il n'en reste pas moins soumis aux lois et règles générales et abstraites qui s'imposent à tous, et particulièrement, en notre matière celles qui influent directement ou indirectement sur l'exercice des libertés économiques en cause.

L'exercice d'une activité économique - quelle qu'elle soit - est en effet soumise à une multitude de règles imposant à l'entreprise certains comportements déterminés ou abstentions spécifiques.

Ces règles amputent d'autant la légitimité des actes que le titulaire de ces libertés peut poser sous le couvert de celles-ci. Il ne trouve d'ailleurs pas dans celles-ci un fondement ou une justification lui permettant d'échapper au nécessaire respect de ces normes.

On retrouve alors l'assimilation aujourd'hui admise par tous entre l'acte de concurrence illicite et l'atteinte à la loi qui porte atteinte aux intérêts professionnels ou aux intérêts du consommateur tels que perçus par la loi sur les pratiques du marché.

Ici non plus, le fondement de l'assimilation n'est nullement à trouver dans les articles 1382 et 1383 du Code civil. C'est même encore plus évident que pour le type précédent d'acte illicite. Le devoir de respect de la loi et des règles qu'elle contient est totalement indépendant de ces dispositions. L'illicite ne naît pas de leur éventuelle application. L'illicite est constitué du non-respect de la force obligatoire de la règle elle-même. Il trouve alors sa sanction dans la cessation demandée auprès du juge des cessations commerciales ou dans la réparation du préjudice subi sur la base des principes régissant la responsabilité civile.

31.La limitation de l'exercice des libertés économiques par le devoir de respect des droits subjectifs d'autrui comme effet de leur opposabilité - On peut aussi trouver une limite à l'exercice des libertés économiques en cause dans les droits subjectifs d'autrui.

Il est constant que les libertés civiles et économiques, opposées à des pouvoirs qualifiés de droits subjectifs (droits de propriété, droits de propriété intellectuelle, biens de la personnalité) y trouvent autant de limites strictes, indépendamment de la recherche d'une faute au sens de la responsabilité civile extra-contractuelle [150].

On a systématisé et expliqué cette prévalence par l'effet d'opposabilité spécifique aux droits subjectifs [151]. Du fait de l'exclusivité du pouvoir qui caractérise tout droit subjectif, il est doté d'un effet d'opposabilité spécifique donnant naissance à un devoir strict de respect à l'égard des tiers [152], tenus a priori de ne pas enfreindre les droits d'autrui. L'expression parfaite de cette opposabilité se retrouve dans la reconnaissance, depuis l'origine de la théorie des droits subjectifs, tant en théorie du droit qu'en droit positif, d'actions en justice propres sanctionnant toute atteinte qui leur est portée, indépendamment des règles de la responsabilité civile et de toute illicéité distincte de cette atteinte. On pense notamment aux actions en contrefaçon des droits intellectuels et aux actions en revendication propres au droit de propriété.

Les libertés civiles s'arrêtent aux droits subjectifs d'autrui. Parce que le titulaire d'une liberté civile ne trouve jamais dans le pouvoir qui lui est reconnu par cette liberté une légitimité justifiant le non-respect des droits d'autrui, sauf application - mais dans le chef du titulaire du droit - de la théorie correctrice de l'abus de droit.

Appliquée aux libertés économiques en cause ici, cette approche permet de comprendre qu'il est fondé de considérer que constitue par principe un acte de concurrence illicite, l'atteinte portée dans l'exercice de ces libertés aux droits subjectifs d'autrui pour autant que ces droits soit des droits 'professionnels' ou qu'ils recouvrent la protection des intérêts des consommateurs au sens de la loi sur les pratiques du marché. Il s'agit d'une application des principes de droit commun à un conflit qui apparaît dans un contexte spécifique.

Comme l'a souligné très exactement Andrée Puttemans: “L'acte de contrefaçon commis par une entreprise est, par excellence, un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale” [153]. La raison en est que l'entreprise trouve dans ces droits, c'est-à-dire dans leur effet d'opposabilité stricte, une limite nette à l'exercice de ses libertés économiques. L'entreprise ne trouvera pas dans sa liberté de concurrence un fondement légitime pour porter atteinte à ou enfreindre un droit de brevet, un droit de marque ou un droit d'auteur acquis par une autre entreprise, sauf à cette dernière d'abuser de son droit. On connaît les errements auxquels a mené la jurisprudence de la Cour de cassation sur le refus du concours entre les actions en contrefaçon et en concurrence déloyale [154]. L'abolition toute récente de l'interdiction légale du concours par la loi du 10 mai 2007 ne fait néanmoins pas rentrer la contrefaçon dans le même régime que celui des autres actes de concurrence illicite, sauf concernant les tiers qui se prévalent d'une violation des droits de propriété intellectuelle d'autrui [155], ce qui était pourtant concevable du point de vue strict de la théorie de la concurrence illicite.

Rien n'empêche non plus d'admettre que le non-respect du droit de créance d'autrui est constitutif d'un acte de concurrence illicite. Contrairement à une idée erronée encore trop souvent propagée en droit belge des obligations, l'effet d'opposabilité de tous les droits subjectifs est identique et vaut, par conséquent, tant pour les droits réels que pour les droits de créance ou les droits de propriété intellectuelle [156].

Dès lors, celui qui enfreint l'exercice du droit de créance d'autrui par une immixtion dans la relation juridique qui unit le débiteur au créancier, commet un acte illicite en violant l'effet d'opposabilité strict du droit de créance. C'est la théorie de la tierce complicité, déjà considérée, malgré certaines difficultés issues de l'application malheureuse en la matière de la théorie du concours entre responsabilité extra-contractuelle et contractuelle, comme un acte contraire aux usages honnêtes depuis l'origine de la théorie [157].

Pas plus que pour les deux autres types d'actes de concurrence illicite, le fondement de l'illicéité de l'acte d'atteinte au droit subjectif ne se trouve dans l'action en responsabilité extra-contractuelle. C'est l'effet d'opposabilité du droit subjectif qui fonde cette illicéité. La responsabilité n'est alors qu'une sanction possible de cette atteinte à côté de la cessation issue de la procédure instituée par la loi sur les pratiques du marché.

32.La limitation de l'exercice des libertés économiques par le devoir de respect des obligations contractuelles librement consenties - L'exercice des libertés économiques que sont la liberté de contracter et la liberté de concurrence vont le plus souvent déboucher sur la conclusion d'un contrat entre deux ou plusieurs entreprises ou entre une entreprise et un consommateur.

Ce faisant, l'entreprise va accepter, librement et volontairement, de limiter l'exercice futur de ses libertés afin de respecter les droits de créance [158] créés au bénéfice de son cocontractant. Ainsi, par exemple, elle admettra l'introduction d'une clause de non-concurrence au bénéfice de celui-ci.

Le non-respect des obligations contractuelles consenties en faveur de son cocontractant dans l'exercice de ses libertés économiques constitue encore un autre type d'acte de concurrence illicite potentiel pour autant qu'il s'agisse alors d'une atteinte à un droit de créance exercé en vue de la jouissance des intérêts professionnels du créancier ou qu'il s'agisse d'un droit reconnu au consommateur dans sa relation avec l'entreprise. En effet, le non-respect des obligations contractuelles constitue un acte illicite puisqu'il y a violation d'une obligation juridique qui s'impose au débiteur par la force obligatoire du contrat. Mais en outre, il ne peut là non plus justifier de la violation de ses obligations par l'effet légitimateur de ses libertés économiques. Sa liberté de commerce et d'entreprendre, sa liberté de concurrence pas plus que sa liberté de contracter ne lui permettent pas de purger l'illicéité de l'acte de non-respect du droit de créance de son cocontractant.

Le créancier pourrait donc, dans le cadre de cette approche spécifique, parfaitement demander la cessation de l'acte illicite dès lors qu'il peut démontrer - ce qui ne sera dans le contexte d'échange économique qu'une formalité - que la violation de l'obligation contractuelle porte atteinte à des intérêts protégés par la loi relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur.

33.La limitation de l'exercice d'une liberté civile par le devoir de respect des obligations contractuelles librement consenties: un dépassement possible de l'arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 1943 et de ses conséquences? - Cette dernière constatation n'est pas conforme à l'état actuel du droit positif. On a déjà souligné ci-avant le refus, suite à l'arrêt de cassation du 25 novembre 1943, de considérer la seule violation des obligations contractuelles comme un acte de concurrence déloyale rentrant dans le champ d'application des anciens articles 95 et 96 de la loi sur les pratiques du commerce. On a vu que le seul fondement avancé était la nature extra-contractuelle de l'acte contraire aux usages honnêtes issu de l'arrêté royal n° 55 interprété à la lumière de la Convention d'Union de Paris.

Outre que l'arrêté royal n° 55 a été abrogé en 1971 et que le champ d'application matériel initial de la Convention de l'Union de Paris a été dépassé par les évolutions de la matière, on a montré ci-avant que l'illicéité des actes de concurrence ne trouve pas son fondement dans les articles 1382 et 1383 du Code civil. Ces dispositions justifient seulement une sanction possible des actes de concurrence déloyale: la réparation du dommage subi.

L'illicéité que ferait cesser le président du tribunal de commerce, si l'on suit notre approche, se situe en amont de toute problématique de responsabilité qu'elle soit contractuelle ou extra-contractuelle. Elle naît, pensons-nous, d'une application des règles de conflits de pouvoirs et intérêts qui s'opposent dans le cadre de l'exercice des libertés économiques des entreprises. Ces devoirs peuvent être tant d'origine 'contractuelle' que 'extra-contractuelle'.

Il n'y a donc aucune raison d'exclure du champ de l'action en cessation un acte d'origine purement contractuelle [159]. La nature contractuelle ou extra-contractuelle de l'acte est sans aucune influence sur la sanction de la cessation d'un acte de concurrence illicite. Elle n'influencera que les juges du fond saisis par des actions en responsabilité extra-contractuelle ou contractuelle.

34.La limitation de l'exercice d'une liberté civile par le devoir de respect des obligations contractuelles librement consenties: la remise en question de l'application de la théorie du concours - On peut déduire de ce qui précède qu'il reviendrait aux seuls juges du fonds saisis d'une éventuelle action en responsabilité - qu'elle soit contractuelle ou extra-contractuelle - à l'exclusion du juge des cessations commerciales, de résoudre une éventuelle difficulté relative à la théorie du concours de ces responsabilités.

L'application de cette théorie à l'action en cessation commerciale conçue comme mettant fin à un acte illicite [160], semble en effet perdre son fondement si on admet qu'elle n'est pas une action en réparation, ni même en responsabilité. Dans cette hypothèse en effet, la ratio de cette théorie n'est plus réellement rencontrée.

Le fondement de la théorie du concours se situe essentiellement dans la crainte de voir la victime d'une violation fautive d'une obligation contractuelle échapper à certaines des obligations auxquelles elle s'était volontairement soumise quant aux modalités de réparation soit en acceptant des clauses de limitation ou d'exonération de responsabilité, soit des clauses limitant le dommage réparable [161].

Or, la cessation de l'acte de concurrence illicite laisse sauve l'application de telles clauses dans le cadre d'un débat subséquent sur la réparation éventuellement due par l'auteur de l'acte. Le juge des cessations ne se prononce pas sur la responsabilité de ce dernier. Il constate un acte illicite et le fait cesser. Son intervention se situe donc en amont de toute question de responsabilité et par conséquent de celle du concours également.

Les juges de la responsabilité seront certes tenus par la constatation faite de l'illicéité objective de l'acte et de son caractère potentiellement préjudiciable. Mais si l'on admet que cette illicéité n'est pas la résultante d'une application des articles 1382 et 1383 du Code civil visant à la réparation du préjudice subi, que les conditions de dommage réparable et de lien de causalité ne conditionnent pas la cessation de l'acte illicite, alors il faut admettre que la problématique du concours des actions en responsabilité extra-contractuelle et contractuelle devient étrangère à l'action en cessation des actes de concurrence illicite.

Dans cette logique, le jugement de cessation ainsi obtenu ne permettra aucunement à la victime d'obtenir ensuite plus que ce qu'elle obtiendrait par l'introduction d'une action en responsabilité contractuelle. Le juge de la responsabilité ultérieurement saisi sera seulement tenu par le constat de l'existence d'une obligation contractuelle, de sa violation par l'auteur de l'acte et de sa qualification en acte de concurrence illicite. Ce débat se situe en amont de toute question relative à la réparation. L'acte ayant cessé ses effets pour l'avenir se pose seulement ensuite de la question de la responsabilité extra-contractuelle ou contractuelle de l'auteur en application des règles du droit commun, dont les principes régissant le concours entre les deux actions. Mais rien n'implique alors de faire remonter ces débats dans le cadre de l'action en cessation commerciale qui y est, pensons-nous, parfaitement étrangère.

35.Le rôle essentiel de la (potentialité) d'atteinte aux intérêts professionnels ou aux intérêts des consommateurs dans la théorie des actes de concurrence illicite - Il reste à comprendre le rôle exact de la condition de l'atteinte aux intérêts professionnels ou aux intérêts des consommateurs.

Comme montré ci-avant, ces conditions de fond de l'action en concurrence déloyale sont nées de la limitation de l'action aux cas d'atteintes à la liberté de concurrence, interprétée alors restrictivement.

On a montré aussi que la nouvelle déclinaison de cette condition en termes d'atteinte aux intérêts d'autrui n'impliquait nullement la réintégration d'une condition d'existence d'un dommage subi par la victime de l'acte illicite.

Leur portée est autre et se rapproche de celle que l'atteinte à la concurrence avait dans l'arrêté royal n° 55: elles limitent le champ matériel du conflit soumis au juge des cessations commerciales par l'interdiction des actes de concurrence illicite. L'interdiction n'est pas là pour permettre une sanction spécifique à toute illicéité commise par les entreprises dans le cadre de leurs activités. Seules sont visées celles qui vont avoir pour effet ou pourraient avoir pour effet d'enfreindre les intérêts professionnels des autres entreprises ou les intérêts du consommateur tels que compris dans la loi.

C'est là que nous comprenons toute la spécificité de l'illicéité réprimée par le juge des cessations commerciales au sein d'une théorie de la concurrence illicite. L'illicéité est spécifique en ce qu'elle ne peut s'appréhender qu'à l'aune des intérêts qui sont potentiellement violés. Ces intérêts sont la mesure de l'acte de concurrence illicite qui le distingue de tout autre acte, fut-il interdit.

C'est dans le rapport entre le devoir violé par l'entreprise et les intérêts spécifiques protégés par la loi que se dessinent les contours particuliers de l'acte de concurrence illicite. C'est ce qui peut aussi le distinguer des actes contraires à des devoirs généraux de prudence perçus et sanctionnés par les juges de la responsabilité civile. C'est ce rapport qui va donner une coloration différente à l'acte de concurrence illicite 'découvert' par le juge des cessations au vu des circonstances de la cause qui lui sont soumises.

On pressent dès lors ici une possibilité de développer des règles de comportement spécifiques à l'activité économique et une prise en considération de l'intérêt général dans une mesure qui dépasse le contentieux classique de responsabilité civile, bridé par l'exigence d'un dommage personnel et certain subi par la victime. On pense par exemple à la prise en considération, imposée par la loi du 6 avril 2010, des intérêts d'un consommateur moyen, c'est-à-dire un être abstrait, pour qualifier la pratique commerciale déloyale.

Conclusions

36.D'un contentieux subjectif de la responsabilité civile extra-contractuelle à un contentieux objectif de l'illicite économique? - Le retour à la finalité première de l'action en cessation commerciale - mettre fin à l'illicéité de l'acte litigieux - et la relecture des conditions de l'acte et de sa sanction à la lumière de cette finalité, permet de considérer que l'on est passé en la matière d'une logique propre à la responsabilité civile extra-contractuelle à une logique particulière: celle d'un contentieux de l'illicite économique.

Si le but de l'action n'est pas de réparer, mais de faire cesser un acte posé en violation de règles de comportements qui s'imposent à l'entreprise dans l'exercice de ses activités économiques, alors les conditions de l'action ne doivent plus s'interpréter en fonction des conditions strictes de la responsabilité civile extra-contractuelle, élaborées en fonction de sa seule sanction de réparation, mais en fonction du but spécifique que constitue la cessation de l'acte de concurrence illicite.

C'est pourquoi les conditions de faute, de dommage et de lien causal paraissent devoir s'effacer devant celles d'illicéité, d'imputabilité objective et d'atteintes potentielles aux intérêts des consommateurs ainsi qu'aux intérêts professionnels des autres entreprises, protégées principalement par les libertés économiques.

Ce faisant, on passe également à un contentieux qui se départit intégralement de l'approche subjective de la responsabilité civile vers une approche plus objective de l'interdiction de l'illicite en vue de la réalisation d'un équilibre plus harmonieux entre les intérêts divergents dont l'équilibre doit être assuré sur le marché: intérêts de l'entreprise, intérêt du marché et de la concurrence, intérêts du consommateur hantés par des objectifs d'intérêt général.

Non pas que le contentieux ne soit plus 'subjectif' au sens judiciaire du terme. Le demandeur doit toujours exciper d'un intérêt légitime, sauf dérogation légale expresse aux exigences de l'article 17 du Code judiciaire.

37.L'objectif d'équilibration des libertés économiques et de prise en compte des objectifs élargis de la libre concurrence au fondement de la notion de concurrence illicite - Si l'on veut bien admettre que les grandes libertés économiques n'expriment pas seulement de beaux principes généraux vides de toutes conséquences pratiques, il nous a semblé que leur qualification de 'libertés civiles' et surtout, les conséquences juridiques qui y sont liées, permettent de mieux comprendre l'origine même du caractère illicite des pratiques en cause.

Les règles de comportements auxquels sont soumis les titulaires de ces libertés proviennent non pas d'une application des articles 1382 et 1383 du Code civil mais de la force obligatoire de divers devoirs auxquels ils sont soumis dans l'exercice de ces libertés: devoir de prise en compte des libertés d'autrui, respect des lois et règles générales et abstraites obligatoires, respect strict des droits subjectifs d'autrui, respect des engagements contractuels et prise en compte des intérêts légitimes d'autrui.

Le discours est devenu certes plus prospectif, voire franchement en désaccord avec l'opinion doctrinale et jurisprudentielle dominante. Il a cependant le mérite d'ouvrir encore la perspective du champ d'application des actes de concurrence illicite susceptibles de faire l'objet d'une cessation au travers de la procédure organisée par les lois relatives régissant la matière et de remettre en question certaines limites imposées par le fondement historique de l'action.

38.L'élargissement de la notion d'acte de concurrence illicite à la lumière des objectifs de la libre concurrence - Les exigences de la libre concurrence s'élargissent d'année en année en fonction même du développement des pratiques commerciales et de l'activité économique.

La nécessité de prise en compte et de protection d'un nombre croissant d'intérêts qui s'opposent - intérêts du consommateur, intérêts de l'entreprise, intérêts du marché lui-même et intérêt général - plaide également pour une protection indépendante de l'origine extra-contractuelle ou contractuelle des actes illicites susceptibles d'entraver un jeu équilibré de la concurrence. Elle plaide aussi pour une libération des contraintes qui ne paraissent pas se justifier au regard de la sanction spécifique de cessation de l'acte. On pense ici principalement à l'application des règles de concours entre les deux jeux de responsabilité.

L'approche proposée permet un nouveau développement de la notion de pratique de concurrence illicite, qui semble réalisable par des voies jurisprudentielles et doctrinales [162]. Elle suscitera, on l'espère, certains débats et critiques. Car là est le premier rempart contre toute inertie du droit.

[1] Professeur F.U.S.L., avocat au barreau de Bruxelles.
[2] Loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur, MB 12 avril 2010, pp. 20.803 et s. Ci-après la loi du 6 avril 2010; aussi loi du 6 avril 2010 concernant le règlement de certaines procédures dans le cadre de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur, MB 12 avril 2010, pp. 20.841 et s.
[3] La terminologie légale est modifiée. L'acte contraire aux usages honnêtes est définitivement passé aux oubliettes de l'histoire de la matière. On reprendra, quand il s'imposera, la terminologie nouvelle de la loi du 6 avril 2010. Si non, nous lui préfèrerons la notion 'd'acte de concurrence illicite' la notion englobant ici les deux nouveaux concepts.
[4] A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 35 et s., spéc. pp. 51 et 53.
[5] Th. Léonard, “La compétence internationale du juge des cessations: une question de responsabilité civile?” (note sous Comm. Louvain (cess.) 1er mars 2007), Ann.prat.comm.conc.2007, Malines, Kluwer, 2008, pp. 789 et s., nos 4 et 5; Y. De Cordt, C. Delforge, Th. Léonard et Y. Poullet, Manuel de droit commercial, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, pp. 502 et s.
[6] Au sens de l'art. 2, 1° de la loi du 6 avril 2010:“toute personne physique ou personne morale poursuivant de manière durable un but économique, y compris ses associations”.
[7] Conflits entre droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, Bruxelles, Larcier, 2005.
[8] Pour un historique de l'évolution de la protection, voy. p. ex., B. Francq, G. Schriker et D. Wunderlich, La répression de la concurrence déloyale dans les Etats membres de la Communauté européenne, T. II/1, Belgique-Luxembourg, Paris, Dalloz, 1974, pp. 59 à 74; A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 101 et s.; J. Stuyck, Beginselen van Belgisch privaatrecht - Handels- en economisch recht - Deel 2 Mededingsrecht - A. Handelspraktijken, 2ème éd., Malines, Kluwer/Story-Scientia, 2004, pp. 1 et s.; A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, o.c., pp. 9 et s.
[9] Expression reprise de B. Francq, G. Schriker et D. Wunderlich, La répression de la concurrence déloyale dans les Etats membres de la Communauté Européenne, T. II/1, o.c., p. 62, n° 4; voy. aussi W. Delandsheere, “L'action en cessation instituée par l'arrêté royal du 23 décembre 1934 s'applique-t-elle à un acte qui, s'il est réputé établi, rentre dans la catégorie de ceux prévus par les lois spéciales relatives aux brevets, marques, dessins et modèles?”, Ing.Cons.1938, p. 170.
[10] B. Francq, G. Schriker et D. Wunderlich, La répression de la concurrence déloyale dans les Etats membres de la Communauté européenne, T. II/1, o.c., p. 63, n° 4 qui relevaient que“cette lacune entraînait en effet les tribunaux à donner une importance exagérée au principe de la liberté de commerce et de l'industrie”.
[11] L. Hendrickx, “De la répression des actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale ou industrielle”, JCB 1936, p. 265.
[12] De manière très significative, voy. L. Frederick, La concurrence déloyale, Gand, Ed. Rombaut-Fecheyr, 1935, p. 27: “En outre, et c'était là un défaut capital du système existant, l'action en réparation n'a pas de valeur préventive; elle cherche à pallier aux conséquences dommageables d'une faute, mais elle ne peut empêcher cette faute de se continuer pour l'avenir.”
[13] B. Francq, G. Schriker et D. Wunderlich, La répression de la concurrence déloyale dans les Etats membres de la Communauté européenne, T. II/1, o.c., pp. 62-63, n° 4; A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, o.c., p. 104, n° 70 et p. 110, n° 73; J. Stuyck, Beginselen van Belgisch privaatrecht - Handels- en economisch recht - Deel 2 Mededingsrecht - A. Handelspraktijken, 2ème éd., o.c., pp. 1 et 2, n° 2.
[14] Cass. (1ère ch.) 25 novembre 1943 (2 arrêts), Pas.1944, I, pp. 70 à 72.
[15] Cass. (1ère ch.) 16 mars 1939, Pas.1939, I, pp. 150 et s.
[16] Pasin. 1934, p. 493.
[17] L. Frederick, La concurrence déloyale, o.c., p. 30, n° 16; aussi W. Delandsheere, “L'action en cessation instituée par l'arrêté royal du 23 décembre 1934 s'applique-t-elle à un acte qui, s'il est reputé établi, rentre dans la catégorie de ceux prévus par les lois spéciales relatives aux brevets, marques, dessins et modèles?”, Ing.Cons.1938, p. 180; P. Horion, “Contribution à l'étude du champ d'application de l'action en cessation”, Ing.Cons.1939, p. 104:“Les termes 'concurrence déloyale' désignent un domaine général, vaste et divers de faits illicites et préjudiciables qui donnent lieu à une action en réparation basée sur l'article 1382 du Code civil, s'il y a eu un préjudice effectif pour le passé, et à l'action en cessation s'il y a menace de préjudice pour l'avenir.”; L. Hendrickx, “De la répression des actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale ou industrielle”, o.c., p. 263: “Toutefois, la protection spéciale accordée par l'arrêté, qui ne tend nullement à apprécier un dommage, ni à assurer la réparation d'un préjudice, mais uniquement à mettre un terme à certaines manoeuvres, ne devrait pas être réservée aux seuls victimes des agissements de tiers.”
[18] Pour une même approche où l'auteur ne dit mot sur l'application des conditions de la responsabilité civile, l'action étant présentée comme seulement conditionnée par la constatation d'un acte déloyal portant atteinte à la concurrence: RPDB, T. X, v° Propriété commerciale, Bruxelles-Paris, LGDJ, mars 1939, pp. 511 et s., nos 135, 137, 148 et 149.
[19] On a néanmoins cité cet auteur comme ayant soutenu que les trois conditions de la responsabilité civile étaient applicables en renvoyant à un passage où il ne parle cependant que de l'action en responsabilité civile et pas de l'action en cessation (B. Francq, G. Schriker et D. Wunderlich, La répression de la concurrence déloyale dans les Etats membres de la Communauté européenne, T. II/1, o.c., p. 84, note 2).
[20] Conclusions de l'avocat général Cornil sous Cass. (1ère ch.) 16 mars 1939, BJ, 1939, col. 215.
[21] Sur ce débat et certaines de ses conséquences, voy. A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, o.c., p. 10.
[22] Conclusions de l'avocat général Cornil sous Cass. (1ère ch.) 16 mars 1939, BJ, 1939, col. 214.
[23] RPDB, T. X, v° Propriété commerciale, o.c., p. 527, n° 137; aussi L. Fredericq, Traité de droit commercial, T. II, Gand, Rombaut-Fecheyr, 1947, pp. 213 et 214, n° 141.
[24] RPDB, T. X, v° Propriété commerciale, o.c., p. 527, n° 137 où l'auteur constate, en 1939, que la thèse de l'exclusion “a été à juste titre repoussée” citant une nombreuse jurisprudence; voy. aussi pour le même constat B. Francq, G. Schriker et D. Wunderlich, La répression de la concurrence déloyale dans les Etats membres de la Communauté européenne, T. II/1, o.c., p. 110:“L'entrée en vigueur de l'arrêté royal de 1934 fit pencher la balance du côté de la première de ces opinions: la violation des règles conventionnelles serait constitutive de concurrence déloyale, la personne lésée disposant ainsi de l'arme efficace et rapide qu'est l'action en cessation”; A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, o.c., p. 38, n° 35 et réf. citées.
[25] L. Hendrickx, “De la répression des actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale ou industrielle”, o.c., p. 267.
[26] RPDB, T. X, v° Propriété commerciale, o.c., p. 530, n° 161; L. Fredericq, Traité de droit commercial, T. II, o.c., pp. 224 et 225. Aussi conclusions de l'avocat général Cornil sous Cass. (1ère ch.) 16 mars 1939, o.c., col. 215: “Le tribunal de commerce, saisi de l'action en réparation du préjudice après ordonnance de cessation, ne pourrait pas, dans ce second procès entre les mêmes parties, dire que les actes n'ont pas été commis, ou qu'ils n'étaient pas constitutifs de concurrence déloyale; il ne pourra qu'évaluer le préjudice ou constater éventuellement qu'il n'y a pas eu de préjudice subi.”
[27] Cass. (1ère ch.) 25 novembre 1943 (2 arrêts), Pas.1944, I, pp. 70 à 72.
[28] Ce qui a été critiqué, la plupart des exemples de l'arrêté pouvant être commis par voie contractuelle ou extra-contractuelle (en ce sens, A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, o.c., p. 45; aussi B. Francq, G. Schriker et D. Wunderlich, La répression de la concurrence déloyale dans les Etats membres de la Communauté européenne, T. II/1, o.c., p. 111, n° 132).
[29] Cass. (1ère ch.) 16 mars 1939, Pas.1939, I, pp. 150 et s.
[30] Sur cette question, consultez la remarquable thèse de doctorat d'Andrée Puttemans (o.c., spécialement concernant cet arrêt, pp. 175 et s.).
[31] “Attendu que la doctrine et la jurisprudence font une distinction très nette entre la concurrence déloyale et la contrefaçon de marque de fabrique; que cette dernière ne peut donner ouverture à l'action en concurrence déloyale basée sur l'article 1382 du Code civil (Cass. (1ère ch.) 16 mars 1939, Pas.1939, I, p. 153).
[32] Conclusions de l'avocat général Cornil sous Cass. (1ère ch.) 16 mars 1939, BJ, 1939, col. 212; voy. pour les critiques sur ce point du raisonnement, A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, o.c., pp. 179 et 181.
[33] Voy. entre autres, G. Bogaert, “Praktijken strijdig met de eerlijke handelsgebruiken” in Handelspraktijken. Het nieuwe in de wet van 14 juli 1991 betreffende de handelspraktijken en de voorlichting en bescherming van de consument, Bruges, die Keure, 1992, p. 151, n° 275 qui indique que les trois conditions de la responsabilité s'appliquent; R.-O. Dalcq, Traité de la responsabilité civile, T. 1, Les causes de responsabilités, 2ème éd., Bruxelles, Larcier, 1967, p. 211, n° 406 qui indique uniquement que l'acte de concurrence illicite est une faute; A.-C. Delcorde, “Concurrence macro vs concurrence micro (ou la concurrence économique au sens de la loi du 5 août 1991 et ses rapports avec la loi du 14 juillet 1991)” in Les pratiques du commerce. Autour et alentour, Bruxelles, Pub. Fac. univers. St Louis, 1997, p. 43; J. Stuyck, “L'acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale” in Les pratiques du commerce et la protection et l'information du consommateur depuis la loi du 14 juillet 1991, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau de Bruxelles, 1991, p. 131, n° 7, p. 139, n° 19, p. 174, n° 52, pp. 155 et 156, n° 35; Idem, Beginselen van Belgisch privaatrecht. Handels- en economisch recht - Deel 2 Mededingsrecht - A. Handelspraktijken, 2ème éd., o.c., p. 130, n° 161 et p. 142, n° 176; H. Swennen et I. Verougstraete, Kroniek van Belgisch economisch recht 1976, SEW, 1977, 686; J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, 2ème éd., T. I, Bruxelles, Bruylant, 1976, p. 203, n° 193; I. Verougstraete, “Praktijken strijdig met de eerlijke gebruiken” in De nieuwe wet handelspraktijken, Bruxelles, E.Story-Scientia, 1992, p. 141, n° 20.
[34] Voy. p. ex., Mons 20 octobre 2009 (sic), Ann.prat.comm.conc.2008, Malines, Kluwer, 2009, pp. 724 et s.; Anvers 25 juin 2004, RDC 2004, pp. 1043 et s.; Comm. Charleroi (cess.) 2 avril 2003, RDC 2003, pp. 620 et s.; Comm. Hasselt (cess.) 28 novembre 2003, Ann.prat.comm.conc.2003, Malines, Kluwer, 2004, pp. 726 et s.; aussi, implicitement mais certainement, lorsque le juge des cessations fait application de la théorie du concours des responsabilités extra-contractuelles et contractuelles, par analogie au juge de la réparation. Voy. p. ex., Bruxelles 28 mars 2007, Ann.prat.comm.conc.2007, Malines, Kluwer, 2008, pp. 451 et s.; Gand 19 février 2007, Ann.prat.comm.conc.2007, Malines, Kluwer, 2008, pp. 425 et s.; Comm. Veurne (cess.) 24 janvier 2007, Ann.prat.comm.conc. 2008, Malines, Kluwer, 2009, pp. 588 et s.; Anvers (5ème ch.) 26 juin 1995, AJT 1995-96, pp. 245 et s.
[35] Pour des critiques de cette assimilation, voy. p. ex., E. Balate, “Loyauté et louvoyage. Les articles 93 et 94 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et l'information et la protection du consommateur” in Les pratiques du commerce, l'information et la protection du consommateur. Premier bilan et perspectives d'application de la loi du 14 juillet 1991, notamment au regard du droit européen, Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 162 et s.; L. Cornelis, Principes du droit belge de la responsabilité extra-contractuelle, Vol. I, Bruxelles-Anvers, Bruylant-Maklu-Ced.Samsom, 1991, pp. 77 et s., nos 45 à 48; J.-F. Romain, “La liberté de commerce et le refus de contracter”, RGDC, 1995, p. 11, n° 19.1.; A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 35 et s.; B. Van de Walle de Ghelcke, Onrechtmatige daad en oneerlijke mededeging”, RW, pp. 1259 et s.
[36] A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, o.c., p. 145, nos 93 et s., spéc., n° 95 in fine.
[37] Ibid., n° 95 in fine.
[38] Pour des critiques de cette assimilation, voy. p. ex., E. Balate, “Loyauté et louvoyage. Les articles 93 et 94 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et l'information et la protection du consommateur”, in Les pratiques du commerce, l'information et la protection du consommateur. Premier bilan et perspectives d'application de la loi du 14 juillet 1991, notamment au regard du droit européen, Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 162 et s.; L. Cornelis, Principes du droit belge de la responsabilité extra-contractuelle, Vol. I, Bruxelles-Anvers, Bruylant-Maklu-Ced.Samsom, 1991, pp. 77 et s., nos 45 à 48; J.-F. Romain, “La liberté de commerce et le refus de contracter”, RGDC 1995, p. 11, n° 19.1.; A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 35 et s.; B. Van de Walle de Ghelcke, Onrechtmatige daad en oneerlijke mededeging”, RW 1987-88, pp. 1259 et s.
[39] Sur cette distinction et son introduction en droit belge par les écrits de Patrick Wéry, voy. Th. Léonard, Conflits entre droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, o.c., pp. 468 et s.; aussi, tout récemment P. Wéry, Droit des obligations, Vol. 1, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 522 et s., spéc. nos 594 et 595; on a vu également ci-avant aussi que les premiers commentateurs de l'arrêté royal n° 55 opéraient aussi cette distinction (cf. supra n° 4).
[40] Pour un autre exemple de l'absence de distinction et ses conséquences, voy. la problématique relative aux actions en contrefaçon en matière de propriété intellectuelle (Th. Léonard, “Atteintes aux droits subjectifs et responsabilité civile: réflexions suite à l'adoption de la loi du 10 mai 2007 relative aux aspects civils de la protection des droits de propriété intellectuelle in Droit des obligations: développements récents et pistes nouvelles, Liège, CUP, 2007, pp. 204 et s., n° 44).
[41] P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T. II, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 1136, n° 799 (aussi, n° 809).
[42] Comp. L. Cornelis, Principes du droit belge de la responsabilité extra-contractuelle, Vol. I, Bruxelles-Anvers, Bruylant-Maklu-Ced.Samsom, 1991, p. 14, nos 7 et 8; aussi J.-L. Fagnart, “Introduction générale au droit de la responsabilité”, Vol. 1, Responsabilités - Traité théorique et pratique, Bruxelles, Kluwer, 1999, p. 17, n° 28 où l'auteur, se basant sur l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 14 juillet 1994 indique aussi que “La prévention des dommages est étrangère à la responsabilité en droit positif.”
[43] P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T. II, o.c., p. 1136.
[44] Ibid., p. 1150, n° 807; aussi J.-L. Fagnart, “Introduction générale au droit de la responsabilité”, Vol. 1, o.c., p. 6, n° 4, p. 17, n° 27: “On peut dire qu'une personne est responsable chaque fois qu'elle doit réparer un dommage”citant la meilleure doctrine française; E. Dirix, Het begrip schade, 2ème éd., Anvers-Apeldoorn, Maklu Uitgevers, 1998, p. 13, n° 1:“Deze strekt er immers toe de onrechtmatig veroorzaakte schade te vergoeden en dit onderstelt dat er eerst en vooral iets te vergoeden valt.”; D. Simoens, Beginselen van Belgisch Privaatrecht, T. XI, Buitencontractuele aansprakelijkheid, Deel II, Schade en schadeloostelling, Anvers, Kluwer, 1999, p. 13:“Het buitencontractuele aansprakelijkheidsrecht is erop gericht schade die uit een onrechtmatige daad is ontstaan, te vergoeden. (...) Deze artikelen strekken ertoe de onrechtmatig verroorzaakte schade te doen vergoeden, en dit veronderstelt eerst en vooral dat er iets te vergoeden valt”.
[45] P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T. II, o.c., p. 1595, n° 1117; aussi D. Simoens, Beginselen van Belgisch privaatrecht, T. XI, Buitencontractuele aansprakelijkheid, Deel II, Schade en schadeloostelling, o.c., pp. 3 et 13.
[46] Voy. les nombreux exemples relevés par Patrick Wéry et les nombreuses références: P. Wéry, L'exécution forcée en nature des obligations contractuelles non pécuniaires. Une relecture des articles 1142 à 1144 du Code civil, Bruxelles, Kluwer, 1993, pp. 143 et 144, n° 108; Idem, “Condamnations non pécuniaires, réparation en nature et remplacement judiciaire en matière extracontractuelle” (note sous Liège (7ème ch. B) 8 juin 1993), JT 1995, p. 430, n° 2; Idem, “Questions actuelles du droit de la responsabilité aquilienne” in Droit de la responsabilité, Liège, CUP, Vol. n° 10, 1996, pp. 19 et 20, n° 6. Comp. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T. II, o.c., p. 1601.
[47] Voy. p. ex., Ph. le Tourneau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité, Paris, Dalloz, 1996, pp. 339 et s., nos 1269 à 1271; G. Marty et P. Raynaud, Les obligations, T. I, 2ème éd., Paris, Sirey, 1988, pp. 733 et s., spéc., p. 736, n° 583; G. Viney, Traité de droit civil - La responsabilité: effets, Paris, LGDJ, 1988, pp. 20 et 21, n° 13 (comp. avec la seconde édition de son traité où l'auteur se demande si toutes les mesures de rétablissement ressortissent bien du domaine de la responsabilité (G. Viney et P.  Jourdain, Traité de droit civil. Les effets de la responsabilité, 2ème éd., o.c., p. 23, n° 11)).
[48] M.-E. Roujou de Boubée, Essai sur la notion de réparation, Paris, LGDJ, 1974.
[49] J. Boulanger et G. Ripert, Traité de droit civil (d'après le traité de Planiol), T. II, Paris, LGDJ, 1957, p. 437, n° 1137; Ph. le Tourneau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité, o.c., p. 340, n° 1270; G. Marty et P. Raynaud, Les obligations, T. I, 2ème éd., o.c., p. 733, n° 582; M.-E. Roujou de Boubée, Essai sur la notion de réparation, o.c., p. 217; R. Savatier, Traité de la responsabilité civile en droit français, T. II, 2ème éd., pp. 169 et s., n° 594.
[50] Voy. cependant, H. Bocken, Het aansprakelijkheidsrecht als sanctie tegen de verstoring van het leefmilieu, Bruxelles, Bruylant, 1979, pp. 146 et s., n° 91; Idem, “Herstel in natura en rechtelijk bevel of verbod” in Liber Amicorum Jan Ronse, Bruxelles, E. Story-Scientia, 1986, pp. 500 et s.; F. Delpérée, “La prévention et la réparation des dommages causés par l'administration” (note sous Cass. (1ère ch.) 26 juin 1980), RCJB 1983, p. 192, note 21; S. Stijns, De gerechtelijke en de buitengerechtelijke ontbinding van overeenkomsten, Anvers, Maklu, 1994, pp. 330 à 332.
[51] Cass. (1ère ch.) 21 avril 1994, Pas.1994, I, p. 388; Cass. (2ème ch. - 3ème espèce) 20 janvier 1993, Pas.1993, I, p. 73; Cass. (1ère ch.) 26 juin 1980, Pas.1980, I, pp. 1341 et s. et conclusions de l'avocat général Velu qui énonce déjà le principe repris dans les arrêts précités. La distinction a cependant été faite, incidemment, par l'avocat général Ganshof van der Meersch dans ses célèbres conclusions relatives à l'abus de droit précédant l'arrêt du 10 septembre 1971. Conclusions du procureur général Ganshoff van der Meersch, précédant Cass. (1ère ch.) 10 septembre 1971, Arr.Cass.1972, I, p. 41; aussi la note de W.G. publiée sous le même arrêt dans la Pasicrisie traduisant en français l'opinion exprimée par le procureur général (Pas.1972, I, p. 37)).
[52] Voy. l'art. 2, al. 2, de la loi du 6 avril 2010 concernant le règlement de certaines procédures dans le cadre de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur: “Il [Le président du tribunal de commerce] peut ordonner l'interdiction des pratiques du marché visées aux articles 83 à 99 de la loi précitée lorsqu'elles n'ont pas encore débuté, mais qu'elles sont imminentes.”
[53] Comp.: “De bevoegdheid van de stakingsrechter is beperkt. Hij heeft niet de bevoegdheid om partijen te vergoeden voor schade die zij eventueel zouden geleden hebben door een oneerlijke handelspraktijk. Het doel van het stakingsbevel is een oneerlijke praktijk te doen ophouden en te voorkomen dat een gelijkaardige praktijk in de toekomst zou herhaald worden. De stakingsrechter is niet bevoegd om maatregelen te bevelen die er enkel op gericht zijn om partijen te herstellen in hun vroegere toestand.” (Comm. Louvain (cess.) 8 mai 2007, Ann.prat.comm.conc. 2007, 2008, pp. 621 et 622).
[54] Nombreux sont les premiers commentaires de l'arrêté royal n° 55 qui allaient en ce sens: W. Delandsheere, “L'action en cessation instituée par l'arrêté royal du 23 décembre 1934 s'applique-t-elle à un acte qui, s'il est réputé établi, rentre dans la catégorie de ceux prévus par les lois spéciales relatives aux brevets, marques, dessins et modèles?”, o.c., p. 180, comparant ici l'action en contrefaçon au fond et l'action en cessation commerciale: “l'une est une action ancienne, au champ d'application limité, (…) et dont le but est d'obtenir, en définitive la réparation du préjudice subi,; l'autre une action nouvelle, au champ d'application très étendu, (…) et dont le but exclusif est d'obtenir la cessation rapide d'un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale ou industrielle, indépendamment du préjudice subi” (l'auteur souligne); L. Hendrickx, “De la répression des actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale ou industrielle”, o.c., pp. 263 et 264:“Toutefois, la protection spéciale accordée par l'arrêté, qui ne tend nullement à apprécier un dommage, ni à assurer la réparation d'un préjudice, mais uniquement à mettre un terme à certaines manoeuvres, ne devrait pas être réservée aux seules victimes des agissements de tiers (…) Il ne s'agit pas dans cette instance d'un débat sur la nature de la responsabilité ou sur la gravité de la faute, mais de la seule constatation de l'existence d'un acte dont on estime devoir ordonner la cessation parce qu'il est incompatible avec la probité commerciale.”; M. Philonenko, “L'action en cessation et ses rapports avec le droit commun”, JCB, 1938, p. 57: “Cette action spéciale ne trouve nullement son fondement dans l'article 1382, tant en raison de ce que cet article ne vise que les rapports entre les penitus extranei qu'à cause de ce qu'il ne dispose que quant à la réparation due par l'auteur du préjudice à sa victime, - alors que l'arrêté royal vise directement le délit ou le quasi-délit civil de nature malhonnête, pris en lui-même et ne s'occupe guère de la réparation qui reste d'ailleurs de la compétence exclusive du tribunal tout entier (…)” (aussi pp. 58 et 59). Aussi encore quelques années plus tard, R. Mougenot, “L'action en cessation en matière de concurrence déloyale instituée par l'AR du 23 décembre 1934”, RGAR, 1946: “L'arrêté instaure une action en cessation dont le but est de faire cesser immédiatement l'acte incriminé. Cette action est indépendante de tout préjudice: la seule tentative de porter atteinte à l'organisation commerciale de quelqu'un suffit pour donner ouverture à l'action” (n° 3836, 1) et concernant l'absence de dommage requis “A ce point de vue notre arrêté royal se sépare des principes d'application de l'article 1382 C.civ. Plusieurs jugements ont mis en lumière cette divergence entre le système nouveau et la responsabilité aquilienne. L'action en cessation est complètement indépendante du régime civil; elle trouve sa base en elle-même.” (n° 3836, 3).
[55] M.-E. Roujou de Boubée, Essai sur la notion de réparation, Paris, LGDJ, 1974, p. 211.
[56] L. Cornelis, Principes du droit belge de la responsabilité extra-contractuelle, Vol. I, o.c., p. 26, n° 14.
[57] Voy. notamment, B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, “Chronique de jurisprudence. La responsabilité civile (1996-2007)”, Vol. I, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 22; L. Cornelis, Principes du droit belge de la responsabilité extra-contractuelle, Vol. I, o.c., p. 25, nos 13 et 14; S. Covemaeker et W. Van Gerven, Verbintenissenrecht, Louvain, Acco, 2001, p. 237; B. Dubuisson, “Faute, illégalité et erreur d'appréciation en droit de la responsabilité civile” in La faute dans différentes branches du droit, Actes de la journée d'études Paul Rigaux, Louvain-la-Neuve, 10 juin 1999, pp. 8 et 9; Idem, “Faute, illégalité et erreur d'appréciation en droit de la responsabilité civile” (note sous Cass. (1ère ch.) 26 juin 1998), RCJB 2001, p. 33, n° 7; J.-L.  Fagnart, “Chronique de jurisprudence. La responsabilité civile (1976-1984)”, JT 1986, p. 301, n° 52; X. Thunis, Responsabilité. Traité théorique et pratique, Titre II, Dossier 20, Théorie générale de la faute, Vol. 1, La faute civile, un concept polymorphe, Bruxelles, Kluwer, 2000, p. 16, n° 17 et pp. 20 et s., spéc. p. 22, n° 27; H. Vandenberghe, “Het aquiliaanse foutbegrip” in Onrechtmatige daad. Actuele tendensen, Anvers, Kluwer, 1979, p. 12, n° 7; Idem, “De grondslag van contractuele en extra-contractuele aanspraakelijkheid voor eigen daad”, TPR 1984, p. 127, n° 1; H. Vandenberghe, M. Van Quickenborne et L. Wynant, “Overzicht van rechtspraak. Aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad (1985-1993)”, TPR 1995, p. 1122, n° 1; H. Vandenberghe, M. Van Quickenborne, K. Geelen et S. De Coster, “Overzicht van rechtspraak. Aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad (1979-1984)”, TPR 1987, II, p. 1263, n° 1 et p. 1318, n° 31; H. Vandenberghe, M. Van Quickenborne, L. Wynant et M. Debaene, “Overzicht van rechtspraak. Aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad (1994-1999)”, TPR 2000, p. 1561, n° 4; R. Vandeputte, Het aquiliaans foutbegrip, Anvers-Bruxelles, Maklu-Ced.Samsom, 1988, pp. 18 et 19, nos 9 à 12.
[58] P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T. II, o.c., p. 1207, n° 841.
[59] La plupart des auteurs commentent la notion de faute objective sur la base de cette distinction. Voy. p. ex., S. Covemaeker et W. Van Gerven, Verbintenissenrecht, o.c., pp. 237 et s.; H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, 3ème éd., T. II, Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 937, n° 941; R.-O. Dalcq, “Appréciation de la faute en cas de violation d'une obligation déterminée” (note sous Cass. (1ère ch.) 22 septembre 1988), RCJB, 1990, pp. 209 et 210, n° 3; J.-L.  Fagnart, La responsabilité civile. Chronique de jurisprudence (1985-1995), Bruxelles, Larcier, 1997, p. 43, nos 34 et 35; Ch. Hennau-Hublet et G. Schamps, “Responsabilité pénale et responsabilité civile: une parenté contestée”, Ann.dr., 1995, p. 170, n° 58; avocat général J.-F. Leclercq, conclusions précédant Cass. (3ème ch.) 3 octobre 1994, Pas.1994, I, p. 788, n° 2; G. Schamps, “La violation de la loi et la prévisibilité du dommage en matière aquilienne”, o.c., p. 46, n° 3; Idem, “La prévisibilité du dommage en responsabilité civile. De son incidence sur la faute et sur le rapport de causalité”, JLMB 1994, p. 377, nos 3 et 4; L. Simont, “Réflexions sur la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la responsabilité du tiers complice de la violation d'une obligation contractuelle in Mélanges offerts à Robert Pirson, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 356, n° 2; H. Vandenberghe, “De grondslag van contractuele en extra-contractuele aansprakelijkheid voor eigen daad”, TPR 1984, I, pp. 128 et s.; H. Vandenberghe, M. Van Quickenborne et L. Wynant, “Overzicht van rechtspraak. Aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad (1985-1993)”, TPR 1995, pp. 1126 et s.; B. Van de Walle de Ghelcke, “Onrechtmatige daad en oneerlijke mededinging”, RW 1987-88, p. 1259; conclusions de l'avocat général J. Velu, précédant Cass. (1ère ch.) 13 mai 1982, JT 1982, p. 780, n° 19.
[60] B. Dubuisson, “Faute, illégalité et erreur d'appréciation en droit de la responsabilité civile” (note sous Cass. (1ère ch.) 26 juin 1998), RCJB 2001, p. 42, n° 19. Adde, I. Claeys, “Het foutbegrip bij overheidsaansprakelijkheid: zijn wetschending en fout nog één?”, Willy Delva Cyclus 2006-07, Kluwer, 2007, p. 198, n° 4: “Het is intussen een axioma van het Belgische aansprakelijkheidsrecht dat de buitencontractuele fout in een objectief en subjectief bestanddeel wordt opgesplitst: de onrechtmatigheid en de toerekenbaarheid. Dit onderscheid wordt in de bijdrage van raadsheer G. Jocqué in dit verslagboek geanalyseerd en komt in huidige bijdrage verder nog zijdelings terug wanneer de onoverwinnelijke dwaling wordt besproken. Een ander axioma is de opsplitsing van de onrechtmatigheid of het objectieve element van de fout in twee subcategorieën. Een buitencontractuele fout bestaat uit de schending van ofwel een algemene zorgvuldigheidsnorm(en), ofwel een specifieke rechtsnorm (de gebruikelijke verkorte aanduiding voor de tweede foutcategorie), d.i. een rechtsnorm die een welbepaald gebod of verbod oplegt.”
[61] Voy. p. ex., B. Dubuisson, “Faute, illégalité et erreur d'appréciation en droit de la responsabilité civile”, o.c., pp. 33 et 34.
[62] Ibid., p. 9.
[63] L. Cornelis, Principes du droit belge de la responsabilité extra-contractuelle, Vol. I, o.c., pp. 25 et s., n° 14; B. Dubuisson, “Faute, illégalité et erreur d'appréciation en droit de la responsabilité civile”, o.c., p. 9.
[64] Voy. p. ex., S. Covemaeker et W. Van Gerven, Verbintenissenrecht, o.c., pp. 41 et s.; H. Vandenberghe, M. Van Quickenborne, L. Wynant et M. Debaene, “Overzicht van rechtspraak. Aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad (1994-1999)”, o.c., pp. 1561 et 1562, n° 4.
[65] L. Cornelis, Principes du droit belge de la responsabilité extra-contractuelle, Vol. I, o.c., p. 32, n° 18.
[66] J. Stuyck, “L'acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale”, o.c., p. 139, n° 19; J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, 2ème éd., T. I, o.c., p. 203, n° 193.
[67] Voy. p. ex., B. Francq, G. Schriker et D. Wunderlich, La répression de la concurrence déloyale dans les Etats membres de la Communauté européenne, T. II/1, o.c., pp. 164 et s., nos 111 à 116 qui sous le titre “La culpabilité et les éléments subjectifs de l'illicéité” ne parlent que de ce débat et nullement de l'élément subjectif de la faute au sens du droit de la responsabilité civile; aussi J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, 2ème éd., T. I, o.c., p. 203, n° 193 qui mélangent tout à la fois l'imputabilité, la bonne foi (intention) et la provocation.
[68] Pour rappel, “Dwaling is een verkeerde voorstelling of een onwetendheid (ignorance) en kan zowel op feiten, als op het objectieve recht betrekking hebben. Zij is enkel dan een rechtsvaardigingsgrond (of, naar gelang van de opvatting, een schulduitsluitingsgrond) indien ze onoverkomelijk (voor­heen 'onoverwinnelijk') is.” (I. Claeys, “Fout, overmacht en rechvaardiginsgronden. Zoveel hoofden, …” in Buitencontractuele aansprakelijkheid, Bruges, die Keure, 2004, p. 30, n° 46); aussi B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, “La responsabilité civile. Chronique de jurisprudence (1996-2007)”, Vol. I, o.c., pp. 416 et 418 (aussi pp. 559).
[69] Voy. Cass. (1ère ch.) 16 septembre 2005, RG C040276F/8 disponible sur www.cass.be :“Attendu que l'erreur de droit peut, en raison de certaines circonstances, être considérée par le juge comme étant invincible à la condition que de ces circonstances il puisse se déduire que l'autorité administrative a agi comme l'aurait fait toute personne raisonnable et prudente”; aussi, Cass. (1ère ch.) 23 juin 2005, RG C040160F/1, disponible sur www.cass.be : “Attendu qu'une erreur est de nature à exonérer de sa responsabilité une autorité administrative dont le fait méconnaît des règles con­stitutionnelles ou légales lui imposant de s'abstenir ou d'agir d'une manière déterminée si elle est invincible” Sur ces arrêts, voy. I. Claeys, “Het fout­begrip bij overheidsaansprakelijkheid: zijn wetschending en fout nog één?”, o.c., pp. 226 et s.
[70] La jurisprudence va en ce sens lorsqu'elle considère que le risque de réitération de l'acte n'est pas objectivement exclu lorsque l'infraction a été commise par erreur ou ignorance (E. Cornu et G. Sorreaux, “Actualités en matière d'action en cessation: la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et l'information et la protection du consommateur et le respect des droits intellectuels” in Le tribunal de commerce: procédures particulières et recherche d'efficacité, Bruxelles, Ed. Jeune Barreau de Bruxelles, 2006, p. 103) ou que l'état d'esprit de celui qui a posé l'acte n'est pas une circonstance qui doit être prise en considération pour juger du risque de réitération (P. De Vroede et H. De Wulf, “Overzicht van rechstpraak. Algemeen handelsrecht en handelspraktijken (1998-2002)”, TPR 2005, p. 272, n° 295). Aussi, Liège 15 mai 2007, Pratiques du commerce & Concurrence 2007, 2008, p. 502.
[71] Voy. dans le même sens, J. Stuyck, Beginselen van Belgisch privaatrecht - Handels- en economisch recht - Deel 2 Mededingsrecht - A. Handelspraktijken, 2ème éd., o.c., p. 113, n° 139.
[72] A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, o.c., p. 101, n° 86 et réf. cit. Pour un exemple récent, Mons, 20 octobre 2009, Ann.prat.comm.conc. 2008, 2009, pp. 724 et s.; Anvers, 25 juin 2004, RDC 2004, pp. 1043 et s.
[73] A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, o.c., p. 56.
[74] Dans le même sens, L. Cornelis, Principes du droit belge de la responsabilité extra-contractuelle, Vol. I, o.c., p. 78, n° 46; J.-F. Romain, “La liberté de commerce et le refus de contracter”, RGDC 1995, p. 11, n° 19.1.; A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 56 et réf. citées.
[75] Voy. par exemple, J. Dabin et A. Lagasse, “Examen de jurisprudence. La responsabilité délictuelle et quasi délictuelle (1955 à 1959)”, RCJB, 1959, p. 295, n° 107; R.-O. Dalcq, Traité de la responsabilité civile, t. II, Bruxelles, Larcier, 1962, p. 283, n° 2904; J.-L. Fagnart, “Examen de la jurisprudence concernant la responsabilité civile (1968-1975)”, JT 1976, p. 573, n° 6; Idem, “Union libre et responsabilité” in L'union libre, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 220, n° 21; Idem, Chronique de jurisprudence. La responsabilité civile (1985-1995), Bruxelles, Larcier, 1997, p. 21, n° 9; J. Ronse, Aanspraak op schadeloosstelling uit onrechtmatige daad, Bruxelles, Larcier, 1954, p. 38, n° 8; Idem, Schade en schadeloostelling, o.c., pp. 8 et 9, nos 6 et 7. Aussi, Cass. (2ème ch.) 2 mai 1955, Pas.1955, I, pp. 950 et s.: “Attendu que, si la première condition de cette disposition légale (ndlr: l'article 1382 du Code civil), notamment la faute, suppose un acte illicite, la seconde au contraire, le dommage, est un élément de pur fait qui consiste dans une diminution d'avoir ou la privation d'un avantage.”
[76] Voy. p. ex., S. Covemaeker et W. Van Gerven, Verbintenissenrecht, Louvain, Acco, 2001, p. 269:“Schade bestaat in het verlies van een patrimoniaal of extrapatrimoniaal voordeel.”; E. Dirix, Het begrip schade, 2ème éd., o.c., p. 15, n° 15:“In het gewone spraakbaar wordt onder schade verstaan: elk nadeel, elk verlies, elk vermindering van iemands vermogen, alsook iedere vermindering van zijn lustvermogen, ieder leed of smart. Van Dale heeft het over 'een nadeel dat voor iemand of voor enig belang uit een gebeurtenis, handeling of handelwijze voortvloeit'”; D. Simoens, Beginselen van Belgisch privaatrecht, T. XI, Buitencontractuele aansprakelijkheid, Deel II, Schade en schadeloostelling, Anvers, Kluwer, 1999, p. 14, n° 6:“Bijgevolg geldt bij ontstentenis van een wettelijke bepaling van het begrip, het gewone taalgebruik als eerste richtlijn voor de verklaring ervan. Zo komt men tot woordenboekomschrijvingen als een nadeel, een verlies, een vermindering, ...”.
[77] H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, 3ème éd., T. II, Bruxelles, Bruylant, p. 947, n° 949.
[78] Voy. par exemple, L. Cornelis et Y. Vuillard, Responsabilités. Traité théorique et pratique, Titre I, dossier 10, Le dommage, Bruxelles, Kluwer, 2000, pp. 4 et s.; E. Dirix, Het begrip schade, 2ème éd., o.c., p. 16, n° 5; J. Ronse, Aanspraak op schadeloosstelling uit onrechtmatige daad, o.c., p. 38, n° 7; Schade en schadeloostelling, o.c., p. 8, n° 5.2.; L. Schuermans, A. Van Oevelen et Ch. Persyn, “Overzicht van rechtspraak. Onrechtmatige daad, schade en schadeloostelling (1983-1992)”, TPR 1994, I, p. 856, n° 1.1.; D. Simoens, Beginselen van Belgisch privaatrecht, T. XI, Buitencontractuele aansprakelijkheid, Deel II, Schade en schadeloostelling, o.c., p. 15, n° 6; A. Van Oevelen, “Schade in schadeloostelling bij de schending van grondrechten door private personen” in De toepasselijkheid van de grondrechten in private verhoudingen, Anvers, Kluwer Rechtswetenschappen, 1982, p. 427, n° 6. Pour la même constatation en droit français, voy. G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil - Les conditions de la responsabilité, 2ème éd., Paris, LGDJ, 1998, p. 11, n° 249. Dans le même sens, p. ex., Cass. (2ème ch.) 2 octobre 2002, accessible en ligne sur le site www.cass.be :“Attendu qu'en vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, celui qui cause à autrui un dommage par sa faute est tenu d'indemniser intégralement ce dommage, ce qui implique le rétablissement du préjudicié dans l'état où il serait demeuré si l'acte dont il se plaint n'avait pas été commis;”; Cass. (2ème ch.) 5 mai 1992, Pas.1992, I, pp. 778 et s.:“Attendu que celui dont la chose est endommagée par un acte illicite a droit à ce que son patrimoine soit remis dans l'état où il se trouvait avant ledit acte;”.
[79] Voy. ainsi, S. Covemaeker et W. Van Gerven, Verbintenissenrecht, o.c., p. 269; R.-O. Dalcq, “Examen de jurisprudence (1980 à 1986)”, RCJB 1988, p. 437, n° 113; R.-O. Dalcq et G. Schamps, “Examen de jurisprudence. La responsabilité délictuelle et quasi délictuelle (1987 à 1993)”, RCJB 1995, p. 738, n° 150; J.-L. Fagnart, “Union libre et responsabilité”, o.c., p. 220, n° 21; E. Dirix, Het begrip schade, 2ème éd., o.c., pp. 222 et s., spéc. n° 17; J.-L. Fagnart et M. Deneve, “Chronique de jurisprudence. La responsabilité civile (1976-1984)”, JT 1985, p. 458, n° 7; J.-L. Fagnart, La responsabilité civile. Chronique de jurisprudence 1985-1995, o.c., p. 21, n° 9; J. Ronse, Schade en schadeloostelling, o.c., p. 27, n° 22; Idem, “La notion de dommage: lésion d'intérêt” (note sous Cass. (2ème ch.) 2 mai 1955), RCJB 1957, p. 102, n° 4; D. Simoens, Beginselen van Belgisch privaatrecht, T. XI, Buitencontractuele aansprakelijkheid, Deel II, Schade en schadeloostelling, o.c., pp. 16 et s.
[80] Voy. p. ex., Cass. (2ème ch.) 16 octobre 1991, Pas.1992, I, pp. 129 et s. (concernant la réparation du dommage subi par une ASBL) et réf. cit. infra, à la fin du présent paragraphe.
[81] Comme le relève p. ex., E. Dirix, Het begrip schade, 2ème éd., o.c., p. 25, n° 17: “Het overgrote deel van de rechtsleer is thans eveneens de stelling 'schade = belangenkrenking' toegedaan.”
[82] J. Ronse, Aanspraak op schadeloosstelling uit onrechtmatige daad, Bruxelles, Larcier, 1954, p. 106, n° 117; Idem, Schade en schadeloostelling, Gand, E.Story-Scientia, 1984, p. 27, n° 22.
[83] L. De Wilde, “Begrip 'schade'” in Onrechtmatige daad-actuele tendensen, Anvers, Kluwer, 1979, p. 181, n° 1.
[84] Ibid., p. 194: “Het volstaat dat hij een belang had bij het ontvangen van het voordeel, zelfs indien het louter uit welwillendheid verleend werd. Door de krenking van dit belang ontstaat zijn schade. Artikel 1382 BW verplicht de schuldige van een onrechtmatige daad de schade door de daad veroorzaakt te vergoeden, voor zover de schade vatstaat en zij niet bestaat in de ontneming van een ongeoorloofd voordeel.”
[85] Voy. ainsi Cass. (2ème ch.) 1937, Pas.1937, I, p. 298 (privation de bénéfices); Cass. (2ème ch.) 17 janvier 1939, Pas.1939, I, p. 25 (lésion d'un intérêt ou privation d'un avantage); Cass. (2ème ch.) 2 mai 1955, Pas.1955, I, p. 950 (diminution d'avoir ou privation d'un avantage); Cass. (2ème ch.) 21 avril 1958, Pas.1958, I, p. 922 (privation d'un avantage); Cass. (2ème ch.) 26 juin 1967, Pas.1967, I, p. 1260 (privation d'un avantage); Cass. (2ème ch.) 4 septembre 1972, Pas.1973, I, p. 1 (privation d'un avantage).
[86] Cass. (2ème ch.) 17 juin 1975, Pas.1975, I, p. 999 (le dommage ne peut résulter de la privation d'un avantage illégitime); Cass. (2ème ch.) 19 décembre 1978, Pas.1979, I, p. 472 (le dommage ne peut résulter de la privation d'un avantage illégitime). Voy. également, Cass. (2ème ch.) 2 mai 1955, Pas.1955, I, p. 950 qui utilise également la même expression; aussi Cass. (2ème ch.) 30 novembre 1981, Pas.1982, I, pp. 437 et s.
[87] Voy. ainsi, Cass. (2ème ch.) 16 octobre 1991, Pas.1992, I, pp. 129 et s.: “Attendu qu'étant personnes morales, les associations sans but lucratif ont la faculté de se constituer partie civile pour obtenir la réparation du préjudice matériel et moral qu'elles ont subi lorsqu'une atteinte a été portée à leurs droits subjectifs ou à leur intérêt légitime, de nature patrimoniale ou morale (...).”
[88] Sur ce point, voy. D. de Callataÿ et N. Estienne, Chronique de jurisprudence 1996-2007, Vol. 2, Le dommage, Bruxelles, Larcier, 2009, pp. 37 et s.; D. Simoens, Beginselen van Belgisch privaatrecht, T. XI, Buitencontractuele aansprakelijkheid, Deel II, Schade en schadeloostelling, o.c., 1999, p. 51.
[89] Sur ce point, voy. L. Cornelis et Y. Vuillard, Responsabilités. Traité théorique et pratique, Titre I, dossier 10, Le dommage, o.c., pp. 18 et s.
[90] Cf. supra, pour des exemples, nos 4 et 9.
[91] L. Fredericq, La concurrence déloyale, o.c., p. 33.
[92] Voy. p. ex., A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, o.c., p. 149, n° 95:“Un dommage virtuel ou un risque de dommage suffit.”; P. De Vroede et G.-L. Ballon, Handelspraktijken, Anvers, Kluwer, 1986, p. 531, n° 1103; D. Dessart et A. De Caluwé, Les usages honnêtes, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 38, n° 32:“Il suffit d'une potentialité d'atteinte aux intérêts. N'est pas requise la preuve que l'acte a causé un dommage.”; J. Stuyck, Beginselen van Belgisch privaatrecht - Handels- en economisch recht - Deel 2 Mededingsrecht - A. Handelspraktijken, 2ème éd., o.c., p. 113, n° 139.
[93] Comme l'indiquait déjà un auteur à la fin des années '80: Schade is er dus 'uit de aard van de zaak' (B. Van de Walle de Ghelcke, Onrechtmatige daad en oneerlijke mededinging”, o.c., p. 1266).
[94] J. Ronse, Aanspraak op schadeloosstelling uit onrechtmatige daad, o.c., p. 2, n° 2.1.
[95] Comp. avec H. Swennen et I. V erougstraete, Kroniek van Belgisch economisch recht 1976, o.c., pp. 688 et 689.
[96] Sur cette opinion défendue notamment par De Page et Dabin jusque dans les années '60, voy. notamment Th. Léonard, Conflits entre droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, o.c., pp. 220 et s., n° 138.
[97] Cass. (2ème ch.) 16 janvier 1939, Pas.1939, I, pp. 25 et s.:“(...) que l'article 1382 du Code civil ne subordonne pas à l'existence d'un tel droit l'obligation de réparer le dommage causé par un fait illicite”.
[98] Voy. p. ex., S. Covemaeker et W. Van Gerven, Verbintenissenrecht, o.c., p. 269; R.-O. Dalcq et G. Schamps, “Examen de jurisprudence. La responsabilité délictuelle et quasi délictuelle (1987 à 1993)”, RCJB 1995, p. 738, n° 150; L. de Wilde, “Begrip 'Schade'” in Onrechtmatige daad. Actuele tendensen, o.c., pp. 181 et s., spéc. p. 190, n° 10; E. Dirix, Het begrip schade, 2ème éd., o.c., pp. 18 et s.; J. Ronse, Schade en schadeloostelling, 2ème éd., Deel 1, o.c., p. 18, nos 13 et s.; L. Schuermans, J. Schryvers, D. Simoens, A. Van Oevelen, H. Schamp, “Overzichtig van rechtspraak. Onrechtmatige daad. Schade en schadeloosstelling (1977-1982)”, TPR 1984, I, p. 521, n° 2; D. Simoens, Beginselen van Belgisch privaatrecht, T. XI, Buitencontractuele aansprakelijkheid, Deel II, Schade en schadeloostelling, Anvers, Kluwer, 1999, pp. 16 et s., n° 7; A. Van Oevelen, “Recente vernieuwende cassatierechtspraak inzake schade en schadeloosstelling bij onrechtmatige daad” in Recht halen uit aansprakelijkheid, Gand, Mys & Breesch, 1993, p. 124, n° 2.
[99] Th. Léonard, Conflits de droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, o.c., nos 188, 189 et 354 et supra n° 15.
[100] Comp. Pierre Van Ommeslaghe qui indique à raison que la perte d'un droit ou d'un intérêt ne se traduit pas nécessairement par un dommage (P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T. II, o.c., p. 1501).
[101] Art. 94/5 § 2 introduit par l'art. 19 de la loi du 5 juin 2007 (art. 88 de la loi du 6 avril 2010). Selon l'art. 93, 6° introduit par l'art. 9 de la loi du 5 juin 2007 (comp. art. 2, 30°, de la loi du 6 avril 2010) l'altération substantielle du comportement économique des consommateurs est définie comme:“l'utilisation d'une pratique commerciale compromettant sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l'amenant, par conséquent, à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement”; L'art. 93, 11° introduit par l'art. 9 de la loi du 5 juin 2005 (comp. l'art. 2, 35°, de la loi du 6 avril 2010), définit une décision commerciale comme“toute décision prise par un consommateur concernant l'opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d'acheter, de faire un paiement intégral ou partiel, de conserver, de se défaire ou d'exercer un droit contractuel en rapport avec le produit ou le service, qu'elle l'ait amené soit à agir, soit à s'abstenir d'agir”.
[102] Art. 94/6 introduit par l'art. 21 de la loi du 5 juin 2007 (art. 88 de la loi du 6 avril 2010).
[103] Art. 94/9 introduit par l'art. 25 de la loi du 5 juin 2007 (art. 92 de la loi du 6 avril 2010).
[104] Art. 91 de la loi du 6 avril 2010 concernant les pratiques trompeuses et art. 94 concernant les pratiques agressives.
[105] Voy. les art. 91 et 94 de la loi sur les pratiques du marché du 6 avril 2010 qui énoncent les cas de pratiques commerciales trompeuses et agressives qui seront interdites en toutes circonstances en application combinée avec l'art. 86, sans passer par les critères généraux de la pratique commerciale déloyale.
[106] Voy. p. ex. les art. 5.2., b, 6.1. et 7.1. de la directive 2005/29/CE.
[107] Cf. les art. 84 à 93 de la loi du 6 avril 2010.
[108] Bruxelles 10 janvier 2008, Pratiques du commerce & Concurrence 2008, 2009, p. 464.
[109] J. Stuyck, Beginselen van Belgisch privaatrecht - Handels- en economisch recht - Deel 2 Mededingsrecht - A. Handelspraktijken, 2ème éd., o.c., p.144, n° 181 où l'auteur relève que “Specifieke rechtspraak over het oorzakelijk verband bij daden van onrechtmatige mededinging is niet bekend” tout en considérant néanmoins que la condition doit être retenue entre l'acte et le dommage, fut-il potentiel.
[110] Voy. p. ex., A. De Caluwé, C. Delcorde, X. Leurquin e.a., Les pratiques du commerce, Bruxelles, Larcier, 2ème éd., 1990-91 (feuil. mob.), n° 2.1. et s.; J.-L. Fagnart, “Concurrence et consommation: convergence ou divergence?” in Les pratiques du commerce et la protection et l'information du consommateur depuis la loi du 14 juillet 1991, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau de Bruxelles, 1991, pp. 9 et s.; B. Francq, G. Schriker et D. Wunderlich, La répression de la concurrence déloyale dans les Etats membres de la Communauté européenne, T. II/1, o.c., p. 59; B. Francq et C. Francq, “La loi sur les pratiques du commerce et l'information et la protection des consommateurs serait-elle victime de troubles de voisinage?” in Pratiques du commerce, Liège, CUP, 1997, p. 15; L. Frederick, La concurrence déloyale, o.c., p. 11; A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, o.c., pp. 3 et 103 et s.; J.-F. Romain, “La liberté de commerce et le refus de contracter”, o.c., pp. 7 et 10 (voir aussi les développements sur les libertés de commerce et de contracter, RGDC 1994, pp. 440 et s.); pour des exemples en jurisprudence, voy. infra.
[111] Doc. parl. Sénat sess. 1968-69, n° 415. Aussi, dans l'exposé des motifs de la loi du 6 avril 2010: “(…) le comportement loyal entre les différents acteurs du marché contribue à une situation concurrentielle équilibrée.” (Exposé des motifs, Doc.parl., Ch. sess. 2009-10, p. 6).
[112] Voy. p. ex., M. Buydens, La protection de la quasi-création, Bruxelles, Bruylant, 1993, pp. 662 et s.; Idem, “La sanction de la 'piraterie de produits' par le droit de la concurrence déloyale”, JT 1993, pp. 117 et 118; A. De Caluwé, C. Delcorde et X. Leurquin, Les pratiques du commerce, T. 1, o.c., pp. 90 et 91, n° 53 et p. 53; M. Rotondi, “L'évolution de la réglementation de la concurrence et l'expérience des Etats-Unis (de la liberté de la concurrence à l'égalité dans la concurrence)” in Mélanges en l'honneur de Jean Dabin, T. II, Droit positif, Bruxelles-Paris, Bruylant-Sirey, 1963, pp. 840 et 841; J. Stuyck, “L'acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale”, o.c., p. 125, n° 1; I. Verougstraete, “Praktijken strijdig met de eerlijke gebruiken”, o.c., p. 134, n° 6. Voy. aussi l'exposé des motifs de la nouvelle loi faisant un parallèle très significatif entre le but de la nouvelle loi et celui de la loi sur la protection de la concurrence économique au départ de la définition de l'entreprise: “En effet, ces deux lois visent à encadrer le comportement des acteurs sur les marchés économiques, à assurer le bon fonctionnement du jeu de la concurrence et des clients de biens et de services.” (Exposé des motifs, Doc.parl,.Ch. sess. 2009-10, p. 7).
[113] A. De Caluwé, C. Delcorde et X. Leurquin, Les pratiques du commerce, T. 1, o.c., pp. 90 et 91, n° 53.
[114] Comp. M. Flamée et P. De Vroede, Précis de droit économique belge, Bruxelles, E. Story-Scientia, 1990, p. 29, n° 54:“La liberté de commerce et de l'industrie implique également le droit de développer un commerce, une profession ou une entreprise en concurrence avec les autres, pour autant évidemment que l'existence d'un droit identique soit reconnue aux autres. Cela débouchera donc souvent sur une évaluation des intérêts.”; aussi Cass. (1ère ch.) 2 juin 1960, Pas.1960, I, pp. 1133 et s. où la Cour indique:“Attendu que la libre concurrence ne constitue pas un droit absolu mais est limitée par l'existence de droits égaux dans le chef d'autrui, que l'exercice de ces droits par un groupement ne peut constituer une faute, dès lors qu'il est constaté en fait, comme en l'espèce, que cette entente poursuit la défense d'intérêts légitimes (...)”; I. Verougstraete, “La loi sur les pratiques du commerce: loi pour une société en mutation?”, o.c., pp. 378 et 379, n° 17 qui approuve la pesée des intérêts comme révélateurs d'agissements parasitaires en indiquant que ce critère“est d'ailleurs suggéré par le législateur qui fait référence dans l'interdit des articles 93 et 94, aux intérêts à protéger” et qui ajoute “il est toutefois exact que la censure du juge ne s'exercera que dans les cas où l'agissement parasitaire ne peut en rien servir l'intérêt général ou lorsque l'intérêt à protéger dépasse nettement en valeur l'intérêt de l'auteur de la pratique incriminée”; aussi p. 379, n° 17 où parlant plus généralement de la pratique contraire aux usages honnêtes l'auteur indique:“L'appréciation par le juge du caractère illicite du comportement sera influencée non seulement par les aspects subjectifs précités ou par les phénomènes objectifs, mais encore par l'intérêt de la pratique critiquée: si celle-ci n'a aucune utilité au regard de l'intérêt général à prendre en compte, la censure se manifestera d'autant plus aisément.”.
[115] M. Gotzen, Vrijheid van beroep en bedrijf & onrechtmatige mededinging, Bruxelles, Larcier, 1963 (2 tomes).
[116] Il annonce la couleur dès les premières lignes de son ouvrage: “Een tweede gebied draagt een meer uitgesproken privaatrechtgelijk karakter. Het betreft de bescherming der vrijheid van beroep en bedrijf tegenover aantasting door bijzondere personen, die allen gelijkelijk van een zelfde vrijheid behoren te genieten. Tussen deze laatste zijn de gelegenheden tot wrijving het talrijkst wanneer zij op een bepaalde markt als concurrenten opkomen. De regels, die aldaar een zekere orde beogen te handhaven, vormen samen het mededingingsrecht.” (ibid., T. I, p. 13, n° 1).
[117] Ibid., T. I, p. 172, n° 147, p. 182, n° 156.
[118] Ibid., T. I, p. 188, n° 161.
[119] Ibid., T. I, pp. 188 et 189, n° 162.
[120] Ibid., T. I, p. 196, n° 170.
[121] Ibid., T. II, p. 231, n° 872.
[122] Ibid., T. II, p. 230, n° 871; aussi pp. 84 et s., spéc. p. 98, n° 698.
[123] Ibid., T. II, p. 99.
[124] Ibid., T. II, pp. 124 et 125, n° 133, pp. 148 et 149, nos 764 et 765, p. 224, n° 863.
[125] Ibid., T. II, p. 226, n° 865.
[126] Qui englobe, on l'a vu, des atteintes plus larges que l'atteinte à la capacité de concurrence et vise aussi l'atteinte aux intérêts des consommateurs à l'aune de l'intérêt général (voy. sur cette critique A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, o.c., p. 132).
[127] Il est en effet un peu étrange que l'auteur qui parle partout de liberté civile s'impose une requalification en droit subjectif. S'il est vrai que les tentatives de distinction des concepts n'étaient pas aussi poussées qu'aujourd'hui, il s'explique en grande partie, selon nous, par le débat en cours, lors de l'écriture de sa théorie, sur le lien entre l'atteinte aux droits subjectifs et les concepts de faute et dommage. L'auteur l'indique expressément (M. Gotzen, Vrijheid van beroep en bedrijf & onrechtmatige mededinging, T. II, o.c., pp. 230 et 231, nos 872 et 873). Tout en ne prenant pas position sur ces controverses, il souligne que sa théorie repose sur le constat de l'existence d'un droit subjectif: le droit de réaliser des échanges, violé par l'acte de concurrence illicite, ce qui permettait de la valider quelle que soit l'issue des controverses.
[128] Th. Léonard, Conflits de droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, o.c., pp. 502 et s.
[129] Il est à ce propos significatif de constater que l'on interprète précisément cette condition comme “une atteinte à ce qui est de nature à nuire à l'exercice normal de son activité, à sa capacité économique” (D. Dessart et A. De Caluwé, Les usages honnêtes, o.c., p. 38, n° 32). Aussi, P. De Vroede et H. De wulf, “Overzicht van rechstpraak. Algemeen handelsrecht en handelspraktijken (1998-2002)”, TPR, 2005, p. 215, n° 195; Comm. Termonde (cess.) 18 juillet 2007, Ann.prat.comm.conc., 2007, 2008, pp. 688 et 689.
[130] Nous avons en effet distingué quatre modes de résolution de conflit distincts selon les types de qualification en conflit (Th. Léonard, Conflits de droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, o.c., pp. 619 et s.).
[131] Le terme de liberté 'civile' est le terme habituellement retenu pour opposer le concept aux droits subjectifs ou aux libertés publiques. Il est un peu malheureux en la présente matière, dès lors que le droit civil est souvent opposé au droit commercial ou économique. On emploiera autant que faire se peut le terme de libertés économiques sachant que ces dernières se nourrissent des premières.
[132] Selon la définition retenue au terme de notre travail doctoral sur les conflits entre droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes: Conflits de droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, o.c., p. 673, n° 397.
[133] Anvers 18 septembre 2000, Ann.prat.comm.conc. 2000, Diegem, Kluwer, 2001, pp. 436 et s.
[134] Voy. p. ex., Liège 4 décembre 1997, RDC, 1999, pp. 117 et s.
[135] Voy. p. ex., Comm. Termonde (cess.) 18 juillet 2007, Pratiques du commerce & Concurrence 2007, Malines, Kluwer, 2008, pp. 676 et s.; Bruxelles 28 mars 2007, Pratiques du commerce & Concurrence 2007, Malines, Kluwer, 2008, pp. 451 et s.; Gand 19 février 2007, Pratiques du commerce & Concurrence 2007, Malines, Kluwer, 2008, pp. 425 et s.; Gand 5 mai 1999, Pratiques du commerce & Concurrence 1999, Diegem, Kluwer, 2000, pp. 528 et s. et note L. Ballon; Bruxelles (9ème ch.) 7 novembre 1997, AJT 1998-99, pp. 15 et s.; Comm. Hasselt (prés.) 15 octobre 1993, Ann.prat.comm.conc. 1993, Diegem, Kluwer, 1994, p. 468 et note de R. De Wit; Comm. Bruxelles (cess.) 23 février 1990, Ann.prat.comm.conc. 1990, Diegem, Kluwer, 1991, pp. 310 et s.
[136] Voy. p. ex., Bruxelles 22 décembre 2005, Pratiques du commerce & Concurrence 2005, Malines, Kluwer, 2006, pp. 587 et s.; Comm. Anvers (cess.) 24 mars 2005, Pratiques du commerce & Concurrence 2005, Malines, Kluwer, 2006, pp. 601 et s.; Comm. Bruxelles (cess.) 9 juin 1999, Ann.prat.comm.conc. 1999, Diegem, Kluwer, 2000, pp. 648 et s.; Liège 9 mai 1995, RRD, 1996, p. 69.
[137] Bruxelles 16 septembre 1997, Ann.prat.comm.conc. 1997, Diegem, Kluwer, 1998, pp. 425 et s.
[138] P. De Vroede et H. De wulf, “Overzicht van rechstpraak. Algemeen handelsrecht en handelspraktijken (1998-2002)”, o.c., p. 228, n° 214; Comm. Bruxelles (cess.) 3 juin 1996, Ann.prat.comm.conc. 1996, Diegem, Kluwer, 1997, pp. 283 et s.: “Attendu que le prix de vente des services n'étant pas réglementé par des dispositions légales spécifiques, c'est à juste titre que la défenderesse fait valoir que sa fixation relève de la liberté du commerce.”
[139] Voy. par exemple P. De Vroede et H. De wulf, “Overzicht van rechstpraak. Algemeen handelsrecht en handelspraktijken (1998-2002)”, o.c., p. 230, n° 219; Bruxelles 20 avril 2005, Pratiques du commerce & Concurrence 2005, Malines, Kluwer, 2006, pp. 506 et s.; Bruxelles 3 décembre 1998, Ann.prat.comm.conc. 1998, Diegem, Kluwer, 1999, pp. 520 et s.; Liège 17 février 1998 dont l'arrêt a été résumé par D. Putzeys in RDC, 1998, pp. 415 et 416; Comm. Namur (cess.) 22 mai 1996, JT 1997, pp. 62 et s. et note L. Van Bunnen; Comm. Courtrai 20 mai 1996, Ann.prat.comm.conc. 1996, Diegem, Kluwer, 1997, pp. 867 et s. Sur le principe de la liberté de copier, voy. M. Buydens, La protection de la quasi-création, o.c., pp. 677 et s.; Idem, “La sanction de la 'piraterie de produits' par le droit de la concurrence déloyale”, JT 1993, pp. 117 et s., spéc., pp. 118 et s. et les nombreuses références.
[140] Voy. p. ex., P. De Vroede et H. De wulf, “Overzicht van rechstpraak. Algemeen handelsrecht en handelspraktijken (1998-2002)”, o.c., pp. 246 et s., n° 257; Comm. Anvers (cess.) 26 mars 1999, Ann.prat.comm.conc. 1999, Diegem, Kluwer, 2000, p. 596; Comm. Turnhout (cess.) 19 septembre 1997, Ann.prat.comm.conc. 1997, Diegem, Kluwer, 1998, p. 811; Comm. Bruxelles (cess.) 27 août 1997, Ann.prat.comm.conc. 1997, Diegem, Kluwer, 1998, p. 809; Comm. Anvers (cess.) 29 mai 1997, Ann.prat.comm.conc. 1997, Diegem, Kluwer, 1998, p. 793; Comm. Bruxelles (cess.) 15 février 1995, RDC 1995, p. 816; Comm. Namur (cess.) 28 octobre 1992, Ann.prat.comm.conc. 1992, Diegem, Kluwer, 1993, p. 372. Pour des exemples où seule la liberté de commerce est invoquée: Bruxelles 16 septembre 1997, Ann.prat.comm.conc. 1997, Diegem, Kluwer, 1998, p. 425; Comm. Louvain (cess.) 10 octobre 1995, Ann.prat.comm.conc. 1995, Diegem, Kluwer, 1996, p. 840; Comm. Louvain (cess.) 6 juin 1995, Ann.prat.comm.conc. 1995, Diegem, Kluwer, 1996, p. 785; Comm. Verviers (cess.) 1er octobre 1992, Ann.prat.comm.conc. 1992, Diegem, Kluwer, 1993, p. 364; Mons (1ère ch.) 7 janvier 1992, JT 1992, p. 368.
[141] En doctrine, voy. p. ex., M. Coipel, Eléments de théorie générale des contrats, Diegem, Kluwer, 1999, p. 35, n° 46; L. Cornelis, “La responsabilité précontractuelle, conséquence éventuelle du processus précontractuel”, RGDC, 1990, p. 396, n° 6 où l'auteur, fidèle à sa conception de la liberté civile considère que la faculté de refuser un engagement contractuel ou de rompre les négociations trouve son fondement dans la liberté contractuelle, elle se transforme en droit subjectif une fois exercée dans une relation à autrui; W. De Bondt, “Precontractuele aansprakelijkheid”, RGDC, 1993, pp. 94 et s., spéc. nos 4, 5 et 8; B. De Coninck, “Le droit commun de la rupture des négociations précontractuelles” in Le processus de formation du contrat, Bruxelles-Paris, Bruylant-LGDJ, 2002, pp. 21 et 22, n° 5; X. Dieux, obs. sous Liège (7ème ch.) 20 octobre 1989, RDC 1990, pp. 532 et 533, nos 4 et 5; M. Forges, “Principes applicables à la rupture et à l'aménagement conventionnel des pourparlers en droit belge”, Ann.dr.Louvain 1995, pp. 440 et s., nos 2 à 7; D. Philippe, “La bonne foi dans les relations entre particuliers. Dans la formation du contrat-Rapport belge” in La bonne foi, Travaux de l'Association Henri Capitant des amis de la culture française, T. XLIII (1992), Paris, Litec, 1994, p. 66, n° 3.2.1.; F. t'Kint, Négociation et conclusion du contrat, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau, 1984, p. 15, n° 12 et p. 24, n° 28; J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, 2ème éd., T. III, o.c., p. 29, n° 21, note (1); M. Vanwijck-Alexandre, “La réparation du dommage dans la négociation et la formation des contrats”, Ann.fac.dr.Lg.1980, pp. 20 et s., n° 3.
[142] Th. léonard, Conflits de droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, o.c., p. 544, n° 309.
[143] Ibid., p. 545, n° 310.
[144] Ibid., pp. 546 et s.
[145] Ibid., p. 547.
[146] L'affirmation est constante en jurisprudence, ainsi que l'appel au concept de liberté pour le justifier. Voy. pour des exemples, P. De Vroede et H. De wulf, “Overzicht van rechstpraak. Algemeen handelsrecht en handelspraktijken (1998-2002)”, o.c., pp. 222 et s. Plus récemment, Comm. Gand (cess.) 22 janvier 2007, Pratiques du commerce & Concurrence 2007, 2008, pp. 580 et s. Aussi, H. De Bauw, “Afwerving van personeel: een overzicht” (note sous Comm. Louvain (cess.) 8 mai 2007), Ann.prat.comm.conc. 2007, 2008, pp. 625 et s., spéc. pp. 627 et 628, n° 8 et la nombreuse jurisprudence citée) et réf. supra, n° 26.
[147] F. Rigaux, La protection de la vie privée et les autres biens de la personnalité, Bruxelles-Paris, Bruylant-LGDJ, 1990, p. 760, n° 684: “La manière dont le sujet a usé de sa liberté détermine les limites dans lesquelles ceux qui ont pu l'observer sans commettre d'acte illicite exercent leur propre liberté, notamment celle de relater, de contredire ou de compléter les faits privés dont ils ont été informés.”
[148] Th. léonard, Conflits de droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, o.c., pp. 655 et s.
[149] Comm. Charleroi (cess.) 10 décembre 2008, Ann.prat.comm.conc. 2008, Malines, Kluwer, 2009, pp. 656 et s.
[150] Th. léonard, Conflits de droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, o.c., p. 530, nos 302 et s.
[151] Ibid., pp. 387 à 477.
[152] Voy. l'historique de l'évolution du concept depuis Von Savigny à l'acceptation actuelle du concept comme un pouvoir d''exiger', jusque dans la jurisprudence de la Cour de cassation, ibid., pp. 29 à 105.
[153] A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, o.c., p. 454, n° 295.
[154] Ibid., spéc., pp. 159 et s.
[155] Voy. sur ces modifications, A. Puttemans, “Les questions de compétence, de connexité et de cumul des actions en matière de propriété intellectuelle” in Les questions de compétence, de connexité et de cumul des actions en matière de propriété intellectuelle, Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 124 et s.
[156] Sur ce point, voy. Th. Léonard, Conflits de droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, o.c., pp. 335 et s. Sur la distinction entre l'opposabilité des droits de créance et l'opposabilité des contrats, voy. aussi, pp. 359 et s.
[157] Sur l'application de notre mode de résolution de conflits à la théorie de la tierce complicité, voy. ibid., pp. 681 et s.; aussi id., “Pour un dépassement des impasses de la théorie de la tierce complicité”, RGDC 2010, pp. 2 à 24; pour un aperçu et une réflexion relative aux difficultés de l'application de la théorie du concours de responsabilités aux cas de tierce-complicité, voy. J. Stuyck, “Derden en contractbreuk, samenloop en vordering tot staking”, RDC, 2009, pp. 932 et s.
[158] On ne parle plus ici de l'effet “externe” du droit, c'est-à-dire de son opposabilité mais bien de son effet interne et du lien d'obligation entre le débiteur et le créancier.
[159] Pour des critiques de la jurisprudence de la Cour et la constatation de l'entrée de matières ou problématiques contractuelles dans le champ d'application de la concurrence illicite: V. d'Huart et A.-F. Honhon, “La procédure” in Pratiques du commerce, Liège, CUP, 1997, pp. 76 et s.; B. Francq et C. Francq, “La loi sur les pratiques du commerce et l'information et la protection des consommateurs serait-elle victime de troubles de voisinage?”, o.c., p. 20; A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, o.c., pp. 35 à 52 et réf. cit.; I. Verougstraete, “Le rôle des magistrats dans l'application sur la loi sur les pratiques du commerce” in Les pratiques du commerce, l'information et la protection du consommateur. Premier bilan et perspectives d'application de la loi du 14 juillet 1991, notamment au regard du droit européen, Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 43 et s.
[160] Pour un état du droit positif concernant l'application de cette théorie en la matière, voy. outre les auteurs cités dans la note précédente: B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, “Chronique de jurisprudence. La responsabilité civile (1996-2007)”, Vol. I, o.c., p. 489, n° 579 et 580; J. Stuyck, Beginselen van Belgisch privaatrecht - Handels- en economisch recht - Deel 2 Mededingsrecht - A. Handelspraktijken, 2ème éd., o.c., pp. 67 et s.
[161] Voy. notamment, B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, “La responsabilité civile - Chronique de jurisprudence 1996-2007”, Vol. I, o.c., p. 481, n° 571; P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T. II, o.c., pp. 1161 et 1162; P. Wéry, Droit des obligations, Volume 1 - Théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 548, n° 626. On peut également mettre en avant les différences au niveau du délai de prescription, sauf à considérer que le délai d'action de l'action en cessation est spécifique en ce sens qu'il s'agit d'une action personnelle ne se réduisant pas à une action en responsabilité extra-contractuelle ou contractuelle (en ce sens, J.-F. Michel, “Les actions en cessation en droit de la consommation” in Les actions en cessation, Bruxelles, Larcier, 2006, pp. 116 et 117). On peut penser aussi à certaines règles de droit international privé distinctes (voy. Th. Léonard, “La compétence internationale du juge des cessations: une question de responsabilité civile?”, o.c.) ou à des clauses compromissoires (la validité de telles clauses paraît néanmoins douteuse en la matière vu le caractère d'ordre public de la matière, voire de la compétence: voy. J.-F. Michel, “Les actions en cessation en droit de la consommation” in Les actions en cessation, o.c., p. 107, note 82; V. d'Huart et A.-F. Honhon, “La procédure”, o.c., p. 65). Du reste, il ne faut pas se tromper: tant pour la prescription que les règles de Droit International Privé, on vise des conséquences d'une qualification a priori de l'action en cessation en action en réparation contractuelle ou extra-contractuelle pas d'une cause imposant l'une ou l'autre de ces qualifications. Si l'on admet que l'action en cessation ne se confond ni avec l'une, ni avec l'autre, il faut alors lui chercher son régime propre.
[162] Pour un constat analogue au départ d'une autre voie: A. Tallon et A. De Caluwé, La procédure, o.c., p. 53.