Cour d'appel de Liège 19 février 2009
EFFETS DE COMMERCE
Lettre de change - Aval - Portée d'une signature pour aval
Conformément à l'article 31 de la loi sur la lettre de change, l'aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé donné pour le tireur. Cette présomption est irréfragable et la règle établie à l'article 31 est impérative. Il en résulte que l'aval est inefficace lorsqu'il n'indique pas le débiteur garanti et que le porteur est le tireur lui-même, et qu'il est interdit de rechercher l'intention réelle des parties dans des éléments extrinsèques voire même dans le titre lui-même.
Le tireur ne peut davantage être admis à soutenir que cet aval, inefficace pour garantir les obligations du tiré, vaudrait comme preuve d'un cautionnement des obligations du tiré.
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WAARDEPAPIEREN
Wisselbrief - Aval - Draagwijdte van een handtekening voor aval
Conform artikel 31 van de wisselbriefwet, moet in het aval vermeld worden voor wie het is gegeven. Bij gebrek aan deze vermelding, wordt het aval geacht gegeven te zijn ten gunste van de trekker. Dit vermoeden is niet weerlegbaar en de regel uitgedrukt in artikel 31 is van dwingend recht. Hieruit volgt dat het aval ondoeltreffend is wanneer deze de gegarandeerde schuldenaar niet aanduidt en dat de drager en de trekker één en dezelfde persoon zijn, en dat het verboden is om de ware wil der partijen na te gaan aan de hand van elementen extrinsiek aan de akte, of zelfs aan de hand van de titel zelf.
De trekker kan evenmin worden toegelaten voor te houden dat dit aval, ondoeltreffend om de verbintenissen van de betrokkene te garanderen, zou gelden als bewijs van een borgstelling van de verbintenissen van de betrokkene.
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J.-L. Klenes / Roma Belgium SA
Siég.: R. de Francquen (président), X. Ghuysen et M.-Cl. Ernotte (conseillers) |
Plaid.: Mes B. Mertens et O. Kock |
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Les faits de la cause ont été présentés par les premiers juges à l'exposé desquels la cour se réfère. Le litige a trait à la portée de l'engagement de Jean-Louis Klenes, administrateur-délégué d'une société de droit luxembourgeois SA Jarrel Business, résultant de la signature en janvier 2002 de sept traites tirées par la SA Roma Belgium sur la société de droit luxembourgeois Jarrel Business, avec laquelle elle était en relation d'affaires, pour la livraison de panneaux pour des chambres froides et frigos au cours des années 2000 et 2001. Les parties sont également en désaccord quant à la portée à réserver à une convention intervenue le 29 mars 2002.
Les premiers juges ont condamné Jean-Louis Klenes à payer la somme en principal de 123.334,33 EUR.
Discussion |
L'intimée a assigné l'appelant en sa qualité d'aval de sept lettres de change pour un montant total de 123.334,33 EUR, lesquelles ont été tirée, sur - et acceptées par - la société Jarrel Business déclarée en faillite le 18 septembre 2002.
Sous l'intitulé “avalisé pour le compte de - Firme de l'aval - Qualité du (des) signataire(s)” figure la signature de l'appelant, laquelle n'est accompagnée d'aucune mention d'où il résulterait qu'il n'agissait pas à titre personnel. Alors qu'il ne conteste pas sa signature, l'appelant persiste à faire grand cas de ce que la mention manuscrite figurant à côté de sa signature, à savoir “JL Klenes, rue de Marchienne 37c 6534 Gozée” émanerait de l'intimée. En réalité, celle-ci ne conteste nullement avoir inscrit ces coordonnées lors de l'établissement de lettres de change, coordonnées qui lui ont été données par l'appelant lui-même, ces discussions étant sans pertinence puisque l'appelant a dûment signé alors que “apposée au recto de la traite, la signature d'un autre que le tireur ou le tiré implique nécessairement que le signataire a donné un aval (art. 31, al. 3); il s'agit d'une règle de fond, qui n'admet aucune preuve contraire” (J. Van Ryn et J. Heenen, o.c., n° 378).
Puisque “l'aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé donné pour le tireur” (art. 31, al. 4, de la loi sur la lettre de change), l'appelant soutient, à défaut de toute indication sur la lettre de change, qu'il “garantit effectivement la dette cambiaire du tireur et non du tiré” (conclusions, p. 7).
Cette règle implique que “l'aval est inefficace lorsqu'il n'indique pas le débiteur garanti et que le porteur est le tireur lui-même” (J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, T. III, n° 379).
Le principe posé par l'article 31, alinéa 4, de la loi sur la lettre de change n'est pas une règle de preuve mais une règle de fond “constitu(ant) la sanction du défaut de l'indication imposée (...)” (Cass. 26 janvier 1961, Pas. 1961, I, p. 564), à savoir celle d'indiquer pour compte de qui l'aval est donné. “La désignation du débiteur garanti constitue une condition de forme, aussi indispensable que par exemple la désignation du tiré lors de la création du titre. La violation de cette exigence devrait logiquement entraîner la nullité de l'aval, mais, pour éviter cette conséquence, la loi édicte, dans l'intérêt de la négociabilité du titre, une règle supplétive qu'énonce la seconde partie de l'alinéa. Destinée à suppléer l'absence d'une condition de forme, une telle présomption est nécessairement irréfragable, car la preuve contraire établirait la violation de la règle de forme et par suite la nullité de l'aval” (Roblot, cité par l'avocat général P. Mahaux dans ses conclusions précédant Cass. 26 janvier 1961, Pas. 1961, I, p. 561).
Puisqu'“en raison de ce caractère de sanction comme aussi en raison du formalisme inhérent à la lettre de change, la règle établie par le dernier alinéa de l'article 31, fondée sur une présomption irréfragable, est impérative” (Cass. 26 janvier 1961, o.c.), il est “interdit de rechercher l'intention réelle des parties dans des éléments extrinsèques voire même dans le titre lui-même” (J. Van Ryn et J. Heenen, o.c., n° 379).
Il ne peut donc être tenu compte de la mention 'po Jarrel' apparaissant sur des copies des lettres de change produites en instance par l'appelant qui soutenait que “les originaux des traites, dont (il) conserva quelques copies (pièce 1), portent sa signature avec pour mention 'Pour Jarrel'” et tentait de démontrer qu'il n'était pas engagé à titre personnel mais “en sa qualité d'administrateur de la SA Jarrel Business” (conclusions du 12 novembre 2002, p. 2). Il est acquis que cette mention a été ajoutée après coup sur les copies par l'appelant lui-même ou son conseil, l'appelant s'abstenant dorénavant de déposer ces pièces en appel (voir pièces 11 et 12 du dossier de l'intimée). La mention ne figure pas - et n'a jamais figuré - sur l'original des traites.
L'intimée ne peut davantage être admise à soutenir que cet aval, inefficace pour garantir les obligations du tiré, vaudrait comme preuve d'un cautionnement en faveur de la société Jarrel: “il serait en effet contradictoire de décider tour à tour que la signature du donneur d'aval a été donnée pour le tireur et que cette même signature rend vraisemblable un cautionnement donné pour le tiré” (J. Van Ryn et J. Heenen, o.c., n° 379).
Certes, “le tireur pourrait prouver que le donneur d'aval a voulu aussi cautionner le tiré, mais il devrait recourir à cette fin à d'autres moyens de preuve que la lettre elle-même” (J. Van Ryn et J. Heenen, o.c., n° 379). La seule explication fournie par l'intimée tient à ce que “l'opération des lettres de change (...) avait pour objectif de garantir le paiement effectif des sommes dues par monsieur Klenes en personne physique si sa société devait être défaillante” (conclusions, p. 14), cette justification reposant uniquement sur la lettre de change elle-même. Si l'intimée offre de prouver par toutes voies de droit l'intention de l'appelant de cautionner les engagements de la société Jarrel, elle n'indique aucune circonstance précise susceptible d'établir pareil engagement: le fait, non contesté, qu'elle a regroupé les dettes de la société Jarrel et a même “supporté les dettes de (cette) société envers d'autres créanciers” (conclusions, p. 15) ou encore qu'elle a accordé des délais, ne permettent pas de déduire par là-même un engagement de caution dans le chef de l'appelant. Rien ne peut également être tiré de la mention 'po Jarrel' apposée illicitement par l'appelant après coup car elle est ambiguë, l'appelant tentant en réalité de masquer la qualité en laquelle il intervenait mais non d'indiquer pour qui il donnait sa garantie.
L'intimée invoque enfin la responsabilité personnelle de l'appelant sur base de l'article 1382 du Code civil “quant à l'irrecouvrabilité de la somme en cause” (conclusions, p. 15) mais elle ne précise pas en quoi l'appelant aurait commis une faute engageant sa responsabilité quasi-délictuelle de sorte que ce fondement doit être rejeté.
Puisqu'il est acquis que l'engagement de l'appelant n'a pas d'effet en ce qu'il est censé donné pour le tireur, soit en l'espèce l'intimée elle-même, il est superflu d'examiner si la convention du 29 mars 2002 emportait ou non novation des engagements de la société Jarrel avec remise des traites précédemment émises.
(…)