Article

Conseil d'Etat, 25/03/2009, R.D.C.-T.B.H., 2010/4, p. 346-351

Conseil d'Etat 25 mars 2009

SOCIETES
Société anonyme - Gestion - Pouvoir de représentation externe - Nombre minimal d'administrateurs (art. 518 C.soc.) - Décision d'agir devant le Conseil d'Etat - Recevabilité
Conformément à l'article 518, § 1er, du Code des sociétés, les administrateurs d'une société anonyme doivent être au nombre de trois au moins.
Les décisions de saisir le Conseil d'Etat d'une demande de suspension et d'un recours en annulation font partie, sans que l'on puisse les dissocier, des actes urgents nécessaires à la sauvegarde des intérêts de la société.
La démission d'un administrateur qui réduit temporairement de trois à deux le nombre des membres du conseil d'administration ne peut avoir pour effet de priver la société de son droit d'ester en justice pour assurer, dans une situation d'urgence, la préservation de ses intérêts.
VENNOOTSCHAPPEN
Naamloze vennootschap - Bestuur - Externe vertegenwoordigingsmacht - Minimum aantal bestuurders (art. 518 W.Venn.) - Beslissing om een vordering in te dienen voor de Raad van State - Ontvankelijkheid
Overeenkomstig het artikel 518, § 1, van het Wetboek van Vennootschappen, moeten er in een naamloze vennootschap ten minste drie bestuurders zijn.
Beslissingen om een vordering tot schorsing en een annulatieberoep in te dienen voor de Raad van State maken onlosmakelijk deel uit van de spoedeisende handelingen die noodzakelijk zijn ter vrijwaring van het vennootschapsbelang.
Het ontslag van een bestuurder waardoor het aantal leden van de raad van bestuur tijdelijk daalt van drie naar twee kan niet tot gevolg hebben dat de vennootschap beroofd wordt van haar recht om in rechte op te treden teneinde, in geval van spoedeisendheid, de vrijwaring van haar belangen te verzekeren.

SA Triomphe / Le bourgmestre de la commune d'Auderghem, La commune d'Auderghem

Siég.: Willot-Thomas (président de chambre), Lewalle et Nihoul (conseillers d'Etat)
Pl.: Mes Ph. Levert, G. San Bartolomé, Th. Hauzeur et J.-P. Lagasse

Vu la requête introduite le 28 janvier 2008 par la société anonyme Triomphe qui demande l'annulation de:

“1) l'arrêté du 13 décembre 2007 de monsieur le bourgmestre de la commune d'Auderghem ordonnant la fermeture toutes les nuits des vendredis à samedis, samedis et dimanches et des dimanches à lundis de l'établissement SOHO Club du 4 janvier 2008 au 29 février 2008 inclus;

2) la décision du 19 décembre 2007 du collège des bourgmestre et échevins de la commune d'Auderghem, confirmant le premier acte attaqué et, en conséquence, la fermeture toutes les nuits des vendredis à samedis, samedis et dimanches et des dimanches à lundis de l'établissement SOHO Club du 4 janvier 2008 et 29 février 2008 inclus”;

Vu l'arrêt n° 178.292 du 7 janvier 2008 ordonnant la suspension de l'exécution des actes attaqués selon la procédure d'extrême urgence;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. Cuvelier, premier auditeur au Conseil d'Etat;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 6 février 2009, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 11 mars 2009;

Entendu, en son rapport, Mme Willot-Thomas, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me Philippe Levert, avocat, comparaissant pour la partie requérante et Me Jean-Paul Lagasse, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. Cuvelier, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause se présentent ainsi qu'il suit:

1. La société requérante est une société anonyme constituée par acte notarié du 9 avril 1996 publié par extrait aux annexes du Moniteur belge du 7 mai 1996.

2. La société requérante exploite un club privé dénommé le SOHO Club, boulevard du Triomphe, 45-47, à Auderghem.

3. Par un courrier du 1er août 2007, la société requérante s'est vu notifier une délibération du collège des bourgmestre et échevins du 24 juillet 2007, fondée sur les articles 119bis, § 2, 4° et § 4 et 123, 12°, de la nouvelle loi communale, portant l'avertissement prévu par l'article 119bis, § 4, préalable à la fermeture administrative de l'établissement par le collège.

4. Par un courrier du 16 novembre 2007, la commune d'Auderghem a fait savoir à la société requérante que la fermeture définitive de l'établissement était envisagée, sur la base des dispositions précitées de l'article 119bis de la nouvelle loi communale. Ce courrier fait état de deux fermetures ordonnées précédemment par le bourgmestre et de l'avertissement du collège. Il précise ce qui suit: “[... ], depuis la fin août, les interventions de la police nécessitées par des troubles qui trouvent leurs sources dans votre établissement ou qui sont générés par votre clientèle ou vos préposés sont à nouveau devenus systématiquement nécessaires”.

La lettre contient convocation à une audition, par le collège, prévue pour le 4 décembre 2007.

5. Le 11 décembre 2007, les représentants de la société requérante ont été entendus par le collège, assistés de leurs avocats.

6. Le 13 décembre 2007, le bourgmestre a pris un arrêté par lequel il ordonne “la fermeture toutes les nuits des vendredis à samedis, samedis et dimanches et des dimanches à lundis de l'établissement SOHO Club du 4 janvier 2008 au 29 février 2008 inclus”.

Il s'agit du premier acte attaqué qui se donne comme fondement l'article 134quater de la nouvelle loi communale et a été notifié à la partie requérante le 13 décembre 2007.

La décision fait état de troubles qui se sont produits en juillet 2007, mais précise qu'elle ne les retient pas car ils sont “intervenus avant l'avertissement, donc durant une période où l'autorité communale n'avait pas avisé les exploitants de la sanction qu'ils encouraient”.

La décision poursuit en ces termes:

“[... ] Des fiches d'informations qui m'ont été transmises par la commissaire, je retiens en tout cas les incidents suivants qui établissent un lien avec l'établissement incriminé:

- le 5 août 2007, un différend avec le videur du SOHO a nécessité l'intervention d'une patrouille et le différend a été aplani;

- le 16 septembre 2007, une personne ivre devant le SOHO qui avait été mise dehors a nécessité l'intervention d'une patrouille parce qu'elle faisait de l'esclandre ; il y avait un différend avec les exploitants du SOHO;

- le 30 septembre 2007, une patrouille a dû intervenir car il y avait un différend avec les exploitants du SOHO ; il y a eu finalement des actes de rébellion qui ont nécessité la mise en cellule d'une personne;

- le 14 octobre 2007, une patrouille a dû intervenir car il y avait une bagarre à l'entrée du SOHO et le différend a été finalement aplani;

- le 17 octobre 2007, une bagarre a eu lieu entre des clients du SOHO, des jeunes en état d'ivresse et d'autres personnes qu'ils avaient insultées et qui les ont poursuivis;

- le 3 novembre 2007, un jeune homme ivre, client du SOHO, a été mis dehors et a fait intervenir la patrouille;

- le 10 novembre 2007, la patrouille a été appelée sur place pour une bagarre devant le SOHO et, lorsqu'elle est arrivée, il n'y avait plus d'incident.”

Elle porte, notamment, ce qui suit:

“De l'audition et des pièces transmises par les exploitants, il ressort que:

- le public a été élargi aux mineurs à partir de 16 ans le vendredi (lors du renouvellement du permis d'environnement, il avait été précisé qu'une nouvelle politique d'exploitation de la salle devrait amener une clientèle plus âgée et dès lors moins susceptible d'engendrer du tapage nocturne);

- l'organisation de soirées (une au moins par mois, celle du troisième samedi du mois) est organisée par des tiers, de nombreuses soirées ne visent pas spécifiquement la clientèle du Soho (les fiches des soirées qui sont communiquées évoquent la “cible” des soirées référencées en ne retenant que peu la clientèle du Soho) alors que lors d'une fermeture que j'ai prononcée antérieurement, l'absence de clientèle fiabilisée était identifiée comme une des causes des dérangements publics et troubles à l'ordre public;

- les exploitants mènent des campagnes de publicité de grande ampleur (à la radio, par la distribution de flyers à 10.000 exemplaires si l'on en croit les factures produites) tout en exerçant un fort contrôle à l'entrée (dans l'audition, un des exploitants a affirmé que le contrôle se réalisait sur les éléments suivants: la carte de membre, la vérification de l'identité, port d'une chemise exigé, apparence correcte générale); ce faisant, il draine une importante clientèle et doit en rejeter un nombre très conséquent, ce qui crée des troubles à l'ordre public et des dérangements publics; la présence de files en vue d'accéder à l'établissement est d'ailleurs confirmée par certains des constats d'huissiers;

- les exploitants estiment devoir contrôler et s'assurer de l'absence d'un état d'ébriété apparent lors de l'entrée dans le club mais plus lors de la sortie de leurs clients car ils considèrent la consommation d'alcool comme un des éléments essentiels du bon fonctionnement et de la rentabilité de l'établissement alors qu'elle amène justement les clients à avoir des comportements générateurs de dérangements publics et de troubles à l'ordre public.

De ce qui précède, il ne peut être nié que les troubles à l'ordre public sont nombreux, graves et en relation avec l'établissement. Les faits sont à plus d'un titre en relation avec l'établissement:

1. une consommation importante amène des dérangements et troubles aux alentours de l'établissement voire des bagarres;

2. l'utilisation de campagnes de publicité s'adressant à un très large public, sans commune mesure avec la capacité limitée de l'établissement et le contrôle strict à l'entrée amène à des refus d'accès qui sont générateurs de nombreux dérangements publics et troubles à l'ordre public.

3. La politique visant à affecter certaines soirées spécialement à des mineurs est un facteur qui aggrave le risque (lequel se concrétise trop souvent) de dérangements publics et de troubles à l'ordre public car les mineurs supportent plus difficilement l'influence de l'alcool et ont un comportement, spécialement dans les soirées, plus exubérant que des personnes plus âgées, comportement qui se prête mal à la quiétude qui doit être assurée, surtout la nuit, dans une zone où il y a de très nombreux logements.”

7. Le 13 décembre 2007, la société requérante et ses avocats ont été convoqués aux fins d'être entendus le 19 décembre 2007 par le collège des bourgmestre et échevins en vue de la confirmation par celui-ci de l'arrêté du bourgmestre, conformément à l'article 134quater, alinéa 2, de la nouvelle loi communale.

8. Le 19 décembre 2007, à la suite de l'audition, le collège des bourgmestre et échevins a confirmé la décision du bourgmestre du 13 décembre 2007.

Il s'agit du second acte attaqué notifié à l'un des avocats de la partie requérante le 20 décembre 2007.

S'agissant des troubles à l'ordre public, la délibération mentionne ce qui suit:

“Plus d'une quinzaine de faits et d'interventions de la police ont été portés à la connaissance du Bourgmestre, faits qui sont autant d'incidents ou de demandes d'intervention de la police en relation avec l'exploitation de l'établissement accessible au public, le Club SOHO, boulevard du Triomphe 47:

1. incidents entre clients et préposés (cela peut résulter d'un refus d'accès comme de différends à l'intérieur du club): 28 janvier 2007, 3 février 2007, 3 mars 2007, 9 mars 2007, 17 mars 2007, 18 mars 2007, 25 mars 2007, 7 avril 2007, 9 avril 2007, 5 mai 2007, 11 mai 2007, 12 mai 2007, 2 juin 2007;

2. bagarres sur la voie publique aux abords du SOHO: 3 mars 2007, 14 avril 2007, 6 mai 2007;

3. intervention pour des clients du SOHO ayant fait un malaise dans le club ou à sa sortie: 31 mars 2007, 8 avril 2007, 5 mai 2007;

4. tapage devant l'entrée: 24 mars 2007;

5. bagarres dans le club: 21 avril 2007, 26 mai 2007;

6. bagarres entre sociétés concurrentes de gardiennage: 21 avril 2007 et 22 avril 2007.

7. le 1er juillet 2007, des coups et blessures;

8. le 7 juillet 2007, des troubles à l'ordre public ont été créés par des jeunes qui ont été priés de quitter l'établissement et qui n'ont pas obtempéré immédiatement;

9. le 21 juillet 2007, une personne a appelé la police parce qu'elle aurait été frappée par deux personnes de la discothèque;

10. le 22 juillet 2007, la police a à nouveau été appelée parce qu'une personne aurait été frappée par plusieurs portiers de la discothèque;

11. le 28 juillet 2007, la patrouille a dû intervenir dans l'établissement car il y avait une bagarre à l'intérieur;

12. le 5 août 2007, un différend avec le videur du SOHO a nécessité l'intervention d'une patrouille et le différend a été aplani;

13. le 31 août 2007, viol d'une majeure en dehors de l'établissement; elle a été droguée dans l'établissement par des mineurs, clients du SOHO;

14. le 16 septembre 2007, une personne ivre devant le SOHO qui avait été mise dehors a nécessité l'intervention d'une patrouille parce qu'elle faisait de l'esclandre (il y avait un différend avec les exploitants du SOHO);

15. le 30 septembre 2007, une patrouille a dû intervenir car il y avait un différend avec les exploitants du SOHO (il y a eu finalement des actes de rébellion qui ont nécessité la mise en cellule d'une personne);

16. le 14 octobre 2007, une patrouille a dû intervenir car il y avait une bagarre à l'entrée du SOHO et le différend a été finalement aplani;

17. le 17 octobre 2007, une bagarre a eu lieu entre des clients du SOHO, des jeunes en état d'ivresse et d'autres personnes qu'ils avaient insultées et qui les ont poursuivis;

18. le 3 novembre 2007, un jeune homme ivre, client du SoHo, a été mis dehors et a fait intervenir la patrouille;

19. le 10 novembre 2007, la patrouille a été appelée sur place pour une bagarre devant le SOHO et, lorsqu'elle est arrivée, il n'y avait plus d'incident;”

La délibération porte, notamment, ce qui suit:

“Les liens entre les troubles de l'ordre public, les dérangements publics et l'établissement

De ce qui précède, il ne peut être nié que les troubles à l'ordre public sont nombreux, graves et en relation avec l'établissement. Les faits sont à plus d'un titre en relation avec l'établissement:

1. une consommation d'alcool importante dans l'établissement et l'absence de souci des exploitants d'éviter l'enivrement de leurs clients (bien au contraire, la consommation d'alcool est vue comme un élément de rentabilité important) amène des dérangements et troubles aux alentours de l'établissement voire des bagarres;

2. l'utilisation de campagnes de publicité s'adressant à un très large public, sans commune mesure avec la capacité limitée de l'établissement et le contrôle strict à l'entrée amène à des refus d'accès qui sont générateurs de nombreux dérangements publics et troubles à l'ordre public. Il en est d'autant plus ainsi que la publicité sur les ondes radios - celle qui touche le plus large public - n'évoque pas le code vestimentaire imposé ni l'âge requis selon les jours;

3. La politique visant à affecter certaines soirées spécialement à des mineurs est un facteur qui aggrave le risque (lequel se concrétise trop souvent) de dérangements publics et de troubles à l'ordre public car les mineurs supportent plus difficilement l'influence de l'alcool et ont un comportement, spécialement dans les soirées, plus exubérant que des personnes plus âgées, comportement qui se prête mal à la quiétude qui doit être assurée, surtout la nuit, dans une zone où il y a de très nombreux logements.”

Considérant, quant à la recevabilité, que, s'agissant de la décision d'agir devant le Conseil d'Etat, la société requérante a produit une délibération de son conseil d'administration du 21 décembre 2007 à laquelle étaient présents deux administrateurs, Xavier Hoedemaker et Cédric Staumont, qui “à la majorité des membres présents” ont décidé d'introduire un recours en suspension d'extrême urgence et en annulation des deux actes attaqués et désigné les avocats chargés de l'introduction des procédures; que la copie du procès-verbal est signée par ces deux administrateurs; que la société requérante a produit également un extrait du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 20 mai 2006, publié aux annexes du Moniteur belge du 13 juillet 2006, relatant la démission de Gaëtan Decremer, en sa qualité d'administrateur et d'administrateur délégué, la nomination de Xavier Hoedemaker, en tant que “nouvel administrateur et administrateur délégué” et la nomination de Cédric Staumont en tant que “nouvel administrateur”, ces démissions et nominations prenant effet au 22 mai 2006;

Considérant que, dans le mémoire en réponse, les parties adverses soutiennent que sur la base des éléments versés aux débats, il n'est pas possible “de vérifier la régularité de la composition du conseil d'administration” dès lors qu'il ressort de l'acte de constitution de la société que le mandat des trois premiers administrateurs nommés le 9 avril 1996 expirait lors de l'assemblée générale de 2002 et qu'aucun élément relatif à la nomination de nouveaux administrateurs depuis cette date n'est produit; que la partie adverse ajoute que “dans l'hypothèse où [Xavier] Hoedemaker et [Cédric] Staumont seuls signataires de la décision d'ester, seraient les seuls administrateurs de la société requérante, il y aurait lieu de constater l'irrégularité de la composition du conseil d'administration qui doit légalement être composé de trois personnes au minimum”;

Considérant que la société requérante a joint à son dernier mémoire la chronologie des nominations et démissions des administrateurs depuis la constitution de la société; qu'il apparaît, notamment, qu'à la suite de l'assemblée générale extraordinaire du 20 mai 2006 précitée, le conseil d'administration était composé de Pascal Olivet, nommé par l'assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 2005, ainsi que de Xavier Hoedemaker et Cédric Staumont; que la démission de Pascal Olivet a été acceptée par l'assemblée générale extraordinaire du 19 juillet 2006 en sorte qu'à partir de cette date, le conseil d'administration ne comprenait plus que les administrateurs Xavier Hoedemaker et Cédric Staumont; que l'assemblée générale extraordinaire du 30 avril 2008 a nommé Martine Verhoeven en qualité de nouvel, et troisième, administrateur; que la société requérante reconnaît que le 21 décembre 2007, la décision d'agir devant le Conseil d'Etat a été prise par le conseil d'administration qui n'était composé que des deux administrateurs précités; qu'elle a joint à son dernier mémoire une délibération du conseil d'administration du 17 décembre 2008, à laquelle étaient présents les trois administrateurs en fonction, ratifiant la décision d'ester en justice du 21 décembre 2007;

Considérant qu'il résulte des statuts de la société requérante que, conformément aux articles 518, § 1er et 522, § 2, du Code des sociétés, les administrateurs doivent être au nombre de trois au moins et que la décision d'agir devant le Conseil d'Etat devait être prise par le conseil d'administration; qu'en l'espèce, la décision a été prise le 21 décembre 2007 par le conseil d'administration composé de deux membres, à la suite de la démission d'un administrateur le 19 juillet 2006; que ni le Code des sociétés ni les statuts ne fixent de délai pour le remplacement d'un administrateur démissionnaire; que les décisions de saisir le Conseil d'Etat d'une demande de suspension et d'un recours en annulation font partie, sans que l'on puisse les dissocier, des actes urgents nécessaires à la sauvegarde des intérêts de la société; que la démission d'un administrateur qui réduit temporairement de trois à deux le nombre des membres du conseil d'administration, ne peut avoir pour effet de priver la société de son droit d'ester en justice pour assurer, dans une situation d'urgence, la préservation de ses intérêts; que la décision d'introduire le recours en annulation a été valablement prise par le conseil d'administration le 21 décembre 2007; que l'exception n'est pas fondée; que le recours est recevable;

Considérant que la société requérante prend un moyen, troisième de la requête, “de la violation de l'article 134quater de la nouvelle loi communale, de la violation du secret de l'information et de l'instruction, de l'article 125 du tarif criminel, de la violation des articles 1 à 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, de l'insuffisance et de l'erreur dans les motifs de l'acte, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'excès de pouvoir, en ce que, le premier acte attaqué ordonne la fermeture toutes les nuits des vendredis à samedis, samedis et dimanches et des dimanches à lundis de l'établissement SOHO CLUB du 4 janvier 2008 au 29 février 2008 inclus, et que le deuxième acte attaqué en emporte la confirmation, alors que, première branche, les actes attaqués méconnaissent les conditions imposées par l'article 134quater de la nouvelle loi communale, à savoir qu'un arrêté de fermeture provisoire ne peut être prononcé sur base de l'article 134quater de la nouvelle loi communale qu'à la double condition que les troubles à l'ordre public se sont produits autour de l'établissement tout en ayant leur origine dans des comportements survenant dans l'établissement incriminé; et que tel n'est pas le cas en l'espèce; et; alors que, deuxième branche, l'examen des faits vantés à l'appui de l'acte attaqué révèle qu'ils ne peuvent fonder une mesure de police fondée sur l'article 134quater de la nouvelle loi communale.”; que la société requérante se réfère à l'arrêt n° 178.292 qui a suspendu l'exécution des actes attaqués sur la base du moyen jugé sérieux en sa première branche; que, s'agissant de la seconde branche du moyen, la société requérante analyse minutieusement les faits visés par chacune des décisions attaquées, à la lumière, notamment, des fiches d'information établies par la police locale; qu'elle soutient que “les actes attaqués font état de faits qui sont soit non légalement admissibles, soit non pertinents, voire inexacts”; qu'elle fait valoir que la plupart des fiches mentionnent des troubles qui se sont produits soit à l'extérieur soit à l'intérieur de l'établissement; qu'elle ajoute qu'un grand nombre de fiches d'information constate soit une absence de troubles à l'ordre public soit des troubles qui ne peuvent être imputés à l'établissement et à ses exploitants;

Considérant que, dans le mémoire en réponse, les parties adverses soutiennent, quant à la première branche, qu'il ressort de la jurisprudence du Conseil d'Etat que l'article 134quater de la nouvelle loi communale n'exige pas nécessairement que “le trouble de l'ordre public soit, au dehors, une continuation de ce qui se passe à l'intérieur”, qu'il “peut suffire au bourgmestre de démontrer que l'ordre public est perturbé dans un voisinage déterminé dès lors que la cause de cette perturbation trouve son origine dans les activités de cet établissement” et que, notamment, le recours à l'article 134quater est justifié lorsque les désordres trouvent leur origine dans la vente de boissons alcoolisées, dès lors que cette vente, même si elle n'est pas illicite, constitue un comportement survenant dans l'établissement dont la suite immédiate trouble l'ordre public aux abords de celui-ci; que les parties adverses font valoir que les fiches d'information établies par la police locale démontrent que “des troubles de l'ordre public ont été constatés sur la voie publique ou aux abords immédiats de l'établissement concerné en rapport avec l'exploitation de cet établissement”, que ces fiches soulignent que l'abus d'alcool est à l'origine de la plus grande partie des troubles constatés et que, par conséquent, “il y a bien un lien entre l'activité exploitée à l'intérieur de l'établissement (notamment la vente d'alcool) et le dérangement public constaté sur la voie publique”; que les parties adverses concluent “que le trouble causé sur la voie publique résulte d'une activité licite exercée dans l'établissement”; que les parties adverses reproduisent des passages de la motivation de chacun des actes attaqués et prétendent que “les décisions querellées établissent à suffisance le lien entre ce qui est survenu dans l'établissement et les troubles et dérangements publics constatés à l'extérieur”; que s'agissant de l'arrêt n° 178.292, les parties adverses constatent qu'il admet que certains faits mentionnés dans les actes attaqués entrent dans les prévisions de l'article 134quater, estimant que d'autres n'y entreraient pas; qu'elles soutiennent que le moyen aurait dû être déclaré non sérieux puisque des faits rencontraient les prévisions de l'article 134quater, les autres faits étant surabondants; que, quant à la seconde branche, les parties adverses soulignent qu'il ressort à suffisance des éléments communiqués par la police locale “que l'exploitation de la salle de fête litigieuse par la requérante est à l'origine de troubles incessants entraînant l'intervention des forces de l'ordre de façon récurrente pour ne pas dire incessante”; qu'elles se réfèrent à un rapport récapitulatif des commissaires de police qui figure au dossier administratif;

Considérant, sur les deux branches du moyen, que l'article 134quater, alinéa 1er, de la nouvelle loi communale prévoit ce qui suit: “Si l'ordre public autour d'un établissement accessible au public est troublé par des comportements survenant dans cet établissement, le bourgmestre peut décider de fermer cet établissement pour la durée qu'il détermine”; que cette disposition exige que les troubles à l'ordre public retenus pour justifier la fermeture de l'établissement répondent à la double condition qu'ils se produisent “autour de l'établissement” et qu'ils aient leur origine dans “des comportements survenant dans cet établissement”;

Considérant qu'il apparaît de la motivation des deux actes attaqués que tant le bourgmestre que le collège des bourgmestre et échevins ont considéré que le bourgmestre peut recourir à l'article 134quater dès lors que les troubles de l'ordre public constatés autour de l'établissement sont liés à des circonstances qui relèvent du mode d'exploitation de l'établissement, tels une publicité tapageuse qui attire un public trop important par rapport à la capacité de l'établissement, des contrôles stricts à l'entrée de l'établissement générateurs de troubles, la vente d'alcool sans modération parce qu'elle constitue un élément essentiel de rentabilité et la réservation de certaines soirées à des mineurs qui supportent mal l'alcool et ont un comportement plus exubérant que les personnes plus âgées; que cette interprétation de l'article 134quater, qui constitue l'un des fondements des décisions litigieuses et qui trouve écho dans le mémoire en réponse, ne peut être retenue; qu'en effet, l'article 134quater, qui déroge au droit commun de l'article 135, § 2, de la nouvelle loi communale, est de stricte interprétation; que le mode d'exploitation de l'établissement, critiquable ou non, ne peut être assimilé à “des comportements survenant dans l'établissement” au sens de l'article 134quater;

Considérant qu'il apparaît tant du premier que du second acte attaqué que si certains faits que ces actes mentionnent semblent bien entrer dans les prévisions de l'article 134quater, d'autres faits se sont manifestement déroulés soit uniquement à l'intérieur de l'établissement soit uniquement à l'extérieur de celui-ci; que, par ailleurs, certains faits sont relatés de manière imprécise; que, s'agissant du premier acte attaqué, les faits du 5 août 2007 sont imprécis, la fiche d'information se bornant à indiquer “diff. avec le videur du SOHO”; que les faits du 30 septembre 2007 ont eu lieu à l'intérieur de l'établissement, les deux fiches d'information indiquant “au SOHO - on ne veut pas rendre la ci du req.” et “suite rébellion patrouille demande renfort”, sans préciser que des troubles à l'ordre public auraient eu lieu autour de l'établissement; que les faits du 14 octobre 2007 se sont déroulés à l'extérieur de l'établissement, la fiche d'information mentionnant “Bagarre à l'entrée du SOHO - Diff. aplani”, sans faire état d'incidents survenus à l'intérieur; que les faits du 10 novembre 2007 ont eu lieu devant l'établissement, la fiche d'information indiquant: “Appelant signale grosse bagarre devant le SOHO entre sorteurs”, sans mentionner de faits survenus à l'intérieur; que le second acte attaqué reproduit en ses points 12 à 19 les faits énoncés dans le premier acte attaqué; que s'agissant des points 1 à 11, il ressort du même acte attaqué et des fiches d'information que les faits mentionnés au point 1 se sont produits soit à l'extérieur de l'établissement en raison de refus d'accès, soit à l'intérieur sans qu'il apparaisse qu'ils aient provoqué des troubles autour de l'établissement; que les faits visés aux points 5 et 11 se sont produits à l'intérieur de l'établissement, selon les termes mêmes de l'acte attaqué confirmés par les fiches d'information; que les faits mentionnés aux points 6, 7, 9 et 10 sont relatés de manière imprécise tant dans l'acte attaqué que par les fiches d'information;

Considérant que le Conseil d'Etat substituerait son appréciation à celle du bourgmestre et du collège des bourgmestre et échevins s'il décidait, comme le suggèrent les parties adverses, que les faits répondant à la double condition exigée par l'article 134quater suffisent à eux seuls à justifier la mesure prise tandis que ceux qui n'y satisfont pas sont surabondants;

Considérant que les décisions attaquées procèdent d'une interprétation erronée de l'article 134quater de la nouvelle loi communale et s'appuient sur des faits qui ne suffisent pas pour en justifier légalement l'application; que le troisième moyen est fondé,

Décide:

Article 1er.

Sont annulés l'arrêté du bourgmestre de la commune d'Auderghem du 13 décembre 2007 ordonnant la fermeture “toutes les nuits des vendredis à samedis, samedis et dimanches et des dimanches à lundis” de l'établissement SOHO Club du 4 janvier 2008 au 29 février 2008 inclus ainsi que la délibération du collège des bourgmestre et échevins du 19 décembre 2007 confirmant l'arrêté précité.

Article 2.

Les dépens, liquidés à la somme de 175 EUR, sont mis à la charge de la seconde partie adverse.

(…)