Cour de justice de l'Union européenne 14 janvier 2010
PRATIQUES DU COMMERCE
Usages honnêtes et pratiques commerciales déloyales - Directive 2005/29/CE - Pratiques commerciales déloyales - Réglementation nationale énonçant une interdiction de principe des pratiques commerciales subordonnant la participation des consommateurs à un jeu promotionnel à l'acquisition d'un bien ou d'un service
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Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV / Plus Warenhandelsgesellschaft GmbH
Aff.: n° C-304/08 |
Dans cet arrêt rendu sur question préjudicielle du Bundesgerichtshof (Allemagne), la Cour de justice avait à se prononcer sur la compatibilité d'une disposition de la loi allemande sur la répression de la concurrence déloyale (ci-après “UWG”) avec la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs. Cet arrêt est le second rendu par la Cour sur l'interprétation de la directive, le premier étant celui du 23 avril 2009 qui a déclaré contraire à la directive les dispositions de la loi belge du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et l'information et la protection du consommateur qui réglementent les offres conjointes [1].
Dans cette affaire-ci, une entreprise allemande de vente au détail - dénommée Plus - avait lancé une action promotionnelle invitant le public à acheter des produits vendus dans ses magasins afin de collecter des points. L'accumulation d'un certain nombre de points donnait au consommateur la possibilité de participer à des tirages au sort de loteries organisées par une association nationale de sociétés de loterie. Une association allemande de lutte contre la concurrence déloyale porta l'affaire devant les juridictions allemandes, estimant que cette action était contraire à l'article 4 UWG qui interdit en principe de faire dépendre la participation des consommateurs à un jeu ou concours promotionnel de l'acquisition d'un bien ou service. Ayant été condamnée en première instance et en appel, Plus porta l'affaire devant le Bundesgerichtshof, qui interrogea la Cour de justice sur la compatibilité de cette disposition avec la directive 2005/29/CE.
En examinant préalablement la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, la Cour va tout d'abord confirmer que la directive - contrairement à certaines dispositions du Traité CE telles que celles relatives à la libre prestation de services - trouve également à s'appliquer à des situations purement nationales, c'est-à-dire dans lesquelles tous les éléments sont cantonnés à l'intérieur du territoire d'un Etat membre. La Cour rappelle en effet que l'application de la directive n'est pas subordonnée à la présence d'un élément d'extranéité, mais s'applique à toute pratique commerciale déloyale mise en oeuvre par une entreprise à l'égard des consommateurs.
Sur le fond, la Cour confirme l'enseignement tiré de son arrêt VTB-VAB, en rappelant que la notion de 'pratique commerciale' au sens entendu par la directive est particulièrement large et englobe les pratiques visées par l'article 4 WUG, dès lors que de telles pratiques s'inscrivent dans le cadre de la stratégie commerciale d'un opérateur et visent directement à la promotion et à l'écoulement des ventes de celui-ci. La Cour va par ailleurs apporter une précision utile - tant elle agite le législateur et la doctrine, surtout en Belgique - en soulignant qu'une pratique commerciale ne sort pas du champ d'application de la directive lorsque sa réglementation n'est pas dictée uniquement par un souci de protection du consommateur, mais également par un souci de protection des concurrents. Pour la Cour, qui se fonde à cet égard sur le 6ème considérant de la directive, seules les pratiques commerciales qui portent 'uniquement' atteinte aux intérêts économiques de concurrents ou qui concernent une transaction entre professionnels sortent du champ d'application de la directive.
La Cour rappelle ensuite une nouvelle fois que la directive procède à une harmonisation totale des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, avec pour conséquence que les Etats membres ne peuvent adopter de mesures plus restrictives que celles prévues dans la directive, même si celles-ci sont destinées à assurer une meilleure protection du consommateur.
Ayant décidé que la pratique visée par la législation allemande constituait une pratique commerciale au sens de la directive, c'est dès lors sans surprise que la Cour constate que cette pratique ne figure pas dans la liste exhaustive des 31 pratiques considérées déloyales en toutes circonstances, qui est reprise à l'annexe I de la directive. Dès lors, une interdiction de principe de toute pratique qui fait dépendre la participation à un jeu ou concours promotionnel de l'acquisition préalable d'un bien ou service, sans que le juge national ne puisse tenir compte des circonstances concrètes de l'espèce, est pour la Cour incompatible avec la directive.
[1] | CJUE 23 avril 2009, C-261/07 et C-299/07, VTB-VAB et Galatea. |