Article

Cour d'appel Bruxelles, 25/04/2008, R.D.C.-T.B.H., 2010/2, p. 183-188

Cour d'appel de Bruxelles 25 avril 2008

SURETES
Sûretés personnelles - Lettre de patronage - Information - Obligation de moyen v. obligation de résultat - Qualité de l'émetteur de la lettre - Qualité du créancier bénéficiaire
Une même lettre de garantie peut contenir tant des obligations de résultat que des obligations de moyens. Les engagements repris dans une lettre de garantie ne procurent pas un débiteur complémentaire au créancier mais créent une obligation de faire ou de ne pas faire, dont le non-respect est sanctionné suivant le droit commun.
ZEKERHEDEN
Persoonlijke zekerheden - Patronaatsverklaring - Informatie - Middelenverbintenis v. resultaatsverbintenis - Hoedanigheid van de emittent van de verklaring - Hoedanigheid van de begunstigde van de verklaring
Eenzelfde patronaatsverklaring kan zowel middelen- als resultaatsverbintenissen bevatten. De in een patronaatsverklaring opgenomen verbintenissen verschaffen aan de schuldeiser geen bijkomende debiteur, maar scheppen een verbintenis iets te doen of niet te doen, waarvan de niet-nakoming wordt gesanctioneerd volgens het gemeen recht.

Delta Lloyd Bank / Société régionale d'Investissement de Bruxelles

Siég.: H. Mackelbert, M.-Fr. Carlier et Y. Demanche (conseillers)
Pl.: P. Frühling et J. Vanden Eynde, J. Feld
1. Décision entreprise

L'appel est dirigé contre le jugement prononcé contradictoirement le 26 janvier 2004 par le tribunal de commerce de Bruxelles.

Les parties ne produisent pas d'acte de signification de ce jugement.

II. Procédure devant la cour

L'appel est formé par requête, déposée par Delta Lloyd Bank, au greffe de la cour, le 26 mars 2004.

La procédure est contradictoire.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues.

III. Faits et antécédents de la procédure

1. Au cours des années 1995 et 1996, la Société régionale d'Investissement de Bruxelles, également dénommée la S.R.I.B., acquiert des participations dans le capital de la SA Candyplast.

En novembre 1995, notamment, elle souscrit à la totalité des obligations émises par Candyplast dans le cadre d'un emprunt obligataire d'un montant de 30.009.622 FB. Les obligations sont convertibles en actions.

2. Le 7 février 1997, la Banque Nagelmackers 1747, devenue Delta Lloyd Bank et ci-après dénommée “la banque”, consent à Candyplast un crédit hypothécaire de 15.000.000 FB.

3. Le 18 avril 1997, la S.R.I.B. adresse à la banque un courrier relatif à l'avance de trésorerie complémentaire en faveur de la SA Candyplast dix millions de FB remboursables au plus tard le 30 septembre 1997.

Cette lettre énonce que:

“Bien que n'ayant pas pour coutume de conforter par écrit notre parole sur la poursuite de nos engagements, notre intérêt et la confiance que nous portons dans certains dossiers et à l'égard de certaines personnes, nous vous prions de trouver ci-dessous les confirmations que vous souhaitez.

Nous vous confirmons donc que notre politique est de maintenir notre soutien envers la SA Candyplast, dont nous sommes actuellement majoritaires, d'éventuellement augmenter notre contribution en fonction des développements positifs observés et que nous nous assurons à ce titre qu'aucun établissement prêteur n'encourt de perte à la suite de relations d'affaires avec celle-ci.

Cette politique sera suivie à votre égard quant à la ligne de crédit complémentaire que vous lui avez accordée.

Il est par ailleurs dans notre intention de maintenir notre contrôle et notre participation dans le capital de cette société, à laquelle vous avez accordé cette nouvelle avance.

Par la présente, nous nous engageons à vous tenir informés tant qu'une quelconque somme relative au crédit mentionné ci-dessus sera due ou exigible si nous décidions ou étions amenés à vendre tout ou partie de notre participation.

Au cas où, pour quelque raison que ce soit, nous ne détiendrions plus, soit le contrôle, soit notre participation majoritaire et dans le cas où la structure financière de celle-ci viendrait à se dégrader, nous vous en aviserions par écrit dans un délai de 30 jours.

La validité de cette lettre, qui n'est pas en elle-même une garantie, s'étendra jusqu'au remboursement et paiement total de tout montant ou somme dus par Candyplast quant à la ligne de crédit complémentaire ci-dessus visée.”

Le 21 mai 1997, la banque et Candyplast conviennent d'augmenter la ligne de crédit de 10.000.000 FB et de la porter à 25.000.000 FB. Le crédit est utilisable jusqu'au 30 septembre 1997 à concurrence de 20.000.000 FB. Le contrat signé entre la banque et Candyplast stipule que le crédit est couvert par la sûreté suivante: la lettre de confort émise par la S.R.I.B. le 18 avril 1997.

4. Le 27 janvier 1999, la banque confirme à Candyplast l'intention de cette dernière de se présenter devant le tribunal de commerce afin d'obtenir une mise en liquidation volontaire avec l'objectif de rembourser complètement les banquiers et la reprise pour 1 FB symbolique de l'activité commerciale. Dans ce courrier, la banque énonce les conditions auxquelles elle pourrait marquer son accord sur le plan proposé de liquidation volontaire et swap de la créance de la S.R.I.B. de Candyplast vers la société Picko-Pack, à savoir notamment:

- obtention de l'accord du tribunal de commerce et de la banque sur [le] plan de liquidation;

- remise à la banque d'une copie du plan de liquidation contenant une date ultime pour la clôture de la liquidation, laquelle ne pourra excéder le 31 décembre 1999;

- information régulière - toutes les 2 semaines - à la banque de l'évolution de la liquidation;

- explication et redéfinition des actions chaque fois que des écarts significatifs entre le plan de liquidation et la réalisation sont constatés;

- obtention de l'accord de la BBL avec laquelle [la banque travaille] sur base pari passu.

La banque précise qu'aussi longtemps que les conditions précitées sont respectées et ce jusqu'au 31 décembre 1999, elle s'engage pour sa part à ne pas dénoncer ni suspendre les facilités de crédits existants, sauf dans l'éventualité de la survenance d'événements de nature à mettre en péril la bonne fin de la liquidation ou le remboursement de sa créance. Elle ajoute qu'elle ne tolérera en principe pas d'augmentation d'encours.

5. La faillite de Candyplast est prononcée sur aveu par jugement du 12 avril 1999 du tribunal de commerce de Bruxelles.

La banque produit au passif de la faillite de Candyplast pour un montant de 30.309.485 FB. Selon les termes de sa déclaration du 7 mai 1999, la créance est garantie par une inscription hypothécaire de 3ème rang et la mise en gage en 5ème rang d'un fonds de commerce à concurrence de 15.000.000 FB, et par la mise en gage du contrat de factoring établi entre Belgo Factors et Candyplast.

Dans le cadre de la distribution de l'actif de la faillite, la banque obtiendra un paiement de 6.000.000 FB sur le produit de la vente d'un immeuble et 543.806 FB et 319.187 FB sur les autres actifs du fonds de commerce et le solde à distribuer du prix de l'immeuble.

6. Le 19 août 1999, le conseil de la banque adresse une mise en demeure au conseil de la S.R.I.B.

Le 2 août 2002, se fondant sur la lettre du 18 avril 1997, il met à nouveau la S.R.I.B. en demeure de payer le montant de 10.000.000 FB (247.893,52 EUR).

Le conseil de la S.R.I.B. répond le 7 août 2002 que la demande de Delta Lloyd est rejetée.

7. Par exploit du 30 septembre 2002, la banque fait citer la S.R.I.B. devant le tribunal de commerce de Bruxelles.

Elle demande de condamner la S.R.I.B. à lui payer un montant de 247.893,52 EUR, montant à majorer des intérêts au taux légal depuis la mise en demeure du 19 août 1999.

Par jugement du 26 janvier 2004, le tribunal de commerce de Bruxelles déclare la demande non fondée.

8. La banque interjette appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions d'appel, elle demande à la cour de condamner la S.R.I.B. à lui payer la somme de 247.893,52 EUR, montant à majorer des intérêts au taux de 7% depuis le 19 août 1999 et des intérêts judiciaires à dater de la citation.

La S.R.I.B. conclut au non-fondement de l'appel.

IV. Discussion

9. La banque se fonde sur la lettre émise le 18 avril 1997 par la S.R.I.B. pour lui réclamer la réparation du préjudice qu'elle dit avoir subi à la suite du non-respect par cette derrière des engagements de faire qu'elle y a souscrits.

1. Sur la qualification et le contenu de la lettre du 18 avril 1997

10. Cette lettre doit être qualifiée de lettre de patronage.

Celle-ci se définit comme étant la lettre qu'une personne physique ou morale (l'émetteur) adresse à un ou plusieurs créanciers déterminés ou indéterminés en vue de les conforter quant à l'exécution de leur créance vis-à-vis d'un tiers dont elle est généralement actionnaire de référence (L. du Jardin, “Lettre de patronage: les bonnes pratiques font le bon droit”, JT 2007, p. 389 ).

Le contenu d'une lettre de patronage varie au cas par cas et peut aller de la simple description d'une situation jusqu'à un engagement de nature juridique.

Lorsqu'elle contient un tel engagement, elle ne confère pas au créancier un second débiteur mais crée une obligation de faire ou de ne pas faire en faveur ou à propos de la société patronnée, sanctionnée par le droit commun de la responsabilité.

11. En l'espèce, les parties s'accordent sur le fait que la S.R.I.B. a souscrit des obligations dans la lettre de patronage du 18 avril 1997 et qu'elles sont au nombre de trois, à savoir:

- une obligation de soutien;

- une obligation de maintien de participation;

- une obligation d'information.

La banque affirme que la S.R.I.B. a manqué à la première et à la troisième des obligations citées ci-dessus.

2. Sur l'obligation de soutenir Candyplast
a. Sur la portée de l'obligation

12. Selon la banque, la lettre de patronage émise par la S.R.I.B. contient une obligation de résultat, à savoir que la banque n'encourt pas de perte à la suite de relations d'affaires avec Candyplast.

Dès lors que ce résultat n'a pas été atteint, l'obligation prise en charge par la S.R.I.B. implique, selon elle, qu'elle ne peut s'exonérer qu'en démontrant l'existence d'une force majeure.

13. L'engagement de la S.R.I.B. est formulé comme suit:

“Nous vous confirmons donc que notre politique est de maintenir notre soutien envers la société anonyme Candyplast, dont nous sommes actuellement majoritaires, d'éventuellement augmenter notre contribution en fonction des développements positifs observés et que nous nous assurons à ce titre qu'aucun établissement prêteur n'encourt de perte et la suite de relations avec celle-ci.

Cette politique sera suivie à votre égard quant à la ligne de crédit complémentaire que vous lui avez accordée.” (souligné par la cour).

14. De l'examen des termes qui précèdent, il appert que la S.R.I.B. s'est exprimée en deux temps.

Elle informe et confirme d'abord à la banque que majoritaire au sein de Candyplast, sa politique est de maintenir son soutien, voire d'éventuellement augmenter sa contribution, et de s'assurer à ce titre que les établissements prêteurs ne subissent pas de perte.

Elle s'engage ensuite envers la banque à suivre cette politique quant à la ligne de crédit complémentaire accordée.

Si l'absence de perte dans le chef des établissements prêteurs est l'un des effets recherchés par la politique menée par la S.R.I.B. envers Candyplast, il ne constitue pas en lui-même l'objet de l'obligation souscrite par la S.R.I.B. envers la banque.

15. L'engagement de la S.R.I.B. de maintenir son soutien envers Candyplast constitue une obligation de faire.

Pour en déterminer l'intensité - obligation de résultat ou de moyen -, il y a lieu de rechercher la volonté commune des parties en se fondant tant sur les termes de la lettre (éléments intrinsèques) que sur la qualité de l'émetteur et les circonstances qui ont entouré son émission (éléments extrinsèques).

A cet égard, il ne ressort pas des termes de la lettre de patronage que l'engagement de la S.R.I.B. de maintenir son soutien et d'éventuellement augmenter sa contribution en fonction des développements positifs observés ait un objet précis et déterminé.

La S.R.I.B. s'oblige, envers la banque, à maintenir sa politique de soutien générale. Elle ne s'engage pas par rapport à un but final à atteindre. A l'avant-dernier paragraphe de la lettre de patronage, elle envisage d'ailleurs le risque de dégradation de la structure financière.

16. Par ailleurs, si la lettre de patronage fut une condition nécessaire à l'obtention d'une ligne de crédit complémentaire auprès de la banque, il convient de ne pas perdre de vue la qualité particulière de son émetteur.

La S.R.I.B. est, en effet, une société créée par les pouvoirs publics. Son capital est détenu à plus de 75% par la Région de Bruxelles-Capitale et des institutions financières d'intérêt public. Elle a notamment un objet d'intérêt public qui est de favoriser, dans l'intérêt de l'économie régionale, compte tenu de la politique économique de la Région, la création, la réorganisation ou l'extension d'entreprises privées (voir arrêté de l'Exécutif de la Région de Bruxelles-Capitale du 6 décembre 1990 approuvant la modification des statuts de la S.R.I.B. ainsi que la loi du 2 avril 1962 relative à la Société Nationale d'Investissement et les sociétés régionales d'investissement), ce que la banque, professionnelle du crédit, n'ignorait pas ou, à tout le moins, ne pouvait légitimement ignorer.

Si, pour l'accomplissement de cette mission, la S.R.I.B. est susceptible, comme c'était le cas pour Candyplast, de détenir une participation majoritaire et des mandats d'administrateur dans les sociétés dans lesquelles elle a placé sa confiance - en l'espèce deux mandats sur cinq -, elle n'a cependant pas pour vocation de diriger ou de maîtriser complètement l'activité de ces sociétés, mais seulement de leur mettre des fonds à disposition et de participer à leur gestion industrielle, financière et commerciale conformément aux conventions que les parties concernées concluront à cet égard (art. 5 des statuts de la S.R.I.B.).

Candyplast conservait donc une certaine autonomie et son activité ne dépendait pas que de la S.R.I.B.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'engagement de la S.R.I.B. de maintenir sa politique de soutien de Candyplast pour que cette derrière soit en mesure de payer ses dettes comportait des aléas et doit s'analyser en une obligation de moyen.

17. Vainement la banque invoque-t-elle que, dans la convention de crédit qu'elle a signée avec Candyplast consécutivement à la lettre de patronage, cette dernière est qualifiée de 'sûreté'.

En effet, la S.R.I.B. est un tiers à la relation contractuelle entre la banque et Candyplast et ne peut être liée par une qualification contenue dans une convention qu'elle n'a pas signée.

Par ailleurs, le contenu donné au terme 'sûreté' peut être très large. Il n'est donc pas éclairant pour l'appréciation de la portée de la lettre de patronage émise par la S.R.I.B.

18. Quant à l'absence de contestation dans le chef de la S.R.I.B., à la suite de l'envoi de la mise en demeure du 19 août 1999, elle ne constitue pas davantage un élément d'appréciation pertinent de la portée de l'engagement de la S.R.I.B.

19. Tout aussi vainement la banque voit-elle dans l'entretien du 25 janvier 1999, confirmé par courrier du 27 janvier suivant, la preuve de la souscription par la S.R.I.B. d'une obligation de résultat de s'assurer que la banque soit remboursée.

L'objectif de rembourser complètement les banquiers exprimé par Candyplast/S.R.I.B. à cette époque s'inscrit, en effet, dans le cadre de discussions relatives à la mise en liquidation de Candyplast. Il n'est point fait référence, même implicitement, à la lettre de patronage rédigée près de deux ans auparavant et aux engagements y souscrits par la S.R.I.B.

Par ailleurs, l'utilisation même du terme 'objectif' montre qu'il s'agit d'un but vers lequel les parties tendent et non d'un résultat à atteindre nécessairement (cf. également point 21).

b. Sur l'exécution de l'obligation

20. La banque soutient que la S.R.I.B. a violé son obligation contractuelle de soutien de Candyplast et a commis les fautes suivantes:

- avoir choisi la mise en faillite de Candyplast;

- avoir obtenu, moins de deux mois avant la faillite de Candyplast, le remboursement d'une de ses créances pour un montant d'environ 5.000.000 FB;

- s'être bornée à tenter d'obtenir le remboursement de ses propres créances au cours des deux mois qui ont précédé la faillite.

21. Quant à la première faute, la banque reproche à la S.R.I.B. d'avoir abandonné le projet de mise en liquidation discuté en janvier 1999 qui prévoyait le remboursement intégral des banquiers, pour opter pour la faillite de Candyplast, sans l'en avoir informée préalablement.

Ce grief n'est pas fondé.

D'abord, la S.R.I.B. ne s'est pas engagée à cette occasion à ce que la banque soit remboursée. Ce remboursement n'était qu'un objectif poursuivi dans le cadre du projet de la mise en liquidation de Candyplast à propos duquel la banque n'établit du reste pas qu'un accord serait intervenu.

C'est dès lors sans fondement que la banque affirme s'être engagée, dans le cadre du prétendu plan de liquidation, à maintenir les lignes de crédits en vigueur ou encore reproche à la S.R.I.B. de ne pas avoir respecté son engagement de faire le nécessaire pour mettre en liquidation sa filiale.

Ce n'est ensuite pas parce que la S.R.I.B. n'a pas poursuivi dans la voie de la mise en liquidation de Candyplast que pour autant elle a nécessairement méconnu son engagement de maintien de sa politique de soutien de Candyplast tel que mentionné dans la lettre de patronage du 18 avril 1997.

De deux choses, l'une:

- soit, la S.R.I.B. s'est engagée envers la banque à mettre Candyplast en liquidation - ce qui n'est pas établi - et dans cette hypothèse, son engagement de maintenir sa politique de soutien tel que visé dans la lettre de patronage a pris fin, en raison même de la liquidation, et sa responsabilité ne peut être recherchée sur cette base;

- soit, la S.R.I.B. ne s'est pas engagée à mettre Candyplast en liquidation et son engagement de maintenir sa politique de soutien tel que visé dans la lettre de patronage subsiste; dans cette hypothèse, il appartient à la banque de démontrer une faute dans le chef de la S.R.I.B. dans l'exécution de son obligation de moyen, ce qu'elle demeure en défaut de faire; le seul fait de la faillite de Candyplast ne constitue pas une telle preuve.

Enfin, le lien de causalité entre la faute alléguée, soit l'abandon sans concertation préalable du plan permettant son remboursement, et le dommage vanté, soit l'absence de remboursement par Candyplast du crédit complémentaire de 10.000.000 FB, n'est pas établi. Il ne résulte en effet d'aucun élément soumis à la cour qu'il ne faisait aucun doute que la liquidation de Candyplast - avec les contraintes qui y sont attachées, notamment le respect de l'égalité des créanciers - aurait conduit à un remboursement de la créance de la banque.

22. La banque fait également valoir que moins de deux mois avant la faillite, alors que la S.R.I.B. savait ou devait savoir que la situation de cessation de paiement et d'ébranlement de crédit de Candyplast était proche, elle a obtenu le remboursement de l'une de ses créances d'un montant d'environ 5.000.000 FB.

Cette affirmation ne repose sur aucune pièce probante.

Au contraire, la S.R.I.B. a accepté de renoncer à l'une de ses créances sur Candyplast en échange de la cession d'une créance de cette derrière sur une filiale d'un montant cependant inférieur et qui n'était pas payable à court ou moyen terme, ce que la banque savait; elle ne le conteste d'ailleurs pas.

23. La banque affirme enfin qu'au cours des deux mois précédant la faillite, la S.R.I.B. s'est bornée à tenter d'obtenir le remboursement de ses propres créances.

Cette affirmation formellement contestée de part adverse ne repose sur aucune pièce probante en sorte qu'elle peut être retenue.

3. Sur l'obligation d'informer la banque
a. Sur la portée de l'obligation

24. La lettre de patronage est libellée comme suit:

“Au cas où, pour quelque raison que ce soit, nous ne détiendrions plus, soit le contrôle, soit notre participation majoritaire et dans le cas où la structure financière de celle-ci viendrait à se dégrader, nous vous en aviserions par écrit dans un délai de 30 jours.”

25. La banque analyse à bon droit cet engagement d'information en une obligation de résultat dès lors qu'il n'est, en tant que tel, soumis à aucun aléa.

b. Sur l'exécution de l'obligation

26. Il est constant que la S.R.I.B. est restée majoritaire au sein de Candyplast.

Le grief formulé par la banque a trait à l'absence d'information dans un délai de 30 jours à partir de la dégradation de la structure financière de Candyplast.

Elle reproche à la S.R.I.B., alors qu'il était question d'une mise en liquidation avec remboursement des banquiers en janvier 1999, de ne pas l'avoir scrupuleusement avisée de l'éventualité d'une faillite de Candyplast, en manière telle qu'elle a appris avec surprise la survenance de ladite faillite et a été privée de la possibilité de prendre les mesures qu'un banquier normalement diligent met en oeuvre lorsqu'il apparaît que son cocontractant est dans l'impossibilité de faire face à ses engagements.

27. Comme il a déjà été exposé précédemment, la banque n'établit pas qu'un accord serait intervenu quant à la mise en liquidation de Candyplast et ni a fortiori quant au remboursement de sa créance dans ce cadre.

Elle ne peut dès lors faire grief à la S.R.I.B. de ne pas l'avoir avisée de ce qu'elle ne poursuivait pas dans la voie de la mise en liquidation. Du reste, la banque pouvait aisément s'en rendre compte à défaut de recevoir les informations qu'elle exigeait dans son courrier du 27 janvier 1999 (accord du tribunal de commerce sur le plan de liquidation, copie du plan de liquidation, information toutes les 2 semaines de l'évolution de la liquidation,...).

28. Quant à l'engagement d'information souscrit dans la lettre de patronage, s'il n'apparaît effectivement pas que la S.R.I.B. a avisé la banque, par écrit, de la dégradation de la structure financière de Candyplast, la banque ne peut toutefois raisonnablement soutenir qu'elle n'était pas au courant de la situation financière critique de Candyplast en janvier 1999 et, par conséquent, de l'éventualité d'une faillite. A cette époque, le crédit complémentaire n'était pas remboursé et la banque avait participé à deux reprises, soit en février 1998 et janvier 1999, à des discussions stratégiques relatives au futur de Candyplast (en février 1998, création d'une nouvelle société et réaménagement des crédits bancaires; en janvier 1999, mise en liquidation de Candyplast).

Le fait pour la S.R.I.B. de ne pas avoir tenu la banque informée de la situation de Candyplast ne change rien à la situation de la banque puisqu'elle la connaissait parfaitement.

29. Par ailleurs, quant au dommage, sauf l'hypothèse d'un dol, laquelle n'est pas rencontrée en l'espèce, le dommage du créancier bénéficiaire de la lettre de patronage est le dommage prévu ou prévisible résultant de l'inexécution contractuelle de l'émetteur.

In casu, il n'est pas établi que sans la faute de la S.R.I.B., la banque aurait été remboursée par Candyplast dont de surcroît la structure financière était, par définition, déjà dégradée.

Tout au plus, ce dommage pourrait correspondre à la perte d'une chance d'obtenir paiement ou de prendre des mesures pour obtenir ledit paiement.

Or, pour que la perte d'une chance soit indemnisable, encore faut-il que celle-ci soit sérieuse ou réelle, ce qui n'est point démontré en l'espèce. La banque n'établit nullement que si elle avait été informée - de ce qu'elle savait déjà -, elle aurait eu une chance sérieuse ou réelle d'obtenir le remboursement de plus que ce qu'elle a obtenu dans le cadre de la liquidation de la faillite de Candyplast.

30. Il découle de l'ensemble de ces considérations que la responsabilité de la S.R.I.B. ne peut être retenue quant à son engagement d'information.

4. Sur l'obligation de maintien du contrôle et de la participation

31. La lettre de patronage prévoit:

“Il est par ailleurs dans notre intention de maintenir notre contrôle et notre participation dans le capital de cette société, à laquelle vous avez accordé cette nouvelle avance.

Par la présente, nous nous engageons à vous tenir informé tant qu'une quelconque somme relative au crédit mentionné ci-dessus sera due ou exigible si nous décidions ou nous étions amenés à vendre tout ou partie de notre participation.”

32. La banque estime que cette obligation a été respectée.

Elle soutient, mais en vain, que s'il devait être admis que la S.R.I.B. n'a pas exercé réellement un contrôle sur sa filiale et s'est cantonnée dans un rôle d'observateur, elle s'est alors rendue coupable d'une faute extracontractuelle en lui dispensant une information fausse. La banque affirme que si elle avait su que la S.R.I.B. n'exercerait pas un contrôle sur sa filiale, elle n'aurait pas octroyé le crédit.

Comme il a déjà été exposé ci-avant, la banque, professionnelle du crédit, ne pouvait ignorer les objectifs de développement économique de la Région bruxelloise poursuivis par la S.R.I.B. et dès lors la nature réelle de son intervention au sein de Candyplast (cf. point 16).

La banque n'a dès lors pu se méprendre sur la portée à donner au vocable 'contrôle' utilisé par la S.R.I.B.

C'est à tort que la banque affirme que sa confiance a été heurtée.

Ce grief n'est pas fondé.

5. Sur l'indemnité de procédure

33. Chaque partie sollicite l'octroi du montant de 10.000 EUR, qu'elle qualifie de montant maximal.

Dans l'hypothèse où elle serait déboutée, la banque demande de réduire au montant minimum l'indemnité de procédure qui serait octroyée à la S.R.I.B.

34. Conformément à l'article 1022, alinéa 1er du Code judiciaire, la partie qui obtient gain de cause a droit à une intervention forfaitaire dans les honoraires et frais de son avocat.

En l'espèce, étant donné que l'appel de la banque est non fondé, il lui appartient de supporter cette intervention.

Toutefois à défaut pour l'une et l'autre partie de justifier de l'application de l'un des critères visés limitativement à l'article 7 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et frais d'avocat autorisant une majoration ou minoration du montant de l'indemnité de procédure, il doit être fixé au montant de base de 7.000 EUR, le litige se situant dans la tranche entre 250.000 EUR et 500.000 EUR conformément à l'article 2 de l'arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1 à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et frais d'avocat.

La S.R.I.B. demande enfin de majorer l'indemnité de procédure des intérêts légaux à dater du prononcé du jugement dont appel.

A tort, la banque affirme-t-elle que l'indemnité de procédure ne serait susceptible que d'une indexation, une telle restriction n'ayant pas été prévue par le législateur.

Il y a lieu d'y faire droit mais uniquement à dater du prononcé du présent arrêt (cf. Cass. 30 mars 2001, C970330N).

V. Dispositif

Pour ces motifs, la cour,

Reçoit l'appel mais le dit non fondé;

Met les dépens d'appel à charge de la SA Delta Lloyd Bank;

Ces dépens sont, pour elle de 186 EUR + 7.000 EUR, et de 7.000 EUR, majorés des intérêts légaux à dater du prononcé du présent arrêt, pour la S.R.I.B.;

(…)