Article

Cour d'appel Bruxelles, 21/03/2008, R.D.C.-T.B.H., 2010/2, p. 139-144

Cour d'appel de Bruxelles 21 mars 2008

BANQUE ET CREDIT
Droit bancaire - Responsabilité du banquier - Garantie bancaire - Obligation d'information du banquier
Une personne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent si l'apparence lui est imputable, c'est-à-dire si elle a librement, par son comportement, même non fautif, contribué à créer ou à laisser subsister cette apparence.
La garantie à première demande est un engagement inconditionnel, exigible à tout moment, à l'entière discrétion et sur simple appel du bénéficiaire.
Ne commet pas de faute contractuelle le banquier émetteur d'une garantie à première demande qui exécute son engagement sans informer le donneur d'ordre de l'existence d'un appel et ce même si le banquier connaissait le désaccord du donneur d'ordre quant au paiement de la garantie.
BANK EN KREDIETWEZEN
Bankrecht - Aansprakelijkheid bankier - Bankwaarborg - Informatieverplichting van de bankier
Een persoon kan verbonden zijn op basis van een schijnmandaat, indien de schijn hem kan toegerekend worden, met andere woorden indien die persoon vrijwillig bijgedragen heeft, door zijn gedrag, zelfs indien dat niet foutief is, tot het doen ontstaan of het laten verder bestaan van deze schijn.
De bankgarantie op eerste verzoek is een onvoorwaardelijke verbintenis, die opeisbaar is op om het even welk ogenblik en waarop beroep kan worden gedaan naar goeddunken van de begunstigde en op zijn louter verzoek.
De bankier die een bankgarantie op eerste verzoek uitschrijft, begaat geen contractuele fout wanneer hij de bankgarantie uitbetaalt zonder de opdrachtgever te informeren van het beroep op de garantie, zelfs indien de bank op de hoogte was van de weigering van de opdrachtgever met betrekking tot de uitbetaling van de garantie.

S. Litvine / SA Fortis Banque

Siég.: Y. Demanche (conseiller)
Pl.: O. Bonhivers loco M. Modrikamen et A.-P. André-Dumont loco J.-P. Buyle, X. de Thibault
I. La décision attaquée

L'appel est dirigé contre le jugement prononcé le 13 avril 2005 par le tribunal de première instance de Bruxelles.

Les parties ne produisent pas d'acte de signification de ce jugement.

II. La procédure devant la cour

L'appel est formé par requête, déposée par M. Litvine au greffe de la cour, le 21 juin 2005.

Il introduit une demande nouvelle par conclusions additionnelles et de synthèse déposées le 2 juin 2006.

La cause a été fixée sur pied de l'article 747 § 2 du Code judiciaire, par ordonnance du 19 juillet 2005.

La SA Fortis Banque (ci-après SA Fortis) a formé appel incident et une demande nouvelle, par conclusions déposées le 15 décembre 2005.

M. Thiry forme une demande nouvelle par conclusions déposées le 30 juin 2006.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Le faits et antécédents de la procédure

1. Le 10 juin 1998, la SA Fortis consent à M. Litvine une garantie bancaire à première demande à concurrence de 1.250.000 FF au profit de la CIC Bonnasse-Lyonnaise de Banque (ci-après CIC Bonnasse), valable jusqu'au 30 juin 1999.

Cette garantie est destinée à garantir le paiement d'une somme de 190.561,27 EUR due par la société Riverland Nouvelle dans le cadre d'ouvertures de crédits.

Le 8 juillet 1998, la SA Fortis avise la CIC Bonnasse de sa garantie irrévocable en sa faveur pour compte de la SA Riverland Nouvelle.

2. Il n'est pas contesté qu'une garantie à première demande identique a, par ailleurs, été consentie sur ordre de M. Thiry.

3. Le 11 juin 1999, M. Litvine proroge la garantie jusqu'au 30 juin 2000. Le 25 juin 1999, la SA Fortis avise la CIC Bonnasse de cette prorogation.

Le 27 juin 2000, cette garantie est prorogée jusqu'au 30 août 2000.

4. Le 11 juillet 2000, M. Thiry indique à la SA Fortis:

Suite à notre négociation avec la Bonnasse Lyonnaise de Banque et l'évidente manifestation du CIC de vouloir accompagner Riverland Nouvelle dans son expansion, nous avons accordé la reconduction de la garantie bancaire dans les mêmes conditions et proportions qu'actuellement; à savoir 2 x 1.250.000 FF et ce jusqu'au 30 juillet 2001. Merci de bien vouloir effectuer cette reconduction via Swift et de nous tenir informé.

5. Le 18 juillet 2000, M. Litvine demande prorogation de la garantie existant jusqu'au 31 juillet 2001. Selon le modus operandi décrit ci-dessus, la banque en avise la CIC Bonnasse le 20 juillet 2000.

Le 4 août 2000, la SA Fortis demande à M. Litvine son accord pour la modification de la garantie, suite à la demande suivante de la CIC Bonnasse:

Nous nous référons à votre garantie en référence émise en notre faveur à concurrence de la somme de 1.250.000 FF. Pour la bonne règle, et afin de mettre en conformité toutes les lignes de crédits initialement couvertes par votre garantie, à savoir (...), nous vous serions reconnaissants de remplacer la ligne de caution par une ligne de crédits documentaires et/ou d'escompte.

La SA Fortis marque son accord le 7 août 2000.

6. Le 18 juillet 2001, la CIC Bonnasse demande, soit le paiement de la garantie au 31 juillet 2001, soit la prorogation de celle-ci d'un délai minimum de trois mois dans les mêmes termes et conditions.

M. Litvine n'étant pas joignable par la SA Fortis, celle-ci s'adresse M. Thiry. Il résulte des débats qu'à cette occasion, la SA Fortis a eu des contacts uniquement avec M. Thiry.

7. Le 20 juillet 2001, M. Thiry écrit à la SA Fortis:

Nous avons négocié avec CIC le retrait total des garanties dès la prise de participation effective de Montréal Mode. Dans l'attente et pour garder le même encours nécessaire chez CIC, monsieur Litvine et moi-même acceptons de reconduire ces garanties jusqu'au 31 octobre 2001.

La SA Fortis confirme le même jour à la CIC Bonnasse, la prorogation de validité de la garantie jusqu'à cette date.

Elle adresse à M. Litvine, le 24 juillet 2001, une copie de son message de confirmation à la CIC Bonnasse.

8. Le 4 octobre 2001, la CIC Bonnasse demande à la SA Fortis de payer sans délais, immédiatement, et en dehors de toute prorogation la somme de 1.250.000 FF.

Le 10 octobre 2001, la CIC Bonnasse adresse à la SA Fortis un nouveau message:

Très urgent/nous faisons suite à nos messages du 3 octobre 2001 par lesquels en vertu des termes de vos garanties référencées, nous vous demandions le paiement immédiat et sans délai ni prorogation de deux montants de 1.250.000 FF couverts par vos garanties, la société Riverland Nouvelle étant à ce jour débitrice de ces sommes résultant des lignes de crédit garanti par votre signature. Nous vous remercions à l'avance de votre règlement par retour de message.

9. Le 17 octobre 2001, la SA Fortis adresse à M. Litvine le courrier électronique suivant:

Je viens d'avoir M. Litvine au téléphone avec qui j'ai évoqué la question des 2 garanties auxquelles il a été fait appel. Pour rappel, le 19juillet 2001, nous recevons une demande de la CIC pour payer les montants garantis (appel à la garantie) ou pour proroger la lettre jusqu'au 31 octobre 2001 minimum. M. Litvine étant en congé, nous vous avons contacté pour recevoir vos instructions et celles de M. Litvine. Le 20 juillet, vous nous écriviez un mail nous donnant votre accord et celui de M. Litvine pour proroger la garantie (ce qui évite l'appel dès ce moment). Il semblerait que M. Litvine ne souhaitait pas proroger la garantie au-delà du moment où les canadiens avaient injecté les 10 premiers millions. Pouvez-vous le contacter ce sujet, tout en insistant sur le fait qu'à défaut de prorogation, nous devions nous exécuter immédiatement en juillet et donner suite à l'appel qui était fait à ce moment.

Le 25 octobre 2001, la SA Fortis informe M. Litvine qu'elle a payé la CIC Bonnasse en exécution de la garantie.

10. Le 27 novembre 2001, M. Litvine reçoit à 14h21 un message fax de la SA Fortis effectuant une mise au point relative à diverses questions et qui précise notamment:

La somme globale de 11 millions FB sera également convertie selon vos instructions en (...) Dès l'instant où elle sera 'vraiment' disponible en votre compte ordinaire c'est-à-dire après avoir réglé le dossier 'débit/appel de garantie Bonnasse Lyonnaise de Banque à Marseille'; ce après le passage de M. Pascual.

M. Litvine répond le même jour, par le même mode, à 15h39:

Non pas d'accord, il n'y a pas lieu de me débiter d'une garantie qui est caduque et que je n'ai pas accepté de proroger au-delà du 31 août 2001.

11. Le 28 novembre 2001, le gestionnaire de ce dossier au sein de la SA Fortis demande à M. Litvine:

Pour le bon ordre du dossier, pouvez-vous me confirmer votre demande d'ouverture d'un nouveau compte courant pour individualiser le montant de l'appel et la garantie émise pour la CIC.

Le même jour, M. Litvine marque son désaccord.

Un échange de courrier intervient entre le conseil de M. Litvine et la SA Fortis.

12. La SA Fortis lance citation en néerlandais à l'encontre de M. Litvine et de M. Thiry par exploit du 25 octobre 2002, devant le tribunal de première instance de Bruxelles.

Par jugement du 9 décembre 2002, le tribunal ordonne la poursuite de la procédure en langue française.

13. Par le jugement entrepris du 13 avril 2005, le tribunal de première instance de Bruxelles déclare la demande principale fondée à l'encontre de M. Litvine et le condamne à payer à la SA Fortis la somme de 196.596,01 EUR à augmenter d'intérêts conventionnels au taux euro-bibor augmenté de 2% depuis le 13 mars 2002 jusqu'au complet paiement, et capitalisés au 30 août 2003.

14. Devant la cour, M. Litvine poursuit la réformation de ce jugement et que la demande originaire de la SA Fortis soit déclarée non fondée. A titre subsidiaire, il demande de condamner M. Thiry à le garantir de toutes condamnations prononcées à sa charge en principal, intérêt et frais.

Il forme une demande nouvelle tendant au remboursement de la somme de 10.000 EUR à titre de frais et honoraires de conseil.

La SA Fortis, formant appel incident, demande la réformation du jugement entrepris en ce qu'il considère que M. Thiry n'était pas le mandataire, même apparent, de M. Litvine et [de] confirmer pour le surplus le jugement entrepris sous les seules émendations de la condamnation in solidum de monsieur Thiry et de la capitalisation des intérêts calculés au taux conventionnel Euribor + 2% échus du 2 septembre 2003 au 15 décembre 2005;

La SA Fortis forme également une demande nouvelle afin d'entendre condamner M. Litvine et M. Thiry, solidairement ou in solidum, l'un à défaut de l'autre, au paiement de la somme de 10.000 EUR au titre de remboursement des honoraires et frais exposés par elle dans le cadre de la présente procédure, à majorer des intérêts judiciaires;

A titre subsidiaire, la SA Fortis demande de condamner monsieur Thiry, au paiement de la somme de 196.596,01 EUR à majorer des intérêts conventionnels calculés à Euribor + 2%, intérêts capitalisés en date du 1er septembre 2003 et du 15 décembre 2005;

De condamner monsieur Thiry au paiement de la somme de 10.000 EUR au titre de remboursement des honoraires et frais exposés par elle dans le cadre de la présente procédure, à majorer des intérêts judiciaires;

M. Thiry considère que les demandes formées à son égard sont non fondées, et à titre infiniment subsidiaire, s'il était décidé un partage de responsabilités, que la SA Fortis soit condamnée à supporter les 4/5 de son dommage; et que la demande formée par celle-ci en application de l'article 1154 du Code civil soit déclarée non fondée.

Il forme aussi une demande nouvelle afin d'entendre condamner la SA Fortis à lui payer, à titre de frais et honoraires de conseil, la somme de 8.000 EUR.

IV. Discussion

15. La SA Fortis soutient qu'ayant exécuté au profit de la CIC Bonnasse la garantie à première demande souscrite par M. Litvine et prorogée par lui jusqu'au 31 octobre 2001, il lui en doit le remboursement, soit la somme de 196.596,01 EUR outre les intérêts capitalisés.

La SA Fortis invoque que M. Litvine avait donné mandat à M. Thiry pour effectuer cette prorogation, ou qu'à tout le moins celui-ci était le mandataire apparent de M. Litvine.

M. Litvine soutient que la SA Fortis a commis une faute contractuelle en prorogeant cette garantie jusqu'à cette date sans avoir obtenu son accord préalable, ainsi qu'en ne l'informant pas de l'appel à la garantie préalablement à son exécution, empêchant dès lors de vérifier si cet appel était abusif ou non fondé. Il lui reproche aussi d'avoir exécuté la garantie alors qu'elle connaissait son désaccord.

1. En droit
A. Quant à la demande principale
1. Le cadre juridique
a. Quant à la garantie à première demande

16. La garantie à première demande est un engagement personnel, irrévocable, autonome et abstrait, littéral et formel, inconditionnel, intuitu personae, de caractère bancaire et portant sur le paiement d'une certaine somme d'argent et enfin, unilatéral (RPDB, Compl. VII, v° Les garanties bancaires autonomes, 1990, p. 562, n° 22).

Comme l'indique sa dénomination, elle sera exigible à tout moment, à l'entière discrétion et sur simple appel du bénéficiaire. Aucune justification n'est requise. Et le paiement devra intervenir sans délai. Le banquier (et plus encore le donneur d'ordre) s'en remet à la totale bonne foi du bénéficiaire (T'Kint, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, Larcier, 2000, p. 421, n° 841).

En cas de prorogation unilatérale de la garantie par le banquier garant sans instruction du donneur d'ordre, celui-ci n'est pas tenu, à quelque titre que ce soit, de rembourser la banque des sommes payées en exécution de la garantie (Bruxelles 21 novembre 1997, RDC 1998, p. 850).

b. Quant au mandat

17. Le Code civil dispose que:

- article 1984:

Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire.

- article 1985:

Le mandat peut être donné ou par acte public, ou par écrit sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement; mais la preuve testimoniale n'en est revue que conformément au titre “Des contrats ou des obligations conventionnelles en général”.

L'acceptation du mandat peut n'être que tacite, et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire.

c. Quant au mandat apparent

Une personne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent si l'apparence lui est imputable, c'est-à-dire si elle a, librement, par son comportement, même non fautif, contribué à créer ou à laisser subsister cette apparence (Cass. (1ère ch.) 25 juin 2004, RG C020122F, T.A. e.a. / Record, Pas. 2004, liv. 7-8, 1162).

Une personne peut être responsable à l'égard d'un tiers des actes accomplis par une autre personne qui, quant à ses actes, suscite l'apparence qu'elle est le mandataire de la première personne, pour autant que cette apparence soit imputable à cette dernière; le fait qu'au cours de l'exécution de la mission apparente, le mandataire apparent agit de manière illicite est sans influence sur la responsabilité du mandant apparent, cet acte illicite fût-il un délit (art. 1998 C.civ.) (Cass. (1ère ch.) 20 janvier 2000, RG P960202N, SA Argenta Spaarbank / Buysschaert, Arr.Cass. 2000, liv. 2, 163).

L'application de la théorie du mandat apparent requiert:

- qu'un pouvoir apparent de représentation existe dans le chef de celui qui prétend intervenir comme mandataire mais qui en réalité n'a pas de pouvoir de représentation ou n'en a qu'un plus limité;

- que l'apparence soit imputable à celui qui doit endosser les conséquences de l'apparence;

- que le tiers cocontractant du mandataire prétendu ne sache pas et doive encore moins savoir que la situation apparente ne correspond pas à la réalité (Bruxelles 18 avril 1996, AJT 1996-97, 353).

d. Quant à la charge de la preuve

18. Le Code judiciaire dispose en son article 870 que chacune des parties a la charge de prouver les faits qu'elle allègue.

2. En l'espèce
a. Quant à l'existence d'un mandat et à sa nature

19. Il est constant que la CIC Bonnasse s'est adressée à la SA Fortis en vue d'obtenir, soit le paiement de la garantie bancaire à première demande au 31 juillet 2001, soit la prorogation de celle-ci jusqu'au 31 octobre 2001 dans les mêmes termes et conditions, et M. Litvine n'étant pas joignable, la SA Fortis a pris contact avec M. Thiry.

Il est constant aussi que M. Thiry et M. Litvine se connaissaient, ayant, à tout le moins, des relations professionnelles.

M. Thiry expose qu'il ne disposait pas d'un quelconque mandat de la part de M. Litvine et que c'est par suite d'une erreur de sa part qu'il a confirmé à la SA Fortis la prorogation de la garantie à première demande pour M. Litvine jusqu'au 31 octobre 2001.

La SA Fortis invoque, au contraire, que M. Litvine avait donné mandat à M. Thiry.

20. Le mandat peut être verbal ou écrit.

La SA Fortis ne fournit aucune preuve écrite de l'existence de ce mandat.

En ce qui concerne l'existence d'un mandat verbal, la banque se fonde sur le fait que M. Litvine reconnaît avoir marqué son accord pour, à tout le moins, proroger la garantie jusqu'au 31 août 2001. Elle se réfère à la réponse de M. Litvine du 27 novembre 2001 qui précise: Non pas d'accord, il n'y a pas lieu de me débiter d'une garantie qui est caduque et que je n'ai pas accepté de proroger au-delà du 31 août 2001.

La SA Fortis déduit aussi l'existence de ce mandat de la circonstance que M. Litvine admet, d'une part, dans la lettre de son conseil du 29 avril 2002, que c'est dans ce contexte que M. Thiry, associé de M. Litvine, dans Riverland Nouvelle, a contacté mon client afin que ce dernier marque son accord pour une ultime prorogation jusqu'au 31 août 2001 dans la mesure où de nouveaux actionnaires de Riverland Nouvelle allaient se substituer à M. Litvine dans le cadre des garanties. Mon client a dès lors donné son autorisation pour proroger jusqu'au 31 août 2001 la garantie de la SA Fortis Banque; ainsi que, d'autre part, dans celle du 5 juin 2002 que M. Litvine avait en effet donné uniquement son accord de proroger la garantie jusqu'au 31 août 2001.

21. M. Litvine admet qu'il n'a pas été en contact avec la SA Fortis à cette occasion. Il admet par ailleurs avoir donné un accord de prorogation (sous réserve de la question de la durée de cette prorogation).

Il ne soutient pas qu'il se soit adressé à une personne autre que M. Thiry à ce moment ou directement à la SA Fortis.

Il n'a donc pu donner cet accord qu'à M. Thiry.

M. Litvine l'admet d'ailleurs puisqu'il précise qu'il a dès lors donné son accord (souligné par la cour).

En reprenant contact avec la SA Fortis, M. Thiry agissait dans le cadre d'un mandat donné par M. Litvine.

22. Le fait que M. Thiry soutienne actuellement n'avoir été titulaire d'aucun mandat, n'est pas crédible et est contredit par ce que M. Litvine admet lui-même.

23. En ce qui concerne la portée de ce mandat c'est-à-dire la période pour laquelle M. Litvine acceptait de proroger la garantie bancaire à première demande, l'attitude de M. Litvine est contradictoire.

Il prétend tout à la fois avoir accepté la prorogation uniquement jusqu'au 31 août 2001 tout en admettant que la CIC Bonnasse exigeait soit le paiement de la garantie bancaire, soit de proroger la garantie bancaire jusqu'au 31 octobre 2001. Il n'y avait aucune autre alternative possible (lettre de son conseil du 26 février 2008) (souligné par la cour).

M. Litvine n'a jamais fait état d'une quelconque volonté de voir procéder au paiement pour le 31 juillet 2001.

Il faut donc en déduire que M. Litvine, certes peut être de mauvais gré, a dû consentir à la prorogation de la garante bancaire à première demande jusqu'au 31 octobre 2001 au moment où la demande en a été faite par la SA Fortis qui était dans l'attente des instructions.

C'est donc dûment mandaté, et sans dépasser la portée de celui-ci, que M. Thiry a fait savoir à la SA Fortis que M. Litvine acceptait la prorogation de la garantie bancaire à première demande au profit de la CIC Bonnasse jusqu'au 31 octobre 2008.

24. M. Litvine soutient également que la SA Fortis a commis une faute contractuelle en ne l'informant pas de l'appel à la garantie préalablement à son exécution, l'empêchant dès lors de vérifier si cet appel était abusif ou non fondé et lui reproche d'avoir exécuté la garantie alors qu'elle connaissait son désaccord.

M. Litvine perd de vue que la garantie à première demande est un engagement inconditionnel, exigible à tout moment, à l'entière discrétion et sur simple appel du bénéficiaire.

Le moyen est donc non fondé.

25. Il s'ensuit que la demande originaire de la SA Fortis à l'égard de M. Litvine est fondé.

c. Quant à la capitalisation: appel incident de la SA Fortis
1. Le cadre juridique

26. L'article 1154 du Code civil dispose que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une sommation judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la sommation soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.

De plus, la remise de conclusions au greffe peut être considérée comme un acte équivalent à la sommation judiciaire, requise par l'article 1154 C.civ., si ces conclusions avisent le débiteur de la capitalisation des intérêts. N'est pas légalement justifiée la décision qui alloue des intérêts sur des intérêts échus pour une période antérieure à la remise au greffe des conclusions par lesquelles ces intérêts sont demandés pour la première fois (Cass. 17 janvier 1992, RG 7281, Ville d'Anvers / Etat belge, Pas. 1992, I, p. 421).

De même, la remise de conclusions au greffe qui vaut signification en vertu des articles 32 et 746 C.jud., peut constituer un acte équivalent à la sommation judiciaire exigée par l'article 1154 C.civ., si ces conclusions attirent spécialement l'attention du débiteur sur la capitalisation des intérêts (Cass. 18 juin 1981, RG 6327, SA Entreprises Robert Delbrassinne / Etat belge, Pas. 1981, I, p. 1200).

De même également, la loi n'exige pas que le montant des intérêts échus des capitaux soit précisé dans les conclusions lorsque le dépôt de celle-ci peut être considéré comme un acte équivalent à une sommation judiciaire faite pour que ces intérêts échus puissent produire des intérêts (Cass. (1ère ch.) 26 avril 2001, RG C990004F, SA C.P. Bourg / C., Pas. 2001, liv. 4, p. 702).

2. En l'espèce

27. La SA Fortis sollicite la capitalisation des intérêts échus à la date du 30 août 2003 et à celle du 15 décembre 2005 ayant sollicité celle-ci par ses conclusions déposées le 1er septembre 2003 et le 15 décembre 2005.

28. La SA Fortis précise dans son courrier du 5 octobre 2001 qu'elle a été amenée à payer la garantie. Elle met en demeure, par voie recommandée, le 13 mars 2002 M. Litvine de la rembourser.

Dès lors, sa demande de capitalisation du 1er septembre 2003 porte sur des intérêts échus depuis plus d'un an; et de même celle du 15 décembre 2005.

La SA Fortis a formé sa demande de capitalisation par voie de conclusions déposées, qui valent dès lors sommation, et qui attiraient spécialement l'attention de M. Litvine à ce propos.

La demande de capitalisation a dès lors été effectuée dans le respect des conditions émises par l'article 1154 du Code civil.

29. M. Litvine estime certes que le dommage subi par la SA Fortis sera intégralement réparé par l'allocation des intérêts conventionnels sans qu'il soit nécessaire de capitaliser les intérêts échus. Il invoque à cet égard le fait que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation, se référant à l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 16 février 2005, RG 1986/AR/3386 - www.juridat.be (dont seul le sommaire est disponible) qui précise si on ne peut exclure a priori l'application éventuelle de l'anatocisme à des intérêts de nature compensatoires résultant d'une dette de valeur, le juge dispose toutefois du pouvoir d'apprécier si la capitalisation des intérêts est admissible dans le cas d'espèce qui lui est soumis.

Cet arrêt concerne la capitalisation d'intérêts compensatoires dans le cadre de l'appréciation d'une dette de valeur; or, ce que demande la SA Fortis est le paiement d'une somme d'argent qui ne doit pas être évaluée puisque fixée dès l'origine.

Le moyen n'est donc pas fondé.

B. Appel incident de la SA Fortis à l'égard de M. Thiry

30. Il résulte de ce qui précède que celui-ci n'est pas fondé puisque M. Thiry a agi en qualité de mandataire et dans le cadre de son mandat.

C. Quant à la demande subsidiaire de M. Litvine à l'encontre de M. Thiry

31. M. Litvine demande que M. Thiry soit condamné à le garantir des condamnations prononcées à sa charge au profit de la SA Fortis.

M. Thiry a agi, d'une part, dans les limites du mandat qu'il avait reçu et, d'autre part, aucune responsabilité extracontractuelle n'est démontrée à son encontre.

La demande n'est pas fondée.

D. Quant aux demandes respectives d'intervention dans les frais et honoraires de conseil

32. Il ne peut y être fait droit depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1 à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et frais d'avocat.

E. Quant à la nouvelle indemnité de procédure en application de l'article 1022 du Code judiciaire

33. Les parties demandent l'indemnité de base qui est fixée à 5.000 EUR compte tenu de la valeur de la demande.

En vertu de l'article 1022 du Code judiciaire, c'est la partie qui obtient gain de cause qui en bénéficie.

Les dépens sont dès lors fixés comme précisé en termes de dispositif.

Pour ces motifs, la cour,

Dit les appels, principal et incident, recevables.

Dit l'appel principal non fondé et en déboute M. Litvine.

Dit l'appel incident de la SA Fortis partiellement fondé dans la mesure ci-après.

Dit pour droit que les intérêts sont capitalisés au taux Euribor + 2% du 2 septembre 2003 au 15 décembre 2005.

Dit les demandes nouvelles devenues sans objet.

Met les dépens d'appel à charge de M. Litvine. Ceux-ci s'élèvent à 5.000 EUR en ce qui concerne la SA Fortis et à 5.000 EUR en ce qui concerne M. Thiry.

(…)