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Cour d'appel Mons, 13/01/2009, R.D.C.-T.B.H., 2010/1, p. 80-82

Cour d'appel de Mons 13 janvier 2009

ASSURANCES
Assurances terrestres - Contrat d'assurance terrestre en général - Prise d'effet de la garantie - Ambiguïté entre conditions générales et particulières - Non-paiement de la prime - Mise en demeure - Formulation - Suffisamment claire pour un profane
Dans la police concernée, rien n'est fait pour attirer l'attention de l'assuré sur l'existence d'une clause prévoyant le report de la prise d'effet de la garantie en cas de retard de paiement de la première prime. En rédigeant ses conditions de cette manière, l'assureur a inversé le rapport logique entre conditions générales et particulières sur la question du point de départ de sa garantie, ce qui est source de doute et d'ambiguïté en sorte qu'il convient de régler cette discordance en donnant la primauté aux conditions particulières dont le libellé est clair et précis.
Si la référence dans la lettre recommandée concernée au “délai légal” imparti à l'appelant pour régler la prime peut poser question dans la mesure où la loi ne fixe pas de délai pour le paiement de la prime, il demeure que ce courrier indique la date d'échéance de la prime, énonce clairement le délai au-delà duquel l'appelant s'expose à la conséquence de ce non-paiement. En outre, les termes utilisés pour décrire cette conséquence sont suffisamment clairs, fût-ce pour un profane, et ne relèvent pas d'un jargon juridique méritant de plus amples explicitations et impliquent sans ambiguïté la nécessité de payer la prime litigieuse dans les quinze jours de l'envoi du pli recommandé pour échapper à cette sanction. L'assuré ne pouvait dès lors se méprendre sur la signification et les effets de la mise en demeure.
VERZEKERINGEN
Landverzekering - Landverzekeringsovereenkomst in het algemeen - Aanvang van de garantie - Onduidelijkheid tussen bijzondere en algemene voorwaarden - Niet-betaling van de premie - Ingebrekestelling - Formulering - Voldoende duidelijk voor een leek
In de betrokken polis wordt de aandacht van de verzekerde niet gevestigd op het bestaan van een clausule die stelt dat de inwerkingtreding van de verzekering in geval van laattijdige betaling van de eerste premie, wordt uitgesteld. Door zijn voorwaarden op die manier op te stellen, heeft de verzekeraar de logische verhouding tussen de algemene en de bijzondere voorwaarden voor wat betreft de aanvang van de verzekering, omgedraaid, wat twijfel en onduidelijkheid schept zodat deze discrepantie dient opgelost door voorrang te verlenen aan de bijzondere voorwaarden die klaar en duidelijk geformuleerd zijn.
Ondanks het feit dat de verwijzing in de betrokken aangetekende brief naar de aan de appellant verleende “wettelijke betalingstermijn” vragen kan doen rijzen in de mate dat de wet geen termijn vastlegt voor de betaling van de premie, blijft het toch zo dat dit schrijven melding maakt van de vervaldatum van de premie, dat het duidelijk de termijn vermeldt waarna de appellant zich blootstelt aan de gevolgen van niet-betaling. Bovendien zijn de bewoordingen waarmee deze gevolgen omschreven worden voldoende duidelijk voor een leek en worden geen juridische begrippen gebruikt die verdere uitgelegd dienen te worden. De bewoordingen impliceren op een ondubbelzinnige manier de noodzaak om de kwestieuze premie, binnen de veertien dagen na verzending van de aangetekende brief, te betalen om aan deze sanctie te ontsnappen. De betekening en de gevolgen van de ingebrekestelling waren voor de verzekerde dan ook niet mis te verstaan.

B.P. / AXA Belgium SA

Siég.: M. Castin (président)
Pl.: Mes A. Colmant et G. Bourguignon loco M. Tassin

(…)

Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit:

- l'appelant a signé le 11 octobre 2000 une police d'assurance auprès de la SA Winterthur, aux droits et obligations de laquelle a succédé l'actuelle intimée, police précisant que le contrat prenait effet le 1er février 2001;

- par pli recommandé du 23 mars 2001, l'intimée mit l'appelant en demeure de régler la première prime “dans le délai fixé par la loi sur les assurances terrestres”, ledit courrier précisant que passé ce délai et à défaut de paiement la garantie de l'intimée sera suspendue depuis le 16ème jour suivant le dépôt de ce courrier à la poste jusqu'au lendemain du paiement intégral des sommes dues;

- ladite prime fut payée par l'appelant à son courtier le 31 mai 2001;

- entre-temps, soit le 30 mai 2001, l'immeuble litigieux fut ravagé par un violent incendie;

Le tribunal a considéré, en substance, que:

- l'article 28 des conditions générales de la police d'assurance prévoit que la garantie prend effet à la date mentionnée aux conditions particulières - en l'espèce le 1er février 2001 - à condition que la première prime ait été payée; cette disposition est conforme à l'article 14, alinéa 2 de la loi du 25 juin 1992;

- le principe de la quérabilité des primes, édicté par l'article 13 de la même loi, a été respecté par l'intimée;

- à défaut de paiement de la première prime, la garantie de l'intimée n'a pas pris effet;

- l'envoi du courrier avertissant l'appelant de la suspension de la garantie procède d'une gestion adéquate et prudente du contentieux des primes impayées et n'implique pas dans le chef de l'intimée une renonciation au bénéfice des dispositions de l'article 28 de ses conditions générales en sorte qu'il est sans intérêt d'examiner la question du respect des mentions diverses que doit contenir la lettre préalable à la suspension des garanties;

- l'envoi par l'intimée au courtier d'assurances de l'appelant d'un avis d'échéance le 31 mai 2001 relativement à la prime couvrant la période du 1er février 2001 au 31 janvier 2002 fait simplement suite à la demande de ce courtier et avait pour but de lui donner connaissance du décompte actualisé de la première prime, il ne contient aucune renonciation de l'intimée à l'article 28 de ses conditions générales ni au bénéfice de la suspension des garanties à laquelle elle aurait pu prétendre.

L'appelant fait grief au jugement déféré d'avoir considéré que la garantie d'assurance n'avait pas pris cours au jour du sinistre et il estime que les conditions particulières de la police d'assurance - qui fixaient la prise d'effet de la garantie au 1er février 2001 - n'étaient pas valablement modifiées par l'article 28 des conditions générales du contrat.

Si les conditions générales d'une police d'assurance indiquent que la prise de cours de la garantie a lieu après paiement de la première prime, il peut cependant être dérogé à cette clause par les conditions particulières de la police fixant anticipativement la prise d'effet à une date antérieure et prévoyant que les primes d'assurance seraient dues à partir de cette dernière date.

Il n'est pas contesté que la police d'assurance litigieuse fait l'objet de deux documents contractuels, à savoir d'une part les “conditions particulières” et d'autre part les “conditions générales”.

Le premier de ces documents se présente comme l'individualisation des conditions contractuelles d'assurances, avec les mentions propres à l'assuré, au risque couvert et aux garanties souscrites; en tête de chacune des trois pages de ce document se retrouve le même libellé “prise d'effet: 1/02/2001, échéance principale: 01/02, fractionnement: annuel” suivi des index pour le bâtiment et le contenu, la situation du risque et le capital assuré; en bas de page 2, au-dessus de l'emplacement réservé aux signatures des parties figure la mention “Les conditions générales et particulières du contrat d'assurance Incendie Win home règlent les droits et obligations des parties”.

Le second document contractuel énumère sur 26 pages les conditions générales de toutes les assurances de type “in Home +” de l'intimée et en page 22, sous le titre “Dispositions diverses” est présent un article 28 ainsi libellé: “Nos garanties prennent effet à la date mentionnée dans les conditions particulières, à condition que la première prime ait été payée. Si ce n'est pas le cas, au jour suivant le paiement. Dans le cas où vous signez une demande d'assurance, la garantie prend effet à la date y stipulée mais au plus tôt le lendemain de la réception de la demande”.

Il se voit immédiatement, en rapprochant les passages précités de ces deux documents, qu'une ambiguïté apparaît quant à la date de prise d'effet de l'assurance: 1er février 2001 suivant les conditions particulières, le lendemain du paiement de la première prime suivant les conditions générales.

Le renvoi aux conditions générales, dans le texte de la police contenant les conditions particulières, n'est pas de nature à lever cette ambiguïté: telle que libellée, cette clause de renvoi n'indique pas que les conditions générales dérogent aux conditions particulières sur lesquelles elles prévaudraient mais, au contraire, met conditions générales et particulières sur un même pied, laissant entendre au lecteur qu'elles se complètent harmonieusement pour former un ensemble cohérent de conditions contractuelles alors que tel n'est pas le cas au moins pour ce qui concerne la question de la prise d'effet du contrat, où les conditions générales dérogent sensiblement au prescrit clair et sans équivoque des conditions particulières fixant à une date précise et sans réserve ni condition cette prise d'effet.

Cette ambiguïté est d'ailleurs illustrée de manière particulièrement révélatrice par le courrier adressé le 23 mars 2001 par l'intimée à l'appelant où il est question de la “suspension” de sa garantie, ce qui d'évidence ne peut se concevoir que dans l'hypothèse où cette garantie a pris effet; il ne peut être sérieusement soutenu que l'intimée - professionnelle de l'assurance disposant d'un service juridique présumé compétent - ait pu se méprendre sur la signification de ce terme et l'utilisation de formulaires standardisés par ses gestionnaires du contentieux relatif au paiement des primes ne constitue pas une circonstance justificative d'une prétendue méprise à cet égard; si l'intimée, comme elle le soutient actuellement, entendait à l'époque se prévaloir de ses conditions générales et plus particulièrement de l'article 28 de celles-ci, elle n'aurait pas manqué de rappeler à son assuré que sa garantie n'était à l'époque pas encore acquise faute de paiement de la première prime d'assurance.

Comme le souligne à juste titre l'appelant, rien n'est fait dans la police pour attirer l'attention de l'assuré sur l'existence d'une clause prévoyant le report de la prise d'effet de la garantie en cas de retard de paiement de la première prime.

En rédigeant ses conditions de la manière décrite ci-avant, l'intimée a inversé le rapport logique entre conditions générales et particulières sur la question du point de départ de sa garantie, ce qui est source de doute et d'ambiguïté en sorte qu'il convient de régler cette discordance en donnant la primauté aux conditions particulières dont le libellé est clair et précis; en effet, si l'article 28 des conditions générales respecte en tant que tel les dispositions de la loi du 25 juin 1992 sur les assurances terrestres, il convient de constater que les parties ont entendu y déroger par les conditions particulières de la police d'assurance et non l'inverse comme le soutient l'intimée et comme l'a considéré à tort le jugement déféré (B. Toussaint, “Interprétation et rédaction des contrats d'assurance” in Liber Amicorum Jean-Luc Fagnart, nos 33 et s.).

La police litigieuse d'assurance a dès lors pris effet en l'espèce le 1er février 2001.

Cela étant, il convient d'examiner les effets de la lettre recommandée du 23 mars 2001 et de déterminer si au moment du sinistre la garantie de l'intimée était valablement suspendue.

Une réponse positive s'impose.

La suspension de la garantie de l'assureur en suite du non-paiement de la prime par l'assuré constitue une sanction d'une extrême rigueur vu la disproportion flagrante entre le montant de la prime et le montant de la prestation de l'assureur en cas de sinistre (M. Fontaine, Droit des assurances, 2006, p. 202) en sorte que le législateur a entouré cette sanction d'un formalisme exigeant, détaillé à l'article 15 de la loi du 25 juin 1992 sur les assurances terrestres; cette disposition impose à l'assureur:

- de mettre en demeure son assuré par pli recommandé ou par exploit d'huissier de payer la prime dans un délai dont la durée est laissée à la discrétion de l'assureur avec pour seule limite de ne pouvoir être inférieur à “quinze jours à compter du lendemain de la signification ou du dépôt de la lettre recommandée à la poste”;

- de rappeler dans cette mise en demeure “la date d'échéance de la prime ainsi que les conséquences du défaut de paiement dans le délai”.

En l'espèce, la lettre du 23 mars 2001 a bien été envoyée par recommandé à l'appelant qui ne conteste pas l'avoir reçue mais a cru qu'elle se rapportait à une police d'assurance relative au contenu du bâtiment et dont la prime avait été réglée (cf. lettre du 31 mai 2001 du courtier de l'appelant à l'intimée).

Force est de constater que, si la référence dans cette lettre au “délai légal” imparti à l'appelant pour régler la prime peut poser question dans la mesure où la loi du 25 juin 1992 ne fixe pas de délai pour le paiement, il demeure que ce courrier indique la date d'échéance de la prime (1er février 2001) et énonce clairement le délai au-delà duquel l'appelant s'expose, en cas de non-règlement de cette prime, à la conséquence de ce non-paiement à savoir la suspension de la garantie de l'assureur; les termes utilisés pour décrire cette conséquence (“notre garantie sera suspendue”) sont suffisamment clairs, fût-ce pour un profane, et ne relèvent pas d'un jargon juridique méritant de plus amples explications; ils impliquent sans ambiguïté la nécessité de payer la prime litigieuse dans les quinze jours de l'envoi du pli recommandé pour échapper à cette sanction.

L'appelant ne pouvait dès lors se méprendre sur la signification et les effets de la mise en demeure du 23 mars 2001 et la circonstance qu'il ait confondu deux polices d'assurances n'est pas imputable à l'intimée; en effet, les assurances du bâtiment, d'une part, et de son contenu, d'autre part, étaient à l'époque des faits souscrites auprès de deux compagnies différentes (l'intimée pour le bâtiment et la SA C.G.U. pour le contenu).

La circonstance qu'un “avis de paiement” de la prime ait été renvoyé par l'intimée le 31 mai 2001 ne peut s'analyser en l'espèce comme une renonciation implicite par l'intimée à se prévaloir des effets du pli recommandé du 23 mars 2001.

Des considérations qui précèdent, il suit que l'intimée a décliné à bon droit toute intervention dans le sinistre, survenu alors que sa garantie était valablement suspendue, le paiement de la prime litigieuse n'étant intervenu que plus de seize jours après l'envoi du pli recommandé du 23 mars 2001 et le sinistre lui-même étant survenu avant le paiement de cette prime.

L'appel doit en conséquence être déclaré non fondé ainsi que, par voie de conséquence, la demande nouvelle de l'appelant.

L'appelant, partie succombante, sera condamné aux dépens de l'instance d'appel et l'indemnité de procédure revenant à l'intimée sera fixée au montant de base visé à l'arrêté royal du 26 octobre 2007, soit 3.000 EUR;

(…)