Cour de cassation 29 juin 2009
ASSURANCES
Assurances terrestres - Contrat d'assurance en général - Faute lourde - Cas déterminés expressément et limitativement dans le contrat
Les conditions générales de la police d'assurance “responsabilité civile entreprise” concernée stipule que “sont exclus de l'assurance les dommages résultant directement et exclusivement du choix des modalités d'exécution des travaux, y compris l'insuffisance de mesures élémentaires de prévention”.
En considérant que cette clause n'est “pas formulée de manière générale” et doit recevoir effet notamment parce que l'article 8 de la loi du contrat d'assurance terrestre n'exige pas une “formulation exhaustive” qui “reviendrait à imposer à l'assureur qu'il établisse et fasse figurer dans le contrat une liste impressionnante et pratiquement infinie de situations où l'entrepreneur aurait gravement méconnu les règles élémentaires de l'art de construire”, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.
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VERZEKERINGEN
Landverzekering - Verzekeringsovereenkomst in het algemeen - Zware fout - Gevallen die op uitdrukkelijke en beperkende wijze in de overeenkomst bepaald zijn
De algemene voorwaarden van de betrokken verzekeringspolis “burgerlijke aansprakelijkheid onderneming” voorziet: “Is van de verzekering uitgesloten, de schade die rechtstreeks of exclusief resulteert uit de keuze van de uitvoeringsmodaliteiten van de werken, waaronder ontoereikendheid van de elementaire preventiemaatregelen.”
Door te oordelen dat deze clausule “niet algemeen geformuleerd is” en gevolgen moet hebben onder meer omdat artikel 8 van de wet van de landverzekeringsovereenkomst geen “limitatieve formulering 'vereist die' aan de verzekeraar oplegt dat deze in de overeenkomst een ellenlange en bijna oneindige lijst van omstandigheden dient te vermelden waarbij de ondernemer de elementaire regels van de kunst zou geschonden hebben”, wordt de beslissing in het arrest niet wettig verantwoord.
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Ets. Carreaulis / Allianz Belgium
Siég.: Ch. Storck (président), D. Plas, S. Velu (rapporteur), M. Regout et A. Simon (conseillers) |
M.P.: J.-M. Genicot (avocat général) |
Pl.: Mes M. Mahieu et H. Geinger |
(…)
II. | Le moyen de cassation |
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants:
Disposition légale violée |
Article 8 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.
Décision et motifs critiqués |
L'arrêt déboute la demanderesse des demandes qu'elle a dirigées contre la défenderesse et tendant à l'entendre condamner, “d'une part, [au paiement des] montants qu'elle a dû verser à La Mirabelle à la suite des dégâts occasionnés par l'entrepreneur, assuré de [la défenderesse], d'autre part, [à] la réparation de son propre dommage constitué par les frais et pertes qu'elle a subis en raison des travaux de réparation, du retard de chantier et de la perte de loyer qui s'en est suivie” et ce, par tous ses motifs et spécialement les motifs suivants:
“3. Demande contre l'assureur
La [demanderesse] exerce contre la [défenderesse] l'action directe accordée au tiers victime par l'article 86 de la loi du 25 juin 1992.
Elle lui réclame, d'une part, les montants qu'elle a dû verser à La Mirabelle à la suite des dégâts occasionnés par l'entrepreneur, assuré [de la défenderesse], d'autre part, la réparation de son propre dommage constitué par les frais et pertes qu'elle a subis en raison des travaux de réparation, du retard de chantier et de la perte de loyer qui s'en est suivie.
[La défenderesse] décline sa garantie en invoquant, d'une part, l'exclusion des 'grosses démolitions' stipulée aux conditions particulières de la police, d'autre part, l'article 7, a) de ses conditions générales, qui exclut de la couverture d'assurance 'les dommages résultant directement et exclusivement du choix des modalités d'exécution des travaux, y compris l'insuffisance des mesures élémentaires de prévention'.
Le principe de l'opposabilité à la personne lésée des exceptions, dérivant du contrat d'assurance et trouvant leur cause dans un fait antérieur au sinistre, peut être admis en l'espèce sur pied de l'article 87 § 2 de la loi précitée, puisqu'il s'agit d'une assurance non obligatoire.
La première objection ne peut être prise en compte dès lors que les travaux litigieux n'avaient pas pour objet la démolition d'ouvrages mais une mise à niveau du sol intérieur des locaux.
S'il en est résulté un effondrement partiel du mur mitoyen ou sa 'démolition', ce n'était toutefois pas l'objet des travaux litigieux mais la conséquence involontaire de leur mauvaise exécution.
L'expertise judiciaire a mis en évidence le caractère aberrant des travaux réalisés par l'assuré [de la défenderesse], sans la moindre précaution et en contradiction flagrante avec les règles de l'art et les prescriptions précises de l'ingénieur.
Ce comportement est constitutif d'une 'insuffisance de mesures élémentaires de prévention' justifiant l'exclusion stipulée à l'article 7, a) des conditions contractuelles précitées et le refus d'intervention de l'assureur.
Cette clause n'est pas formulée de manière trop générale et ne vide nullement le contrat de sa substance, comme le soutient [la demanderesse]. Elle n'est donc pas contraire à l'article 8 de la loi du 25 juin 1992 dès lors que l'hypothèse de faute lourde visée à l'article 7, a) des conditions générales de la police ne doit pas nécessairement énumérer chacun des cas possibles où l'insuffisance de mesures élémentaires serait établie. Une telle exigence de formulation exhaustive reviendrait à imposer à l'assureur qu'il établisse et fasse figurer dans le contrat une liste impressionnante et pratiquement infinie de situations où l'entrepreneur aurait gravement méconnu les règles élémentaires de l'art de construire. Il est plus raisonnable d'admettre que le juge a le pouvoir de décider, dans chaque cas d'espèce, si le manquement de l'assuré qui est à l'origine du sinistre est de nature à entrer dans la catégorie d'exclusion visée, dans la mesure où celle-ci est suffisamment précisée, comme c'est le cas en l'espèce.
C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté [la demanderesse] de son recours contre [la défenderesse].”
Griefs |
L'article 8, alinéa 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre dispose que “l'assureur répond des sinistres causés par la faute, même lourde, du preneur d'assurance, de l'assuré ou du bénéficiaire. Toutefois, l'assureur peut s'exonérer de ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement dans le contrat”.
L'arrêt constate qu'il résulte de l'article 7, a) des conditions générales de la police d'assurance “responsabilité civile entreprise” souscrite par l'entrepreneur R.T.D. auprès de la défenderesse que “sont exclus de l'assurance [...] les dommages résultant directement et exclusivement du choix des modalités d'exécution des travaux, y compris l'insuffisance de mesures élémentaires de prévention”.
L'arrêt énonce que “cette clause n'est pas formulée de manière trop générale [...], ne vide nullement le contrat de sa substance comme le soutient [la demanderesse] et [...] n'est donc pas contraire à l'article 8 de la loi du 25 juin 1992 [au motif que] l'hypothèse de faute lourde visée à l'article 7, a) des conditions générales de la police ne doit pas nécessairement énumérer chacun des cas possibles où l'insuffisance de mesures élémentaires serait établie. Une telle exigence de formulation exhaustive reviendrait à imposer à l'assureur qu'il établisse et fasse figurer dans le contrat une liste impressionnante et pratiquement infinie de situations où l'entrepreneur aurait gravement méconnu les règles élémentaires de l'art de construire. Il est plus raisonnable d'admettre que le juge a le pouvoir de décider, dans chaque cas d'espèce, si le manquement de l'assuré qui est à l'origine du sinistre est de nature à entrer dans la catégorie d'exclusion visée, dans la mesure où celle-ci est suffisamment précisée, comme c'est le cas en l'espèce”.
Faisant application de la clause litigieuse, l'arrêt décide que “l'expertise judiciaire a mis en évidence le caractère aberrant des travaux réalisés par l'assuré [de la défenderesse], sans la moindre précaution et en contradiction flagrante avec les règles de l'art et les prescriptions précises de l'ingénieur” et que “ce comportement est constitutif d'une 'insuffisance de mesures élémentaires de prévention' justifiant l'exclusion stipulée à l'article 7, a) des conditions contractuelles précitées et le refus d'intervention de l'assureur”.
En décidant que l'article 8 de la loi sur le contrat d'assurance terrestre n'exige pas “de formulation exhaustive” qui “reviendrait à imposer à l'assureur qu'il établisse et fasse figurer dans le contrat une liste impressionnante et pratiquement infinie de situations où l'entrepreneur aurait gravement méconnu les règles élémentaires de l'art de construire” et en considérant que la clause litigieuse est suffisamment précise alors que les mots “y compris” prive l'énumération de son caractère limitatif nécessaire, l'arrêt méconnaît l'exigence de l'article 8 précité qui dispose que l'assureur peut s'exonérer de ses obligations, non en cas de faute lourde en général, mais pour des cas de faute lourde expressément et limitativement déterminés dans le contrat. Il viole en conséquence cette disposition légale.
III. | La décision de la Cour |
En vertu de l'article 8, alinéa 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, l'assureur répond des sinistres causés par la faute, même lourde, du preneur d'assurance, de l'assuré ou du bénéficiaire; toutefois, l'assureur peut s'exonérer de ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement dans le contrat.
Cette disposition exclut l'exonération de l'assureur pour des cas de faute lourde déterminés en termes généraux.
L'arrêt constate que l'article 7, a) des conditions générales de la police d'assurance “responsabilité civile entreprise” souscrite par l'entrepreneur R.T.D. auprès de la défenderesse stipule que “sont exclus de l'assurance les dommages résultant directement et exclusivement du choix des modalités d'exécution des travaux, y compris l'insuffisance de mesures élémentaires de prévention”.
En considérant que cette clause n'est “pas formulée de manière générale” et doit recevoir effet pour les motifs que le moyen reproduit, et notamment que l'article 8 précité n'exige pas une “formulation exhaustive” qui “reviendrait à imposer à l'assureur qu'il établisse et fasse figurer dans le contrat une liste impressionnante et pratiquement infinie de situations où l'entrepreneur aurait gravement méconnu les règles élémentaires de l'art de construire”, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision de déclarer non fondée la demande de la demanderesse contre la défenderesse.
Le moyen est fondé.
(…)
Het Hof van Cassatie bevestigt hiermee de interpretatie van de meerderheid van de lagere rechtspraak, zie C. Van Schoubroeck, G. Jocqué, A. De Graeve, M. De Graeve en H. Cousy, “Overzicht van rechtspraak. Wet op de landverzekeringsovereenkomst (1992-2003)”, TPR 2003, 1845-1849; C. Paris en J.-L. Fagnart, “Actualités législatives et jurisprudentielles dans les assurances en général” in C. Paris en B. Dubuisson (eds.), Actualités en droit des assurances, Luik, Anthemis, 2008, 62-65.