Article

La liberté commerciale des assureurs à l'épreuve du feu européen, R.D.C.-T.B.H., 2010/1, p. 7-19

La liberté commerciale des assureurs à l'épreuve du feu européen

Jean-Marc Binon [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction 3

I. Le contrôle matériel préalable et le gel des tarifs, principales cibles du principe européen de la liberté commerciale

II. Une liberté prise entre le marteau et l'enclume 1. Les contraintes A. Le respect dû aux contraintes tarifaires justifiées par l'intérêt général

B. L'obligation d'assurer, revers de l'obligation de s'assurer

2. Les interdictions A. L'interdiction d'accès aux activités d'assurance sociale, au nom du maintien de la solidarité

B. Le poids grandissant de l'arsenal “anti-discrimination”

Conclusions

RESUME
Présenté à l'origine comme l'un des fers de lance de l'avènement du marché unique de l'assurance, le principe de la liberté commerciale subit aujourd'hui un contrecoup en grande partie imputable au souci croissant, parmi les acteurs politiques et judiciaires, d'un meilleur équilibre entre les valeurs économiques et sociales qui sous-tendent nos démocraties européennes. Outre le respect dû à la loi en général, il est, en effet, de plus en plus encadré par des contraintes tarifaires ou contractuelles justifiées par des considérations supérieures d'intérêt général. Il se doit également de composer avec un nombre grandissant d'interdictions ou de restrictions, portant sur l'accès à certaines activités ou sur la définition des pratiques commerciales, et liées à des préoccupations de solidarité sociale ainsi qu'à une lutte acharnée contre les discriminations en tous genres. A la faveur d'un survol du droit européen, la présente contribution retrace les heurs et malheurs de ce principe essentiel de l'activité d'assurance, en mettant l'accent sur l'interaction nourrie avec le droit belge sur cette question sensible.
SAMENVATTING
Oorspronkelijk voorgesteld als een van de speerpunten van de interne markt voor verzekeringen, boet het beginsel van handelsvrijheid vandaag aan belang in. Dit is grotendeels toe te schrijven aan een groeiende bekommernis in politieke en rechterlijke sferen om een beter evenwicht te vinden tussen de economische en sociale waarden die onze Europese democratieën schragen. Behalve de eerbied die aan de wet toekomt in het algemeen, wordt het beginsel, inderdaad, meer en meer afgebakend door tarifaire en contractuele verplichtingen die door hogere overwegingen van algemeen belang gerechtvaardigd zijn. Er moet ook rekening worden gehouden met een toenemend aantal verbodsbepalingen en beperkingen betreffende de toegang tot sommige activiteiten of handelspraktijken. Deze bepalingen en beperkingen houden op hun beurt verband met een bekommernis van sociale solidariteit en met een hardnekkige strijd tegen alle vormen van discriminatie. Deze bijdrage beschrijft, via een overzicht van het Europees recht, de weldaden en tegenslagen van dit essentiële beginsel voor het verzekeringsbedrijf en legt de nadruk op de interactie met het Belgisch recht in deze gevoelige materie.
Introduction

1.La liberté commerciale serait-elle devenue, en assurance, un leurre ou un attribut en voie de disparition? D'aucuns seraient tentés de le penser à la faveur d'un rapide survol de l'évolution législative et jurisprudentielle de ces dernières années. Dépeinte, aux côtés des principes de la licence unique et du home country control, comme l'un des axiomes emblématiques de l'“après 1er juillet 1994”, elle a, dans un premier temps, été portée aux nues par la vague d'euphorie “dérégulatrice” qui a accompagné l'avènement du marché unique de l'assurance, avant de connaître des heures plus troubles, marquées, à l'image du contexte ambiant, par un recadrage significatif des fondements mêmes de nos systèmes d'économie de marché.

2.Au départ de dispositions ayant pour ambition ciblée de mettre un terme au formalisme du contrôle préalable des conditions contractuelles et tarifaires (dans le jargon, le contrôle matériel a priori), la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après la “CJCE”) - devenue, avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, la Cour de justice de l'Union européenne - a, elle aussi, d'abord fait mine de lire dans les pensées du législateur européen une volonté de libéralisation en profondeur du commerce en assurance, avant de faire marche arrière, visiblement consciente des dérives qu'une adhésion trop appuyée au dogme de la libre concurrence pouvait emporter dans son sillage. Les droits nationaux ne sont pas demeurés en reste, si l'on en juge par le nombre d'interventions politiques ou de décisions judiciaires ayant conduit ces derniers temps à circonscrire la liberté contractuelle ou tarifaire des assureurs, par-delà leur obligation générale de se conformer aux règles juridiques applicables à leurs activités [2].

3.En fait de liberté, le paysage juridique actuel renvoie l'image d'un principe de plus en plus écorné par des entorses qui l'ont progressivement éloigné des espérances - ou des craintes… - placées en lui par bon nombre d'opérateurs à l'aube de l'ouverture officielle du marché unique de l'assurance. S'il proscrit en effet sans ambages toute expression de contrôle matériel préalable, il doit, en revanche, composer avec un nombre croissant de contraintes et d'interdictions d'ampleur variable [3], qui contribuent, parfois avec la bénédiction du droit européen, à amoindrir la marge de manoeuvre des assureurs dans la définition de leur politique contractuelle ou tarifaire.

I. Le contrôle matériel préalable et le gel des tarifs, principales cibles du principe européen de la liberté commerciale

4.En plus d'un patient travail de rapprochement des législations nationales sur une série d'aspects prudentiels, techniques et financiers des activités d'assurance et de réassurance [4], le droit européen de l'assurance a, on le sait, sonné le glas du contrôle administratif préalable des conditions contractuelles et tarifaires en assurance [5]. Seules demeurent autorisées les exigences nationales portant sur la notification préalable ou l'approbation des projets de majoration tarifaire en tant qu'élément d'un système général de contrôle des prix [6], sur la communication préalable des conditions contractuelles dans le domaine des assurances obligatoires [7] et sur la communication systématique (à la seule autorité de contrôle de l'Etat membre d'origine) des bases techniques utilisées pour le calcul des tarifs et des provisions techniques en assurance vie [8].

5.Dans ce contexte, c'est sans réelle surprise que la CJCE (arrêt du 11 mai 2000, Commission / France [9]) a, au nom de la libre commercialisation des produits d'assurance dans la Communauté que les directives dites de la “troisième génération” ont visé à réaliser (point 29 de l'arrêt), censuré l'option du législateur français de maintenir, au-delà du 1er juillet 1994, l'obligation, pour tout assureur désireux de commercialiser pour la première fois en France un modèle de contrat d'assurance, de communiquer systématiquement aux autorités françaises, sous la forme d'une fiche signalétique, les conditions générales des contrats envisagés.

6.Prenant appui sur cet arrêt, la CJCE a franchi un pas supplémentaire dans l'arrêt du 25 février 2003, Commission / Italie [10], dans lequel elle a condamné, à la lumière du principe de la liberté tarifaire que le législateur européen a, selon elle, clairement entendu garantir, notamment, dans le secteur de l'assurance non-vie (point 29 de l'arrêt), les mesures italiennes de gel temporaire des tarifs en assurance RC automobile en faveur des bons conducteurs, balayant d'un revers de la main les arguments d'intérêt général mis en avant par les autorités italiennes (lutte contre l'inflation, la fraude et les comportements anticoncurrentiels, protection des consommateurs, dimension sociale de l'assurance RC automobile) au motif que les exceptions à ce principe ont été rigoureusement définies par la troisième directive sur l'assurance non-vie (point 38 de l'arrêt).

II. Une liberté prise entre le marteau et l'enclume

7.Le principe de la liberté commerciale et tarifaire venait sans doute de connaître là son heure de gloire, car un vent contraire va par la suite se lever pour ériger sur son chemin des garde-fous, faits tantôt d'obligations, tantôt de prohibitions, qui marquèrent le coup d'arrêt d'une dérive possible vers ce que Mme l'avocat général Stix-Hackl, dans ses conclusions rendues en mars 2004 dans les affaires du bonus-malus, a qualifié de “sacralisation excessive” de la liberté économique des assureurs (point 56).

1. Les contraintes
A. Le respect dû aux contraintes tarifaires justifiées par l'intérêt général

8.Ce changement radical de ton s'est d'abord fait sentir dans les arrêts de la CJCE du 7 septembre 2004, Commission / Luxembourg et Commission / France [11], relatifs aux systèmes luxembourgeois et français de bonus-malus en assurance RC automobile. Prenant soin de souligner que, à la différence de la mesure italienne de blocage tarifaire en cause dans l'arrêt du 25 février 2003, les réglementations nationales en cause n'affectent pas directement la fixation des tarifs, la juridiction européenne a bien dû concéder, pour écarter l'argumentation de la Commission européenne tirée d'une atteinte au principe de la liberté tarifaire, qu'une harmonisation complète du domaine tarifaire en assurance non-vie, excluant toute mesure nationale susceptible d'avoir des répercussions sur l'évolution des primes, ne saurait être présumée en l'absence d'une volonté clairement exprimée en ce sens par le législateur européen (points 24 et 25 de l'arrêt Commission / Luxembourg; points 25 et 26 de l'arrêt Commission / France).

Certes, le débat dans ces affaires fut tronqué par l'option stratégique de la Commission européenne, qui, sans doute grisée par son succès dans l'affaire italienne, a préféré camper sur le seul terrain du droit dérivé (la troisième directive sur l'assurance non-vie et son principe de liberté tarifaire prétendument induit de l'abrogation du contrôle matériel a priori), sans envisager également celui du droit primaire (les libertés d'établissement et de prestation de services consacrées aux art. 43 et 49 du Traité CE). Il n'en demeure pas moins que, dans ses arrêts “bonus-malus”, la CJCE entend désormais se démarquer de la consécration d'un principe absolu de liberté tarifaire (et, par voie de conséquence, commerciale) qui, au motif fallacieux qu'il relèverait d'un domaine coordonné à l'échelle européenne, ferait obstacle, sans autre forme de discussion, à n'importe quelle mesure susceptible d'influer, de près ou de loin, sur les tarifs ou sur leur évolution en assurance [12].

9.L'on ne peut manquer, à cet égard, d'opérer un parallélisme entre ces arrêts européens et celui qui a été rendu le 4 mars 2008 par la Cour constitutionnelle à la suite d'un recours en annulation dirigé par l'association belge des assureurs, Assuralia, à l'encontre de l'article 49quater de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, lequel, en substance, instaure un système de bonus-malus obligatoire imposant à toute entreprise qui pratique en Belgique l'assurance accidents du travail de fixer, pour les assurances des ouvriers, son tarif en fonction de la sinistralité et de la taille de l'entreprise assurée, dans les limites d'une fourchette comprise entre -15% et +30% du tarif déterminé au moment de la souscription du contrat [13].

L'attention que méritent les causes possibles de justification de mesures susceptibles de brider la liberté des assureurs y est clairement palpable. A l'argument tiré d'une violation des articles 43 et 49 du Traité CE, la juridiction constitutionnelle a, en effet, rétorqué, en substance, que la mesure en cause peut être raisonnablement considérée comme permettant d'atteindre, dans le respect du principe de proportionnalité, l'objectif d'intérêt général que représente la prévention des accidents du travail, en ce que, à travers un élargissement de la fourchette antérieure de variation des primes, elle entend inciter les entreprises à développer une politique de prévention axée sur le résultat, en récompensant mieux les employeurs qui affichent une statistique de sinistres favorable et en pénalisant davantage ceux dont le profil de sinistralité est mauvais [14].

En soulignant que la mesure litigieuse n'entame en rien la fixation libre des tarifs de base, l'arrêt de la Cour constitutionnelle s'inscrit, au demeurant, dans le droit fil de la jurisprudence européenne, qu'il prolonge, du reste, par une pondération des valeurs en présence (la liberté économique, d'un côté, et la poursuite d'une finalité sociale, de l'autre côté), en illustrant au passage la fonction de “juge de droit commun” assumée par les juridictions nationales dans l'application du droit européen. L'on y trouve en filigrane le message selon lequel la liberté commerciale des assureurs doit céder la priorité à des considérations supérieures, mêlant, comme ici, des objectifs de lutte contre une segmentation excessive et de préservation de la justice actuarielle parmi les assurés [15].

B. L'obligation d'assurer, revers de l'obligation de s'assurer

10.C'est une intrusion bien plus marquée dans la liberté commerciale des assureurs que la CJCE vient de valider dans son arrêt du 28 avril 2009, Commission / Italie [16], concernant l'obligation imposée par le droit italien aux assureurs RC automobile exerçant leurs activités en Italie (y compris à ceux opérant sous le couvert de la liberté d'établissement ou de la libre prestation de services) de prendre en charge tout risque qui leur est soumis, y compris les risques aggravés (obligation d'assurer), en se pliant à une politique de tarification fondée sur des statistiques historiques (cinq années d'expérience au minimum) du coût moyen du risque au sein de catégories d'assurés définies de manière suffisamment large, et non sur le profil de risque individuel du candidat à l'assurance (mesure de modération tarifaire).

Ce mécanisme, quoique qualifié d'ingérence substantielle dans la politique et la stratégie commerciales des assureurs, est néanmoins apparu justifié par l'objectif de protection sociale des victimes d'accidents de la route, au motif qu'il permet à tout propriétaire de véhicules de satisfaire, au bénéfice ultime de ces dernières, à l'obligation de souscrire une assurance RC automobile.

Au-delà du rejet des critiques de la Commission européenne visant à contester le caractère proportionné de ces mesures, le message des juges européens se résume, en définitive, à cette équation somme toute simple, voulant que, à l'obligation de s'assurer, corresponde pour chaque propriétaire de véhicule le droit à une assurance à des conditions acceptables, quitte à ce que le prix à payer pour la préservation de cette équation se traduise par une perturbation significative de la liberté commerciale des assureurs. La CJCE n'a pas manqué de souligner au passage que le fonds de garantie automobile, que chaque Etat membre est tenu de créer ou d'agréer sur son territoire, et qui a pour mission, notamment, de prendre en charge l'indemnisation des victimes d'un accident provoqué par un véhicule non assuré, n'est censé remplir qu'un rôle subsidiaire par rapport au mécanisme contractuel sur lequel repose normalement la couverture obligatoire d'assurance RC automobile, et n'a donc pas vocation à devenir le premier assureur du pays [17].

Dans le droit fil de sa jurisprudence antérieure, la CJCE a, du reste, admis la compatibilité de la mesure de modération tarifaire avec la troisième directive sur l'assurance non-vie, en soulignant que cette mesure n'interdit pas aux assureurs de calculer leurs primes en fonction de leurs propres bases techniques, la seule circonstance que ce calcul soit légalement encadré ne suffisant pas pour conclure à une violation du principe de la liberté tarifaire découlant de cette directive. Quant au pouvoir de sanction réservé (par exemple, en cas de contournement de l'obligation de contracter par la réclamation d'un tarif exorbitant) par la législation litigieuse à l'autorité de contrôle italienne (ISVAP) à l'égard des assureurs étrangers, il n'a pas été jugé contraire au principe du home country control, lequel vise la surveillance financière de l'entreprise d'assurances et ne saurait, selon la CJCE, affecter la compétence des autorités locales pour réprimer sur leur territoire des comportements commerciaux illicites (voir, en ce sens, l'art. 40 § 7 de la Troisième Directive).

D'aucuns ne manqueront sans doute pas de relever le saisissant contraste offert par la jurisprudence européenne, qui, à quelques années d'intervalle, a d'abord voué aux gémonies, sans la moindre considération à l'égard des justifications avancées par les autorités concernées, une mesure de blocage des tarifs (pourtant temporaire et préservant, de surcroît, la liberté des assureurs d'adapter la prime, selon une clause de bonus-malus, en fonction des sinistres occasionnés par l'assuré), avant d'apporter sa bénédiction, au nom de l'intérêt supérieur de la protection des victimes d'accidents de la route, à un régime sans conteste davantage susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés d'établissement et de prestation de services.

A l'évidence faut-il y voir, en cette matière située dans la zone de partage des compétences nationales et européennes, un choix de politique judiciaire soucieux d'éviter que les Etats membres se trouvent systématiquement dépouillés de toute possibilité de lutter contre des phénomènes aussi inquiétants et socialement coûteux que celui lié aux difficultés d'accès à une couverture d'assurance rendue obligatoire par le droit européen lui-même. Sans doute les juges européens ont-ils aussi été sensibles au climat ambiant de tourmente économique, sociale et financière, en partie imputable, aux yeux de nombreux observateurs, aux excès de la dérégulation.

11.Quoi qu'il en soit, et bien que les considérations valables pour une assurance obligatoire ne soient pas transposables, comme telles, à toute autre assurance, cette affirmation embryonnaire, à l'échelle européenne, d'un droit à l'assurance à des conditions abordables sera sans nul doute reçue comme un précieux message de soutien aux initiatives développées sur bon nombre de marchés, en particulier sur le marché belge, pour tenter de juguler le phénomène de l'exclusion en assurance.

L'on songe ainsi aux bureaux de tarification - tels que ceux qui ont vu le jour dans notre pays en assurance RC auto­mobile [18], puis pour la couverture des catastrophes naturelles [19] -, dont la Commission européenne s'est évertuée à souligner devant la CJCE le caractère moins attentatoire, selon elle, aux libertés des assureurs qu'une solution fondée sur l'obligation de contracter.

L'on sait aussi que la loi sur le contrat d'assurance a été complétée par une loi du 20 juillet 2007 [20] qui, en assurance maladie privée, a introduit, sous certaines conditions, un droit à l'assurance à des conditions tarifaires abordables pour les personnes atteintes, au moment de la souscription, d'une maladie chronique ou d'un handicap [21], de même que le droit, pour la personne qui a été affiliée à une couverture collective professionnelle, de poursuivre, au terme de cette affiliation, cette couverture collective par une couverture individuelle sans examen médical [22].

Enfin, cet arrêt jette un éclairage particulier sur les initiatives parlementaires ou professionnelles qui foisonnent actuellement pour tenter d'enrayer les difficultés d'accès à certaines assurances (notamment aux assurances liées à un crédit hypothécaire, telles que l'assurance solde restant dû), rencontrées par les groupes de personnes “à risque” [23].

2. Les interdictions

12.Flanquée de contraintes croissantes, la liberté commerciale des assureurs épouse dans le même temps les contours d'une prérogative frappée d'interdictions qui ont, elles aussi, tendance à se développer, sous l'impulsion du droit européen, que ce soit au niveau de l'accès même à certaines activités ou de la définition des politiques contractuelles ou tarifaires [24].

A. L'interdiction d'accès aux activités d'assurance sociale, au nom du maintien de la solidarité

13.Selon un enseignement solidement ancré tant en droit européen qu'en droit national, les assureurs privés ne peuvent pas concurrencer les organismes de sécurité sociale sur le terrain de l'assurance sociale instituée par les pouvoirs publics.

Tel est le sens de l'arrêt de la CJCE du 17 février 1993, Poucet et Pistre [25] - du nom de deux affiliés à la sécurité sociale française qui avaient émis le souhait de verser leurs cotisations à des assureurs privés -, dans lequel il a été jugé, en substance, que les organismes publics en charge d'un régime de sécurité sociale obéissant à un principe de solidarité sociale (fonction de redistribution des revenus parmi le cercle des affiliés, marquée par l'absence de lien direct entre les cotisations versées et les prestations assurées; financement du système par répartition, et non par capitalisation; solidarité interne parmi les organismes en charge de la sécurité sociale) ne sauraient avoir à subir la concurrence des assureurs privés et ce, sous peine de mettre en péril l'accomplissement de leur mission légale d'intérêt général social.

14.La solution, confirmée à maintes reprises par la CJCE dans divers contextes nationaux [26], vient encore de l'être tout récemment dans l'arrêt du 5 mars 2009, Kattner [27], où le caractère obligatoire de l'affiliation à une caisse publique d'assurance sociale (en l'occurrence, la caisse professionnelle du secteur allemand de la construction métallique et de la métallerie), que contestait une entreprise de ce secteur désireuse de souscrire auprès d'un assureur privé une couverture contre les risques d'accidents du travail et de maladie professionnelle, a été jugé indispensable au maintien de l'équilibre financier du régime de sécurité sociale en cause, au motif que la remise en cause de cette obligation risquerait, selon la CJCE, de se traduire par un exode des “bons risques” vers les assureurs privés, ce qui laisserait à charge des caisses publiques la gestion des seuls “mauvais risques”.

15.C'est au prix d'un raisonnement sensiblement analogue que la Cour constitutionnelle a rejeté, par un arrêt du 22 octobre 2008 [28], le recours en annulation introduit par l'assureur privé DKV Belgium contre les dispositions de la loi du 26 mars 2007 qui ont intégré la couverture des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé des travailleurs indépendants, en réservant dorénavant la prise en charge de tels risques à certains organismes publics nationaux (mutuelles, notamment).

L'allégation d'une entorse au principe de non-discrimination (art. 10 et 11 de la Constitution) a, en effet, été écartée essentiellement sur la base du constat - déjà opéré par la Cour d'arbitrage dans un arrêt du 2 avril 1992 [29] - d'une “différence fondamentale entre les activités des mutualités et celles des compagnies d'assurances”, en ce que les premières “fondent leur fonctionnement […] sur les principes fondamentaux de 'prévoyance', d''assistance mutuelle' et de 'solidarité' et […] exercent leurs activités […] sans but lucratif” [30], tandis que les secondes “poursuivent un but lucratif et utilisent pour cette raison des techniques d'assurance classiques comme la sélection des risques, la segmentation des souscripteurs et l'exclusion des mauvais risques” (point B.6.1.). Pour la Cour constitutionnelle, permettre, en dépit d'une telle différence, que des assureurs privés puissent continuer à couvrir les petits risques des travailleurs indépendants heurterait l'objectif légitime du législateur de procéder à un alignement de la protection sociale de ces travailleurs sur celle des travailleurs salariés, dont la couverture obligatoire soins de santé est intégralement prise en charge par les organismes publics [31].

L'invocation d'une violation des articles 43 et 49 du Traité CE n'a pas davantage trouvé grâce auprès des juges constitutionnels, qui, dans des termes ostensiblement inspirés de la jurisprudence européenne, ont estimé que l'entrave engendrée par la loi de mars 2007 pour les activités des assureurs privés est raisonnablement justifiée par des raisons de santé publique, à savoir, d'une part, la garantie d'unité du système d'assurance obligatoire soins de santé procurée par l'uniformisation du statut des travailleurs salariés et indépendants à l'égard des petits risques et, d'autre part, la nécessité de permettre l'accomplissement effectif, dans des conditions acceptables, de la mission d'intérêt général qui incombe aux organismes publics en cause. Selon la Cour constitutionnelle, autoriser le maintien de la présence des assureurs privés dans cette branche de la sécurité sociale aurait, en effet, pour conséquence de confier une part croissante de “mauvais risques” à ces organismes, ce qui pourrait nuire à la réalisation de cette mission et mettre en péril leur équilibre financier.

16.Cette jurisprudence, manifestement inspirée de la crainte d'une rupture de la solidarité entre bons et mauvais risques, a connu une excroissance dans le domaine des pensions complémentaires, avec les arrêts de la CJCE du 21 septembre 1999, Albany, Brentjens' et Drijvende Bokken [32]. En effet, dans ces affaires, le monopole de gestion accordé par les autorités néerlandaises aux fonds de pension sectoriels à affiliation obligatoire a, en dépit de ses effets restrictifs de la concurrence (il empêche les entreprises du secteur concerné de se tourner, par exemple, vers un assureur groupe), été jugé nécessaire au regard de la fonction sociale essentielle assumée par ces fonds dans le système néerlandais de pension (où la pension légale est relativement réduite).

Pour la CJCE, le risque existe, en effet, que la suppression du droit exclusif de gestion au profit des fonds sectoriels conduise les entreprises employant un personnel jeune et en bonne santé, et exerçant des activités non dangereuses, à rechercher des conditions d'assurance plus avantageuses auprès d'assureurs privés, ce qui laisserait aux fonds la gestion d'une part croissante de mauvais risques, provoquant ainsi une hausse du coût des pensions des travailleurs. La CJCE s'est, à cet égard, montrée réceptive au fait que les fonds concernés se trouvent soumis à une série de contraintes de fonctionnement ainsi qu'à un “degré élevé de solidarité” (indépendance des cotisations par rapport au risque; absence de sélection médicale des travailleurs candidats à l'affiliation; poursuite du financement de la pension complémentaire pendant les périodes d'incapacité de travail ou en cas de faillite de l'employeur; indexation des pensions), qui rendent leurs services moins compétitifs qu'un service comparable fourni par les assureurs [33], [34].

17.L'affaire “Coreva”, du nom de ce régime français de pension complémentaire pour travailleurs agricoles non salariés, montre cependant que la vérité d'un jour n'est pas forcément celle du lendemain. Initiée par un recours en annulation introduit devant le Conseil d'Etat français par la fédération des assureurs français (FFSA) et par deux assureurs vie français à l'encontre du monopole de gestion de ce régime, conféré par décret à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), cette affaire a donné à la CJCE l'occasion de préciser (arrêt du 16 novembre 1995 [35]) que ce régime ne peut, à défaut d'incarner le principe de solidarité sociale identifié dans l'arrêt Poucet et Pistre, être assimilé à un régime de sécurité sociale échappant à l'emprise des règles européennes de la concurrence [36], avant que la juridiction administrative française (arrêt du 8 novembre 1996) considère, nonobstant l'existence d'un certain nombre d'éléments de solidarité comparables à ceux rencontrés dans le fonctionnement des régimes néerlandais de pension sectorielle, qu'un tel monopole n'est pas justifié au regard de l'article 86, paragraphe 2 du Traité CE et est, de surcroît, constitutif d'une situation d'abus de position dominante au sens de l'article 82 du Traité CE [37].

B. Le poids grandissant de l'arsenal “anti-discrimination”

18.L'insertion, par le traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997, d'une base juridique ad hoc, à savoir l'article 13 du Traité CE, comme fondement possible d'actions législatives européennes en matière de lutte contre les discriminations s'est rapidement traduite, dès le début des années 2000, par un déferlement d'initiatives qui, elles aussi, conditionnent, chaque jour davantage, l'exercice des activités d'assurance [38].

19.Une directive du 29 juin 2000 [39], visant à lutter contre les discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique, a constitué, pour l'assurance en général comme pour bon nombre d'autres activités, le premier “ballon d'essai” de cette nouvelle politique européenne [40]. Relativement “indolore” pour l'assurance, cette avancée législative a rapidement été suivie, en ce qui concerne les assurances non liées au contexte professionnel, d'une initiative nettement plus controversée, ayant en point de mire le critère du sexe, qui s'est traduite par la directive 2004/113 du 13 décembre 2004 [41].

Tandis que la proposition initiale de la Commission européenne entendait catégoriquement prohiber à l'avenir l'usage du critère du sexe dans la fixation des primes et des prestations dans les assurances individuelles [42], cette directive a finalement consacré (art. 5) une solution de compromis en confirmant (§ 1) cette interdiction de principe pour les contrats conclus à compter du 21 décembre 2007 (date de l'expiration du délai imparti pour sa transposition dans les droits nationaux), tout en laissant aux Etats membres (§ 2) la faculté d'autoriser les assureurs, à la lumière de données actuarielles et statistiques pertinentes, à recourir à des facteurs distincts selon le sexe (faculté dite d'“opting out”).

Après avoir d'abord renoncé à cette faculté [43], le législateur belge s'est cependant ravisé, in extremis, en permettant aux assureurs vie - et à eux seuls - de continuer à appliquer des facteurs de calcul différenciés pour les femmes et pour les hommes (comme le prévoit la réglementation spécifique à l'assurance vie [44]), dès lors que le sexe apparaît déterminant dans l'évaluation des risques au vu de statistiques actuarielles pertinentes [45]. Le dossier est cependant loin d'avoir connu son épilogue. Depuis fin juin 2008, un recours tendant à l'annulation de cette option législative est, en effet, pendant devant la Cour constitutionnelle, laquelle a décidé, en juin 2009, de porter l'affaire devant la CJCE pour obtenir des éclaircissements sur la conformité de la clause d'opting out au principe de non-discrimination énoncé à l'article 6 paragraphe 2 du Traité sur l'Union européenne [46].

En tout état de cause, les frais liés à la grossesse et à la maternité ne peuvent dorénavant plus servir de prétexte, notamment dans les assurances soins de santé, à des différences tarifaires ou contractuelles en fonction du sexe de l'assuré [47].

20.Dans le même temps, une autre mesure de lutte contre les discriminations, qui intéresse à nouveau les assurances des particuliers, vient d'être mise sur la table, avec le dépôt par la Commission européenne, en juillet 2008, d'une proposition de directive ayant cette fois pour cible les discriminations fondées sur des motifs liés à la religion, aux convictions, au handicap, à l'âge ou à l'orientation sexuelle [48]. Dans sa version actuelle, le texte [49] n'entend cependant pas remettre en cause la possibilité d'opérer, en assurance, des “différences proportionnées de traitement” en fonction de l'âge ou d'un handicap, lorsque de tels facteurs s'avèrent déterminants pour l'évaluation du risque à la lumière de données actuarielles ou statistiques précises et pertinentes (art. 2 § 7 et considérant 15 de la proposition de directive). A l'inverse, il consacre explicitement la possibilité pour les Etats membres d'adopter ou de maintenir des mesures dites de “discrimination positive”, visant à compenser les désavantages liés à l'un ou l'autre des critères dont elle entend régir l'usage. Ici encore, l'on songe, par exemple, aux différentes mesures héritées de la loi du 20 juillet 2007 en vue de résoudre les difficultés particulières rencontrées, notamment, par les personnes souffrant d'un handicap (ou d'une maladie chronique) en matière de couverture d'assurance maladie privée [50].

21.Indépendamment du sort qui sera réservé par le pouvoir législatif européen à cette dernière initiative en date, l'on peut déjà observer que le législateur belge s'est, pour sa part, montré avant-gardiste, plus ambitieux ou plus sévère, selon le point de vue, puisque, depuis plusieurs années déjà, sont explicitement catalogués au rayon des critères “suspects” [51], dont l'usage est, le cas échéant, susceptible de soumettre les assureurs, notamment dans le domaine des assurances non liées à la sphère professionnelle, à l'obligation de démontrer l'existence d'une justification objective et raisonnable [52], non seulement les différents critères réglementés ou en passe de l'être au niveau européen [53], mais également des critères additionnels, tels que ceux relatifs à l'état civil, à la fortune, à l'état de santé actuel ou futur [54], à une caractéristique physique ou génétique [55] et à l'origine sociale.

Ainsi, dans une ordonnance du président du tribunal de commerce de Bruxelles du 7 mars 2005, c'est à l'aune de la législation belge “anti-discrimination” (à l'époque, la loi du 25 février 2003) qu'a été condamnée la pratique d'un assureur hospitalisation consistant à imposer unilatéralement, en cours de contrat, une augmentation de prime variant en fonction de l'âge de l'assuré [56].

22.Tenues à l'écart de la directive 2004/113 et de la dernière initiative européenne envisagée en matière de lutte contre les discriminations, les assurances liées au domaine du travail (assurances groupe ou collectives) ont, en réalité, été les premières à faire l'objet de l'intérêt du droit européen sous cet angle.

Le recours au critère du sexe y est, en effet, encadré de longue date, d'une part, par l'abondante jurisprudence européenne relative à l'article 141 du Traité CE (ex-art. 119 du Traité CE), qui pose le principe du traitement égal des sexes en matière de rémunération, et, d'autre part, par une directive du 24 juillet 1986, révisée en décembre 1996 [57]. Interdiction de recourir à ce critère lors de la définition des conditions d'affiliation à une assurance groupe ou d'accès à certaines prestations complémentaires (pension de survie, par exemple), de la fixation de l'âge ouvrant droit au versement de la retraite complémentaire et de la détermination du niveau de financement personnel du travailleur (cotisations personnelles), du niveau de la prestation garantie dans les régimes de type “but à atteindre” ou du niveau du financement patronal (allocations patronales) dans les régimes de type “contributions définies”; interdiction de “dissimuler” une discrimination sexiste sous une distinction entre travailleurs à temps plein et travailleurs à temps partiel: telles sont les principales prohibitions édictées à ce jour par l'action conjuguée du législateur européen et d'une vague jurisprudentielle amorcée par le célèbre arrêt Barber du 17 mai 1990 [58] et vouée à un enrichissement constant [59].

23.A cet imposant acquis communautaire en matière d'égalité des sexes [60], vient s'ajouter, pour les assurances liées à l'exercice d'une activité professionnelle, la directive du 27 novembre 2000 [61], qui pose le principe de l'interdiction des discriminations fondées sur des motifs liés à la religion, aux convictions, au handicap, à l'âge ou à l'orientation sexuelle [62]. Cette directive - dont l'initiative évoquée ci-dessus (n° 20) devrait, à terme, constituer le pendant pour la sphère non professionnelle - autorise toutefois (art. 6 § 2) le maintien de critères fondés sur l'âge dans la fixation des conditions d'affiliation à une assurance collective ou d'admissibilité aux prestations de retraite ou d'invalidité garanties par des assurances de cette nature, ainsi que dans les calculs actuariels servant à déterminer le montant des primes ou des prestations d'assurance [63].

24.Un survol du droit belge indique, ici encore, que le législateur national s'est, en réalité, montré à ce jour plus zélé que son homologue européen. En effet, outre un encadrement strict du recours au critère de l'état de santé [64], la loi sur les pensions complémentaires a, par un renvoi copieux à une série d'actes législatifs “anti-discrimination”, complété (art. 14) la liste des critères ciblés par le droit européen, par des critères tels que ceux liés à la durée du contrat de travail [65], à l'état civil [66] ou encore à l'origine sociale [67].

25.Au bout du compte, ce développement spectaculaire de l'action conjuguée des instances législatives européennes et nationales aboutit à faire peser sur les assureurs, telle une épée de Damoclès, la menace de devoir à tout moment rendre des comptes au principe d'égalité de traitement en cas d'adoption d'une décision commerciale (refus de couverture, exigence d'une vérification préalable à la souscription du contrat, imposition d'une surprime, d'une clause d'exclusion ou d'une limitation de garantie spécifique à l'assuré, majoration tarifaire, modification contractuelle) motivée par le recours à un facteur de risque figurant sur la liste des critères regardés avec circonspection par la loi.

Conclusions

26.Pas plus que n'importe quelle autre liberté, la liberté de commerce ne peut, en dépit du rôle fondamental qui lui est reconnu dans bon nombre de textes, y compris de rang constitutionnel, être conçue comme une liberté absolue. Ce postulat, qui semble couler de source et n'épargne a priori aucun secteur économique, ainsi que le confirme, par exemple, le récent arrêt de la CJCE du 2 avril 2009, Menarini e.a. [68], sur le contrôle des prix des médicaments, mérite sans doute d'être de temps à autre rappelé, comme la Cour constitutionnelle a jugé bon de le faire dans son arrêt du 4 mars 2008 à propos du système belge de bonus-malus en matière d'accidents du travail (point B.16.3).

27.Au nom du respect élémentaire dû à la loi en général - qu'il s'agisse du droit privé ou public de l'assurance, d'inspiration européenne ou nationale, ou encore du droit “périphérique” qu'incarnent des législations telles que celles sur les pratiques du commerce -, la liberté commerciale des assureurs doit s'arrêter là où les autorités publiques ont cru devoir la contrebalancer par des considérations d'intérêt général telles que la protection du consommateur, traditionnellement qualifié de partie faible au contrat, la protection sociale des victimes potentielles d'agissements dommageables, l'équilibre et la cohésion de la sécurité sociale, le principe d'égalité de traitement ou encore - comme l'illustre à nouveau l'affaire du bonus-malus en assurance accidents du travail - la lutte contre la concurrence déloyale entre entreprises d'un même secteur d'activité.

28.L'on ne peut toutefois s'empêcher de penser que, par l'effet de réflexes de sélection ou de segmentation parfois poussés à l'extrême sous la pression, il est vrai, d'une concurrence elle-même exacerbée par l'ouverture des marchés nationaux au milieu des années 1990, l'assurance privée éprouve de plus en plus de mal à se défaire d'une image éthiquement négative en vogue croissante auprès du monde politique et de l'opinion publique dans ce climat de méfiance généralisée à l'égard du monde financier. Le résultat en est qu'elle est aujourd'hui confrontée, tel un effet boomerang, à un retour de manivelle manifestement inspiré, dans le chef de certains décideurs, du désir d'aligner ses comportements sur le mode de fonctionnement d'un régime de sécurité sociale.

N'a-t-il pas été soutenu, lors des débats ayant précédé l'adoption de la directive 2004/113, que les régimes légaux de sécurité sociale fonctionnent sans difficulté sur la base de tarifs “unisexe” et qu'il n'y avait aucune raison de penser qu'il ne puisse en aller de même pour l'assurance privée? Un parallélisme n'a-t-il pas été tenté, au cours des discussions devant la CJCE dans la récente affaire italienne de l'assurance RC automobile, entre les assurances obligatoires et ces mêmes régimes, pour justifier que, à l'obligation de s'assurer, doit nécessairement correspondre un droit à l'assurance?

29.Au final, l'on s'aperçoit que, alors que, selon les discours incantatoires de l'époque, les directives sur le marché unique étaient censées extraire l'assurance, pour le plus grand bien de la libre concurrence et des consommateurs, des fourches caudines de rigidités réglementaires jugées obsolètes, l'histoire s'emploie, une fois de plus, à nous gratifier d'un mouvement de balancier dont elle est coutumière, à travers un basculement subreptice vers une ère où les assureurs, à l'instar de nombre d'autres professions, se voient de plus en plus contraints de naviguer à vue à travers des récifs juridiques sans cesse plus nombreux et imprévisibles. Qui sait, en effet, si, demain, d'autres critères ne viendront pas alourdir l'autel de la non-discrimination? Qui oserait jurer que le critère du sexe sera toujours toléré demain en assurance vie? La période expérimentale du droit à l'assurance pour les personnes handicapées ou les malades chroniques sera-t-elle prolongée? Le système belge du bonus-malus automobile est-il, comme le phénix, voué à renaître de ses cendres? La crise financière actuelle ne risque-t-elle pas de donner de la voix aux partisans du retour à un certain contrôle matériel des produits?

Dans le même temps, le regain de forme des valeurs de solidarité sociale aboutit au constat insolite que l'assurance privée se trouve parfois forcée de faire ce qu'elle ne voudrait pas nécessairement faire, tout en se voyant interdire de faire ce qu'elle souhaiterait faire et en ayant, de surcroît, à souffrir d'ingérences de plus en plus marquées d'organismes de sécurité sociale dans le champ de leurs activités commerciales. Lorsque la crainte d'un durcissement de la chasse aux discriminations et aux comportements commerciaux qui peuvent interpeller sur le plan éthique ou social, n'amène pas le secteur à prendre les devants par la voie de l'auto-discipline.

[1] L'auteur est référendaire à la Cour de justice de l'Union européenne. Les opinions exprimées dans cette contribution n'engagent que lui, et non l'institution dont il relève. L'auteur est également maître de conférences invité à l'Université catholique de Louvain.
[2] S'agissant de cette obligation générale, l'on songe, en droit belge, essentiellement à la législation sur le contrat d'assurance terrestre, aux législations ou réglementations spécifiques à certaines branches d'assurance (ainsi, sur le plan tarifaire, l'art. 22 de l'arrêté royal du 14 novembre 2003 relatif à l'activité d'assurance sur la vie (MB 14 novembre, err. MB 23 juillet 2004; ci-après l'“arrêté vie”) impose aux assureurs le respect de bases techniques de tarification) et à la législation de contrôle prudentiel (l'art. 21octies § 2 de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances (MB 29 juillet; ci-après la “loi de contrôle”) interdit la tarification à perte et l'art. 14 de l'arrêté royal du 22 février 1991 portant règlement général relatif au contrôle des entreprises d'assurance (MB 11 avril; ci-après le “règlement général de contrôle”) proscrit les clauses contractuelles qui sont de nature à porter atteinte à l'équivalence des engagements respectifs des parties). L'on pense aussi aux législations périphériques, telles que la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection des consommateurs (MB 29 août; ci-après “la loi sur les pratiques du commerce”), qui prohibe, notamment, les clauses abusives (art. 31 à 36). Sur l'interaction entre la législation de contrôle et la loi sur les pratiques du commerce, voy. la contribution très éclairante de M. Mathieu, “Les clauses abusives au regard de la réglementation de contrôle des entreprises d'assurance”, Forum de l'assurance, n° 93, avril 2009, pp. 65-69. Pour une illustration jurisprudentielle de cette complémentarité, voy., en assurance hospitalisation, Comm. Bruxelles (cess.) 16 juin 2003, Test-Achats / ING Insurance, RDC 2003, pp. 883-892, Test-Achats / Fortis AG, RDC 2003, pp. 893-899 et Test-Achats / DKV Belgium, RDC 2003, pp. 900-908 (sur ces ordonnances, voy. L. Kerzmann, “Du neuf en matière de clauses et de pratiques abusives en assurances de personnes - Commentaire des ordonnances ING, Fortis AG et DKV du 16 juin 2003”, DCCR 2004, pp. 39-68).
[3] En marge des développements qui vont suivre, il convient de mentionner le règlement n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L. 177, p. 6), qui a pris le relais de la Convention de Rome du 19 juin 1980. Ce règlement, qui a abrogé tacitement les règles de conflit de lois édictées par les directives sur les assurances, influe à sa façon sur la liberté contractuelle en encadrant, notamment dans le domaine des risques de masse, le choix de la loi applicable à un contrat d'assurance transfrontalier. Pour une présentation des règles applicables à l'assurance, voy., notamment, K. Bernauw, “De plaatsing van risico's bij extracommunautaire verzekeraars (partim privaatrechtelijk)” in Liber Amicorum Jean-Luc Fagnart, Louvain-la-Neuve - Anthemis, Bruxelles - Bruylant, 2008, pp. 78-80. Pour une présentation générale du contenu du nouveau règlement, voy., notamment, J. Erauw, “Aansprakelijkheid en contracten onder de nieuwe regels van internationaal privaatrecht (2009)”, Bull.ass. 2009, pp. 5-15; S. Francq, “Le règlement 'Rome I' sur la loi applicable aux obligations contractuelles - De quelques changements…”, Journ.dr.intern. 2009, pp. 41-69; H. Kenfack, “Le règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ('Rome I'), navire stable aux instruments efficaces de navigation?”, Journ.dr.intern. 2009, pp. 3-39; P. Lagarde et A. Tenenbaum, “De la convention de Rome au règlement Rome I”, Rev.crit.dr.intern. privé 2008, pp. 727-780; A. Lopez Tarruella Martinez, “International consumer contracts in the new Rome I-Regulation: how much does the regulation change?”, Revue européenne de droit de la consommation 2007-08, pp. 345 et s.; P. Wautelet, “Le nouveau droit européen des contrats internationaux” in Actualités de droit international privé, Collection Recyclage en droit du Centre des Facultés universitaires catholiques pour le recyclage en droit Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, pp. 3-65.
[4] Le système hérité de trois générations de directives adoptées entre 1973 et 1992 a été complètement repensé dans le cadre de la réforme “Solvabilité II”, définitivement approuvée en novembre 2009. Sur cette dernière, voy., notamment, nos “Chronique[s] de droit européen - Assurance et responsabilité”, RGAR 2006, n° 14.156, nos 3 à 6; 2008, n° 14.349, nos 3 à 5; voy. égal. P. Chasseloup de Chatillon, “Solvabilité II, une chance et un défi”, Revue du Marché Commun et de l'Union européenne 2006, pp. 125-129, et “La proposition de directive Solvabilité II - Accès aux activités de l'assurance directe et de la réassurance et leur exercice”, même revue, 2007, pp. 565-569; N. Kutzbach et P. Plas, “Insurance Solvency Requirements: A Fundamental Review Under Way”, Revue européenne de droit bancaire et financier (Euredia) 2003/4, pp. 641-653.
[5] Art. 6, 29 et 39 de la directive 92/49/CEE du 18 juin 1992 (JO L. 228, p. 1), pour l'assurance non-vie; art. 6, 34 et 45 de la directive 2002/83 (directive de refonte; JO L. 345, p. 1), pour l'assurance vie. Sur les motifs d'un tel choix politique, voy. notre contribution “Le principe de liberté tarifaire: une nouvelle nébuleuse dans le ciel européen de l'assurance” in Les paramètres de sélection des risques à l'aube du XXIème siècle, Dossier n° 10 du Bull.ass., 2004, pp. 9-10; voy. égal. H. Cousy et H. Claassens, “Ex post control of insurance in Belgium”, The Geneva Papers on Risk and Insurance janvier 1994, pp. 46-59; B. Dubuisson, “Le consommateur européen face au marché unique de l'assurance: mythes et réalités”, Bull.ass. 1992, pp. 416-417.
[6] Dans l'arrêt du 25 février 2003, Commission / Italie (C-59/01, Rec., p. I-1759), examiné ci-après (n° 6), la CJCE a précisé que l'application de cette exception implique de démontrer que le système en cause présente un caractère contraignant ainsi qu'un certain degré de généralité et d'homogénéité. En Belgique, il a été mis fin, en juillet 2005, à la procédure d'autorisation préalable (par le service fédéral de l'économie) des hausses de primes qui était de mise pour les assurances obligatoires, seules les assurances accidents du travail demeurant soumises à cette procédure.
[7] En droit belge, voy. l'art. 65 de la loi de contrôle et l'art. 16, § 1, 3°, sous a) du règlement général de contrôle.
[8] En droit belge, voy. l'art. 22 de l'arrêté vie et l'art. 16, § 1, 3°, sous b) du règlement général de contrôle.
[9] C-296/98, Rec., p. I-3025. Pour un commentaire de cet arrêt, voy., outre notre contribution “Le principe de liberté tarifaire…”, o.c., p. 12, T. Chellingsworth, “The obligation to notify model contracts to the authorities in the banking and insurance sectors”, Revue européenne de droit bancaire et financier (Euredia) 2000/3, pp. 365-377.
[10] Précité à la note de bas de page 6. Pour un commentaire de cet arrêt, voy., outre notre contribution “Le principe de liberté tarifaire…”, o.c., pp. 12-15, J. Palmero Zurdo, “La liberté tarifaire dans le domaine des assurances non-vie: l'arrêt de la Cour du 25 février 2003 dans l'affaire C-59/01, Commission / République italienne”, Revue européenne de droit bancaire et financier (Euredia) 2003/4.
[11] C-346/02, Rec., p. I-7517 et C-347/02, Rec., p. I-7557. Pour des commentaires de ces arrêts, voy., outre notre “Chronique de droit européen - Assurance et responsabilité (octobre 2003 - décembre 2004)”, RGAR 2005, n° 13.971, nos 17 à 20 et notre contribution “Le principe de liberté tarifaire…”, o.c., pp. 15-18, C. Berr, “Arrêt du 7 septembre 2004 (aff. C-347/02), Commission des Communautés européennes / République française (Le discutable système français de 'bonus-malus' sauvé par la Cour de justice)”, Rev.trim.dr.europ. 2004, pp. 735-744; F. Collon, JT 2004, p. 683 .
[12] Craignant de subir les foudres de la justice européenne, les autorités belges ont décidé d'abolir, à compter du 1er janvier 2004, le système obligatoire en vigueur dans notre pays. Mais des voix se sont récemment élevées en faveur de la réintroduction de ce système en assurance RC automobile (voy. la proposition de loi n° 52-1302 déposée à la Chambre des représentants en juillet 2008 en vue de rétablir ce système; sur cette initiative parlementaire, voy. l'avis de la Commission des assurances du 11 mai 2009 (pp. 7-9), disponible sur le site www.cbfa.be ).
[13] Arrêt n° 40/2008, publié au Bull.ass. 2008, pp. 279-286 avec observations L. Van Gossum.
[14] La Cour constitutionnelle a également rejeté l'argument pris d'une atteinte à la liberté de commerce et d'industrie, consacrée par l'art. 23 de la Constitution, en soulignant que cette liberté ne fait pas obstacle à des dispositions légales réglant, de manière appropriée et proportionnée, l'activité économique des assureurs.
[15] Dans ses observations écrites, le Conseil des ministres avait, à cet égard, lourdement insisté sur le fait que la mesure en cause vise surtout à réduire la concurrence déloyale entre les employeurs d'un même secteur (était essentiellement visé le secteur de la construction, en particulier la sous-branche de la démolition), en évitant que les employeurs les moins scrupuleux en termes de sécurité au travail spéculent sur la neutralisation du (sur)coût de leur imprévoyance aux frais de leurs concurrents plus vertueux.
[16] C-518/06, non encore publié au Recueil.
[17] Bien qu'il faille évidemment se garder d'extrapoler cette appréciation, faite dans le contexte particulier de la problématique de la non-assurance dans la branche RC automobile, il convient néanmoins de la rapprocher des discussions en cours sur l'opportunité d'une harmonisation européenne des systèmes de fonds de garantie en assurance, thème qui devrait prochainement être au centre d'un livre blanc de la Commission européenne.
[18] Art. 9bis à 9quinquies de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs (MB 8 décembre), introduits par une loi du 2 août 2002 (MB 30 août).
[19] Art. 68-9 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (MB 20 août; ci-après la “loi sur le contrat d'assurance”), introduit par une loi du 21 mai 2003 (MB 15 juillet). Ce bureau de tarification, dont la mise en place et les conditions de fonctionnement ont été précisées par un arrêté royal du 25 février 2006 (MB 1er mars), est flanqué d'une caisse de compensation des catastrophes naturelles (art. 68-10 de la loi sur le contrat d'assurance, inséré par une loi du 20 juillet 2006 (MB 28 juillet); arrêté royal du 8 décembre 2006 (MB 22 décembre)). Les tarifs et les conditions générales 2006 du bureau de tarification sont publiés au MB du 6 mars 2006.
[20] Loi du 20 juillet 2007 modifiant, en ce qui concerne les contrats privés d'assurance maladie, la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (MB 10 août; loi modifiée par une loi du 17 juin 2009 (MB 8 juillet)). Sur cette loi, voy., notamment, notre contribution “Actualités législatives et jurisprudentielles dans les assurances de personnes” in C. Paris et B. Dubuisson (dirs.), Actualités en droit des assurances, Collection Commission Université-Palais (CUP), Université de Liège, vol. 106, Liège, Anthemis, 2008, pp. 325-414; C. Devoet, “Les caractères de l'assurance maladie (privée)” in Liber Amicorum Jean-Luc Fagnart, Louvain-la-Neuve - Anthemis, Bruxelles - Bruylant, 2008, pp. 115-137. Une loi du 11 mai 2007 modifiant la loi du 6 août 1990 relative aux mutualités et aux unions nationales des mutualités (MB 31 mai) a introduit des mesures similaires à l'attention des mutualités actives dans le domaine de l'assurance complémentaire hospitalisation.
[21] Cette loi a ainsi introduit dans la loi sur le contrat d'assurance un art. 138bis-6, qui consacre, jusqu'au 30 juin 2011, le droit pour de telles personnes (pour autant qu'elles soient âgées de moins de 65 ans) à une assurance soins de santé à des conditions tarifaires “normales”, l'assureur étant cependant libre d'exclure de la couverture les coûts liés au handicap ou à la maladie chronique. Cette phase expérimentale devra faire l'objet, au plus tard le 1er janvier 2011, d'une évaluation conjointe du Centre fédéral d'expertise des soins de santé, d'Assuralia et des associations de patients, aux fins de déterminer par arrêté royal si la mesure est maintenue au-delà du 30 juin 2011.
[22] Ce droit, organisé aux art. 138bis-8 à 138bis-11 de la loi sur le contrat d'assurance, est étendu aux proches du travailleur (partenaire, enfants), y compris lorsque ceux-ci quittent le domicile familial. La poursuite de la couverture collective par une couverture individuelle est censée se faire en principe au tarif correspondant à l'âge de l'affilié au moment de ce “passage de témoin”, mais la loi encourage les affiliés qui voudraient échapper à une augmentation substantielle du niveau de leur prime à ce moment-là, à constituer une sorte de “réserve de vieillissement” en cours d'affiliation à travers le versement d'une prime complémentaire.
[23] Voy., au Sénat, la proposition de loi n° 4-43 visant à instaurer un service de base en matière d'assurances, notamment pour les assurances liées à un crédit hypothécaire. Voy. également, à la Chambre des représentants, la proposition de loi n° 52-823 qui recommande l'instauration d'un bureau de tarification en assurance vie pour permettre la couverture du risque décès des personnes présentant un profil de santé aggravé; la proposition de loi n° 52-1252 qui, en vue d'améliorer l'accès des personnes à risque (malades chroniques, personnes frappées par un cancer dans le passé…) à l'assurance solde restant dû, suggère, en s'inspirant des modèles français (“Convention Aeras”) et néerlandais (“Protocol verzekeringskeuringen 2003” et “Model gezondheidsverklaring 2004”), l'instauration d'un code de conduite professionnel, d'un questionnaire médical standardisé, d'un bureau de tarification et d'une caisse de compensation pour cette catégorie particulière d'assurance; la proposition de loi n° 52-1764 qui entend également lutter contre les difficultés d'accès à l'assurance solde restant dû, en invitant le secteur à résoudre ce problème par l'autorégulation et en suggérant, en cas d'échec, la création d'un bureau de tarification pour ce type d'assurances; la proposition de loi n° 52-1977 qui, en matière d'assurances solde restant dû, entend synthétiser les initiatives antérieures à la lumière des observations formulées par la Commission des assurances. Sur ces initiatives, voy. les avis de cette dernière des 22 janvier, 25 juin et 14 juillet 2009. Le second de ces avis se prononce également sur une initiative de l'association belge des assureurs (Assuralia) portant sur la création d'un bureau de tarification pour les assurances solde restant dû. En assurance hospitalisation, cette même association a récemment rédigé, à la demande du ministre en charge des assurances, un code de conduite, en vigueur depuis le 1er juillet 2009, qui prévoit que les assurés âgés de plus de 65 ans qui auraient mis un terme à leur contrat entre le 1er janvier 2008 et la date d'entrée en vigueur de ce code en raison d'une augmentation de prime, se voient proposer (avant le 30 septembre 2009) une couverture moins onéreuse et moins étendue, sans période d'attente et sans nouvel examen médical.
[24] A contre-courant de ce durcissement des conditions d'exercice de cette liberté, l'on mentionnera la condamnation, par l'arrêt de la CJCE du 23 avril 2009, VTB-VAB e.a. (C-261/07 et C-299/07, non encore publié au Recueil), des dispositions de la loi belge sur les pratiques du commerce (art. 54 à 57) interdisant en principe les offres conjointes, jugées contraires à la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales (JO L. 149, p. 22). Cet arrêt, qui appelle une révision de ce régime d'interdiction générale, pourrait aussi conduire à repenser certaines restrictions plus ciblées, telles que l'interdiction de contraindre à la souscription conjointe, auprès d'un même organisme ou groupe d'organismes, d'un contrat de crédit (hypothécaire ou à la consommation) et d'un contrat d'assurance (art. 6 § 2, 2ème al. de la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire (MB 19 août); art. 31 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation (MB 9 juillet)). Ainsi que le relève M. Dupont (“La Cour européenne de justice sonne le glas de l'interdiction des offres conjointes”, JT 2009, pp. 417-424 ), la directive 2005/29 (art. 3 § 9) réserve toutefois la possibilité aux Etats membres d'imposer, en matière de services financiers, des exigences plus strictes en la matière. L'arrêt présente aussi un intérêt pour les discussions actuelles sur des initiatives parlementaires proposant, pour résoudre les difficultés d'accès des jeunes à l'assurance RC automobile, d'autoriser les assureurs à présenter des offres conjointes d'assurance aux parents et à leurs adolescents (propositions de loi n° 52-748 et n° 52-1054 déposées à la Chambre des représentants; sur ces initiatives, voy. l'avis de la Commission des assurances du 11 mai 2009, pp. 11-12).
[25] C-159/91 et C-160/91, Rec., p. I-637.
[26] Arrêts de la CJCE du 26 mars 1996, C-238/94, Garcia e.a., Rec., p. I-1673; du 22 janvier 2002, C-218/00, Cisal, Rec., p. I-691; du 16 mars 2004, C-264/01, C-306/01, C-354/01 et C-355/01, AOK Bundesverband e.a., Rec., p. I-2493. Sur cette jurisprudence, voy., notamment, notre contribution “L'application du droit européen de la concurrence au secteur des assurances: une sévérité contenue”, Revue européenne de droit bancaire et financier (Euredia) 2003/4, pp. 532-539 et références doctrinales citées à la p. 534, en note de bas de page 4.
[27] C-350/07, non encore publié au Recueil.
[28] Arrêt n° 139/2008.
[29] Arrêt n° 23/92. Cet arrêt a conclu au rejet du recours en annulation partielle introduit par l'association belge des assureurs (à l'époque, l'UPEA), ainsi que par des assureurs belges actifs dans la branche assistance touristique, à l'encontre de la loi du 6 août 1990 relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités (MB 28 septembre), recours qui avait été motivé par le fait que ladite loi aurait étendu les activités des mutualités en les autorisant ainsi à concurrencer les assureurs privés sous le couvert d'une série d'avantages d'ordre technique, financier ou fiscal.
[30] Questionnée, dans le cadre d'un litige entre assureurs privés et mutuelles à la suite, cette fois, de l'intrusion de ces dernières sur le marché de l'assurance complémentaire hospitalisation, la Cour d'arbitrage avait, dans un arrêt préjudiciel rendu le 13 juillet 2001 sur demande du président du tribunal de commerce de Bruxelles, usé de considérations similaires pour exclure les assurances complémentaires offertes par les mutuelles de la qualification d'actes de commerce relevant de la loi sur les pratiques du commerce. La décision du juge de renvoi de déclarer, par suite de cette interprétation préjudicielle, irrecevable l'action en cessation des assureurs privés (ordonnance du 4 septembre 2002) a cependant été annulée par un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 23 mai 2003, qui a jugé que les mutuelles relèvent bien de cette législation pour leurs services d'assurance complémentaire, mais a écarté les griefs des assureurs privés visant à contester les conditions dans lesquelles ces mutuelles fournissent ce genre de services à leurs affiliés (exonération de la taxe sur les primes d'assurance; dispense de constitution de réserves techniques et d'une marge de solvabilité; absence d'assujettissement au contrôle de la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA)). Les assureurs privés se sont alors tournés vers la Commission européenne, laquelle a initié, en mai 2008, une procédure en constatation de manquement contre l'Etat belge, estimant que les exonérations d'ordre prudentiel dont jouissent les mutuelles, pour l'offre des services en cause, sont inconciliables avec les directives sur l'assurance. Un accord conclu en septembre 2008 entre mutualités et assureurs privés, qui prévoit un relatif alignement des règles applicables à ces deux catégories d'intervenants sur le marché de l'assurance hospitalisation, a cependant mis un terme au conflit, mais il doit encore être coulé en texte de loi pour clore définitivement le débat. Sur le contenu de l'accord, voy. W. Janssens, “Assurances Hospitalisation - Au chevet de l'accord historique mutualités - assureurs privés”, Le Monde de l'assurance, 16-31 mars 2009, pp. 19-21.
[31] A l'instar de la CJCE dans l'arrêt Kattner, la Cour constitutionnelle a, dans cette affaire, exclu une méconnaissance du critère de proportionnalité en relevant, notamment, que les dispositions litigieuses n'empêchent pas les assureurs privés de fournir des couvertures complémentaires à la couverture obligatoire. Elle a également écarté l'existence d'une violation du principe de non-discrimination prétendument liée à l'absence de disposition légale transitoire sur le sort des contrats d'assurance privés en cours et à l'obligation corrélative de résiliation immédiate de ces contrats dès l'entrée en vigueur de la couverture instaurée par la loi de mars 2007, relevant que cette solution légale est conforme à celle adoptée à l'époque pour la couverture des “gros risques” des travailleurs indépendants et que les assureurs ont disposé d'un délai de sept mois, entre la date de publication de la loi au Moniteur belge et l'entrée en vigueur de celle-ci, pour s'adapter à la réforme intervenue.
[32] C-67/96, Rec., p. I-5863; C-115/07 à C-117/07, Rec., p. I-6029; C-219/07, Rec., p. I-6125. Sur cette jurisprudence, voy., notamment, J.-M. Binon et H. Claassens, “La protection sociale complémentaire en droit européen: cadre général, acquis et questions pendantes” in C. Van Schoubroeck (éd.), La protection sociale complémentaire dans l'Union européenne - La problématique des pensions et des soins de santé/De aanvullende sociale voorzieningen in de Europese Unie - Pensioenen en gezondheidszorg, Antwerpen/Apeldoorn - Maklu, Louvain-la-Neuve - Academia-Bruylant, 2003, pp. 123-133; J.-B. Blaise et L. Idot, Chronique Concurrence (1999), Rev.trim.dr.europ. 2000, pp. 768-769; L. Gyselen, Common Market Law Review 2000, pp. 425-448; V.G. Hatzopoulos, “Do the Rules on Internal Market Affect National Health Care Systems?” in M. Mc Kee, E. Mossialos et R. Baeten (éds.), The Impact of EU Law on Health Care Systems, Presses Interuniversitaires Européennes, 2002, pp. 144-148; L. Idot, “Droit social et droit de la concurrence: confrontation ou cohabitation?”, Europe, Editions du Juris-Classeur, novembre 1999, pp. 4-8; A. Nijhenhuis, “The Application of EC Competition Law to Supplementary Pension Funds”, Revue européenne de droit bancaire et financier (Euredia) 2000/3, pp. 340-350; R. Van Den Bergh et P. Camesasca, “Irreconciliable Principles? The Court of Justice Exempts Collective Labour Agreements from the Wrath of Antitrust”, European Law Review 2000, pp. 492-508.
[33] L'on observera que la loi du 28 avril 2003 relative aux pensions complémentaires et au régime fiscal de celles-ci et de certains avantages complémentaires en matière de sécurité sociale (MB 15 mai; ci-après la “loi sur les pensions complémentaires”), s'inspirant du modèle néerlandais, a entendu encourager la prise d'engagements sectoriels de pension complémentaire, assortis d'éléments de solidarité en partie identiques à ceux qui caractérisent les fonds de pension néerlandais. Les deux premiers rapports bisannuels de la CBFA concernant les régimes de pension sectoriels (juillet 2007 et juillet 2009; disponibles sur le site www.cbfa.be ) font toutefois ressortir que, à la différence du marché néerlandais, ce sont, en Belgique, les assureurs qui, jusqu'ici, se sont vus confier la gestion de la toute grande majorité des régimes sectoriels de pension complémentaire.
[34] L'accès ou, du moins, le positionnement des assureurs dans un domaine d'activités donné peut aussi être compliqué par l'octroi d'avantages (techniques, financiers ou fiscaux) à d'autres organismes intervenant dans le même domaine. Voy., à cet égard, outre les dossiers évoqués dans les notes de bas de page 29 et 30, le litige survenu, en matière de pension complémentaire, entre l'association belge des assureurs et la caisse de prévoyance des médecins (arrêt n° 20/97 du 15 avril 1997) - litige qui a trouvé son épilogue dans la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 (MB 31 décembre; art. 41 à 82) -, ainsi que le différend intervenu entre les assureurs privés et les organismes publics dans le domaine de l'assurance-crédit à l'exportation (arrêts de la CJCE du 18 avril 1991, Assurances du crédit / Conseil et Commission (C-63/89, Rec., p. I-1799) et du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit (C-44/93, Rec., p. I-3829); communications de la Commission européenne relatives à l'application des règles en matière d'aides d'Etat à l'assurance crédit à l'exportation à court terme (JO 1997, C. 281, et JO 2001, C. 217); voy., à ce sujet, notre contribution “L'application du droit européen de la concurrence…”, o.c., pp. 579-582).
[35] Fédération française des sociétés d'assurance e.a., C-244/94, Rec., p. I-4013.
[36] Selon la description qui en a été faite à l'époque, le régime repose sur un financement par capitalisation, établissant un lien direct entre les cotisations et les prestations.
[37] Pour une présentation plus détaillée de cette affaire, voy., notamment, notre contribution “L'application du droit européen de la concurrence…”, o.c., pp. 534-535 ainsi que p. 574 et note de bas de page 92.
[38] Pour une présentation générale de cette problématique, voy., notamment, notre contribution “L'égalité de traitement en droit européen et ses applications à l'assurance: obligation morale ou croisade idéologique?”, JTDE 2005, pp. 231-237; voy. également Discriminatie in verzekering/Discrimination et assurance, C. Van Schoubroeck et H. Cousy (éds.), Anvers-Apeldoorn - Maklu, Louvain-la-Neuve - Academia-Bruylant, 294 p.
[39] Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique (JO L. 180, p. 22).
[40] Cette directive a été transposée en droit belge par la loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 25 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme (MB 17 mars). Partiellement invalidée par un arrêt de la Cour d'arbitrage du 6 octobre 2004 (arrêt n° 157/2004), cette loi a cédé le relais à la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination (MB 30 mai; ci-après la “loi contre certaines discriminations”). Voy., au sujet de la disposition abrogatoire (art. 51) de cette dernière loi, l'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 47/2008 du 4 mars 2008 (rejet du recours en annulation dirigé contre cette disposition).
[41] Directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (JO L. 373, p. 37).
[42] Sur cette proposition, voy. C. Van Schoubroeck et Y. Thiery, “Proposal for a Directive on sex discrmination: civil rights 'individualistic' tradition versus insurance 'group' tradition”, Revue européenne de droit bancaire et financier (Euredia) 2003/4, pp. 585-612. Pour des prises de position critiques sur cette initiative, voy. les contributions de J.-C. André-Dumont, de C. Paris et de W. Robijns dans le dossier n° 10 (2004) du Bull.ass. “Les paramètres de sélection des risques à l'aube du XXIème siècle”. Voy. également l'avis du 11 août 2004 de la Commission des assurances sur cette proposition de directive.
[43] Version originale de l'art. 10 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes (MB 30 mai; ci-après la “loi contre la discrimination fondée sur le sexe”). Cette loi transpose en droit belge, notamment, la directive 2004/113. Voy., à cet égard, le dossier du Bull.ass. (2007) “Discrimination, différenciation hommes/femmes et assurances”, 67 p. (avec des contributions de J.-L. Fagnart, de B. Weyts, d'Y. Thiery, de C. Paris et de P. Colle).
[44] Voy., actuellement, l'art. 24, § 5 et 6, et annexe I de l'arrêté vie.
[45] Art. 10 de la loi contre la discrimination fondée sur le sexe, tel que modifié par une loi du 21 décembre 2007 (MB 31 décembre).
[46] MB 24 juillet 2008. Sur l'évolution et les enjeux de ce débat, voy., notamment, Y. Thiery, ”Het gebruik van geslacht in verzekeringsovereenkomsten: is er leven na 21 december 2007”, RW 2008-09, pp. 346-359; L. Vereycken, “Loi anti-discrimination - Tarifs unisexes: dans quels cas?”, Life & Benefits, n° 2, février 2008, pp. 6-8.
[47] Art. 5 § 3 de la directive 2004/113 et art. 10 § 2 de la loi contre la discrimination fondée sur le sexe.
[48] Proposition de directive du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle (COM(2008)426 final). Cette initiative, approuvée avec amendements par le Parlement européen, est toujours en discussion au Conseil.
[49] L'art. 3 § 1, deuxième al. de la proposition de directive semble indiquer qu'elle a vocation à s'appliquer en faveur des particuliers uniquement dans la mesure où ceux-ci exercent une activité professionnelle ou commerciale. Le considérant 16 de la proposition de directive justifie, de manière discutable, cette restriction par la circonstance, que “[t]oute personne jouit de la liberté contractuelle, y compris de la liberté de choisir un cocontractant pour une transaction […]”. Dans ce même considérant, le législateur semble déduire de ce postulat que la directive “ne devrait pas s'appliquer aux transactions économiques réalisées par des particuliers pour lesquels ces transactions ne constituent pas une activité professionnelle ou commerciale”.
[50] Cette loi comporte en effet une série de mesures, s'écartant ostensiblement du droit commun des assurances, en faveur des personnes handicapées (ou atteintes d'une maladie chronique). Outre les deux mesures déjà exposées en relation avec le droit à une couverture individuelle d'assurance maladie privée (voy. supra, n° 11), elle consacre le principe de la durée à vie des contrats d'assurance maladie, avec interdiction pour l'assureur de résilier le contrat pour cause de survenance d'une maladie ou d'un handicap. Les causes de modification tarifaire ou contractuelle en cours de contrat sont sévèrement encadrées et ne peuvent plus être liées à la survenance d'une maladie ou d'un handicap. Une règle d'incontestabilité (immédiate ou différée, selon le cas) est consacrée en relation avec les omissions ou inexactitudes non intentionnelles concernant une affection ou une maladie préexistante. En assurance hospitalisation, le récent code de conduite établi par Assuralia (voy. supra, note de bas de page 23) envisage, de son côté, l'offre d'une “police d'assurance alternative” à l'attention particulière des assurés plus faibles (tels que les personnes âgées de plus de 65 ans et celles à faibles revenus) pénalisés par les augmentations de primes survenues depuis fin 2007 dans ce secteur.
[51] Voy. l'art. 3 de la loi contre certaines discriminations.
[52] Pour une étude des incidences de la législation “anti-discrimination” en matière d'assurance, voy., notamment, C. Devoet, “Assurance, différenciation et discrimination” in P. Wautelet (dir.), Le droit de la lutte contre la discrimination dans tous ses états, Collection Commission Université-Palais (CUP), Université de Liège, volume 108, Liège, Anthemis, 2009; L. Kerzmann, “Le droit des assurances à l'épreuve de la loi anti-discrimination” in S. Stijns et P. Wéry (éds.), La loi anti-discrimination et les contrats, Bruxelles, la Charte, 2006, pp. 69-109; J.-P. Legrand, “La loi du 25 février 2003 visant à lutter contre la discrimination”, Forum de l'assurance, n° 65, juin 2006, pp. 1-6; C. Van Schoubroeck et Y. Thiery, “Discriminatie en verzekering”, RW 2006-07, pp. 263-287.
[53] En outre, s'agissant du critère de l'âge, deux propositions de lois déposées à la Chambre des représentants visent, en marge du mécanisme du bureau de tarification automobile, à résoudre les difficultés d'accès des jeunes et des personnes âgées à l'assurance RC automobile (propositions de loi n° 52-0748 et n° 52-1054), à travers des mesures dont certaines ne sont pas sans rappeler celles récemment instaurées par la loi du 20 juillet 2007 en assurance maladie privée: droit des jeunes conducteurs à une assurance RC automobile à un tarif abordable; extension de la durée des contrats d'assurance; suppression de la possibilité de résilier le contrat après sinistre; encadrement du paramètre de l'âge dans la politique de tarification. Sur ces initiatives parlementaires, voy. l'avis de la Commission des assurances du 11 mai 2009 (pp. 9-12).
[54] Ces normes “anti-discrimination” s'entendent néanmoins sans préjudice de l'application de dispositions particulières, telles que celles relatives à l'information médicale dans les assurances de personnes (art. 95 de la loi sur le contrat d'assurance). S'agissant des critères liés au handicap ou à l'état de santé, une proposition de loi déposée au Sénat (doc. n° 4-1224/1) entend toutefois durcir le ton en interdisant purement et simplement aux assureurs (vie, RC familiale, accidents du travail, notamment) de tenir compte (sauf circonstances exceptionnelles) de ces éléments comme critères d'acceptation, de calcul de la prime ou de définition des conditions de couverture.
[55] L'interdiction pour l'assureur d'exiger la communication de données génétiques découle déjà des art. 5 et 95 de la loi sur le contrat d'assurance. Voy. également la proposition de loi n° 52-0823 déposée à la Chambre des représentants, qui entend, notamment, interdire à l'assureur de tenir compte, non seulement des caractéristiques génétiques, mais aussi des caractéristiques physiques du candidat à l'assurance (sur cette proposition de loi, voy. l'avis de la Commission des assurances du 22 janvier 2009).
[56] Comm. Bruxelles (cess.) 7 mars 2005, Test-Achats / DKV Belgium, JT 2005, pp. 382 et s., RDC 2005, pp. 675 -688 et note Y. Thiery, “Hospitalisatieverzekeraar op de discriminatiebühne terechtgewezen”. Pour une analyse de cette ordonnance et des réactions suscitées par celle-ci, voy. également J.-P. Legrand, o.c., pp. 3-5; C. Merla et E. Laeremans, “Assurance hospitalisation - Différenciation en fonction de l'âge: totalement interdit?”, Life & Benefits, n° 6, juin 2005, pp. 4-5. Cette ordonnance a été frappée d'appel. Voy. également, pour un cas antérieur à la première législation belge “anti-discrimination”, Bruxelles 18 septembre 2001 (www.juridat.be ), qui a condamné la décision d'un assureur hospitalisation d'appliquer, en cours de contrat, une augmentation tarifaire de l'ordre de 45% aux seuls assurés domiciliés dans l'une des 19 communes de la Région bruxelloise.
[57] Directive 86/378/CEE du Conseil du 24 juillet 1986 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale (JO L. 225, p. 40), telle que modifiée par la directive 96/97/CE du Conseil du 20 décembre 1996 (JO 1997, L. 46, p. 20). Ces directives, et bien d'autres, ont fait l'objet d'une refonte dans la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (JO L. 204, p. 23).
[58] C-262/88, Rec., p. I-1889. Pour une présentation générale de l'application du principe du traitement égal des sexes dans le domaine de la protection sociale complémentaire, voy., notamment, J.-M. Binon et H. Claassens, “La protection sociale complémentaire en droit européen…”, o.c., pp. 112-123 et les références jurisprudentielles et doctrinales citées aux notes de bas de page 194 à 235.
[59] Voy., à titre d'illustration, l'arrêt du 13 janvier 2005, Mayer (C-356/03, Rec., p. I-295), dans lequel la CJCE a condamné une réglementation nationale interdisant à une travailleuse d'acquérir des droits à pension complémentaire pendant un congé légal de maternité qui, tout en étant partiellement rémunéré par l'employeur, ne correspond pas à un revenu imposable dans le chef de cette travailleuse.
[60] Celui-ci se trouve reflété, en droit belge, à l'art. 14 de la loi sur les pensions complémentaires, ainsi qu'à l'art. 12 de la loi contre la discrimination fondée sur le sexe.
[61] Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (JO L. 303, p. 16). Cette directive fut, elle aussi, transposée à l'origine dans la loi du 25 février 2003, aujourd'hui remplacée par la loi contre certaines discriminations.
[62] Voy., à ce sujet, l'arrêt de la CJCE du 1er avril 2008, Maruko (C-267/06, Rec., p. I-1757), qui a jugé, dans un contexte de droit allemand, que la clause d'un régime professionnel de pension excluant du bénéfice de la pension de survie prévue pour le conjoint survivant, le partenaire de vie du travailleur décédé est de nature à traduire une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle (le partenariat de vie étant en effet réservé aux personnes du même sexe, ne pouvant de ce fait accéder à l'institution du mariage en Allemagne), dès lors que le législateur national a entendu aligner le régime du partenariat de vie sur celui du mariage, y compris en matière de sécurité sociale. Pour un commentaire de cet arrêt et de ses implications possibles dans l'ordre juridique belge, qui connaît une formule un peu semblable de partenariat, à savoir la cohabitation légale (loi du 23 novembre 1998), voy. P. Doyen, “Mariage, partenariat, cohabitation et compagnie”, Forum de l'assurance, mars 2009, pp. 45-49; L. Sommerijns, “Pensions complémentaires - les cohabitants légaux et les mariés doivent être traités de la même manière”, Life & Benefits, n° 5, mai 2009, pp. 6-8.
[63] En droit belge, voy., en ce sens, les art. 13, 1er al. et 27 § 1er de la loi sur les pensions complémentaires, ainsi que l'art. 12 de la loi contre certaines discriminations. Pour un état de la question, voy. L. Sommerijns, “Jurisprudence - Discrimination en fonction de l'âge: état des lieux”, Life & Benefits, n° 6, juin 2009, pp. 4-6. La pratique des clauses dites de “différence d'âge”, conduisant à refuser le bénéfice de la pension complémentaire de survie au conjoint survivant nettement plus jeune que le travailleur affilié décédé fut, pour sa part, au centre de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la CJCE du 23 septembre 2008, Bartsch (C-427/06, Rec., p. I-7245), mais des raisons liées, notamment, à l'antériorité du litige par rapport à la directive 2000/78 ont dispensé la juridiction européenne de se prononcer, au fond, sur la validité de telles clauses au regard de cette directive (sur cet arrêt, voy. A. Van Damme et I. De Somviele, “Discrimination en fonction de l'âge - L'arrêt Bartsch occasionne un véritable séisme”, Life & Benefits, n° 10, décembre 2008, pp. 3-5).
[64] Art. 13, 3ème al. de la loi sur les pensions complémentaires.
[65] L'art. 14 de la loi sur les pensions complémentaires renvoie à la loi du 5 juin 2002 sur le principe de non-discrimination en faveur des travailleurs avec un contrat à durée déterminée (MB 26 juin), laquelle transpose en droit interne la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L. 175, p. 43).
[66] Ainsi, le fait d'écarter, en assurance groupe, le cohabitant légal survivant du bénéfice d'une couverture décès prévue pour le conjoint survivant, ne tombera pas, à la différence du cas de figure ayant donné lieu à l'arrêt Maruko (partenariat de vie allemand), sous le coup de l'interdiction des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle (laquelle figure parmi les critères visés par la directive 2000/78), la cohabitation légale pouvant, en effet, concerner des personnes de sexe opposé, mais il pose question au regard du critère de l'état civil, lequel, s'il n'est, à ce jour, pas appréhendé par le droit européen, l'est, en revanche, par la législation belge.
[67] Sur les multiples implications des normes anti-discrimination sur les régimes belges de pension complémentaire, voy. l'avis n° 30 du 9 juin 2009 de la commission des pensions complémentaires (disponible sur le site www.cbfa.be ).
[68] C-352/07 à C-356/07, C-365/07 à C-367/07 et C-400/07, non encore publiés au Recueil.