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Contentieux des OPA: recevabilité de l'action individuelle, pouvoir de dérogation de la CBFA – Contrôle et action de concert visant à maintenir ce contrôle, R.D.C.-T.B.H., 2010/10, p. 1003-1020

DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - Recours en droits subjectifs - Recours objectif contre une décision de la CBFA - Jonction des causes - Recours en droits subjectifs devenu sans objet en raison du rejet du recours en droit objectif
Une première requête en droits subjectifs, tendant à entendre condamner deux sociétés au lancement d'une OPA, a été introduite sur pied de l'article 41 de la loi du 1er avril 2007 (contentieux en droits subjectifs). La CBFA a ensuite prononcé une injonction à l'encontre de ces deux sociétés en vue du lancement d'une OPA (décision administrative). Deux requêtes en suspension et en annulation de cette injonction ont été introduites par ces deux sociétés, sur pied de l'article 121 de la loi du 2 août 2002 (contentieux objectif). Les demandes dans ces trois causes présentent un lien suffisamment étroit pour qu'elles soient traitées ensemble.
Par la jonction des trois procédures initiées séparément, toutes les parties à ces causes sont présentes dans une même procédure et par rapport à tous les chefs de demandes.
En raison de la décision de la cour d'appel de déclarer non fondés les recours contre la décision de la CBFA, le recours individuel en droits subjectifs est devenu sans objet, sauf en ce qui concerne son extension à la contestation des modalités de la décision de la CBFA.
DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - Recours contre une décision de dérogation de la CBFA - Recevabilité - Délai de quinze jours - Inopérant dans le cadre d'un recours en droits subjectifs introduit valablement avant l'octroi de la dérogation
Lorsqu'un recours en droits subjectifs et un recours contre une décision postérieure de la CBFA ont été joints, la discussion relative à la recevabilité des chefs de demandes formulées par l'auteur du recours en droits subjectifs à l'encontre de la décision de la CBFA est dépourvue d'intérêts. Les chefs de demandes relatifs aux modalités de l'offre forment une extension de sa demande faite dans le respect de l'article 807 du Code judiciaire et sont dès lors recevables.
PROCEDURE JUDICIAIRE
Instruction de la cause - Jugement de la cause - Réouverture des débats - Fait nouveau provoqué par la partie demanderesse - Pas de 'découverte' au sens de l'article 772 du Code judiciaire
La notion de 'découverte' employée par l'article 772 du Code judiciaire implique que la partie demanderesse d'une réouverture des débats ait trouvé ce qui était caché, inconnu ou ignoré. Dès lors, un fait ou un acte provoqué par la demanderesse durant le délibéré, fût-il même de nature à rendre le litige sans objet, empêche qu'il y ait découverte au sens de l'article 772 du Code judiciaire.
CBFA
Compétences - Recours contre une décision de la CBFA (art. 121 loi du 2 août 2002) - Dossier de la procédure de la CBFA - Composition - Secret professionnel de la CBFA (art. 74 loi du 2 août 2002) - Exception - Communication dans le cadre d'un recours administratif ou juridictionnel - Non obligatoire pour la CBFA sauf preuve d'un rapport manifestement déraisonnable entre protection de la confidentialité et droits de la défense - Charge de la preuve - Conditions d'accès aux informations confidentielles
L'article 121, § 4, de la loi du 2 août 2002 impose à la CBFA de transmettre au greffe de la cour le dossier de la procédure. Ledit dossier doit comprendre tous les documents nécessaires en vue de l'exercice par la cour d'appel de sa pleine juridiction.
L'article 74 de la loi du 2 août 2002, qui énonce le principe du secret professionnel de la CBFA, permet la communication d'informations confidentielles dans le cadre de recours administratifs ou juridictionnels contre des décisions de la CBFA mais n'oblige pas la CBFA à communiquer de pareilles informations.
La CBFA, en vue de sa mission spécifique et des principes de bonne administration (le principe de légitime confiance), ne peut être contrainte à dévoiler des informations obtenues de tiers sous le bénéfice de la confidence. Seul le rapport manifestement déraisonnable entre la protection du caractère confidentiel d'une information et son effet restrictif sur les droits de la défense au détriment de ceux-ci, pourrait justifier d'enjoindre la CBFA de dévoiler une pièce confidentielle, dans la mesure où celle-ci sert de fondement à la décision attaquée et pour autant que des conditions d'accès puissent être organisées de telle sorte que le contenu confidentiel ne soit pas divulgué dans le public. Il revient au demandeur de démontrer qu'un tel rapport déraisonnable est présent.
CBFA
Compétences - Caractère lié du pouvoir de la CBFA - Loi du 1er avril 2007, article 5
La compétence de la CBFA en application de l'article 5 de la loi du 1er avril 2007 relative aux offres publiques d'acquisition et de l'article 50 de son arrêté d'exécution du 27 avril 2007 est entièrement liée. La CBFA ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire en ce qui concerne les conditions d'application de ces dispositions. Le fait pour la CBFA de pouvoir accorder des dérogations dans certains cas ne dément pas en soi le caractère lié de la compétence de la CBFA.
DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - Loi du 1er avril 2007, article 5 et article 35, § 1er - Octroi d'une dérogation par la CBFA après la naissance de droits subjectifs - Validité - Contrôle juridictionnel
L'introduction d'un recours en droits subjectifs dans le cadre duquel un investisseur sollicite le lancement d'une OPA obligatoire n'a pas fait naître dans son chef un droit acquis à une telle OPA, même si ce recours est antérieur à la dérogation accordée par la CBFA.
La CBFA ne viole pas la règle de la non-rétroactivité des actes administratifs en accordant une dérogation dans le cadre de l'exercice de son contrôle ex post. En l'espèce, la cour juge que la CBFA justifie légalement sa décision de dérogation, à la lumière du traitement équivalent visé à l'article 9, 1° de la loi du 1er avril 2007.
DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - Loi du 1er avril 2007, article 5 - Franchissement du seuil de 30% - Parts bénéficiaires
L'obligation de lancer une OPA naît seulement du franchissement du seuil de 30% par la voie de l'acquisition de titres avec droits de vote. La notion d'acquisition comprend toute opération entraînant un transfert de titres avec droits de vote. L'acquisition d'une option sur titres n'équivaut pas à une acquisition de titres. Les parts bénéficiaires sont à prendre en considération pour autant que les statuts leur confèrent le droit de vote aux assemblées générales ordinaires.
SOCIETES
Principes généraux - Contrôle et groupes de sociétés - Contrôle de sociétés - Notion - Contrôle de fait
Un contrôle de fait, au contraire d'un contrôle de droit, est par essence précaire. Il suffit qu'il soit organisé de manière consciente et durable et ne soit pas seulement accidentel ou essentiellement provisoire. Un contrôle de fait suppose une certaine continuité mais n'implique pas une stabilité à l'abri de toute menace.
DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - OPA - Action de concert - Accord - Nature - Objectif prépondérant
Le 'concert' exige l'existence d'une 'coopération' sur la base d'un 'accord'. En adoptant la notion spécifique d'accord, le législateur s'est éloigné de la notion classique de contrat. Les transactions ou pratiques satellites qui entourent un accord formel peuvent être l'expression d'un accord tacite dépassant et complétant l'objectif exprimé ou implicite de l'accord écrit de base. Il y a lieu de prendre en considération le complexe consensuel dans son ensemble.
En l'espèce, l'économie réelle de cet ensemble a permis à la cour de constater que les parties ont été animées par une volonté de coopérer avec comme objectif prépondérant, implicite mais certain, le maintien de l'influence décisive d'un actionnaire au sein de la société visée par le biais de la prolongation d'une option d'achat en sa faveur.
DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - OPA - Action de concert visant à maintenir le contrôle - Présomption - Option d'achat
Pour des tiers, la preuve d'une action de concert visant à maintenir le contrôle peut être apportée par toutes voies de droit et peut résulter notamment de présomptions (art. 1353 C.civ.).
La poursuite d'intérêts spécifiques et légitimes n'exclut pas l'intention de coopérer au maintien du contrôle sur la société visée. A défaut de démontrer qu'il s'agit d'une transaction normale qui pourrait susciter l'intérêt de tiers indépendants pour un motif d'investissement, s'il est établi que celui qui a apporté son concours avait tout intérêt à coopérer au maintien du contrôle au sein de la société visée, cette transaction pourra être constitutive d'une action de concert.
La présomption de l'existence d'une action de concert est renforcée notamment par les indices suivants: la relation personnelle de confiance et de loyauté existant par ailleurs entre les parties, la rapidité exceptionnelle avec laquelle les transactions litigieuses assez complexes ont été conclues, la communauté d'intérêts entre les parties et le financement accordé par le détenteur du contrôle à celui qui a accepté de conclure avec lui les transactions litigieuses.
Bien qu'en soi l'existence ou l'obtention d'une option d'achat sur des titres ne déclenche pas l'obligation de lancer une OPA, le fait de se voir accorder une telle option peut viser, dans certaines circonstances, le maintien d'un contrôle de fait par la possibilité que cette option implique de transformer un contrôle de fait précaire en un contrôle de fait renforcé ou en un contrôle de droit.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - Rechtsmiddel ter bewaring van subjectieve rechten - Rechtsmiddel ter bewaring van objectieve rechten tegen een beslissing van de CBFA - Samenvoeging van zaken - Rechtsmiddel ter bewaring van subjectieve rechten zonder voorwerp ingevolge verwerping van rechtsmiddel ter bewaring van objectieve rechten
Een eerste verzoek ter bewaring van subjectieve rechten, ten einde twee vennootschappen te horen veroordelen tot het uitbrengen van een OBA, werd ingediend op basis van artikel 41 van de wet van 1 april 2007 (subjectief contentieux). De CBFA heeft vervolgens een gerechtelijk bevel uitgevaardigd tegen die twee vennootschappen om een OBA uit te brengen (administratieve beslissing). Beide vennootschappen hebben een verzoek tot schorsing en een verzoek tot vernietiging van dat gerechtelijk bevel ingediend op grond van artikel 121 van de wet van 2 augustus 2002 (objectief contentieux). De vorderingen in deze drie zaken vertonen voldoende samenhang om samen te worden behandeld.
Door de samenvoeging van de drie afzonderlijk ingeleide procedures zijn alle partijen bij die zaken vertegenwoordigd in eenzelfde procedure en met betrekking tot alle vorderingen.
Vanwege de beslissing van het hof van beroep om de beroepen tegen de beslissing van de CBFA ongegrond te verklaren, is het individueel subjectief beroep zonder voorwerp geworden, behalve wat betreft diens uitbreiding tot de bezwaren tegen de modaliteiten van de beslissing van de CBFA.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - Beroep tegen een beslissing tot afwijking van de CBFA - Ontvankelijkheid - Termijn van vijftien dagen - Zonder uitwerking in het kader van een rechtsmiddel ter bewaring van subjectieve rechten geldig ingediend vóór de toekenning van de afwijking
Wanneer een rechtsmiddel ter bewaring van een subjectief recht en een rechtsmiddel tegen een latere beslissing van de CBFA zijn samengevoegd, is de discussie over de ontvankelijkheid van de vorderingen ingesteld door de eiser van het rechtsmiddel ter bewaring van een subjectief recht tegen de beslissing van het CBFA zonder belang. De vorderingen met betrekking tot de modaliteiten van het bod vormen een uitbreiding van de vordering overeenkomstig artikel 807 van het Gerechtelijk Wetboek en zijn derhalve ontvankelijk.
RECHTSPLEGING
Behandeling van de zaak - Berechting - Heropening van het debat - Verzoek tot heropening der debatten - Nieuw feit door toedoen van de verzoeker - Geen 'ontdekking' in de zin van artikel 772 van het Gerechtelijk Wetboek
Het begrip 'ontdekking', zoals gebruikt in artikel 772 van het Gerechtelijk Wetboek veronderstelt dat degene die de heropening der debatten vraagt, een verborgen, onbekend of miskend feit heeft ontdekt. Bijgevolg zal een feit of een handeling dat tijdens de debatten is uitgelokt door de verzoeker, zelfs indien van dien aard dat hierdoor het geschil zonder voorwerp zou worden, beletten dat er sprake zou zijn van ontdekking in de zin van artikel 772 van het Gerechtelijk Wetboek.
CBFA
Bevoegdheden - Beroep tegen een beslissing van de CBFA (art. 121 van de wet van 2 augustus 2002) - Dossier met de stukken van de CBFA - Samenstelling - Beroepsgeheim van de CBFA (art. 74 van de wet van 2 augustus 2002) - Uitzondering - Mededeling in het kader van een administratief of jurisdictioneel beroep - Geen verplichting voor de CBFA in afwezigheid van bewijs van een manifest onredelijke verhouding tussen de bescherming van de vertrouwelijkheid en de rechten van verdediging - Bewijslast - Voorwaarden voor de toegang tot vertrouwelijke informatie
Artikel 121, § 4, van de wet van 2 augustus 2002 verplicht de CBFA om het dossier met de stukken over te zenden aan de griffie van het hof. Dit dossier moet alle documenten bevatten die noodzakelijk zijn voor de uitoefening door het hof van zijn volle rechtsmacht.
Artikel 74 van de wet van 2 augustus 2002, dat het beginsel van beroepsgeheim van de CBFA poneert, laat de mededeling van vertrouwelijke informatie in het kader van administratieve of jurisdictionele beroepen tegen beslissingen van de CBFA toe, maar legt aan de CBFA niet de verplichting op dergelijke informatie mee te delen.
Gelet op haar specifieke missie en de beginselen van behoorlijk bestuur (het gewettigd vertrouwensbeginsel), mag de CBFA niet verplicht worden informatie die zij van derden in vertrouwelijkheid heeft verkregen te onthullen. Enkel de manifest onredelijke verhouding tussen de bescherming van het vertrouwelijk karakter van informatie en het beperkend effect hiervan ten nadele van de rechten van verdediging, zou de verplichting van de CBFA om een vertrouwelijk stuk te onthullen, kunnen rechtvaardigen in de mate dat dit stuk aan de grondslag ligt van de betwiste beslissing en voor zover de toegang tot die informatie zo kan worden georganiseerd dat de vertrouwelijke inhoud niet wordt onthuld aan het publiek. Het komt toe aan de verzoeker om aan te tonen dat dergelijke onredelijke verhouding aanwezig is.
CBFA
Bevoegdheid - Gebonden karakter van de bevoegdheid van de CBFA - Wet van 1 april 2007, artikel 5
De bevoegdheid van de CBFA bij de toepassing van artikel 5 van de wet van 1 april 2007 betreffende de openbare overnamebiedingen en bij toepassing van artikel 50 van het uitvoeringsbesluit van 27 april 2007 is volledig gebonden. De CBFA beschikt niet over een discretionaire beoordelingsbevoegdheid wat betreft de toepassingsvoorwaarden van die bepalingen. Het feit dat de CBFA in bepaalde gevallen afwijkingen kan toestaan doet op zich geen afbreuk aan het gebonden karakter van de bevoegdheid van de CBFA.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - Wet van 1 april 2007, artikel 5 en artikel 35, § 1 - Toekenning van een afwijking door de CBFA na het ontstaan van subjectieve rechten - Geldigheid - Rechterlijke controle
De instelling van een rechtsmiddel ter bewaring van subjectieve rechten in het kader waarvan een investeerder verzoekt om het uitbrengen van een verplicht OBA doet in diens hoofde geen verworven recht op die OBA ontstaan, zelfs indien het beroep is ingesteld voordat de afwijking is toegekend door de CBFA.
Door het toekennen van een afwijking in het kader van de uitoefening van haar controle ex post schendt de CBFA het beginsel van niet-retroactiviteit van administratieve handelingen niet. In casu oordeelt de rechter dat de CBFA haar beslissing tot toekenning van een afwijking wettig rechtvaardigt in het licht van de gelijkwaardige behandeling beoogd in artikel 9, 1° van de wet van 1 april 2007.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - Wet van 1 april 2007, artikel 5 - Overschrijding van de drempel van 30% - Winstbewijzen
De verplichting om een OBA uit te brengen vloeit uitsluitend voort uit de overschrijding van de drempel van 30% door de verwerving van effecten met stemrecht. 'Verwerving' omvat elke transactie die een overdracht van effecten met stemrecht met zich brengt. De verwerving van een optie op effecten is niet gelijkwaardig aan een verwerving van effecten. Winstbewijzen komen in aanmerking voor zover de statuten er stemrecht op de gewone algemene vergaderingen aan verbinden.
VENNOOTSCHAPPEN
Algemene beginselen - Controle en vennootschapsgroepen - Controle over een vennootschap - Begrip - Controle in feite
Een controle in feite is in tegenstelling tot een controle in rechte per definitie precair. Het volstaat dat de controle bewust en op duurzame wijze is georganiseerd en niet louter toevallig of wezenlijk voorlopig. Een controle in feite veronderstelt een zekere continuïteit, maar hoeft niet bestand te zijn tegen elk mogelijk risico.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - OBA - Onderling afgestemde gedraging - Akkoord - Aard - Overwegend doel
Het 'onderling afstemmen' vereist het bestaan van een 'samenwerking' op basis van een 'akkoord'. Door het gebruik van het specifiek begrip 'akkoord' wijkt de wetgever af van het klassiek begrip 'contract'. De omringende transacties en praktijken die een formeel akkoord omsluiten kunnen een stilzwijgend akkoord uitdrukken die het uitgedrukt of impliciet doel van het geschreven akkoord overstijgen of vervolledigen. Het consensueel geheel dient in zijn totaliteit te worden beschouwd.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - OBA - Onderling afgestemde gedraging dat ertoe strekt de controle te behouden - Vermoeden - Aankoopoptie
Derden kunnen onderling afgestemde gedragingen die ertoe strekken de controle te behouden, bewijzen met alle middelen van recht met inbegrip van vermoedens (art. 1353 BW).
Het nastreven van specifieke en legitieme belangen sluit de intentie om samen te werken teneinde de controle van de geviseerde vennootschap te bewaren, niet uit. Wanneer niet kan worden aangetoond dat het gaat om een normale transactie die in hoofde van onafhankelijke derden een interesse om te investeren zou kunnen opwekken en wanneer vaststaat dat degene die zijn medewerking heeft verleend alle belang had om samen te werken teneinde de controle van de geviseerde vennootschap te behouden, kan deze transactie beschouwd worden als onderling afgestemd gedrag.
Het vermoeden dat er sprake is van onderling afgestemd gedrag wordt versterkt door de volgende aanwijzingen: de persoonlijke vertrouwens- en loyaliteitsrelatie die bovendien bestaat tussen de partijen, de uitzonderlijke snelheid waarmee de betwiste complexe transacties werden afgesloten, de overeenstemmende belangen van de partijen en de financiering die is toegekend door de controlehouder aan de persoon die heeft aanvaard om met hem de betwiste transacties te sluiten.
Hoewel het bestaan of de verwerving van een aankoopoptie op effecten op zich geen aanleiding geeft tot de verplichting om een OBA uit te brengen, kan het feit dat men zich dergelijke optie ziet toekennen, in bepaalde gevallen, het behoud van de controle in feite beogen vanwege de mogelijkheid dat die optie tot gevolg heeft dat een precaire controle in feite wordt omgezet in een versterkte controle in feite of een controle in rechte.
Contentieux des OPA: recevabilité de l'action individuelle, pouvoir de dérogation de la CBFA - Contrôle et action de concert visant à maintenir ce contrôle
Jean-Marc Gollier [1]
I. Introduction

1.L'arrêt IBT est riche d'enseignements. Peut-être est-ce pour cela que la cour d'appel de Bruxelles a refusé de rouvrir les débats lorsque les principaux protagonistes ont voulu lui faire part, après la mise en délibéré, du dépôt d'un dossier d'OPA entre les mains de la CBFA [2]. Par ce projet d'OPA, ces protagonistes se conformaient à l'injonction qu'avait prononcée la CBFA à leur encontre, ce qui rendait l'instance quasiment sans objet. Curieusement, les seuls objets qui restaient à trancher par la cour d'appel (des précisions quant à certaines modalités de l'OPA) ont été renvoyés, par le dispositif de l'arrêt, à la CBFA.

Comme le relève un commentateur hollandais [3], il s'agit probablement de la première condamnation à une OPA obligatoire en Europe après la transposition de la directive OPA [4]. Il s'agit en tout cas d'un premier cas d'application judiciaire de l'article 5 de la loi du 1er avril 2007 relative aux offres publiques d'acquisition (ci-après la 'loi OPA'). L'arrêt consacre l'essentiel de ses développements à la démonstration de l'existence d'une action de concert visant au maintien d'un contrôle de fait. Mais avant d'examiner cette question de fond (III.B.), nous rappellerons les faits de l'affaire (II). Ensuite, avant d'examiner le fond, nous examinerons les questions de procédure et de pouvoirs - délais de recours, production du dossier administratif de la CBFA, pouvoir de dérogation de la CBFA - (III.A.). Après tout, nous conclurons (IV.).

II. Rappel des faits

2.IBT est une société anonyme de droit belge fondée en 1996 et cotée sur le marché réglementé d'Euronext à Bruxelles depuis 1997. C'est une société active dans le domaine de la médecine nucléaire (implants radioactifs pour le traitement de cancers).

Jusqu'en février 2008, la SRIW était l'actionnaire le plus important (5,56% des droits de vote), au côté des fondateurs (4,54% en termes de droits de votes attachés aux actions) et du fonds d'investissement Creafund II (3,60% des droits de vote). Outre les actions, la société avait émis un nombre important de parts bénéficiaires, dont 5.000.000 émises en faveur des fondateurs (soit 31,60% des droits de vote). Ces parts bénéficiaires (les 'parts bénéficiaires A') donnaient chacune droit à un vote en assemblée générale, au même titre que les actions, mais ne conféraient aucun droit patrimonial [5]. Pour le surplus, plus de 50% des actions étaient répandues dans le public.

Alors que le cours de l'action se situait entre 7 et 8 EUR en juillet 2007, il s'est soudainement effondré pour descendre en dessous de 4 EUR à partir de novembre 2007, en raison d'investissements nettement déficitaires, notamment aux Etats-Unis. Fin 2007, IBT se trouvait dans une situation financière critique et ne pouvait plus s'en sortir par ses propres moyens.

3.EZAG est une société de droit allemand dont l'activité est proche de celle d'IBT. Ses actions sont cotées à la Deutsche Börse depuis 1999. L'actionnaire le plus important d'EZAG est la société EWK, dont le seul actionnaire est le Dr. Andreas Eckert. EZAG détenait une filiale nommée BEBIG qui produit des implants et des équipements médicaux liés à cette technique de soins.

Fin 2007, début 2008, EZAG et IBT ont discuté d'une 'alliance' entre les deux groupes. Ces discussions se sont terminées par la décision d'EZAG de faire apport de sa filiale BEBIG à IBT moyennant certaines conditions. Cet accord a été formalisé dans un 'Share Contribution Agreement' entre notamment EZAG et IBT.

En exécution de cet accord, le capital d'IBT a été augmenté le 26 février 2008 par apport de BEBIG par EZAG à IBT. A l'issue de cette augmentation de capital, EZAG détenait 38,45% des actions IBT, mais seulement 29,89% des droits de vote - en raison des parts bénéficiaires existantes [6]. Les actions nouvelles ont été valorisées à 3,47 EUR l'unité, ce qui correspondait au cours de bourse de l'époque.

Parallèlement à la souscription à l'augmentation de capital d'IBT, EZAG s'est fait concéder par les fondateurs d'IBT une option d'achat librement cessible sur leurs 5.000.000 de parts bénéficiaires A (31,60% des droits de vote), option exerçable jusqu'au 31 décembre 2008. Cette option était concédée gratuitement. Le prix d'exercice de l'option était de 500.000 EUR plus 66.667 actions EZAG. L'option pouvait être prolongée pour dix ans moyennant le paiement d'un prix de prolongation de 779.000 EUR augmenté de la livraison de 107.335 actions EZAG. En cas de prolongation, les conditions d'exercice de l'option étaient inchangées, sauf qu'il ne fallait plus livrer d'actions EZAG lors de la levée de l'option. Aucune précision n'est donnée dans l'arrêt sur les paramètres de calcul du prix de cette option ni de sa prolongation. La seule chose qui était claire, c'est que le prix qui serait payé par EZAG représenterait le prix d'acquisition du contrôle de droit d'IBT [7], puisque les parts bénéficiaires ne donnaient accès à rien d'autre qu'au droit de vote, c'est-à-dire au pouvoir (voy. l'arrêt, n° 79).

Conformément au 'Share Contribution Agreement', cinq personnes présentées par EZAG ont été cooptés le 18 mars 2008 au conseil d'administration d'IBT, dont la personne qui devait occuper le poste de président, avec voix prépondérante (art. 18 des statuts d'IBT). Ce conseil d'administration était alors composé de 10 personnes. Des 5 personnes présentées par EZAG, 2 ont été nommées membres du comité exécutif. Ces deux personnes occupaient les postes clés de directeurs respectivement de la production et des ventes (le troisième et dernier membre du comité exécutif étant le responsable financier).

4.Dans le cadre des déclarations de transparence, EZAG a fait état de sa participation dans le capital d'IBT et a indiqué qu'elle détenait une option d'achat sur les 5.000.000 de parts bénéficiaires des fondateurs, ce qui, déclarait-t-elle, constituait une action de concert au sens de la loi du 2 mai 2007 relative à la publicité des participations importantes dans des émetteurs dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé et portant des dispositions diverses. Le rapport de gestion d'IBT pour l'année 2007, publié après ces transactions, fait état de ces développements et précise que si l'option est exercée, une OPA devra être réalisée par EZAG.

Par le jeu naturel des forces en présence et en raison de la complémentarité d'IBT et de BEBIG, une nouvelle politique a été mise en place pour gérer au mieux la nouvelle structure IBT-BEBIG. L'arrêt commenté note comme indices de ce changement qu'en juin 2008, la production d'implants en Belgique a été interrompue, que le siège social d'IBT a été déplacé [8] et que le centre opérationnel d'IBT a été déplacé en Allemagne. Ce rapprochement et les changements qui en ont résulté ont provoqué un vigoureux redressement de l'équilibre financier d'IBT, sans que le cours de bourse ne remonte de façon aussi remarquable.

5.A l'occasion d'une convention du 22 décembre 2008 intitulée 'Call and Put Option Agreement', EZAG a cédé à la société de droit allemand SMI son option d'achat des parts bénéficiaires A. Dans le cadre de cette convention, EZAG et SMI se sont concédées mutuellement une option respectivement d'achat et de vente portant sur les parts bénéficiaires A au prix de 750.000 EUR plus 66.667 actions EZAG. L'option d'achat d'EZAG sur SMI était exerçable à tout moment, tandis que l'option de vente de SMI n'était exerçable qu'à partir du 30 septembre 2011. Les options étaient valables jusqu'au 31 décembre 2014. Ces options croisées présupposaient que SMI allait exercer l'option d'achat initiale sur les fondateurs d'IBT au prix de 500.000 EUR plus 66.667 actions EZAG avant son expiration, le 31 décembre 2008, ce qui fut fait.

SMI est une société de droit allemand au capital d'1 EUR. Elle bénéficiait d'un financement de 500.000 EUR (garanti par un gage sur les parts bénéficiaires A d'IBT) et d'un prêt de 66.667 actions EZAG. Ce financement et ce prêt d'actions lui étaient concédés par la société EWK (actionnaire de contrôle d'EZAG). L'actionnaire unique de SMI, M. Frank Perschmann, était le principal dirigeant et actionnaire de la société BBO qui fournissait l'essentiel des services informatiques de BEBIG. M. Perschmann avait été membre du conseil de surveillance d'EZAG de juin 2003 à juin 2008 et était une connaissance personnelle du principal dirigeant et actionnaire d'EZAG, le Dr. Eckert. Certaines de ces circonstances particulières n'ont, semble-t-il, été révélées à la CBFA que tardivement.

Par ces transactions, EZAG voulait principalement retarder à moindre frais l'exercice de l'option d'achat sur les parts bénéficiaires A.

6.Une première action a été introduite devant la cour d'appel de Bruxelles le 13 février 2009 par Creafund. Creafund soutenait que les transactions entre EZAG et SMI étaient constitutives d'une action de concert impliquant le franchissement du seuil de 30%. En conséquence, estimait-elle, EZAG et SMI avaient l'obligation, aux termes de l'article 5 de la loi OPA, de lancer une OPA ou à tout le moins de racheter à Creafund ses actions IBT au prix de 3,47 EUR l'action augmenté des intérêts depuis la date à laquelle l'offre aurait dû être lancée.

Le 28 avril 2009, la CBFA a pris une première décision enjoignant EZAG et SMI de lancer une OPA sur les titres IBT encore dans le public au prix de 3,47 EUR l'action, étant le prix d'émission des nouvelles actions IBT lors de l'apport de BEBIG à IBT le 26 février 2008. En outre, et par dérogation à l'article 54, § 2, de l'arrêté royal du 27 avril 2007 relatif aux offres publiques d'acquisition, la CBFA autorisait EZAG à offrir à la place du montant en espèces de 3,47 EUR par action IBT des actions cotées EZAG ou “d'autres valeurs mobilières liquides admises à la négociation sur un marché réglementé”. Cette décision a fait l'objet d'un communiqué de presse de la CBFA le jour même. Cette décision a fait l'objet d'un recours en révision devant la CBFA. Ce recours a été rejeté par décision de la CBFA du 27 mai 2009 qui a répété l'injonction. Un recours a alors été introduit devant la cour d'appel respectivement par SMI et par EZAG les 29 mai et 3 juin 2009. Creafund est elle-même intervenue volontairement à ces deux causes le 22 juin 2009 en vue d'obtenir la confirmation de l'injonction mais la modification de la dérogation. L'affaire fut plaidée les 10 et 12 novembre 2009.

7.Les 29 et 30 décembre 2009, EZAG et SMI ont déposé une requête en réouverture des débats pour que la cour prenne en considération le fait qu'un prospectus d'OPA avait été déposé auprès de la CBFA en vue de lancer une OPA en espèces sur les titres IBT au prix de 3,64 EUR par action, soit 3,47 EUR augmenté de l'intérêt légal de 5,5% depuis la décision de la CBFA.

De fait, par un communiqué du 28 décembre 2009, la CBFA avait déclaré:

“En application de l'article 7 de l'arrêté royal du 27 avril 2007 relatif aux offres publiques d'acquisition, la Commission bancaire, financière et des assurances rend public l'avis dont elle a été saisie le 28 décembre 2009 conformément à l'article 5 du même arrêté, aux termes duquel les sociétés Eckert & Ziegler Strahlen- und Medizintechnik AG et SMI Steglitz MedInvest UG se proposent d'effectuer une offre publique d'acquisition inconditionnelle sur l'ensemble des actions, parts bénéficiaires B et warrants non détenus par elles de la société IBT SA au prix de 3,47 EUR par action.

Le prix qui sera payé sera de 3,64 EUR par action. Ce prix correspond au prix de 3,47 EUR comme déterminé dans le cadre des injonctions de la CBFA des 28 avril et 27 mai 2009, augmenté sur base de l'intérêt légal de 5,5%.”

8.Dans son arrêt du 19 janvier 2010, la cour d'appel de Bruxelles a joint le recours de Creafund contre EZAG et SMI et les recours d'EZAG et de SMI contre la décision d'injonction de la CBFA en raison de la connexité des causes. Elle a rejeté la demande de réouverture des débats. Elle a déclaré les recours d'EZAG et de SMI contre les décisions de la CBFA non fondés.

Elle a déclaré qu'en conséquence, le recours de Creafund n'avait plus d'objet sauf en ce qu'il réclamait une justification de la date de lancement de l'OPA et du rapport d'échange, si l'OPA avait lieu autrement qu'en espèces. Elle a ordonné que des explications soient données dans le prospectus à ce propos.

9.L'OPA fut réalisée aux conditions annoncées dans le communiqué de la CBFA à partir du 23 février 2010. A l'issue de cette OPA, la SRIW et une partie significative du public (plus de 17% des actions) ont conservé leurs titres, malgré un avis du conseil d'administration qui, selon une formule déjà entendue [9], jugeait l'offre 'pas généreuse mais équitable' et qui recommandait d'apporter les titres à l'offre. EZAG est devenue actionnaire à 72% d'IBT tandis que SMI a, jusqu'à présent, conservé ses parts bénéficiaires A.

Au moment d'écrire cette note, le titre (sous la dénomination IBT-BEBIG) est toujours coté en bourse, mais le cours fluctue à un niveau nettement inférieur au prix de l'OPA.

III. Observations
A. Questions de procédure et de pouvoirs
1. Le délai de 15 jours limitant la recevabilité de l'action individuelle dans le cadre de la loi OPA en cas de présomption d'action de concert

10.Aux termes de l'article 41, § 1er, de la loi OPA, “… toute demande qui a pour objet ou qui est susceptible d'avoir pour effet de provoquer l'ouverture d'une offre publique d'acquisition ou de modifier le résultat, les conditions ou le déroulement d'une telle offre, sont de la compétence exclusive de la cour d'appel de Bruxelles. …”. L'article 41, § 2, de la loi OPA énonce que: “A peine de déchéance, la demande est introduite dans un délai de 15 jours calendrier à compter de la date à laquelle le demandeur a pu prendre connaissance du fait fondant sa demande.”

Cette contrainte extrêmement stricte au niveau du délai d'introduction d'un recours judiciaire se comprend parfaitement dans le cadre de la contestation d'une procédure d'OPA en cours. Une procédure d'OPA perturbe en effet les mécanismes normaux de marchés. Elle ajoute à la confrontation instantanée des offres et des demandes de titres sur le marché secondaire et à la mobilité permanente des prix ainsi faits un prix unique et fixe d'OPA qui sera liquidé en une fois après la clôture de l'offre. Une telle substitution provoque le plus souvent [10], par un phénomène d'attraction [11], un remplacement de cette confrontation multipolaire par un mécanisme de prix unique comparable à celui du marché primaire [12]. C'est en raison de ces impératifs de marchés [13] que le législateur avait choisi de fixer tant pour l'introduction d'un tel recours que pour son instruction 'les délais les plus brefs possibles' [14].

11.Ce délai préfix de 15 jours avait été introduit par l'article 18ter de la loi du 2 mars 1989, inséré par la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers [15]. Il avait été accueilli avec réserves par une partie de la doctrine. Xavier Taton [16] se demandait s'il était justifié de soumettre “les titulaires de droit subjectifs en matière d'OPA à un régime exceptionnellement sévère, puisqu'il les frappe après un délai de 15 jours, d'une sanction encore plus draconienne que la prescription de leurs droits”. Alors que le délai ordinaire de prescription d'une action personnelle est de 5 ou 10 ans [17], elle se voit, en raison de soi-disant impératifs de célérité propres aux marchés financiers, limitée à 15 jours. Xavier Taton considérait qu'une “telle différence de traitement, et la limitation qu'elle apporte aux possibilités d'indemnisation des actionnaires dont les droits subjectifs sont méconnus, ne nous semble pas en rapport raisonnable de proportionnalité avec le but poursuivi par le législateur, qui est de limiter dans le temps les procédures contentieuses en matière d'OPA” [18]. D'autres auteurs nuancent justement cette appréciation en déclarant qu'“un délai de 15 jours n'est pas en soi critiquable, et peut se justifier par le souci d'éviter que le risque d'une action fondée sur un droit subjectif ne perturbe pendant un trop long laps de temps le déroulement d'une offre publique d'acquisition. Tout au plus peut-on s'interroger sur le point de savoir si, dans les hypothèses où un tel risque est exclu,…, un tel délai ne constituerait pas une restriction disproportionnée au droit d'accès à un juge” [19].

La fixation d'un délai préfix de 15 jours est d'autant plus problématique lorsque, comme dans le cas d'espèce, l'existence d'une infraction à la loi OPA ne résulte pas d'un fait clair et précis comme une déclaration ou une décision publique, mais d'un faisceau d'indices publics ou privés dont pourra résulter, le cas échéant après dû procès, une vérité judiciaire (vérité relative) ou administrative (vérité objective). Tout cela se combine fort mal avec la jurisprudence de la cour d'appel de Bruxelles, qui vaut encore aujourd'hui [20], selon laquelle “de termijn binnen dewelke het geding behoort te worden ingeleid moet getoetst worden aan een objectief gegeven, indien dit voorhanden is. Determinerend [is het ogenblik] waarop [de eiser] kennis kon en dan ook diende te krijgen. Dit is het geval waarin het feit ruime bekendheid is gegeven” [21] (c'est moi qui souligne).

12.Les présomptions sont les “conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu” (art. 1349 C.civ.). La conséquence est objective lorsqu'elle résulte de la loi. Elle ne peut être que subjective lorsqu'elle résulte de l'appréciation d'un magistrat. La preuve par présomption simple (art. 1353 C.civ.[22] est par hypothèse soumise à débat.

L'investisseur individuel qui croit déceler dans le comportement d'autres investisseurs un franchissement du seuil de 30% résultant de l'existence d'une action de concert au sens de la loi OPA ne pourra faire état devant le juge que de sa conviction de cette existence. Il tentera d'emporter la conviction du juge, tandis que ses adversaires feront tout pour empêcher que la conviction du juge soit ainsi remportée par le demandeur [23]. L'existence de l'action de concert (fait inconnu) ne pourra résulter que de la décision du juge.

13.Il résulte de tout ceci qu'en cas de contestation portant sur l'existence d'une action de concert emportant une obligation d'OPA, le délai de 15 jours pour introduire l'action devant la cour d'appel serait le plus souvent inopérant. Le “fait fondant la demande” (art. 41, § 2, de la loi OPA) n'aura souvent, au moment de l'introduction de l'action, pas de consistance objective suffisante, et sera précisément dénié par celui ou ceux qui sont cités devant la cour d'appel. Il s'agit par définition d'un fait 'inconnu', qui ne sera déclaré exister ou pas qu'en conséquence de la déduction que fera le juge à l'issue du débat sur les faits connus qui lui seront soumis par les parties.

En suivant ce raisonnement, il ne serait pas nécessaire au juge d'examiner la question de la nullité de ce délai en raison du caractère disproportionné de la restriction qu'il crée au droit d'accès à un juge (supra n° 11). Ce raisonnement reste cependant aléatoire (il y a bien des faits connus, mais il ne s'agit que d'indices). Un texte légal qui préciserait que le délai de 15 jours ne s'applique que pendant le déroulement d'une procédure d'OPA serait préférable pour la sécurité juridique et l'entretien du sentiment de justice, indispensable au maintien de la confiance dans le bon fonctionnement de nos marchés financiers.

14.En l'espèce, bien que l'argument d'irrecevabilité de la demande de Creafund en raison du dépassement du délai de 15 jours ait été invoqué parmi les moyens de défense, la cour d'appel ne l'a pas tranché. Le dispositif de l'arrêt indique que, du fait du rejet des recours en annulation contre les décisions de la CBFA qui avaient enjoint à EZAG et SMI de procéder à une OPA, le recours de Creafund n'avait plus d'objet sauf 'en ce qui concerne son extension', qui concernait les modalités de l'OPA bénéficiant de la dérogation accordée par la CBFA. Dans toute cette mesure, et en raison du fait qu'en ce que l'intervention de Creafund dans l'action d'EZAG et de SMI à l'encontre des décisions de la CBFA avait été réalisée plus de 15 jours après la publication de ces décisions (infra n° 26), pour être complète, la décision de la cour d'appel aurait dû rencontrer l'argument d'EZAG et de SMI qui contestaient la recevabilité de l'action initiale de Creafund.

15.Lorsque la CBFA prend, après l'introduction par un investisseur individuel d'une action judiciaire fondée sur l'article 5 de la loi OPA, une décision qui enjoint aux parties poursuivies de réaliser cette OPA - même si cette décision est assortie de dérogations, comme en l'espèce -, cette décision absorbe en fait la demande individuelle et l'étend à tous les porteurs de titres de la société cible, en sorte que l'éventuel défaut de cette demande individuelle devient sans objet, autant que la demande elle-même. Il en résulte que l'investisseur individuel aura toujours intérêt à tenir la CBFA étroitement informée de ses démarches. La CBFA est, en fait, dans ce cas, dans une sorte de compétition avec le pouvoir judiciaire [24].

16.Il faut dire aussi, mais c'est un détail de la procédure judiciaire, que la cour a rejeté la demande de réouverture des débats qui lui avait été soumise à la fin du mois de décembre 2009 par EZAG et SMI. Cette demande était fondée sur le fait nouveau que constituait le dépôt par ces parties auprès de la CBFA d'un dossier d'OPA inconditionnelle au prix de 3,64 EUR l'action, dépôt qui avait de suite fait l'objet d'un avis d'OPA publié par la CBFA, en sorte qu'EZAG et SMI étaient en toute hypothèse vouées à réaliser cette OPA et que les conditions de cette OPA rendaient la demande de Creafund presque sans objet.

Se fondant sur une lecture littérale de l'article 772 du Code judiciaire, qui n'autorise la réouverture des débats à la demande d'une des parties que lorsqu'il s'agit d'un fait 'découvert' après la clôture des débats, la cour a rejeté cette demande. La cour considère que n'est pas un fait nouveau justifiant la réouverture des débats le fait provoqué par les parties demanderesses elles-mêmes [25]. Cette appréciation résulte de l'exercice du pouvoir d'appréciation souverain du juge du fonds [26].

2. La production du dossier administratif de la CBFA

17.EZAG se plaignait que la CBFA n'avait pas déposé auprès de la cour d'appel la totalité de son dossier administratif. La CBFA avait retenu une note du dossier et supprimé deux passages d'une note interne qui concernait précisément l'attitude d'EZAG et de son président, le Dr. Eckert, aux moments sensibles de cette affaire (février et décembre 2008). EZAG réclamait que la CBFA soit condamnée à produire un dossier complet à la cour, que de nouveaux délais pour conclure soient accordés et que l'affaire ne soit plaidée au fonds qu'après la résolution de cet incident.

EZAG soutenait que l'attitude de la CBFA n'était pas conforme aux droits de la défense ni à la jurisprudence applicable au recours judiciaire contre les décisions des autorités de régulation [27] et constituait une application incorrecte de l'article 4, § 3, de la directive OPA (2004/25/CE) concernant le secret professionnel auquel sont soumises les autorités de régulation [28]. Elle demandait qu'en cas de doute, la cour interroge la Cour de justice de l'Union européenne sur ce dernier point.

18.La cour d'appel rejette ces demandes. Elle constate d'une part qu'en vertu de l'article 74 de la loi du 2 août 2002, la CBFA est tenue au secret professionnel et qu'elle est certes déliée de ce secret dans le cadre de recours administratifs ou judiciaires contre les décisions de la CBFA, mais l'article 74 “n'oblige pas la CBFA de communiquer de pareilles informations” (arrêt, n° 58), elle l'autorise seulement à les communiquer. De fait, l'article 74 établit le principe du secret, et énumère des exceptions à ce secret. Il est étranger à l'organisation des recours contre les décisions de la CBFA et aux droits de la défense. La cour constate d'autre part que la loi [29] ne précise pas “les composantes du dossier de la procédure”. Dès lors, écrit-elle, “il y a lieu de considérer que ledit dossier doit comprendre tous les documents nécessaires en vue de l'exercice par la cour de sa pleine juridiction… [c'est-à-dire] toutes les pièces qui doivent permettre à la cour de vérifier si la décision a été prise conformément à la loi et si les faits ont été correctement constatés. Les écrits préparatoires internes, qui n'ont pas été pris en considération dans le processus décisionnel et ne peuvent dès lors servir de fondement à la décision, ne font dès lors pas partie dudit dossier” (arrêt, n° 58) [30].

De façon plus principielle, la cour ajoute “qu'en vue de sa mission spécifique et des principes de bonne administration (le principe de légitime confiance) elle ne peut être contrainte à dévoiler des informations obtenues de tiers sous le bénéfice de la confidence”. La cour déduit de ce principe que “seul le rapport manifestement déraisonnable entre la protection du caractère confidentiel d'une information et son effet restrictif sur les droits de la défense au détriment de ceux-ci, pourrait justifier d'enjoindre la CBFA de dévoiler une pièce confidentielle, dans la mesure où celle-ci sert de fondement à la décision attaquée et pour autant que des conditions d'accès puissent être organisées de telle sorte que le contenu confidentiel ne soit pas divulgué dans le public” (arrêt, n° 59). Appliquant ces principes, la cour conclut: “En l'occurrence, la demanderesse EZAG ne démontre pas qu'un tel rapport déraisonnable est présent.” (ibid.).

19.La CBFA a toujours entretenu, en vue du bon exercice de ses fonctions administratives de contrôle, un respect scrupuleux du secret professionnel qui lui était imparti [31]. Elle a toujours cherché à entretenir avec ses administrés un climat de confiance pour recevoir les informations les plus précises et les plus complètes possibles en vue d'exercer ses missions dans les meilleures conditions possibles. C'est en cela qu'il faut sans doute entendre la référence de la cour d'appel à 'sa mission spécifique'.

Souvent, des pièces ou informations sont transmises à la CBFA en dehors de toute procédure formelle [32]. Dans la mesure où elles se rattachent à l'exercice de ses missions, ces pièces et informations sont couvertes par le secret professionnel.

L'article 74, alinéa 2, 4°, de la loi du 2 août 2002 prévoit cependant que la CBFA peut communiquer des informations confidentielles notamment “dans le cadre de recours administratifs ou juridictionnels contre les actes ou décisions de la CBFA et dans toute autre instance à laquelle la CBFA est partie”. Cette exception n'est pas autrement spécifiée. Elle est en outre formulée comme une autorisation ('la CBFA peut…'), ce qui laisse en principe une marge d'appréciation à la CBFA.

L'article 121, § 4, de cette même loi impose la transmission 'du dossier de la procédure', sans excepter les éventuelles pièces confidentielles. Mais il n'indique ni le contenu de ce dossier, ni dans quelle mesure il pourrait être fait exception au principe de la transmission intégrale du dossier.

20.Le 'dossier de la procédure' doit contenir “l'ensemble des documents qui ont été rassemblés en vue de la décision: propositions, avis, rapports, notes, projet de décision, … mais le dossier ne doit contenir que les documents afférents à l'aspect administratif de l'acte attaqué” [33]. Ce sont donc les documents qui ont fait partie du processus décisionnel de l'organe compétent qui forment le dossier de la procédure.

Le dossier se compose notamment (i) des pièces qui établissent la régularité formelle de la décision prise par l'organe compétent de la CBFA, le comité de direction [34], (ii) de l'extrait du procès-verbal de la réunion du comité de direction de la CBFA qui a pris la décision contestée ainsi que (iii) de toutes les pièces auxquelles le comité de direction a pu avoir égard pour prendre sa décision. Les pièces soumises par les services de la CBFA à son comité de direction sont normalement inventoriées dans le dossier qui a été remis avant la réunion de ce comité de direction à chacun de ses membres [35].

21.En règle, c'est tout le 'dossier de la procédure' qui doit être transmis à la cour d'appel. Ce n'est que par exception que certaines pièces ou informations peuvent être omises en raison de leur caractère confidentiel.

Il y a conflit entre les droits de la défense et le droit au respect de la confidentialité [36]. Ces droits sont aussi fondamentaux l'un que l'autre [37]. La décision d'omettre certaines informations ne sera valable que si elle a été faite en pesant justement les intérêts en présence.

La CBFA n'est pas idéalement placée pour procéder à cette pesée des intérêts. Elle aura naturellement tendance à privilégier le respect de la confidentialité puisque l'exercice efficace de ses missions dépend en partie de la confiance que ceux qui se confient à elle peuvent avoir dans le respect de leurs confidences. Cette considération était manifestement exacte aux temps anciens où l'on évoquait volontiers le 'confessionnal' de la Commission où se résolvaient dans une atmosphère feutrée des situations délicates [38]. On peut se demander si cette considération est encore valable dans notre temps où règne la 'transparence' [39].

22.Le droit pour la CBFA de se prévaloir du secret professionnel se comprend pour les pièces qui n'ont pas fait partie du processus décisionnel de son comité de direction. Il n'y a pas d'obstacle à lui reconnaître la maîtrise du secret dans ce domaine. Par contre, il n'est pas satisfaisant que la CBFA se voie reconnaître le droit de ne déposer aux débats judiciaires qu'une partie des pièces qui ont servi au processus de décision du comité de direction et de mettre à charge du plaignant la démonstration du caractère déraisonnable de la rétention d'information.

Cette approche est en contradiction avec le principe de pleine juridiction de la cour d'appel. En outre, le plaignant ignore le contenu exact des informations celées. Il ne pourra que conjecturer à leur propos. Comment, dans de telles conditions, pourrait-il savoir quelle est la balance entre les intérêts de la protection de la confidentialité et ceux des droits de la défense.

Le plaignant subit une injonction administrative qui, par hypothèse, aura un impact sur sa situation patrimoniale si son recours est rejeté par la cour d'appel. La communication à la cour d'appel d'un dossier incomplet ne devrait avoir lieu que dans des cas tout à fait exceptionnels où la protection de secrets d'affaires ou de la vie privée le justifierait.

La jurisprudence inaugurée par l'affaire IBPT [40], qui oblige la juridiction saisie à se prononcer elle-même sur la balance des intérêts apporte une solution idéale à ce problème, mais elle crée de nouvelles et importantes difficultés pratiques, ce qui explique peut-être la réticence de la cour d'appel à l'étendre au cas de la CBFA.

La jurisprudence IBPT est fondée notamment sur le prescrit des directives européennes qui sont à l'origine de cette 'régulation'. Mais précisément, dans le domaine des OPA, la directive 2004/25/CE ne rappelle pas, comme il est d'usage, le droit à un recours juridictionnel effectif [41].

3. Pouvoir de dérogation de la CBFA et droits subjectifs

23.La requête judiciaire de Creafund du 13 février 2009 tendait à la condamnation d'EZAG et de SMI à réaliser une OPA en espèces au prix de 3,47 EUR par action augmenté d'un intérêt légal depuis le 29 janvier 2009, moment où cette OPA aurait, selon Creafund, dû être lancée [42].

La CBFA avait ensuite, les 28 avril et 27 mai 2009, fait injonction à EZAG et SMI de réaliser une OPA au prix de 3,47 EUR l'action [43]. Mais à la demande d'EZAG et de SMI, la CBFA avait accordé une dérogation à l'obligation de procéder à une OPA en espèces. La CBFA avait autorisé la réalisation de l'OPA par l'offre de titres EZAG ou d'autres titres cotés. EZAG et SMI avaient exercé leur recours contre ces décisions devant la même cour d'appel, par requêtes des 29 mai et 3 juin 2009.

24.Deux questions se posaient à la cour d'appel. Tout d'abord, si les deux recours contre les décisions de la CBFA étaient de toute évidence connexes, qu'en était-il du recours de Creafund? La cour décide, suivant en cela la doctrine [44], que les trois recours étaient connexes et qu'il convenait de les joindre, nonobstant leur objet distinct (recours en droits subjectifs d'une part, action en contentieux objectif contre une injonction administrative d'autre part). Ensuite, la question de principe du pouvoir de la CBFA d'accorder des dérogations, qui a fait couler tellement d'encre, devait à nouveau être tranchée. Et sur ce point, la cour apporte sans conteste une réponse claire à l'incertitude laissée par l'arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 1994 qui avait clos la saga des Wagons-Lits [45].

25.La Cour de cassation avait décidé [46], dans un attendu souvent rappelé, qu'il découle de l'article 41 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 (auquel succède l'art. 5 de la loi OPA)

“Que l'obligation qui pèse sur l'acquéreur en cas de cession de contrôle moyennant un prix supérieur à celui du marché crée corrélativement au profit des porteurs un droit subjectif à la reprise de leurs titres;

Que ce droit trouve directement sa source dans les dispositions précitées; que ni sa naissance ni son exercice ne dépendent de la mise en oeuvre par la Commission bancaire et financière des pouvoirs qui lui sont reconnus par les articles 15, alinéa 3, de la loi du 2 mars 1989 et 41, alinéa 2, de l'arrêté royal du 8 novembre 1989; qu'en particulier, le pouvoir qui lui est conféré par l'article 15, alinéa 3, de la loi d'accorder, dans des cas spéciaux, des dérogations aux arrêtés pris en vertu des § 1er et 2 de cette même disposition n'a pas pour effet de modifier la nature du droit des porteurs à la reprise de leurs titres, instauré en leur faveur par l'article 41, alinéa 1er, de l'arrêté royal précité, ni de les priver du droit à une telle reprise lorsque la Commission bancaire et financière n'a pas accordé régulièrement une telle dérogation.”

Dans la procédure IBT, la CBFA elle-même avait admis que, conformément à cette jurisprudence “sa compétence en application de l'article 5 de la loi OPA et de l'article 50 de l'AR OPA est entièrement liée et qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire en ce qui concerne les conditions d'application de ces dispositions” (n° 61 de l'arrêt).

Paraphrasant les quatorze derniers mots du dernier attendu cité ci-dessus, l'arrêt annoté précise que “Le fait pour la CBFA de pouvoir accorder des dérogations dans certains cas ne dément pas en soi le caractère lié de la compétence de la CBFA.” (ibid.).

En l'espèce, la CBFA avait considéré - comme la cour d'appel - qu'il y avait application de l'article 5 de la loi OPA, mais avait accordé une dérogation quant aux modalités de l'OPA (autorisation de réaliser l'OPA en titres plutôt qu'en espèces), et Creafund contestait tant le principe que les modalités (date de début de l'OPA et rapport d'échange) de cette dérogation.

26.Du fait que Creafund n'avait pas contesté la décision de la CBFA dans les quinze jours de sa publication le 28 avril 2009, elle ne pouvait en poursuivre l'annulation. Son intervention volontaire dans le cadre des causes introduites par EZAG et SMI contre la décision de la CBFA ne pouvait s'entendre qu'à l'appui des demandes ou des défenses des autres parties. Cependant, la cour d'appel décide que, dans le cadre de l'action introduite par sa requête du 13 février 2009, Creafund était recevable à contester les modalités de l'OPA telles qu'autorisées par la décision de la CBFA. La jonction de cette cause avec les deux recours contre les décisions de la CBFA n'est pas sans créer une certaine confusion. La cour d'appel estime que la contestation de la décision de la CBFA par Creafund constitue une extension de sa demande initiale conforme à l'article 807 du Code judiciaire (arrêt, n° 139) [47]. La cour estime par ailleurs qu'en toute hypothèse, Creafund pourrait exciper (dans le cadre de son recours en droits subjectifs à l'encontre d'EZAG et de SMI) de l'exception d'illégalité de la décision de la CBFA, exception déduite de l'article 159 de la Constitution, nonobstant l'écoulement du délai de recours de l'article 41, § 2, et l'impossibilité, pour Creafund, de réclamer l'annulation de cette décision (arrêt, n° 143). Mais il aurait fallu, pour cela, que la cour constate que Creafund avait introduit son recours dans les délais, ce qu'elle ne fait pas.

La cour rejette cependant les contestations de Creafund à l'encontre de la décision de la CBFA. La cour déclare d'une part (i) que le fait d'avoir introduit une action judiciaire avant la décision de dérogation de la CBFA ne créait pas en faveur de Creafund un 'droit acquis' à échapper à la dérogation de la CBFA (arrêt, n° 148) et (ii) que le fait que le droit subjectif était né ne privait pas la CBFA du pouvoir d'apprécier l'opportunité de conférer une dérogation ex post (arrêt, n° 149) [48]. La cour déclare d'autre part que la décision de la CBFA d'autoriser une OPA en titres était légalement justifiée. La cour d'appel, rejoignant l'appréciation assez étroite de la CBFA, estime que le contrôle avait été acquis dès l'apport par EZAG de sa filiale BEBIG et que le fait que les parts bénéficiaires détenues par SMI ont été acquises moyennant paiement en espèces n'était pas pertinent (ibid.).

27.La cour d'appel examine ensuite les modalités de l'OPA, à propos desquelles elle considérait que les contestations de Creafund étaient recevables [49]. Mais la décision de la cour d'appel sur ce point est fort limitée. Elle se contente de renvoyer à la CBFA chargée, “dans le cadre de son contrôle du prospectus, de déterminer si les conditions financières proposées par les offrants [EZAG et SMI] rencontrent les termes de son injonction et le cas échéant si l'écoulement du temps entre les dates de ses décisions et le début de l'offre, nécessite une compensation financière” (arrêt, n° 155).

C'est sans doute pour ne pas entrer en contradiction avec les vues de la CBFA que la cour s'est retenue de trancher ces questions. Rien, pourtant, ne s'opposait à ce que la cour fasse justice et épuise sa juridiction en vérifiant les conditions financières de l'offre. A moins qu'il faille interpréter cette attitude comme signifiant que la cour d'appel ne s'estime pas en position pour se prononcer sur de telles questions, qui relèveraient de la compétence exclusive de la CBFA. Cette solution est logique et souhaitable.

Lorsque la CBFA a pris une décision de dérogation, le droit subjectif en est affecté et c'est à l'autorité administrative qu'il revient, si sa décision est légale par ailleurs, de fixer les paramètres de cette dérogation. Le contrôle de la légalité de la décision de l'autorité administrative se fait alors exclusivement dans le cadre du contentieux objectif et devrait être un contrôle de légalité et non d'opportunité. Le pouvoir judiciaire ne pourrait, sans manquer au principe de séparation des pouvoirs, décider en opportunité s'il convient d'octroyer une dérogation. Lorsqu'un tel pouvoir a été conféré à une autorité administrative indépendante, il semble de bonne logique de réserver à celle-ci la mise en oeuvre de ce pouvoir [50].

28.La cour d'appel a ainsi apporté une solution cohérente au conflit entre droits subjectifs et droit objectif. Elle confirme que l'article 5 de la loi OPA fait naître un droit subjectif dans le chef des investisseurs individuels lorsque les conditions de son application sont réunies, et que la CBFA n'a, à cet égard, aucun pouvoir d'appréciation quant à la question de savoir si les conditions d'application de cette disposition sont ou non réunies. Autrement dit, une décision de la CBFA n'est pas nécessaire pour faire naître ce droit.

En outre, la cour d'appel admet que la CBFA peut accorder des dérogations à l'application de cette disposition légale, même après que ce droit soit né dans le chef des investisseurs individuels, et même après qu'un de ces investisseurs ait introduit une action judiciaire en vue de faire respecter ce droit subjectif. Cela semble suggérer que même après le prononcé d'un arrêt de la cour d'appel, la CBFA pourrait encore intervenir pour limiter ou supprimer un tel droit.

La cour d'appel paraît cependant se réserver le pouvoir de vérifier la motivation d'une dérogation accordée par la CBFA, ce qui rappelle l'étonnante plasticité des pouvoirs parfois concurrents de la cour d'appel et de la CBFA dans ce domaine [51]. Ce contrôle devrait cependant rester limité à la légalité de ces motifs.

B. Le contrôle et l'action de concert dans le cadre de la loi OPA

29.Nous en arrivons enfin au coeur, je veux dire au fond, de cette affaire.

Etablir l'existence d'un contrôle entre les mains d'EZAG était nécessaire pour ensuite examiner si SMI coopérait en vue de 'maintenir le contrôle' d'EZAG sur IBT (action de concert). Il n'y aurait pas eu d'action de concert au sens de la loi OPA si SMI avait seulement coopéré avec EZAG en vue de maintenir son pouvoir au sein d'IBT, si ce pouvoir n'était pas de contrôle [52].

30.Dès la conclusion de l'alliance, les autres actionnaires d'IBT ont laissé à EZAG une grande liberté pour orienter la gestion d'IBT. Il y allait, faut-il le rappeler, de la survie de l'entreprise IBT. Le 'business plan' des fondateurs avait mené la société dans une impasse, il fallait espérer que l'arrivée d'EZAG allait sortir IBT de cette impasse.

En vue d'assurer immédiatement sa position et de neutraliser le risque que représentait pour EZAG la présence d'actionnaires qui, ensemble, pouvaient former une majorité de remplacement, EZAG s'était fait concéder par les fondateurs une option d'achat sur leurs parts bénéficiaires A. L'exercice de cette option permettait à EZAG de devenir propriétaire des titres IBT donnant accès à plus de 50% des voix, c'est-à-dire lui donnant le contrôle exclusif d'IBT (ci-dessus, n° 3). La menace de l'exercice de cette option suffisait, à l'estime de la cour d'appel, pour assurer à EZAG sa position de pouvoir au sein d'IBT [53]. Il semble donc que dès ce moment-là, EZAG avait conclu avec les fondateurs d'IBT un accord 'visant à maintenir' son contrôle de fait sur IBT [54]. Pourtant, au moment de la constitution de cette première option, fin février 2008, EZAG a procédé uniquement à une déclaration de transparence, dont il résultait qu'il existait entre EZAG et les fondateurs sur ces parts bénéficiaires “un accord relatif à la possession, l'acquisition ou la cession de titres conférant le droit de vote” (art. 3, § 1er, 13°, c), de la loi du 2 mai 2007 relative à la publicité des participations importantes dans des émetteurs dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé et portant des dispositions diverses). A contrario, EZAG considérait que cet accord avec les fondateurs sur leurs parts bénéficiaires ne 'visait pas' à 'obtenir' le contrôle d'IBT ni à 'maintenir' le contrôle sur IBT (art. 3, § 5, a) et b), de la loi OPA).

Ni la CBFA, ni les autres actionnaires d'IBT, qui participaient au 'tour de table' [55] et dont faisait partie Creafund, n'ont formulé officiellement de critique à cette époque. Il est pourtant manifeste que dès ce moment-là, ainsi que la cour d'appel le relève (voy. e.a. arrêt, nos 115 à 118), la gestion d'IBT a connu une réorientation fondamentale sous la direction, c'est-à-dire le contrôle, en fait, d'EZAG [56].

Sans doute les parties, et notamment Creafund, pensaient qu'à l'échéance de l'option, le 31 décembre 2008, EZAG acquerrait, par l'exercice de l'option, le contrôle d'IBT et lanceraient une OPA. Leurs expectatives furent déçues, ce qui explique sans doute en partie le recours de Creafund après le déplacement de cette option des fondateurs à SMI, déplacement réalisé sous le contrôle d'EZAG. Ce déplacement se réalisait dans le cadre d'un nouvel accord, et créait dès lors une nouvelle action de concert qui faisait jouer de neuf les dispositions de la loi OPA.

Avant d'examiner l'action de concert, il faut relever l'enseignement de l'arrêt à propos de la notion de contrôle de droit et de contrôle de fait.

4. Voix prépondérante au conseil d'administration sans contrôle de droit

31.La cour d'appel relève que le fait qu'EZAG avait eu le droit de nommer 5 administrateurs, dont le président avec voix prépondérante, en exécution du 'Share Contribution Agreement', ne lui faisait pas détenir le contrôle de droit d'IBT.

Cette constatation est intéressante, car en fait, au moment où elle est entrée dans le capital d'IBT, EZAG disposait juridiquement, du fait de la voix prépondérante du président du conseil d'administration, d'un pouvoir d'influence décisif sur la gestion d'IBT, et donc sur l'orientation de cette gestion. Mais, constate la cour, le contrôle de droit existe certes “lorsqu'un associé a le droit de nommer ou de révoquer la majorité des administrateurs ou gérants” [57], mais en l'espèce, EZAG avait eu le droit de faire nommer seulement la moitié des administrateurs, et non la majorité, ce qui exclut la qualification de contrôle de droit au sens du Code des sociétés (arrêt, n° 108). La définition légale ne tient pas compte de l'hypothèse de la voix prépondérante, pourtant si fréquemment insérée dans les statuts pour éviter les votes indécis.

En outre, en l'espèce, le droit de nommer la moitié des administrateurs résultait de l'exécution d'un accord ponctuel relatif à l'entrée d'EZAG dans le capital d'IBT, et n'impliquait pas un droit durable à disposer d'un pouvoir prépondérant au sein du conseil d'administration.

En fin de compte, c'est le comportement en fait des dirigeants et des actionnaires d'IBT qui allait révéler - comme une image photographique apparaît sur le papier sensible plongé dans le révélateur - la détention par EZAG du contrôle d'IBT depuis le départ. L'agglomération des indices découverts par la suite a fait apparaître cette image qui est remontée jusqu'à ce moment initial, en février 2008, où EZAG avait souscrit au capital d'IBT. Sur l'image des signataires à l'augmentation de capital d'IBT du 26 février 2008, les marques du contrôle d'EZAG étaient déjà présentes, mais ce contrôle ne sera révélé comme vérité judiciaire que plus d'un an plus tard, dans un cadre contentieux.

5. Contrôle (exclusif) de fait d'EZAG sur IBT depuis février-mars 2008

32.Aux termes de l'article 5, § 1er, du Code des sociétés, “Par contrôle d'une société, il faut entendre le pouvoir de droit ou de fait d'exercer une influence décisive sur la désignation de la majorité des administrateurs ou sur l'orientation de sa gestion.” Ce qui est capital dans cette définition, ce sont les mots 'influence décisive' et 'orientation de la gestion'. Une influence importante ou significative ne suffit pas. Ce ne sont pas les actes de gestion pris individuellement qui sont cruciaux, c'est le pouvoir d'orienter la gestion.

Le contrôle par des représentants d'EZAG du comité exécutif d'IBT, donnait certes un pouvoir décisif sur les actes de gestion courants de la société, mais pas sur l'orientation de cette gestion, qui relève du conseil d'administration et - à travers son pouvoir de nommer les administrateurs - de l'assemblée générale.

En dehors des situations où le contrôle est 'de droit' en raison de présomptions irréfragables (art. 5, § 2, C.soc., notamment la détention de plus de 50% des droits de vote), le contrôle sera qualifié 'de fait' et résultera de la constatation, en fait, que les conditions de la définition légale sont réunies. La loi ajoute une présomption réfragable de contrôle de fait - quelle que soit l'importance de la participation [58] - lorsque “à l'avant-dernière et à la dernière assemblée générale de cette société, [l'associé] a exercé des droits de vote représentatifs de la majorité des voix attachées aux titres représentés à ces assemblées” (art. 5, § 3, al. 2, C.soc.). Cette dernière présomption suggère qu'outre les éléments repris ci-dessus, le contrôle n'existe au sens du Code des sociétés que s'il a un caractère durable. Cela s'impose, puisqu'une 'orientation' n'est effective que si elle peut se développer dans le temps.

33.EZAG contestait l'affirmation de son adversaire et de la CBFA selon laquelle elle détenait et exerçait, en fait, le contrôle d'IBT depuis son entrée dans le capital de la société. EZAG ne contestait pas le fait que divers actes de gestion avaient été posés qui réorientaient fondamentalement la gestion d'IBT dans le sens des synergies qui pouvaient résulter de leur alliance, ni que les postes clés d'IBT étaient occupés par ses représentants. EZAG soutenait que cette situation était précaire et temporaire, et ne résultait que de l'abstention ponctuelle et non commandée, en fait, des autres actionnaires importants qui, s'ils le voulaient, pouvaient constituer une majorité de rechange (arrêt, n° 107).

La cour d'appel ne suit pas EZAG dans son raisonnement. Elle considère que s'il est indéniable que le contrôle de fait est par essence précaire, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un contrôle s'il est “organisé de manière consciente et durable et [n'est] pas seulement accidentel ou essentiellement provisoire. Un contrôle de fait suppose une certaine continuité mais n'implique pas une stabilité à l'abri de toute menace” (arrêt, n° 115). Cette excellente appréciation doit être approuvée.

En l'espèce, le contrôle était manifestement détenu de façon durable. Techniquement, si les autres actionnaires d'IBT se fédéraient pour contrer une orientation de gestion choisie par EZAG, cette dernière pouvait reprendre le contrôle en exerçant son option d'achat sur les parts bénéficiaires A, acquérant ainsi un contrôle de droit (plus de 50% des droits de vote). Plus fondamentalement, comme le relève l'arrêt, depuis mars 2008, EZAG était devenu de façon durable l'actionnaire industriel de référence d'IBT (n° 109) et disposait dès ce moment du pouvoir d'imposer sa vision stratégique “même si ce pouvoir n'était pas à l'abri de défis” [59] (n° 118). De la sorte, une 'rébellion durable' des autres actionnaires aurait été plus que téméraire, puisqu'IBT n'avait pas d'alternative à une intégration dans le groupe EZAG. Comme un navire au milieu de l'océan, la réorientation d'IBT par EZAG avait imprimé à l'entreprise une nouvelle direction dont il n'était plus possible de la déloger sans grands périls, du fait de sa nouvelle inertie.

34.Le contrôle de fait dont il s'agit est un contrôle exclusif dans le chef d'EZAG, et non un contrôle conjoint avec SMI. SMI n'est arrivé qu'en janvier 2010, alors que le contrôle existait, selon la cour, depuis mars 2009. SMI, qui est certes liée au fournisseur de services informatique d'EZAG, n'avait rien d'un 'partenaire industriel' d'IBT. L'acquisition par SMI des parts bénéficiaires A n'avait, de fait, provoqué aucun changement dans l'orientation de la gestion d'IBT [60].

6. L'action de concert en vue du maintien du contrôle sur la société visée

35.La cour estime qu'avec sa participation de 29,89%, EZAG détenait le contrôle d'IBT.

Après une minutieuse analyse des faits et réfutation des arguments d'EZAG et de SMI, elle arrive à la conclusion qu'en l'espèce, il existait entre ces deux personnes une action de concert en vue de 'maintenir' le contrôle d'EZAG sur IBT. La cour d'appel apporte plusieurs précisions utiles et innove sur un point important: la nature de l'accord.

Avant d'aborder ces points, je me permettrai de rappeler l'analyse qui avait été suivie par la cour d'appel dans l'affaire Wagons-Lits, où l'existence d'un contrôle conjoint avait été retenue. La cour d'appel avait considéré qu'un accord de contrôle conjoint ne pouvait être qu'un accord juridiquement contraignant, ce qui le distingue fondamentalement l'action de concert telle que l'arrêt commenté l'analyse. Mais la cour d'appel, dans l'arrêt Wagons-Lits, avait admis qu'un tel accord pouvait être tacite, ce sur quoi nous nous concentrerons dans cette section, car un accord tacite pour l'exercice d'un contrôle conjoint, encore plus que pour l'exercice d'une action de concert, est rien moins que problématique.

(a) L'hypothèse du contrat tacite - Rappel de l'affaire Wagons-Lits

36.Depuis l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 6 août 1992 dans l'affaire Wagons-Lits [61], la notion de contrôle et de contrôle conjoint avaient fait apercevoir leur complexité et leurs lourdes conséquences dans le cadre de la réglementation relative aux OPA [62], puisque c'est l'acquisition du contrôle (avec paiement d'un 'surprix' dans l'ancienne législation) qui était l'élément déclencheur de l'OPA obligatoire.

37.Dans l'affaire Wagons-Lits, le groupe GBL avait cédé à une société commune entre la Générale de Belgique et la société française ACCOR, sa participation de 26,75% dans la vénérable Compagnie Internationale des Wagons Lits et du Tourisme ('CIWLT') à un prix nettement supérieur au cours de bourse. La Commission bancaire, qui avait été mise au fait des tenants et aboutissants de cette transaction, avait décrit l'opération d'abord de façon anonyme dans son Rapport annuel [63] et avait déclaré que le paiement du surprix n'était pas révélateur, à lui seul, d'un changement de contrôle. L'existence de synergies entre ACCOR et CIWLT ne suffisait pas à faire présumer l'existence d'un accord de contrôle conjoint entre ACCOR et un autre actionnaire significatif de CIWLT (détenant 28% du capital), la Caisse (française) des Dépôts et Consignations (CDC). Avec le passage du temps, l'exploitation des synergies s'est développée sans pour autant faire apparaître, de l'avis de la Commission bancaire, l'existence d'un contrôle conjoint [64]. Ce n'est que lorsque la société commune à la Générale de Belgique et ACCOR a déposé un projet d'OPA volontaire à un prix nettement inférieur à celui qui avait été payé deux ans plus tôt à GBL, que des actionnaires minoritaires ont entamé une action en justice pour faire constater que la cession de la participation GBL deux ans plus tôt constituait en fait une cession de participation qui avait permis l'acquisition du contrôle de CIWLT par ACCOR conjointement avec la CDC [65]. Comme on sait, le tribunal de commerce et la cour d'appel ont considéré que la preuve du contrôle conjoint était apportée et la Cour de cassation a rejeté le recours contre l'arrêt de la cour d'appel [66].

La cour d'appel avait constaté qu'après le transfert de la participation de GBL aux nouveaux actionnaires, CIWLT “considéra avoir trouvé en ACCOR le partenaire important qu'elle cherchait” et que dès ce moment, CIWLT se prêta à d'importantes opérations de restructuration dans les domaines essentiels de son activité (l'hôtellerie et la restauration) [67].

La cour rappelle d'abord que le contrôle conjoint requiert “l'existence d'une convention au sens de l'article 1101 du Code civil pouvant, par l'application de l'article 1134 dudit code, contraindre juridiquement les associés qui la souscrivent à ne prendre des décisions entre eux qu'à l'unanimité”, et elle considère comme insuffisant “un simple 'gentlemen's agreement' ou une situation de fait découlant d'un parallélisme de comportement” [68]. La cour poursuit en exposant que les tiers peuvent apporter la preuve de l'existence d'un tel accord par toute voie de droit, y compris par présomption, mais que “tout doute quant à l'existence de cette convention doit, bien évidemment, profiter aux 'personnes accusées d'exercer un tel contrôle conjoint'” [69].

38.La cour d'appel considère que l'existence d'une convention de contrôle conjoint est, en l'espèce, démontrée, par la combinaison des présomptions suivantes: (i) l'importance de l'intérêt d'ACCOR avait, au départ, été dissimulée; (ii) le prix payé était nettement supérieur au cours de bourse; (iii) l'orientation de la gestion de CIWLT a été radicalement modifiée dès l'entrée du nouvel actionnaire, grâce à l'exercice parallèle du pouvoir d'influence d'ACCOR et de CDC même s'ils poursuivaient des buts différents [70] et (iv) les mandats d'influence dans la gestion de CIWLT étaient dorénavant entre les mains de représentants d'ACCOR, de CDC ou de la Générale de Belgique [71].

On remarque que ces éléments établissent certes une connivence. Cette connivence résulte d'un intérêt à agir dans le même sens qui peut être établi objectivement [72]. Mais aucun de ces éléments ne permet d'établir qu'en cas de non-respect de l'accord présumé, le partenaire disposait d'un pouvoir de contrainte à l'encontre de son allié objectif. Ce raisonnement se referme sur lui-même si l'on ajoute que de toute façon, les décisions des partenaires à un contrôle conjoint sont prises à l'unanimité [73]. Si l'unanimité est de règle, l'exécution forcée ne se conçoit pas, seul le blocage est possible. En pratique, c'est l'intérêt commun des parties à l'accord qui les fera converger de façon systématique dans la mise en oeuvre de leur accord, au même titre qu'en physique, la gravité fait tomber les corps dans une direction bien précise. Au moment de convenir de l'accord, le principal risque qui sera évalué est précisément le risque que ce commun accord puisse manquer avec le passage du temps et le changement des circonstances. Ce n'est que si ce risque est mineur voire inexistant que l'accord sera conclu.

On trouve ici un raisonnement qui sera central dans l'arrêt annoté: dans l'affaire Wagons-Lits, la cour d'appel a déduit l'existence d'un accord contraignant de l'existence d'un fort intérêt convergent ou complémentaire des parties [74]. On est irrésistiblement attiré vers une analyse dans laquelle ce qui est déterminant, c'est une attitude objective, ou les intérêts objectivement convergents ou complémentaires des parties, peu importe tant leurs intentions réelles que la question de savoir si leur accord est contraignant. Puisqu'ils ont intérêt à respecter l'accord, le seul fait de ne pas le respecter les sanctionne automatiquement. L'accord est en quelque sorte 'autorégulé' et ne nécessite pas la sanction juridique pour être efficace.

39.L'existence d'un contrôle conjoint (ou une action de concert) est déduite de ce comportement et de ces intérêts objectifs. L'accord entre parties est déclaré le cas échéant tacite, c'est-à-dire né entre parties sans qu'elles aient même dû se parler. Les accords tacites laissent le juriste perplexe. De fait, si les personnes ne se sont pas exprimées, comment leurs volontés se sont-elles pourtant rencontrées?

Une convention tacite risque souvent, n'étant pas verbale [75], d'être inconsciente. Ainsi en va-t-il naturellement de la tacite reconduction d'un contrat: personne n'a parlé mais la persistance des parties à accomplir les actes du contrat ont été le signe de leur volonté de poursuivre ou de renouveler ce contrat. “Mais bien sûr, c'est évident, c'est ce que nous avons voulu!” diront les parties le plus souvent, ratifiant ainsi quelque chose qu'elles ont fait à vrai dire sans le savoir: se mettre d'accord sur la poursuite de leurs relations contractuelles. L'inconscience est cependant insupportable en droit, car à défaut de volonté, il n'y a pas d'acte juridique (voy. e.a. art. 1108 C.civ.).

Le plus grave, c'est que l'éventuelle inconscience ne fait pas perdre à la convention tacite sa force juridique contraignante [76]. Ce constat traduit une tendance lourde du droit contemporain à l'objectivation [77]. Les individus, au lieu d'être proclamés libres de leurs décisions, sont déclarés obligés du fait de l'interprétation soi-disant [78] objective de leur comportement. Sans doute serait-il préférable d'indiquer clairement que par la construction d'une fiction (la volonté objectivement déduite de certains faits [79]), c'est une difficulté de preuve que l'on circonvient [80].

Après ce détour par le contrôle conjoint, revenons à l'action de concert.

(b) Nature juridique de l'action de concert: contrat ou entente

40.En l'espèce, l'arrêt relève d'abord que l'action de concert de la loi OPA a une 'vocation anti-abus' [81] et devrait, de ce fait, recevoir une définition extensive. A ce titre, l'arrêt constate que “En adoptant la notion spécifique d''accord', le législateur s'est éloigné de la notion classique du 'contrat' en droit civil belge”. Ce faisant, la cour adhère à une tendance récente à considérer qu'un simple gentleman's agreement pourrait suffire à constituer l'action de concert.

Tel est l'un des enseignements de l'affaire Eiffage en France. Dans cette affaire, la cour d'appel de Paris a expressément déclaré qu'une action de concert, sans pouvoir être déduite d'un simple parallélisme de comportement, ne doit pas être un accord juridiquement contraignant. Il suffit qu'il consiste en “une démarche organisée tendant à la poursuite d'une finalité commune” [82]. Cette nouvelle figure juridique (la 'démarche organisée') circonstanciée devra encore faire ses preuves. Elle est dans l'air du temps: l'ancien concept de 'norme' est dépassé; ce qui compte, c'est l'organisation, la gestion des choses. Du coup, ce qui compte, ce n'est plus la force juridique des normes, c'est leur efficacité.

Dans l'affaire Eiffage, la société Sacyr, qui avait déposé un dossier d'OPE sur les titres de la société Eiffage, a vu son offre déclarée non conforme et rejetée par l'AMF au motif que, de concert avec des sociétés espagnoles qui lui étaient proches, elle avait acquis des titres Eiffage dans le but d'imposer par surprise un changement de la composition du conseil d'administration lors d'une assemblée générale qui devait se tenir, ce qui devait faciliter la réussite de l'OPE. Il est intéressant de relever, pour notre espèce, que parmi les éléments démonstratifs de l'existence du concert, la cour de Paris relève le caractère subreptice des manoeuvres des concertistes, tandis qu'un commentateur ajoute que “l'absence de justification convaincante du mode de financement des acquisitions de certains actionnaires a certainement pesé lourd” [83]. On le voit, ce qui caractérise souvent le concert, c'est l'impression d'un bricolage (complexe) pour contourner les règles.

41.La doctrine belge avait depuis le départ constaté que la notion d'action de concert se situait probablement dans une zone intermédiaire entre parallélisme de comportement concerté et convention contraignante. La jurisprudence et l'unanimité de la doctrine restait d'avis qu'un parallélisme de comportement ne suffisait pas à établir une action de concert [84]. La doctrine plus récente a marqué encore plus d'hésitation à assimiler le concept d''accord' retenu par la loi à celui de 'convention' au sens de l'article 1134 du Code civil [85].

O. Clevenbergh a franchi un pas supplémentaire en affirmant que la notion d'accord recouvrirait non seulement les contrats au sens du droit civil, mais aussi les 'gentlemen's agreements', dont le non-respect n'entraîne que des conséquences quant à l'honneur ou à la réputation de la partie défaillante, sans qu'il soit possible d'en poursuivre l'exécution forcée [86]. Comme il le relève justement, sociologiquement, “pour le dirigeant d'entreprise le fait d'honorer des engagements n'est pas en premier lieu fonction du risque d'encourir des sanctions juridiques” [87]. La réputation prend aujourd'hui une place centrale dans l'appréciation de la nécessité de se conformer à une norme [88].

Il faut relever également que la réglementation britannique, dont le législateur belge a dit s'être inspiré, retient comme acte constitutif de l'action de concert non seulement l''agreement' (convention), mais aussi l''understanding' (entente) [89].

42.L'accord en vue de l'action de concert peut revêtir trois formes: écrit (formel), oral ou tacite. Dans le cadre d'un litige initié par un tiers à l'accord, et lorsque cet accord sera présumé, il sera indifférent de savoir s'il est écrit, oral ou tacite (ci-dessus, 39).

43.Il faut relever qu'en l'espèce, il existait bien un accord écrit précis entre EZAG et SMI: l'option réciproque sur les parts bénéficiaires A d'IBT. Cet accord était en lui-même insuffisant à établir un concert. Il n'y avait pas de sanction stricto sensu dans l'hypothèse de non-coopération de SMI au maintien du contrôle d'EZAG. La cour d'appel considère néanmoins que les équilibres en place aboutissaient irrésistiblement à une coopération de SMI au maintien du contrôle d'EZAG. En quelque sorte, ce n'est pas tant l'accord de SMI qui impliquait sa coopération avec EZAG, que la pure recherche par SMI de la maximisation de son profit individuel, selon la définition consacrée de l'individu économique dans la doctrine économique libérale [90]. Toutefois, cette induction objective à adopter un comportement parallèle ne constituera une action de concert que si elle résulte en outre d'un 'accord', c'est-à-dire d'une réelle entente sur ce point, ainsi que la longue démonstration de la cour d'appel de Bruxelles s'attache à le démontrer. L'existence d'un accord 'visant' au maintien du contrôle sera toujours essentielle pour distinguer le parallélisme de comportement de l'action de concert.

Nous nous situons bien à l'intersection de l'accord et du parallélisme de comportement. Le parallélisme de comportement ne pourra jamais être considéré comme suffisant pour établir une action de concert. Il faut, pour le moins, que ce parallélisme soit circonstancié par la connivence des parties, comme en l'espèce. Un faisceau d'indices doit établir que le concertiste avait non seulement intérêt à adopter un tel comportement parallèle, mais que ce comportement parallèle était entendu avec son partenaire en sorte qu'il ne pouvait ignorer que, ce faisant, il coopérait à la réalisation d'un but précis, visé par la loi, savoir en l'espèce le 'maintien du contrôle' d'EZAG sur IBT.

La cour d'appel relève en l'espèce les indices 'qualifiants' suivants (arrêt, nos 100-101):

    • la rapidité exceptionnelle avec laquelle les options assez complexes ont été conclues;
    • les relations personnelles entre le Dr. Eckert (principal dirigeant d'EZAG) et M. Perschmann (actionnaire unique de SMI);
    • le financement accordé par la filiale patrimoniale du Dr. Eckert à SMI;
    • le fait que SMI a apparemment été constituée uniquement pour acquérir les parts bénéficiaires A d'IBT;
    • le fait que SMI ne dispose pas d'un capital propre;
    • le fait que les parts bénéficiaires A ont été mises en gage pour garantir le financement;
    • le fait que SMI n'a pas payé de prix pour l'acquisition de l'option initiale sur les fondateurs d'IBT;
    • le fait que la substitution de SMI aux fondateurs comme détenteurs des parts bénéficiaires A constituait un facteur qui accroissait la communauté de vues entre le titulaire des parts bénéficiaires A et EZAG.

    44.On relèvera pour finir qu'un commentateur hollandais de l'arrêt IBT, citant des travaux parlementaires hollandais, considère que les intentions subjectives des parties au concert importent peu [91]. Un auteur belge reprend littéralement cette analyse [92]. Sans doute cette approche objective des choses ne change-t-elle pas la solution en pratique. Simplement, le juge ne devra pas faire le détour très artificiel du procès d'intention et pourra-t-il se contenter d'identifier les équilibres objectivement visibles de la transaction et l'entente des parties. Cette démarche est certainement plus saine, mais les opérateurs devront intégrer le fait que quelles que soient leurs intentions, ce qui sera décisif, c'est ce qui résulte d'une analyse dite objective de leur comportement et de leurs accords déclarés.

    (c) Objectif de l'accord: maintien du contrôle

    45.La directive 2004/25/CE concernant les offres publiques d'acquisition [93] définit les 'personnes agissant de concert' comme “les personnes physiques ou morales qui coopèrent avec l'offrant ou la société visée sur la base d'un accord, formel ou tacite, oral ou écrit, visant à obtenir le contrôle de la société visée ou à faire échouer l'offre” (art. 2.1., d)). Cette définition est étroitement liée à une offre, soit qu'une personne intervienne en support de l'offrant, soit qu'elle intervienne pour la faire échouer. En dehors du contexte d'une offre, il semble ne pas y avoir de concert au sens de la directive.

    Le législateur belge a déclaré que “dans un souci de sécurité juridique [94] et à l'instar notamment du City Code britannique [95], le projet de loi cite le maintien du contrôle de la société comme objectif possible d'un accord d'action de concert… afin d'éviter toute discussion sur la question de savoir si le maintien du contrôle de la société correspond à l'objectif de faire échouer une offre” [96].

    Le législateur ajoute, prenant cette fois exemple sur le droit français [97] et s'inspirant de la directive transparence [98], qu'agissent de concert “les personnes physiques ou morales qui ont conclu un accord portant sur l'exercice concerté de leurs droits de vote, en vue de mener une politique commune durable vis-à-vis de la société en question”. Cette dernière hypothèse ne nous retiendra pas ici, la cour ayant retenu uniquement l'existence d'un accord en vue de 'maintenir le contrôle' acquis par EZAG sur IBT.

    46.Lors de l'entrée dans le capital d'IBT, EZAG s'était fait concéder une option d'achat (librement cessible) par les fondateurs sur leurs parts bénéficiaires A. Par cette option, EZAG consolidait son pouvoir (naissant) au sein d'IBT, c'est un fait.

    Cette première option arrivait à échéance le 31 décembre 2008 et a été remplacée par l'option croisée entre EZAG et SMI.

    47.Il est indéniable que la convention entre EZAG et SMI avait pour effet, tout comme l'option d'achat consentie précédemment par les fondateurs d'IBT à EZAG, de consolider le pouvoir d'EZAG. Toute la question qui a occupé la cour d'appel a été d'établir si cette convention 'visait' à maintenir ce contrôle.

    En soi, une option d'achat n'est pas constitutive d'une action de concert. Pour établir qu'elle participe à une action de concert, il faut prouver que cette option s'inscrit dans un contexte dont il résulte que la visée, autrement dit l'objectif de ceux qui ont mis en place cette convention, était le maintien du contrôle. C'est en quelque sorte à une analyse structurelle que le juge doit procéder, puisque l'instrument utilisé, en lui-même et isolément, n'est pas démonstratif d'une action de concert. C'est la place de cet instrument dans la structure globale (société, actionnaires, marchés financiers) qui permettra au juge d'établir si cette option est constitutive ou participe d'une action de concert visant au maintien du contrôle.

    Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, la cour d'appel arrive à cette conclusion en l'espèce (ci-dessus, n° 43).

    IV. Conclusions

    48.La matière des OPA obligatoires est une matière complexe, ainsi que la doctrine l'avait de suite identifié [99]. Les tentatives pour échapper aux lourdes conséquences des mécanismes protecteurs des actionnaires minoritaires sont nombreuses. Pour reprendre un jugement sévère de la Commission bancaire, “Les fraudes ne s'analysent généralement pas en des violations ouvertes de la loi. Elles consistent plutôt en constructions subtiles dont aucun des éléments n'est illicite en lui-même, mais dont la mise en oeuvre combinée est, dans des circonstances déterminées, de nature à spolier l'épargne. La portée exacte et les conséquences de ces manoeuvres n'apparaissent pas toujours immédiatement… Seul un organisme très spécialisé est capable de démonter le mécanisme utilisé et de dégager les objectifs effectivement poursuivis et les conséquences probables” [100].

    Cet ancien constat a provoqué par une espèce d'écho au comportement des acteurs économiques, l'adoption de textes légaux 'subtils' dont la portée exacte n'apparaît pas immédiatement. Une chose est sûre, cette démarche s'inscrit bien dans l''Ère du soupçon' [101] qui serait la nôtre, où la froide objectivité des apparences l'emporte sur l'insondable profondeur des consciences. Il ne faut pas que le regretter. La complexité des marchés, leur globalité et la vitesse de circulation des biens imposent à un moment donné cette distance salutaire par rapport à l'irréductible diversité des individus qui animent ces marchés et dont l'originalité et le sens des responsabilités font la vraie richesse.

    49.La notion d'action de concert oriente le juriste vers une approche renouvelée de la notion d''accord'. L'accord peut exister et être efficace nonobstant le fait qu'il ne serait pas juridiquement contraignant. Il s'agit en fin de compte d'une extension au domaine des contrats du constat de l'efficacité de la 'soft law' dans notre organisation sociale.

    Dans un cadre contentieux, l'existence de l'action de concert se heurte toujours à un problème de preuve, dont la charge incombe par principe au demandeur. Le recours à la présomption (art. 1353 C.civ.), sera systématique. Mais en l'espèce, ce qui a fait débat n'est pas tant l'existence d'un accord (il existait bel et bien une convention d'option réciproque entre EZAG et SMI et l'exercice de cette option entraînait indubitablement l'acquisition d'un contrôle de droit par EZAG sur IBT). Ce qui a fait l'essentiel du débat judiciaire, c'est la question, jugée décisive, de savoir si cet accord 'visait au maintien du contrôle' d'EZAG sur IBT. La recherche de cette visée nous amène en un lieu curieux, à mi-chemin entre la volonté réelle des parties et celle qui procède d'un examen objectif de leur comportement, autrement dit à une volonté présumée.

    50.Dans un tel cadre, est essentielle la vigilance du magistrat à ne pas laisser dire aux faits ce que des investisseurs trop cupides voudraient leur faire dire sans preuve suffisante. Réciproquement, sont essentiels le courage et la détermination de l'autorité de contrôle à découvrir la vérité judiciaire des faits, à sonder les intentions réelles des parties et à ne pas se contenter de déclarations péremptoires.

    Quelle que soit la détermination de l'autorité de contrôle, le droit d'action individuelle des investisseurs dans ce contexte précis ne peut être obstrué par un délai de recours dont la brièveté est incompatible avec l'idée d'une bonne justice.

    51.L'arrêt IBT apporte la preuve de la maturité du droit belge des OPA. Il montre une atmosphère apaisée entre l'autorité judiciaire et la CBFA. Il apporte clarté et équilibre sur un certain nombre de points importants de cette matière. Il fait, pour le moins, oeuvre utile et contribue au développement de la place financière de Bruxelles dans le cadre intégré qui est le sien.

    [1] Avocat Eubelius.
    [2] Voy. ci-dessous, n° 16.
    [3] J.H.L. Beckers, “Acting in concert-primeur in België”, Ondernemingsrecht, Kluwer, 2010/6, 286-292.
    [4] Directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, JOUE L. 142 du 30 avril 2004, 12-23.
    [5] Mentionnons, pour être complet, 25.000 'parts bénéficiaires B' émises en faveur de la SOPARTEC (société contrôlée par la Région wallonne) qui bénéficiaient de droits patrimoniaux mais sans droit de vote.
    [6] Si l'apport avait permis à EZAG d'obtenir plus de 30% des droits de vote, EZAG aurait dû faire une OPA, sauf si, ce qui n'était pas le cas, l'augmentation de capital avait été décidée par l'assemblée générale et qu'IBT avait eu le statut d'entreprise en difficulté au sens de l'art. 633 du Code des sociétés (art. 52, § 1er, 4°, de l'arrêté royal du 27 avril 2007 relatif aux offres publiques d'acquisition). L'augmentation de capital a été décidée par le conseil d'administration dans le cadre du capital autorisé et les pertes énormes d'IBT au 31 décembre 2007 avaient été absorbées par l'énorme prime d'émission (31.000.000 EUR) et moins de la moitié du poste capital.
    [7] C'est-à-dire en l'espèce la détention de la majorité des droits de vote (art. 5, § 2, 1°, du Code des sociétés).
    [8] Ce qui est en fait inexact, ce siège était et est resté à Seneffe.
    [9] J.-M. Gollier, “L'OPA volontaire de l'actionnaire majoritaire. Commentaires des affaires Tractebel et Cobepa”, RPS 2001, 16 et 21; comp. J.-M. Nelissen Grade, “De prijs van het openbaar overnamebod uitgebracht door de aandeelhouder die de controle uitoefent” in Liber Amicorum J.-P. de Bandt, 2004, 501 et s.
    [10] Tel ne fut pas le cas dans le cadre de l'offre IBT, puisque le prix de l'offre s'est révélé inférieur, à certains moments, au prix du marché secondaire. Pour éviter les manipulations du marché secondaire, des mécanismes particuliers de surveillance et de transparence sont mis en place pendant la période d'OPA (art. 12 et 13 de l'arrêté royal du 27 avril 2007 relatif aux offres publiques d'acquisition).
    [11] Si le prix de l'offre est supérieur au cours de bourse, le marché secondaire va s'assécher jusqu'à ce que le cours soit égal ou dépasse le prix de l'offre. Encore le dépassement du prix de l'offre par le cours fait sur le marché secondaire sera-t-il généralement le signe d'une spéculation sur l'augmentation du prix de l'offre ou l'avènement d'une contre-offre, ce qui indique de nouveau la prévalence du prix de l'OPA ou de la contre-offre supposée sur le prix fait en bourse selon les mécanismes normaux de marché.
    [12] Mais sur le marché primaire, l'offrant qui fixe le prix est vendeur. Dans le marché d'OPA, l'offrant qui fixe le prix est acheteur. Les titres qu'il achète sont dans le 'marché' et son action a généralement pour objectif de les retirer du marché, ce qui crée une perspective négative en termes de liquidité notamment et incite à vendre.
    [13] Sur le caractère critiquable de la référence systématique aux 'mécanismes de marchés', voy. J.-M. Gollier, “Continuité des entreprises et sûretés financières”, DBF 2010/1, nos 3-5, p. 11-12.
    [14] Exposé des motifs du projet de loi (II) relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, Doc.parl. Chambre 4 juin 2002, Doc. 50, 1843/001, p. 131. Le législateur indiquait s'être inspiré du délai d'introduction du recours contre une décision du conseil de la concurrence (art. 43 et 43bis de la loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique telle que modifiée par la loi du 26 avril 1999 - comp. art. 79 et 80 de la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006). Il faut noter que cette référence n'est que très partiellement pertinente. Elle concerne certes également des mécanismes de marché. Mais d'une part, le délai de recours est là de trente jours alors qu'il est ici de quinze jours. D'autre part, le recours en matière de concurrence vise uniquement la procédure administrative suivie devant l'autorité de régulation, tandis qu'en matière d'OPA, il vise tant la décision de l'autorité compétente que des faits généralement quelconques sur lesquels elle ne se serait, par hypothèse, pas prononcée.
    [15] Concernant les différences entre cette ancienne disposition et l'art. 41 de la loi OPA, voy. notamment M. Fyon, “La réforme du droit des offres publiques d'acquisition (seconde partie)”, DBF 2007/5, 329-330.
    [16] X. Taton, “Les nouvelles procédures contentieuses en matière d'offres publiques d'acquisition”, RDJP 2003, 341, n° 53.
    [17] Art. 2262bis du Code civil.
    [18] X. Taton, ibid.; adde C. Clottens, “Het openbaar bod op Electrabel: een eerste commentaar” (note sous Bruxelles 7 novembre 2005), TRV 2005, 253; O. Creplet et A.-P. André-Dumont, “L'affaire Electrabel ou les premières aspérités du nouveau paysage du contentieux en matière d'offres publiques d'acquisition”, RPS 2005, 394.
    [19] P.-A. Foriers, S. Hirsch, V. Marquette et R. Jafferali, “Les offres publiques d'acquisition. Le nouveau régime”, Dossiers JT, 67, Larcier, 2008, 336-337.
    [20] M. Fyon, l.c. en note 15.
    [21] Bruxelles 7 novembre 2005, DBF 2006/1, 12 et le commentaire de M. Fyon; adde C. Clottens, o.c. en note 18.
    [22] Art. 1353 C.civ.: “Les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol.”
    [23] Paul Foriers écrivait à propos de la présomption simple: “Dans une société où les conflits doivent être tranchés, la recherche de la vérité ne peut être la seule valeur à prendre en considération et, partant, il importe d'assurer au juge une technique de preuve qui, pour n'être pas toujours à l'abri de la critique, lui permet néanmoins de fonder sa décision.” (“Présomptions et fictions” in La pensée juridique de Paul Foriers, vol. II, Bruylant, 1982, 775). Il note à cet égard que la jurisprudence de la Cour de cassation a sensiblement modifié la portée de l'art. 1353 en sorte que la preuve par présomption fait souvent basculer le juge du terrain de la preuve (caractérisée par le poids de sa charge, qui incombe au demandeur - art. 1315 C.civ.) à celui de l'intime conviction: “cette preuve étant indirecte et acquise par voie d'induction, il suffit qu'elle soit de nature à rassurer la conscience du juge et à lui dicter sa décision”, citant Cass. 23 avril 1914, Pas. 1914, I, p. 192, 1ère colonne (id., 776, c'est Paul Foriers qui souligne). La jurisprudence plus récente ne contredit pas cette position, voy. e.a. D. Mougenot, La preuve, Rép.not. 2002, nos 231-241, qui rappelle toutefois (n° 238) que le juge ne peut retenir que “des faits aboutissant à la certitude du fait recherché (Cass. 22 décembre 1986, Pas. 1987, I, p. 501)” - c'est moi qui souligne: il n'en demeure pas moins que la certitude tient tout entière dans la conviction du juge.
    [24] Mais, depuis la réforme de la loi du 2 août 2002, cette compétition se déroule dans un certain ordre, même si certains points relatifs aux pouvoirs respectifs de la CBFA et des cours et tribunaux restent indécis.
    [25] Dans le même sens: Anvers 22 septembre 1998, RDJP 1999, 247; J.P. Visé 15 mai 1997, Rev.not.b. 1997, 529.
    [26] Cass. 8 septembre 1987, Pas. 1988, I, p. 25.
    [27] P.-O. de Broux, “La confidentialité des secrets d'affaires et les droits de la défense dans le contentieux administratif économique”, RDC 2007, pp. 553 et s.; G. de Foestraets, “Examen de jurisprudence. Aspects procéduraux des recours objectifs de pleine juridiction devant la cour d'appel de Bruxelles”, RDC 2009, pp. 457 -459, à propos, en particulier, de l'IBPT; sur l'ensemble de la problématique, voy. X. Taton, Les recours juridictionnels en matière de régulation, Larcier, 2010, nos 157 à 163 et l'abondante doctrine et jurisprudence citées.
    [28] La directive 2004/25/CE, qui consacre le principe de l'OPA obligatoire en cas de cession de contrôle (art. 5), ne contient pas de disposition imposant aux Etats membres de prévoir un recours judiciaire effectif (comp. art. 4, § 6, qui est formulé négativement: “…la présente directive n'affecte pas le pouvoir que peuvent avoir les juridictions d'un Etat membre de refuser de connaître d'un recours…”), contrairement à ce qui est généralement prévu dans les directives de droit financier.
    [29] Art. 121, § 4, de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers: “Le greffe de la cour d'appel de Bruxelles demande à la CBFA, dans les 5 jours de l'inscription de la cause au rôle, l'envoi du dossier de la procédure. La transmission est effectuée dans les 5 jours de la réception de la demande.”
    [30] La cour d'appel avait, dans une précédente décision, rejeté une demande de production de pièces de la CBFA pour le même motif (Bruxelles 1er juillet 2005, RPS 2006, 63-77, spéc. n° 18).
    [31] Art. 74, al. 1er, de la loi du 2 août 2002. Voy. à titre historique RPDB, compl. V, 1977, v° “Epargne publique”, par J. Le Brun, nos 19 et 20; adde: K. Byttebier, Handboek Financieel Recht, Kluwer, 2001, nos 599-608; A. Bruyneel, “Le secret professionnel de la Commission bancaire et financière”, Rev.banque 1994, 28 et s.; Ph. Lambrecht, “Le secret professionnel de la Commission bancaire et financière pour le contrôle des entreprises d'investissement” in La réforme des marchés et des intermédiaires financiers, Cahiers AEDBF 5, 1997, 655 et s.; A. Bruyneel, “Le secret professionnel du banquier” in Liber Amicorum E. Wymeersch, 2008, 103-105.
    [32] Le Conseil d'Etat a eu l'occasion d'identifier les dénonciations faites à la CBFA comme une forme d'application du droit de pétition visé par l'art. 28 de la Constitution (CE 3 novembre 1999, n° 83.240, RPS 2001, 76 et s., spéc. 82); adde Ph. Lambrecht, “La protection des actionnaires minoritaires par le droit financier et les relations entre les actionnaires minoritaires et la Commission bancaire et financière”, Rev.banque 1993, 163-164.
    [33] M. Leroy, Contentieux administratif, Bruylant, 2000, 494-495. M. Leroy ajoute “Généralement, l'étendue du dossier à déposer est appréciée avec bon sens, de manière à ce que tous les documents utiles pour apprécier correctement les faits et juger du fondement de l'argumentation présentée de part et d'autre y figurent” (ibid.).
    [34] Art. 49 de la loi du 2 août 2002. A propos du fonctionnement de la CBFA, voy. e.a. H.-P. Lemaître, “La Commission bancaire et financière après les lois du 2 août 2002: structures et compétences”, JT 2003, 449 et s.
    [35] Art 12 de l'arrêté royal du 7 juin 2007 portant approbation du règlement d'ordre intérieur de la Commission bancaire, financière et des assurances du 31 mai 2007 (MB 29 juin 2007, 3ème éd.).
    [36] Ce conflit est ancien: Van Ryn et Heenen, Principes, IV, 2ème éd., 1988, n° 385. Il s'est exacerbé avec le développement phénoménal de la 'régulation' financière.
    [37] P.-O. de Broux, o.c. en note 27, n° 20, 560.
    [38] Civ. Bruxelles 28 juin 1955, JT 1956, 71; Van Ryn et Heenen, Principes, III, 2ème éd., 1981, n° 186.
    [39] Sur les limites de la transparence, voy. J.-M. Gollier, recension de 'City of Gold' de D. Westbrook in M.-A. Frison-Roche (dir.), Droit et économie de la régulation, vol. 3, Les risques de régulation, Dalloz - Sciences-Po, 2005, 322 et réf. cit., en particulier A. Etchegoyen, La force de la fidélité dans un monde infidèle, 2004, pp. 163-175.
    [40] Voy. réf. cit. en note 27.
    [41] Voy. ci-dessus, note 28.
    [42] Voy. dans le même sens Bruxelles 6 août 1992, JT 1992, 717; comp. J.-M. Gollier, “Information financière et lien de causalité” in Les offres publiques et le prospectus, éd. Vanden Broele, 2007, 295-296.
    [43] La décision de la CBFA ne tenait pas compte du dommage résultant du retard dans l'exécution des obligations légales. C'est agir pour assurer le respect de la loi OPA uniquement, et non pour assurer l'indemnisation intégrale des investisseurs préjudiciés par le non-respect de cette loi. Il est un fait que le débat relatif à la réparation du dommage est un débat difficile, pour lequel l'espace administratif est peu adapté, l'espace judiciaire s'y prêtant mieux. On se souviendra que lors de la fusion de la CBF et de l'OCA, l'important service de traitement des plaintes de l'OCA a été supprimé, écartant l'institution prudentielle des litiges individuels et donnant priorité à une approche objective, pour ne pas dire abstraite, du terrain. Apparemment, les réformes en gestation feront revenir l'institution vers un souci plus fort des questions 'de terrain'.
    [44] X. Taton, o.c. en note 16, n° 67, 346.
    [45] Cass. 10 mars 1994, Pas. 1994, I, p. 237, TRV 1995, 183 et note H. Laga, RDC 1995, 15 et note Fr. Glansdorff; note A. Bruyneel, Rev.banque 1994, 255.
    [46] Ibid.
    [47] Si aucun recours n'avait été introduit contre la décision de la CBFA, la solution aurait été différente: la décision de la CBFA et l'arrêt de la cour d'appel auraient pu aboutir à des conditions différentes de reprise des titres IBT. Cette situation n'aurait pas été conforme à l'égalité de traitement imposée par la réglementation elle-même et aurait nécessité, le cas échéant, une adaptation par la CBFA de sa propre décision.
    [48] Les circonstances de cette dérogation sont comparables, dans une certaine mesure, à celles qui ont commandé l'octroi, également post facto, d'une dérogation par la CBF dans l'affaire OCP (Rapport CBF 1995-96, 106).
    [49] Recevables dans le cadre de son recours en droits subjectifs et par voie de conséquence, en raison de la jonction, dans le cadre du contentieux objectif.
    [50] A propos du sens qu'il faut donner au 'pouvoir de pleine juridiction' conféré à la cour d'appel de Bruxelles, voy. notamment X. Taton, o.c. en note 27 et l'abondante doctrine et jurisprudence citée, en particulier J. Cerfontaine, “Verhaalmiddelen tegen beslissingen van de CBFA”, Liber Amicorum E. Wymeersch, 2008, 149-192, spéc. nos 17-25; Foriers e.a., o.c. en note 19, 302-305.
    [51] Sur la question de l'étendue du pouvoir de la CBFA, voy. notamment P.-A. Foriers e.a., o.c. en note 19, nos 317 à 322 et réf. cit.
    [52] M. Wyckaert constate que le texte néerlandais de la directive 2004/25/CE utilise, dans le cadre de la définition de l'action de concert, le terme 'zeggenschap' plutôt que 'contrôle', ce qui pourrait viser une situation plus large que le contrôle (o.c. en note 73, 64). Aucune hésitation n'est cependant permise en droit belge, puisque le texte reprend le mot 'controle/contrôle'. On retrouve d'ailleurs ce flottement dans le City Code, qui évoque parfois la notion de “to acquire a significant degree of control” (p. ex. dans la note 6 sous la Rule 9.1., voy. ci-dessous, note 56). De fait, il y a, en pratique, des degrés (infinis) dans le contrôle.
    [53] Ainsi, les parts bénéficiaires des fondateurs, qui au départ constituaient un instrument de défense contre une OPA hostile (arrêt, n° 79), étaient devenues un instrument de résistance au nouveau pouvoir. Instrument de résistance relativement faible cependant, puisqu'il était sous la menace d'être perdu si EZAG exerçait son option d'achat. La seule force qu'il contenait tenait dans le fait que si EZAG exerçait l'option d'achat, elle devait corrélativement réaliser une OPA conformément à l'art. 5 de la loi OPA, puisqu'elle franchissait le seuil de 30% des droits de vote attachés aux titres en sa possession.
    [54] Voy. ci-dessous, n° 33.
    [55] C'est-à-dire qui étaient représentés au conseil d'administration d'IBT.
    [56] L'une des notes du City Code (la note 6 sous la Rule 9.1.) reprend une hypothèse où un actionnaire vend une partie substantielle de sa participation et en conserve une partie. L'existence d'une action de concert sur le solde de sa participation est une question classique. Ici, la question de la coopération des fondateurs avec EZAG se posait dans des termes similaires: “Shareholders sometimes wish to sell part only of their shareholdings or a purchaser may be prepared to purchase part only of a shareholding. This arises particularly where a purchaser wishes to acquire shares carrying just under 30% of the voting rights in a company, thereby avoiding an obligation under this Rule to make a general offer. The Panel will be concerned to see whether in such circumstances the vendor is acting in concert with the purchaser and/or has effectively allowed the purchaser to acquire a significant degree of control over the shares retained by the vendor such that (…) a general offer would normally be required. A judgement on whether such significant degree of control exists will obviously depend on the circumstances of each individual case. In reaching its decision, the Panel will have regard, inter alia, to the points set out below (…)(d) It would be natural for a vendor of part of a controlling holding to select a purchaser whose ideas as regards the way the company is to be directed are reasonably compatible with his own. It is also natural that a purchaser of a substantial holding in a company should press for board representation and perhaps make the vendors support for this a condition of purchase. Accordingly, these factors, divorced from any other evidence of a significant degree of control over the retained shares, would not lead the Panel to conclude that a general offer should be made”. On remarquera que le ton utilisé par le panel est proche du ton employé dans le confessionnal: les parties sont invitées à venir expliquer complètement ce qui est mis en place entre elles, pour éviter que par la suite, un malentendu ait des conséquences désagréables.
    [57] Art. 5, § 2, 2°, du Code des sociétés.
    [58] Ce qui fait ressurgir l'insécurité juridique que la loi OPA avait voulu écarter en liant l'OPA obligatoire au franchissement d'un seuil de 30% des droits de vote.
    [59] On relèvera, pour l'anecdote, que le président du conseil d'administration d'IBT, qui était le président d'EZAG en même temps, s'était vu suspendre ses droits par décision du président du tribunal de commerce de Charleroi, sur requête unilatérale de deux administrateurs de l'ancien conseil d'administration (arrêt, n° 36). Nonobstant cet incident, IBT avait continué à être gérée sous le contrôle d'EZAG (arrêt, n° 115 in fine).
    [60] Le changement brusque dans l'orientation de la gestion de la société ainsi que la modification importante de la composition de ses organes a toujours été considéré comme un élément décisif du constat de l'existence d'un changement de contrôle (voy. Bruxelles 6 août 1992, cité en note 42; adde, en France, où une action de concert peut également être démontrée par le fait que la société visée connaît des modifications profondes de son fonctionnement: D. Schmidt, v° “Action de concert”, Enc.soc.Dalloz 2006, n° 125.
    [61] Réf. cit. en note 42 ci-dessus.
    [62] J. Wouters, “Gezamenlijke controle, verplicht overnamebod en gelijke behandeling der aandeelhouders. Kanttekeningen bij het arrest Wagons-Lits”, RW 1992-93, 625-633.
    [63] Rapport Commission bancaire 1989-90, 117-119.
    [64] Rapport Commission bancaire et financière 1990-91, 78-80.
    [65] Voy. le compte rendu qui en est fait dans le Rapport de la CBF 1991-92.
    [66] Réf. cit. en note 45 ci-dessus.
    [67] JT 1992, 712.
    [68] Id., 714.
    [69] Ibid.
    [70] La cour constate (id., 715) que la “nouvelle politique correspond exactement aux aspirations de la CDC et ACCOR, à savoir: pour CDC: la constitution d'un grand groupe européen à base française…; pour ACCOR: la mainmise sur l'hôtellerie de la SA CIWLT, complémentaire à la sienne…”.
    [71] Id., 715-716.
    [72] Voy. note 70.
    [73] Sur l'unanimité dans le contrôle conjoint, voy. notamment J.-P. Standaert, “Les notions d'actions de concert et de contrôle conjoint dans les accords de collaboration entre actionnaires” in K. Geens et A. Benoit-Moury (dirs.), La coopération entre entreprises, 1993, 354-355; K. Byttebier, “Commentaar bij art. 5-13 W. Venn.” in Vennootschappen en verenigingen. Artikelsgewijze commentaar, 2002, n° 17; H. Olivier, “Commentaire de l'art. 9 C.soc.” in Commentaire systématique du Code des sociétés, 2001, n° 3; J.-M. Gollier et P. Vandepitte, “Les notions d'action de concert, de contrôle et de contrôle conjoint dans le cadre de la loi du 2 mars 1989 tendant à assurer la transparence de l'actionnariat”, RPS 1991, 112; contra: P.-A. Foriers, “La notion de contrôle et le périmètre de consolidation” in Nouvelles orientations en droit comptable, CDVA, 1994, 322; comp.: P.-A. Foriers, S. Hirsch, V. Marquette et R. Jafferali, o.c. en note 19, 28; M. Wyckaert, “Zeggenschap, (gezamenlijke) controle en onderling overleg: een verhaal van schakkeringen en nuances” in Openbaar Bod en Transparantiewet 2007, Jan Ronse Instituut, 2008, 81; X. Dieux et D. Willermain, “Les OPA obligatoires en droit belge et européen après la directive du 24 avril 2004 et la loi du 1er avril 2007”, RPS 2007, 42.
    [74] Voy. ci-dessus, note 70.
    [75] Comme le rappellent à juste titre notamment X. Dieux et D. Willermain, “Les OPA obligatoires en droit belge et européen après la directive du 24 avril 2004 et la loi du 1er avril 2007”, RPS 2007, 37.
    [76] Pour éviter de sombrer dans l'analyse du subconscient, J. Wouters proposait d'admettre plus franchement que le parallélisme de comportement circonstancié soit un indice suffisant du contrôle conjoint, voy., o.c. en note 62, 628: “het lijkt derhalve raadzamer de maatschappelijke gedraging die een dergelijke, bewuste, parallele gedragslijn uitmaakt, als zodanig te onderkennen en er de vereiste rechtsgevolgen aan vast te knopen”. Une telle approche a l'avantage de la clarté, contrairement à l'approche actuelle, qui aboutira toujours à un procès d'intentions.
    [77] Voy. notamment les développements à propos de la théorie de l'apparence: P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruylant, 2010, II, nos 1174 et s.; W. Van Gerven, Beginselen van Belgisch Privaatrecht, I, Algemeen deel, 1987, nos 78-84; J. Ghestin et G. Goubeaux, Traité de droit civil. Introduction générale, 1994, nos 838-870. Cette tendance est au fondement de la thèse de X. Dieux, Le respect des anticipations légitimes d'autrui, 1995 (en particulier nos 52-55). Adde: M.E. Storme, De invloed van de goede trouw op de kontraktuele schuldvorderingen, Bruxelles, E.Story-Scientia, 1990, nos 46 et 53. A propos du mandat apparent, voy. notamment R. Kruithof, “La théorie de l'apparence dans une nouvelle phase”, RCJB 1991, 51; P.-A. Foriers, “L'apparence, source autonome d'obligations, ou application du principe général de bonne foi”, JT 1989, 542.
    [78] Une interprétation n'est bien entendu jamais purement objective, puisqu'elle résultera en dernière instance d'un jugement prononcé par une personne, donc un sujet, fut-il investi d'un pouvoir objectif.
    [79] Voy. à cet égard les réflexions éclairantes de J. Ghestin (Traité. La formation du contrat, 1993, nos 393-401, spéc., 397) qui propose de distinguer la volonté tacite (qui est l'expression intentionnelle non discursive d'un consentement) de la volonté présumée (“derrière le fait pris en considération, on ne discerne aucune volonté qui ait entendu conférer à celui-ci une signification à l'intention d'autrui, il ne s'agit que d'un indice, à partir duquel l'expression d'une volonté peut seulement être présumée” - ibid., et de se référer notamment au linguiste F. de Saussure, pionnier du structuralisme, qui dissout le sujet dans l'arbitraire du signe et fait surgir comme ultime référent des sciences sociales l'objet qui domine tout grâce à la force de la structure qui l'explique).
    [80] A propos de la distinction entre fiction et présomption, voy. P. Foriers, l.c. en note 23.
    [81] Arrêt, n° 121, citant V. De Schrijver, “Enkele bemerkingen bij de notie 'onderling overleg' in de Belgische overnameregulering”, Liber Amicorum E. Wymeersch, 2008, 336 et 343.
    [82] Voy. réf. citées ci-dessus, en note 97.
    [83] N. Rontchevsky, Chron.cit. en note 97, 387-388.
    [84] Voy. notamment J.-M. Gollier, o.c. en note 73, 95 et réf. cit.; J.-P. Standaert, o.c. en note 73, 343; P.-A. Foriers e.a., o.c., n° 16 et réf. cit.; en France: D. Schmidt, o.c. en note 60, n° 19.
    [85] Voy. notamment M. Wyckaert, o.c. en note 73, 85-88; X. Dieux et D. Willermain, o.c., 38.
    [86] O. Clevenbergh, “L'action de concert dans la nouvelle réglementation des offres publiques d'acquisition: ses contours et sa fin” in La nouvelle loi OPA, actes du colloque du 17 septembre 2007, Cahiers AEDBF, 2008, 373 et s., spéc. 379-391.
    [87] Id., 382.
    [88] Le risque de réputation est essentiel notamment dans le domaine de la RSE (voy. e.a. J.-M. Gollier, “Le dirigeant et la responsabilité sociétale de l'entreprise” in Y. De Cordt (dir.) Le statut du dirigeant d'entreprise, Larcier, 2009, 324-325). Le risque de réputation est également crucial dans le secteur financier, puisque la disparition de la confiance que fondait la bonne réputation peut être soudaine et dramatique pour une banque en période de crise. L'idée même de norme juridique en vient à glisser du domaine du 'juridiquement contraignant' qualifié de 'hard law' à la 'soft law', trop rapidement rapprochée de la norme sanctionnée par le marché, alors que le marché est aveugle et sans morale. Le marché sanctionne parfois, mais il sanctionne sans mesure (J.-M. Gollier, o.c. en note 13, l.c.).
    [89] City Code, définition de 'Acting in concert' (cité ci-dessous en note 95).
    [90] Voy. notamment J.-M. Gollier, “Information financière et lien de causalité” in Les offres publiques et le prospectus. La loi du 16 juin 2006, Vanden Broele, 2007, 252 et 257 et réf. cit. en notes 18 et 24.
    [91] J.H.L. Beckers, o.c. en note 3, citant les travaux préparatoires de la loi néerlandaise qui indiquent que “Of de samenwerking kwalificeert als handelen in onderling overleg in de zin van dit artikel zal echter afhangen van het doel van de samenwerking… Voor het element 'doel' is de subjectieve intentie die de betrokkenen bij de samenwerking op basis van de overeenkomst niet van doorslaggevend belang. Het gaat er om de doelstelling van de samenwerking naar objectieve maatstaven te bezien. Het element 'doel' brengt voorts mee dat niet vereist is dat de samenwerking al werkelijk tot (verdere) verkrijging van overwegende zeggenschap heeft geleid, dan wel heeft geresulteerd in het dwarsbomen van een aangekondigd openbaar bod. Met andere woorden: de samenwerking hoeft nog niet tot effect te hebben geleid. Of er sprake is van in onderling overleg handelende personen zal veelal afhangen van de concrete omstandigheden van het geval. De enkele omstandigheid dat twee van elkaar onafhankelijke vennootschappen samen meer dan 30% houden van de stemrechten in een vennootschap in een vergadering van aandeelhouders hetzelfde stemgedrag vertonen, betekent nog niet dat zij als 'onderling overleg handelende personen' kunnen worden aangemerkt. Hier zijn bijkomende omstandigheden voor nodig” (Kamerstukken, 2de Kamer, vergaderjaar 2005-06, 30 419, nr. 3, 24).
    [92] V. De Schrijver, o.c., 348.
    [93] JOUE L. 142 du 30 avril 2004, 12-23.
    [94] L'emploi de l'expression 'sécurité juridique' est, pour le moins, décalé. La matière de l'action de concert est complexe, et l'extension du champ d'application de cette notion augmente plutôt qu'elle diminue les sources d'incertitude et donc d'insécurité juridique, au sens premier du terme. Ce n'est pas pour dire que cette extension est mauvaise, mais pour dire que le législateur n'est pas bon pédagogue lorsqu'il est idéologue.
    [95] Le City Code inclut en effet en principe dans la notion d'action de concert les personnes qui, “pursuant to an agreement or understanding (…), co-operate to obtain or consolidate control (…) of the company” source: The City Code on Takeovers and Mergers, Definitions (C1, version 1er juillet 2009).
    [96] Exposé des motifs du projet de loi, Doc. parl. Chambre 2006-07, Doc. 51-2834/001, 13. Voy. les réflexions de P.-A. Foriers e.a., o.c. en note 19, 26-27.
    [97] Voy. un cas d'application (l'affaire Eiffage) de ce droit français: Paris 2 avril 2008, e.a. N. Rontchevsky, “Chronique de droit des marchés financiers”, RTDC 2008, 385-388, Bull. Joly Bourse 2008, § 23, 209 et note L. Faugerolas et E. Boursican; plus généralement, Th. Bonneau, “L'action de concert” in G. Cannivet et al. (dir.), Les offres publiques d'achat, Litec, 2009, 97 et s. et nombreuses réf. cit., principalement v° “Action de concert”, Rép. soc. Dalloz, par D. Schmidt, 2006.
    [98] L'art. 10, a), de la directive 2004/109/CE du 14 décembre 2004 (JOUE L. 390/38 du 31 décembre 2004) sur l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE impose d'ajouter aux droits de vote détenus par une personne les droits de vote “détenus par un tiers avec qui cette personne a conclu un accord qui les oblige à adopter, par un exercice concerté des droits de vote qu'ils détiennent, une politique commune durable en ce qui concerne la gestion de la société en question”. En droit belge, ce texte a curieusement d'abord été adapté et intégré dans la loi OPA, ensuite repris littéralement dans la loi du 2 mai 2007 (art. 3, § 1er, 13°, b)). On notera que dans le texte belge, les mots 'qui les oblige' sont remplacés par les mots 'en vue de', qui correspondent aux mots 'visant à' de la directive OPA (directive 2004/25/CE, art. 2.1., d), cité ci-dessus).
    [99] Voy. e.a., dans le régime antérieur: E. Wymeersch, “Cessions de contrôle et offres publiques obligatoires”, RPS 1991, 151 et s.; A. Bruyneel, “Les offres publiques d'acquisition. Réforme 1989”, JT 1990, 165 et s.
    [100] Commission bancaire, Mémorial 1935-1960, 133-134.
    [101] Titre de l'ouvrage de Nathalie Sarraute (1956) qui rassemble des essais autour du 'Nouveau Roman' et qui montre notamment que le lecteur, aujourd'hui, soupçonne tout auteur plutôt qu'il se laisse emporter par la passion du livre. Curieux renversement de l'essence même du roman. Le philosophe Paul Ricoeur a poursuivi en identifiant trois 'maîtres du soupçon': Marx, Nietzsche et Freud, qui marquent encore profondément la pensée moderne (De l'interprétation. Essai sur Freud, 1965). La crise de ces derniers siècles est pétrie de cette hantise du sujet et de cette soif d'objets et de structures compréhensibles.