Article

Cour de cassation, 26/02/2009, R.D.C.-T.B.H., 2009/9, p. 948-950

Cour de cassation 26 février 2009

SOCIETES
Société anonyme - Gestion - Gestion journalière (art. 525 C.soc.) - Réclamation fiscale
L'article 525, 1er alinéa du Code des sociétés dispose que la gestion journalière des affaires de la société, ainsi que la représentation de la société en ce qui concerne cette gestion, peuvent être déléguées à une ou plusieurs personnes, actionnaires ou non, agissant seules ou conjointement.
Une réclamation fiscale peut être introduite par le délégué à la gestion journalière d'une société dans la mesure où le litige peut être considéré comme relevant de cette gestion. Les actes de la gestion journalière sont ceux qui sont commandés par les besoins de la vie quotidienne de la société et ceux qui, en raison tant de leur peu d'importance que de la nécessité d'une prompte solution, ne justifient pas l'intervention du conseil d'administration lui-même.
Ne justifie pas légalement sa décision que la réclamation a été valablement introduite, l'arrêt qui considère qu'eu égard à l'ampleur des activités de la société, l'introduction de la réclamation litigieuse était de peu d'importance, mais qui omet d'examiner si cet acte nécessitait une solution d'une promptitude telle qu'il ne pouvait attendre une réunion du conseil d'administration.
VENNOOTSCHAPPEN
Naamloze vennootschap - Bestuur - Dagelijks bestuur (art. 525 W.Venn.) - Bezwaarschrift
Volgens artikel 525, eerste paragraaf van het Wetboek van Vennootschappen mogen het dagelijks bestuur van de vennootschap, alsook de vertegenwoordiging van de vennootschap wat dat bestuur aangaat, worden opgedragen aan een of meer personen, al dan niet aandeelhouders, die alleen of gezamenlijk optreden.
Een bezwaarschrift in belastingzaken kan door de dagelijks bestuurder van een vennootschap worden ingediend voor zover het geschil binnen de perken van het dagelijks bestuur valt. De handelingen van dagelijks bestuur zijn deze welke ingegeven worden door de alledaagse noden van de vennootschap en welke, omwille van hun gering belang en de behoefte voor een snelle oplossing, de tussenkomst van de raad van bestuur zelf, niet rechtvaardigen.
Het arrest dat vaststelt dat het indienen van een litigieus bezwaarschrift, gelet op de omvang van de activiteiten van de vennootschap van gering belang was zonder te onderzoeken of deze akte een zodanig spoedeisend karakter had dat niet kon gewacht worden op een beslissing van de raad van bestuur, verantwoordt niet rechtsgeldig zijn beslissing dat het bezwaarschrift geldig werd ingediend.

Commune d'Ixelles / Établissements Delhaize Frères et Cie “Le Lion” SA

Siég.: P. Mathieu (président de section), D. Batselé, A. Fettweis, S. Velu et M. Regout (conseillers)
M.P.: A. Henkes (avocat général)
Pl.: Mes J. Kirkpatrick et H. Geinger

(…)

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2006 par la cour d'appel de Bruxelles, dans la cause inscrite sous le numéro de rôle général 2004/AR/161.

Le président de section Paul Mathieu a fait rapport.

L'avocat général André Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse présente trois moyens, dont le premier est libellé dans les termes suivants:

Dispositions légales violées

- article 149 de la Constitution;

- article 525, spécialement 1er alinéa du Code des sociétés;

- pour autant que de besoin, article 63, alinéa 1er du Titre IX du Livre 1er du Code de commerce, tel que cet article a été modifié par la loi du 6 mars 1973.

Décisions et motifs critiqués

Après avoir constaté qu'en application du règlement-taxe sur les emplacements de parcage adopté par le conseil communal de la demanderesse le 16 mars 2000 et publié le 17 mars 2000, une taxe sur un emplacement de parcage sis à Ixelles, 120, avenue du Bois de la Cambre, a été enrôlée à charge de la défenderesse “pour l'exercice d'imposition 2000;... (que), le 11 janvier 2001, un avertissement-extrait de rôle a été envoyé (à la défenderesse); (que), le 5 avril 2001, (la défenderesse) a introduit une réclamation contre cette imposition auprès du collège des bourgmestre et échevins de (la demanderesse); (que) cette réclamation était signée par MM. D.B., en qualité de 'legal affairs manager', et G., en qualité de 'directeur exécutif ventes'; (que), le 23 avril 2001, (la demanderesse) a informé (la défenderesse) de ce que 'toute personne introduisant une réclamation fiscale en qualité de mandataire veillera à communiquer au plus tard dans un délai d'un mois, à compter de la délivrance du présent accusé de réception, la preuve du mandat spécial l'y autorisant'; (que), le 14 mai 2001, soit postérieurement à l'expiration du délai de réclamation fiscale, (la défenderesse) a adressé à (la demanderesse) une lettre à laquelle était annexé un document intitulé 'mandat';... (que), le 4 février 2002, (la demanderesse) a déclaré la réclamation de (la défenderesse) irrecevable; (que), par le jugement entrepris, le tribunal de première instance de Bruxelles a déclaré la demande de (la défenderesse) irrecevable pour le motif que la réclamation n'a pu être valablement introduite, (la défenderesse) ne rapportant pas la preuve que les signataires de la réclamation étaient dûment mandatés dans le délai légal de réclamation;... (que), pour la première fois en degré d'appel, (la défenderesse) déclare déposer une nouvelle pièce au dossier, émanant de son administrateur délégué dans le cadre de sa gestion journalière; (que) cette pièce est datée du 30 décembre 2003, soit largement postérieurement à l'expiration du délai de réclamation fiscale”,

l'arrêt, réformant la décision des premiers juges, déclare “la réclamation de (la défenderesse)... valablement introduite et recevable” et “partant, son recours fiscal... également recevable” et annule la cotisation enrôlée à charge de la défenderesse sous l'article 490/0010/00203 du rôle de l'exercice d'imposition 2000 pour un bien sis avenue du Bois de la Cambre, 120, à Ixelles.

L'arrêt fonde cette décision sur les motifs suivants:

“MM. D.B. et G. ont reçu un mandat verbal de la société. Il est en effet impensable qu'ils (aient) agi de leur propre initiative et la société compte confirmer ce mandat verbal... Reste, bien entendu, la question de savoir si le délégué à la gestion journalière de (la défenderesse) était bien compétent pour décider d'introduire la réclamation fiscale... Suivant la jurisprudence de la Cour de cassation, que la cour [d'appel] fait sienne, si le litige à introduire s'inscrit dans les limites de la gestion journalière, le délégué à cette gestion est compétent pour agir en justice. La question est, dès lors, à examiner au cas par cas, notamment au vu de l'importance du litige et de la nécessité d'une prompte réaction. La cour [d'appel] constate que (la défenderesse) est, d'une part, la société opérationnelle de distribution du groupe Delhaize pour le Benelux et, d'autre part, l'actionnaire de référence du groupe Delhaize mondial, qu'elle dispose actuellement de 2.444 points de vente répartis sur trois continents et onze pays, employant 146.785 collaborateurs et présentant un chiffre d'affaires de 21 milliards 396 millions d'euros (fin 2001). Dans ces conditions, c'est à bon droit que (la défenderesse) soutient qu'introduire une réclamation contre une taxe locale de 2.500 francs par m2 affecté, au-delà de 75 m2, à usage d'emplacements de parcage relève de la gestion journalière, nonobstant le fait que (la défenderesse) invoque dans son troisième moyen quant au fond une violation du décret d'Allarde du 2-17 mars 1791 et précise qu'en vertu des principes de liberté de commerce et d'industrie une imposition ne peut entraver au-delà du raisonnable, voire empêcher l'activité commerciale ou industrielle faisant l'objet de la liberté invoquée. Non seulement, (la défenderesse) reste en défaut d'établir en quoi la taxe litigieuse serait de nature à entraver ou même à empêcher son activité commerciale, mais il résulte aussi des documents qu'elle dépose... qu'il ne peut en l'espèce être question d'une violation du décret d'Allarde”.

Griefs
Première branche

Un recours fiscal peut être valablement introduit par le délégué à la gestion journalière d'une société anonyme dans la mesure où le litige relève de cette gestion, au sens de l'article 525, 1er alinéa du Code des sociétés (ancien art. 63, al. 1er des lois coordonnées sur les sociétés constituant le Titre IX du Livre Ier du Code de commerce).

Relèvent de la gestion journalière, au sens des dispositions précitées, les actes qui sont commandés par les besoins de la vie quotidienne de la société et ceux qui tant en raison de leur peu d'importance que de la nécessité d'une prompte solution ne justifient pas l'intervention du conseil d'administration lui-même. Les critères de l'importance limitée de l'opération, d'une part, et de la nécessité d'une prompte solution, d'autre part, sont cumulatifs: il ne suffit pas, pour justifier qu'un acte relève de la gestion journalière, que le juge constate qu'il est de peu d'importance, s'il ne constate pas également que l'acte nécessite une prompte solution.

En l'espèce, il ressort des motifs précités de l'arrêt que la cour d'appel a constaté qu'eu égard à l'ampleur des activités de la société défenderesse, l'introduction de la réclamation litigieuse était un acte de peu d'importance.

En revanche, l'arrêt ne constate pas que cet acte nécessitait une prompte solution, qui n'aurait pu attendre une réunion du conseil d'administration. En conséquence, l'arrêt ne justifie pas légalement la décision selon laquelle l'octroi d'un mandat verbal aux sieurs D.B. et G. pour introduire une réclamation contre la cotisation litigieuse relevait de la gestion journalière de la défenderesse (violation des dispositions visées en tête du moyen, à l'exception de l'art. 149 de la Constitution).

Seconde branche

La demanderesse invoquait dans ses conclusions devant la cour d'appel “qu'il est de jurisprudence constante que l'introduction d'une réclamation fiscale ne ressortit pas à la gestion journalière; qu'en toute hypothèse, et même si cela peut être le cas par exception, il convient de constater que la décision d'introduire une réclamation fiscale contre trois impositions de respectivement 106.904,08, 109.878,80 et 68.232,69 EUR ne s'inscrit pas dans le cadre de la simple gestion journalière; qu'il n'est, d'une part, nullement établi que la contestation de la présente taxe et du règlement-taxe communal querellés constitue la simple exécution d'une mission ou d'une ligne de conduite tracée par le conseil d'administration; que, d'autre part, l'introduction de réclamations fiscales contre des impositions de montants conséquents et la contestation de la validité d'un règlement-taxe communal ne constituent pas un simple acte conservatoire ou urgent; que si l'on peut comprendre que le conseil d'administration de (la défenderesse) ne puisse se réunir tous les jours voire toutes les semaines, il est difficilement concevable que celui-ci ne puisse se prononcer, dans le délai légal de recours de trois mois, afin d'apprécier l'opportunité de contester des taxes communales représentant des enjeux non négligeables, soit respectivement 106.904,08, 109.878,80 et 68.232,69 EUR pour la seule année 2000;... qu'eu égard au délai légal de trois mois, il n'est pas établi... que l'introduction d'une réclamation fiscale, pourtant très longuement motivée et circonstanciée (31 pages), ait dû être déposée dans l'urgence et constituerait un acte purement conservatoire”.

L'arrêt laisse sans réponse les conclusions précitées, par lesquelles la demanderesse soutenait que la décision d'introduire la réclamation fiscale litigieuse et de donner mandat, pour ce faire, à deux employés de la société ne présentait aucun caractère d'urgence dès lors que le conseil d'administration de la défenderesse pouvait se prononcer sur cette question dans le délai légal de réclamation de trois mois et en déduisait que cette décision ne relevait pas de la gestion journalière de la société. En laissant ces conclusions sans réponse, l'arrêt ne motive pas régulièrement sa décision (violation de l'art. 149 de la Constitution).

III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen
Quant à la première branche

L'article 525, 1er alinéa du Code des sociétés dispose que la gestion journalière des affaires de la société, ainsi que la représentation de la société en ce qui concerne cette gestion, peuvent être déléguées à une ou plusieurs personnes, actionnaires ou non, agissant seules ou conjointement.

Une réclamation fiscale peut être introduite par le délégué à la gestion journalière d'une société dans la mesure où le litige peut être considéré comme relevant de cette gestion.

Les actes de la gestion journalière sont ceux qui sont commandés par les besoins de la vie quotidienne de la société et ceux qui, en raison tant de leur peu d'importance que de la nécessité d'une prompte solution, ne justifient pas l'intervention du conseil d'administration lui-même.

L'arrêt constate que l'administrateur délégué de la défenderesse a, dans le cadre de sa gestion journalière, chargé deux personnes d'introduire la réclamation litigieuse.

Il ressort des motifs reproduits au moyen que l'arrêt considère qu'eu égard à l'ampleur des activités de la société défenderesse, l'introduction de la réclamation litigieuse était de peu d'importance, mais omet d'examiner si cet acte nécessitait une solution d'une promptitude telle qu'il ne pouvait attendre une réunion du conseil d'administration.

Ainsi, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision que la réclamation de la défenderesse a été valablement introduite.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs

Il n'y a lieu d'examiner ni l'autre branche du premier moyen ni les autres moyens, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Liège.

(…)