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Derniers développements en matière de contrôle dans les sociétés, R.D.C.-T.B.H., 2009/9, p. 869-880

Derniers développements en matière de contrôle dans les sociétés

Marie Brasseur et Bram Delmotte [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

1. Au niveau interne: la création du comité d'audit 1.1. Les sociétés concernées 1.1.1. La règle

1.1.2. Les exceptions

1.1.3. L'entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2008

1.2. Composition du comité d'audit 1.2.1. L'administrateur indépendant

1.2.2. Les compétences des membres du comité d'audit

1.3. Les missions du comité d'audit

2. Au niveau externe: l'indépendance du commissaire 2.1. Les exceptions à la règle “one-to-one”

2.2. Le changement de commissaire 2.2.1. La nomination

2.2.2. La fin du mandat

3. Les relations entre les différents niveaux de contrôle et de gestion: questions de responsabilité 3.1. Interactions entre le commissaire et le comité d'audit

3.2. Interactions entre le commissaire et la direction: la lettre d'affirmation (i) Contenu de la lettre d'affirmation

(ii) Responsabilité accrue? ° Commissaire

° Signataires

3.3. Interactions entre le comité d'audit et le conseil d'administration

3.4. Interactions entre les membres du comité d'audit

Conclusion

RESUME
En finalisant la transposition de la Directive Audit, le législateur belge a instauré des changements importants dans le système de contrôle des sociétés.
Premièrement, les grandes sociétés cotées et entreprises financières sont dorénavant obligées de créer un comité d'audit. La composition et les missions du comité d'audit sont fixées par la loi. Deuxièmement, les critères qu'un administrateur doit remplir afin d'être considéré comme indépendant sont devenus plus sévères. Troisièmement, le législateur a apporté des modifications aux procédures de nomination, révocation et démission du commissaire.
Certains points de ces changements légaux ont été précisés ou renforcés dans le nouveau Code de gouvernance d'entreprise publié en mars 2009.
Cette contribution analyse les nouveautés en matière de contrôle des sociétés. Elle examine également les répercussions des nouvelles règles sur la responsabilité des différents acteurs impliqués dans le mécanisme de contrôle.
SAMENVATTING
Bij de recente omzetting van de Auditrichtlijn heeft de Belgische wetgever een aantal belangrijke wijzigingen aangebracht met betrekking tot de controle van vennootschappen.
Ten eerste zijn grote beursgenoteerde vennootschappen en financiële ondernemingen voortaan verplicht om een auditcomité op te richten. De samenstelling en de taken van het auditcomité zijn nu wettelijk bepaald. Ten tweede zijn de criteria waaraan de onafhankelijke bestuurder moet voldoen beduidend strenger geworden. Ten derde heeft de wetgever wijzigingen doorgevoerd in de procedures voor de benoeming en het ontslag van de commissaris.
De nieuwe Corporate Governance Code, bekendgemaakt in maart 2009, preciseert en versterkt een aantal van deze wetswijzigingen.
Deze bijdrage onderzoekt de nieuwe ontwikkelingen inzake de controle van vennootschappen. De bijdrage gaat ook na welke de gevolgen zijn van de nieuwe regels voor de aansprakelijkheid van de diverse actoren die betrokken zijn bij de controle van vennootschappen.
Introduction

1.Le début de l'année 2009 a été marqué par des changements importants au sein du système de contrôle des sociétés en Belgique. En effet, par la loi du 17 décembre 2008 instituant notamment un comité d'audit dans les sociétés cotées et dans les entreprises financières, le législateur belge a terminé la transposition des dispositions de la directive européenne 2006/43/CE du 17 mai 2006 (la “Directive Audit”) [2]. Cette loi du 17 décembre 2008 est entrée en vigueur le 8 janvier 2009 [3].

2.La loi du 17 décembre 2008 instaure deux nouveautés majeures dans le contrôle interne et externe des sociétés.

Au niveau interne d'abord, la loi du 17 décembre 2008 a introduit l'obligation pour les sociétés cotées et les entreprises financières de créer en leur sein un comité d'audit. La composition de ce comité d'audit ainsi que les fonctions spécifiques qui lui sont attribuées sont définies, en ce qui concerne les sociétés cotées, dans le nouvel article 526bis C.soc. [4] Le nouvel article 526ter C.soc. définit quant à lui les nouveaux critères - plus stricts - qu'un administrateur doit remplir afin d'être considéré comme indépendant.

Au niveau externe ensuite, la loi du 17 décembre 2008 a modifié la procédure de révocation et de démission du commissaire en imposant une supervision publique en cas de fin anticipée du mandat du commissaire. Elle a également renforcé les interactions entre le comité d'audit et le commissaire. Une loi du 9 février 2009 a en outre ajouté une nouvelle possibilité de dérogation à la règle du “one-to-one” [5].

3.En ce qui concerne les sociétés cotées, la Commission Corporate Governance a publié en mars 2009 un nouveau code de gouvernance d'entreprise (le “Code de gouvernance d'entreprise 2009”) [6]. Comme le précédent Code de gouvernance d'entreprise publié en 2004 (auquel il se substitue), le Code de gouvernance d'entreprise 2009 est basé sur le principe “se conformer ou expliquer” (“comply or explain”). Il précise et renforce certains points concernant la composition, les missions et le fonctionnement du comité d'audit. Le Code de gouvernance d'entreprise 2009 s'applique aux exercices qui ont débuté le 1er janvier 2009 ou ultérieurement.

4.Le présent exposé s'attachera à décrire les nouveautés en matière de contrôle au niveau des sociétés anonymes. Nous examinerons également les relations entre les différents niveaux de contrôle et de gestion, notamment en ce qui concerne les responsabilités dans le cadre du contrôle des comptes annuels.

1. Au niveau interne: la création du comité d'audit [7]
1.1. Les sociétés concernées
1.1.1. La règle

5.La loi du 17 décembre 2008 impose la création d'un comité d'audit au sein du conseil d'administration des “grandes” sociétés cotées [8] et entreprises financières (c'est-à-dire les établissements de crédit, entreprises d'assurance, entreprises d'investissement et sociétés de gestion d'organismes de placement collectif).

1.1.2. Les exceptions

6.Les petites et moyennes entreprises ne sont pas obligées de créer un comité d'audit. Il s'agit des entreprises qui remplissent, sur une base consolidée, au moins deux des trois critères suivants: (i) nombre moyen de salariés inférieur à 250 personnes sur l'ensemble de l'exercice concerné, (ii) total du bilan inférieur ou égal à 43.000.000 EUR, (iii) chiffre d'affaires annuel net inférieur ou égal à 50.000.000 EUR.

Dans les petites et moyennes sociétés cotées, établissements de crédit et entreprises d'assurance, les fonctions du comité d'audit doivent néanmoins être exercées par l'organe légal d'administration dans son ensemble. Si le président de l'organe légal d'administration est un membre exécutif, il ne présidera pas l'organe légal d'administration lorsque celui-ci agira en sa qualité de comité d'audit. Les sociétés cotées devront en outre disposer d'au moins un administrateur indépendant.

7.Les entreprises d'investissement et les sociétés de gestion d'organismes de placement collectif ne sont pas visées par la Directive Audit. Néanmoins, par souci d'uniformité et afin de garantir que l'ensemble du secteur financier soit soumis à un régime légal de gouvernance uniforme, le législateur leur a étendu l'obligation d'instituer un comité d'audit. L'exception visée au paragraphe précédent leur est bien sûr applicable. Elles seront alors totalement dispensées de l'obligation d'instaurer un comité d'audit; aucune fonction de comité d'audit ne devra dans ce cas être exercée par l'organe légal d'administration.

8.Deux catégories particulières d'entreprises sont dès lors exemptées de l'obligation de créer un comité d'audit en leur sein: (i) les organismes de placement collectif à nombre variable de parts (tels que définis par l'article 10 de la loi du 20 juillet 2004 relative à certaines formes de gestion collective de portefeuille d'investissement) et (ii) les sociétés dont la seule activité consiste à émettre des titres reposant sur des actifs au sens de l'article 2, paragraphe 5 du règlement (CE) n° 809/2004 de la Commission européenne. Dans ce cas, la société indique les raisons pour lesquelles elle ne juge pas opportun de disposer d'un comité d'audit ou que le conseil d'administration soit chargé d'exercer les fonctions du comité d'audit.

9.Pour autant qu'au niveau du groupe, un comité d'audit ait été constitué, qu'il réponde aux exigences légales et que ses attributions s'étendent à tout le groupe, la CBFA peut, à l'égard d'une entreprise financière non cotée, accorder des dérogations à l'obligation de créer un comité d'audit, si l'entreprise financière est une filiale ou une sous-filiale d'un établissement de crédit, d'une compagnie financière mixte, d'une société holding d'assurances, d'une compagnie financière, d'une entreprise d'assurances, d'une entreprise de réassurance, d'une entreprise d'investissement ou d'une société de gestion d'organismes de placement collectif. La CBFA peut fixer des conditions spécifiques à l'octroi de ces dérogations. Dans une communication du 25 mai 2009, la CBFA a rendu publique sa politique de dérogation [9]. Elle pourra accorder une dérogation concernant la constitution même d'un comité d'audit ainsi qu'une dérogation quant à la composition de celui-ci.

Aucune exemption n'a été prévue au profit des sociétés filiales cotées. Le législateur a estimé que ces sociétés doivent satisfaire à l'obligation d'instaurer un comité d'audit. Leurs titres sont nécessairement répandus dans le public et d'autres titulaires de titres (tels que des actionnaires minoritaires ou des obligataires) existent par conséquent à son niveau.

1.1.3. L'entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2008

10.La loi du 17 décembre 2008 est entrée en vigueur le 8 janvier 2009. Les entités concernées sont donc sensées avoir constitué un comité d'audit depuis cette date. Néanmoins, les administrateurs indépendants qui ont été nommés avant le 8 janvier 2009 et qui remplissaient les anciens critères d'indépendance peuvent rester en place jusqu'au 1er juillet 2011. Les nouveaux critères d'indépendance s'appliqueront d'office aux nominations et aux renouvellements de mandats qui interviendront après le 8 janvier 2009.

Les dispositions de la loi du 17 décembre 2008 concernant les tâches et les responsabilités du comité d'audit s'appliquent pour la première fois aux exercices sociaux qui ont débuté après la publication de la loi dans le Moniteur belge, à savoir le 29 décembre 2008.

1.2. Composition du comité d'audit

11.Le comité d'audit est créé au sein du conseil d'administration et est composé des membres non exécutifs de celui-ci [10]. Le nouvel article 526bis C.soc. ajoute qu'au moins un des membres doit être un administrateur indépendant au sens de l'article 526ter C.soc. En outre, cet administrateur indépendant doit être compétent en matière de comptabilité et d'audit.

Le Code de gouvernance d'entreprise 2009 prévoit quant à lui que le président du conseil d'administration ne préside pas le comité d'audit et qu'au moins la majorité des membres du comité d'audit est indépendante. Au niveau de la compétence, il recommande qu'au moins un des membres soit compétent en matière de comptabilité et d'audit et que le comité d'audit dispose, dans son ensemble, des compétences suffisantes en matière de comptabilité, d'audit et de finance.

1.2.1. L'administrateur indépendant

12.Le nouvel article 526ter C.soc. fixe des critères particulièrement sévères en matière d'indépendance.

Les nouveaux critères, inscrits dans le nouvel article 526ter C.soc., sont plus sévères que les critères qui étaient repris dans l'article 524 C.soc. (lequel prévoit que des décisions et opérations intra-groupes doivent être soumises à l'appréciation d'un comité composé de trois administrateurs indépendants). Les nouveaux critères de l'article 526ter C.soc. sont dorénavant d'application tant pour l'administrateur indépendant au sein du comité d'audit que pour les administrateurs indépendants au sein du comité qui apprécie les décisions et opérations intra-groupes [11].

Le législateur belge s'est inspiré à cet égard de la recommandation du Conseil du 15 février 2005 concernant le rôle des administrateurs non exécutifs et des membres du conseil de surveillance des sociétés cotées et les comités du conseil d'administration ou de surveillance [12].

Pour être considéré comme “indépendant” au sens de l'article 526ter C.soc., l'administrateur doit au moins répondre aux critères suivants:

    • ne pas avoir exercé un mandat de membre exécutif de l'organe de gestion, ou une fonction de membre du comité de direction ou de délégué à la gestion journalière, ni auprès de la société, ni auprès d'une société ou personne liée à celle-ci durant une période de cinq années précédant sa nomination;
    • ne pas avoir siégé au conseil d'administration en tant qu'administrateur non exécutif pendant plus de trois mandats successifs ou douze ans maximum;
    • durant une période de trois années précédant sa nomination, ne pas avoir fait partie du personnel de direction de la société ou d'une société ou personne liée à celle-ci;
    • ne pas recevoir, ni avoir reçu, de rémunération ou un autre avantage significatif de nature patrimoniale de la société ou d'une société ou personne liée à celle-ci en dehors des tantièmes et honoraires éventuellement perçus comme membre non exécutif de l'organe de gestion ou membre de l'organe de surveillance;
    1. a) ne détenir aucun droit social représentant un dixième ou plus du capital, du fonds social ou d'une catégorie d'actions de la société;

      b) s'il détient des droits sociaux qui représentent une quotité inférieure à 10%:

      • - par l'addition des droits sociaux avec ceux détenus dans la même société par des sociétés dont l'administrateur indépendant a le contrôle, ces droits sociaux ne peuvent atteindre un dixième du capital, du fonds social ou d'une catégorie d'actions de la société; ou
      • - les actes de disposition relatifs à ces actions ou l'exercice des droits y afférents ne peuvent être soumis à des stipulations conventionnelles ou à des engagements unilatéraux auxquels le membre indépendant de l'organe de gestion a souscrit;

      c) ne représenter en aucune manière un actionnaire rentrant dans les conditions du présent point;

      • ne pas entretenir, ni avoir entretenu au cours du dernier exercice social, une relation d'affaires significative avec la société ou une société ou personne liée à celle-ci ni directement ni en qualité d'associé, d'actionnaire, de membre de l'organe de gestion ou de membre du personnel de direction d'une société ou personne entretenant une telle relation;
      • ne pas avoir été au cours des trois dernières années, associé ou salarié du commissaire, actuel ou précédent, de la société ou d'une société ou personne liée à celle-ci;
      • ne pas être membre exécutif de l'organe de gestion d'une autre société dans laquelle un administrateur exécutif de la société siège en tant que membre non exécutif de l'organe de gestion ou membre de l'organe de surveillance, ni entretenir d'autres liens importants avec les administrateurs exécutifs de la société du fait de fonctions occupées dans d'autres sociétés ou organes;
      • n'avoir, ni au sein de la société, ni au sein d'une société ou d'une personne liée à celle-ci, ni conjoint ni cohabitant légal, ni parents ni alliés jusqu'au deuxième degré exerçant un mandat de membre de l'organe de gestion, de membre du comité de direction, de délégué à la gestion journalière ou de membre du personnel de direction portant organisation de l'économie, ou se trouvant dans un des autres cas définis aux points 1 à 8.

      La décision de nomination fait mention des motifs sur la base desquels est octroyée la qualité d'administrateur indépendant.

      1.2.2. Les compétences des membres du comité d'audit

      13.Outre sa qualité d'indépendance, l'administrateur doit également faire preuve de sa compétence en matière de comptabilité et/ou d'audit, selon le type d'entreprise au sein de laquelle il exerce son mandat.

      S'agissant des entreprises financières, la loi du 17 décembre 2008 prévoit un test de compétence à deux niveaux. Il est non seulement exigé du membre indépendant qu'il soit compétent en matière de comptabilité et/ou d'audit, mais en outre que les membres du comité d'audit disposent d'une compétence collective dans le domaine des activités de l'établissement de crédit concerné et en matière de comptabilité et d'audit.

      En ce qui concerne les sociétés cotées, l'article 526bis § 2 C.soc. prévoit que l'administrateur indépendant devra être compétent tant en matière de comptabilité qu'en matière d'audit.

      14.Dans son rapport annuel, le conseil d'administration d'une société au sein de laquelle un comité d'audit aura été créé devra dorénavant justifier de l'indépendance et de la compétence en matière de comptabilité et d'audit d'au moins un membre du comité d'audit. En ce qui concerne les entreprises financières, l'organe de gestion devra également justifier de la compétence collective des membres du comité d'audit.

      15.Deux questions se posent au regard de cette exigence de compétence.

      La première question est de savoir ce que l'on entend par “compétence en matière de comptabilité et d'audit”. Cette notion, contrairement à celle de l'indépendance, n'est pas définie dans la loi du 17 décembre 2008. L'exposé des motifs de la loi du 17 décembre 2008 réfère simplement à un diplôme d'études supérieures dans les matières d'économie ou de la finance ou encore une expérience professionnelle significative dans ces matières. Il est aussi à noter que, à la différence de ce qui est prévu pour l'indépendance, le respect de ce critère ne doit pas être justifié dans la décision de nomination de l'administrateur en question mais seulement dans le rapport annuel.

      La seconde question est celle de la responsabilité des administrateurs autres que l'administrateur “compétent”. Bien qu'il appartienne au conseil d'administration dans son ensemble d'arrêter les comptes annuels, les autres membres du conseil d'administration pourraient invoquer cette compétence spécifique pour tenter d'échapper à leur responsabilité. Cette question sera examinée plus en détails dans les points 3.3. et 3.4. du présent exposé.

      1.3. Les missions du comité d'audit

      16.Le comité d'audit tel que prévu par la loi du 17 décembre 2008 a tout d'abord une quintuple fonction de “monitoring” [13].

        • le suivi du processus d'élaboration de l'information financière. Le Code de gouvernance d'entreprise 2009 précise ce point en indiquant que le comité d'audit examine en particulier la pertinence et la cohérence des normes comptables appliquées par la société et son groupe. Cet examen comprend les critères de consolidation des comptes des sociétés au niveau du groupe ainsi que l'évaluation de l'exactitude, du caractère complet et de la cohérence de l'information financière;
        • le suivi de l'efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques de la société mis en place par le management exécutif. Au sein des sociétés cotées, le Code de gouvernance d'entreprise 2009 recommande que ce contrôle soit effectué, au moins une fois par an, afin de s'assurer que les principaux risques (y compris les risques liés à la fraude et au respect de la législation et des règles en vigueur) soient correctement identifiés, gérés et communiqués conformément au cadre référentiel approuvé par le conseil d'administration. Le Code de gouvernance d'entreprise 2009 indique que la gestion des risques comprend également l'examen par le comité d'audit des dispositifs spécifiques mis en place et que le personnel de la société peut utiliser pour faire part, confidentiellement, de ses préoccupations à propos d'irrégularités éventuelles en matière d'élaboration de l'information financière ou d'autres sujets;
        • s'il existe un audit interne, le comité d'audit sera chargé du suivi de celui-ci et de son efficacité. Le Code de gouvernance d'entreprise 2009 ajoute que le comité d'audit examinera le programme de travail de l'auditeur interne en tenant compte de la complémentarité entre la fonction de l'audit interne et celle de l'audit externe [14]. A cette fin, le comité d'audit reçoit les rapports d'audit interne ou un résumé périodique de ceux-ci. Le comité d'audit fait des recommandations sur la sélection, la nomination, la réélection et la révocation du responsable de l'audit interne et sur le budget alloué à l'audit interne, et il examine dans quelle mesure le management tient compte des conclusions et des recommandations du comité [15];
        • le suivi du contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés, en ce compris le suivi des questions et recommandations formulées par le commissaire et, le cas échéant, par le réviseur d'entreprises chargé du contrôle des comptes consolidés. Ceux-ci doivent faire rapport au comité d'audit sur les questions importantes apparues dans l'exercice de leur mission de contrôle légal des comptes, en particulier les faiblesses significatives du contrôle interne au regard du processus d'information financière. Le comité d'audit procède à l'examen de l'efficacité du processus d'audit externe et examine dans quelle mesure le management tient compte de la lettre de recommandations que lui adresse le commissaire;
        • l'examen et le suivi de l'indépendance du commissaire et, le cas échéant, du réviseur dans ses missions. Cette fonction doit à tout le moins être exercée lors de l'établissement des comptes consolidés, en particulier en ce qui concerne la fourniture de services complémentaires. Le commissaire et, le cas échéant, le réviseur d'entreprises chargé du contrôle des comptes consolidés, confirment chaque année par écrit au comité d'audit leur indépendance par rapport à la société. Ils examinent également avec le comité d'audit les risques pesant sur leur indépendance et les mesures de sauvegarde prises pour atténuer ces risques, consignées par eux. Ils doivent en outre communiquer au comité d'audit les services additionnels fournis à la société (à savoir les services autres que les missions qui leur sont confiées par la loi). A cet égard, le Code de gouvernance d'entreprise 2009 indique que le comité d'audit propose au conseil d'administration et applique une politique formelle précisant les types de services additionnels qui sont (i) exclus, (ii) autorisés après un examen par le comité d'audit et (iii) autorisés d'office compte tenu des exigences spécifiques du Code des sociétés [16].

        17.Ensuite, la loi du 17 décembre 2008 indique que le comité d'audit doit régulièrement faire rapport au conseil d'administration sur l'exercice de ses missions en identifiant les questions pour lesquelles il estime qu'une action ou une amélioration est nécessaire et en faisant des recommandations sur les mesures à prendre. A tout le moins, ce rapport doit être fait lors de l'établissement des comptes annuels, des comptes consolidés et, le cas échéant, des états financiers résumés destinés à la publication [17].

        18.Par ailleurs, les nouvelles règles confirment le rôle du comité d'audit dans la procédure de dérogation à la règle dite du “one-to-one” (cf. infra point 2.1.) et dans la procédure de changement du commissaire (cf. infra point 2.2.).

        19.Enfin, en ce qui concerne le fonctionnement du comité d'audit, il est à noter que le Code de gouvernance d'entreprise 2009 prévoit dans les nouvelles recommandations que le comité d'audit se réunit au moins quatre fois par an (au lieu de trois fois, comme prévu dans l'ancien Code de gouvernance d'entreprise de 2004) et que le comité d'audit réexamine régulièrement, et au moins tous les deux ou trois ans (au lieu de chaque année), son règlement d'ordre intérieur, évalue sa propre efficacité et recommande au conseil d'administration les ajustements nécessaires [18].

        2. Au niveau externe: l'indépendance du commissaire
        2.1. Les exceptions à la règle “one-to-one”

        20.La loi du 2 août 2002 dite de Corporate Governance a introduit la règle dite “one-to-one”, qui consiste à dire que le commissaire ne peut prester des services autres que les missions qui lui sont confiées par la loi, dans la mesure où le montant total des rémunérations afférentes à ces prestations serait supérieur à la rémunération perçue pour l'exercice de son mandat de commissaire [19]. Cette interdiction vaut également pour les personnes avec lesquelles le commissaire a conclu un contrat de travail ou avec lesquelles il se trouve dans des liens de collaboration ainsi que les sociétés ou personnes, belges ou étrangères qui lui sont liées. La règle “one-to-one” s'applique uniquement aux sociétés cotées ainsi qu'aux sociétés qui font partie d'un groupe qui est obligé d'établir et de publier des comptes annuels consolidés.

        21.La loi du 17 décembre 2008 et la loi du 9 février 2009 ont modifié l'article 133 § 6, alinéa 1er C.soc. et l'article 526ter C.soc. et ajoutent également d'autres possibilités de dérogation à la règle “one-to-one”.

        L'ancien article 133 § 6 C.soc. prévoyait trois possibilités de déroger à cette règle.

        Il pouvait premièrement y être dérogé en cas de délibération favorable (i) du comité d'audit de la société ou d'une autre société qui la contrôle, lorsque la création d'un tel comité est prévue par les statuts de la société qui le crée si cette société est belge, ou (ii) du comité d'audit d'une société mère si celle-ci est une société relevant du droit d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou de l'OCDE.

        Le nouvel article 133 § 6, 1er alinéa C.soc. prévoit toujours la possibilité de déroger à cette interdiction en cas de délibération favorable du comité d'audit mais englobe aujourd'hui tant le comité d'audit prévu par la loi que le comité d'audit prévu par les statuts de la société concernée. Le comité d'audit prévu par la loi est celui institué par le nouvel article 526bis C.soc. et dont la création est devenue obligatoire pour certaines sociétés, comme nous l'avons indiqué précédemment. Les autres sociétés qui n'ont pas l'obligation de créer un tel comité d'audit peuvent cependant choisir d'en instituer un - dans la mesure où la création de ce type de comité est prévue dans leurs statuts - afin de contourner la règle du “one-to-one”.

        Le nouvel article 133 § 6, 1er alinéa C.soc. prévoit également que, dans l'hypothèse où les tâches confiées au comité d'audit sont exercées par le conseil d'administration dans son ensemble, l'approbation de l'administrateur indépendant tel que prévu par l'article 526ter C.soc., ou, s'il en a été nommé plusieurs, de la majorité de ceux-ci, est cependant requise. Par cette nouvelle règle, le législateur offre une solution pratique dans le cas où une société sans comité d'audit voudrait déroger à la règle du “one-to-one”.

        La deuxième possibilité de dérogation prévue par l'ancien article 133 § 6 C.soc. est celle de l'avis préalable positif du comité d'avis et de contrôle. Cette seconde dérogation n'a pas été modifiée par les nouvelles règles.

        La dernière possibilité de dérogation consistait dans l'exercice du mandat par un collège de commissaires institué au sein de la société et indépendants les uns des autres. La loi du 9 février 2009 a complété ce troisième point en ajoutant que cette possibilité ne valait que si la société n'était pas tenue d'instituer un comité d'audit en vertu de la loi (il s'agit donc des sociétés qui ne tombent pas dans le champ d'application de la loi du 17 décembre 2008).

        2.2. Le changement de commissaire
        2.2.1. La nomination

        22.En principe, dans toutes les sociétés (cotées ou non), le commissaire est nommé pour une durée de trois exercices sociaux consécutifs par l'assemblée générale des actionnaires sur proposition de l'organe de gestion de la société [20]. La loi du 17 décembre 2008 a introduit l'obligation, pour les sociétés qui sont tenues de constituer un comité d'audit en vertu de la loi, de faire participer le comité d'audit à la procédure de nomination du commissaire. La nomination du commissaire se fera toujours sur proposition de l'organe de gestion mais dorénavant l'organe de gestion ne pourra faire de proposition que sur proposition du comité d'audit.

        La proposition de nomination du commissaire faite par le comité d'audit sera communiquée à l'assemblée générale qui se prononcera sur la nomination du commissaire. Cette proposition sera transmise au conseil d'entreprise pour information [21]. Cette procédure devra également être suivie en cas de renouvellement du mandat du commissaire.

        Enfin, le nouvel article 533, dernier alinéa C.soc. indique dorénavant explicitement que l'ordre du jour de toute assemblée générale des actionnaires d'une société cotée doit non seulement mentionner les propositions de décision mais également la proposition du comité d'audit relative à la nomination du commissaire ou du réviseur d'entreprises chargé du contrôle des comptes consolidés [22] ainsi qu'au renouvellement de cette nomination.

        Toute décision de nomination ou de renouvellement du mandat du commissaire qui n'aura pas été prise en respectant cette procédure sera nulle.

        2.2.2. La fin du mandat

        23.En principe, dans toutes les sociétés (cotées ou non), il ne peut être mis fin au mandat du commissaire de manière anticipée que pour de justes motifs [23] par l'assemblée générale des actionnaires ou pour des motifs personnels graves par le commissaire lui-même [24].

        24.En ce qui concerne la révocation du commissaire, le nouvel article 135 C.soc. transpose l'article 38 de la Directive Audit en précisant expressément que la simple divergence d'opinion sur un traitement comptable ou une procédure de contrôle ne constitue pas en soi un juste motif de révocation. Si la révocation est illicite, la société s'expose à une demande de dommages et intérêts de la part du commissaire.

        25.La loi du 17 décembre 2008 a aussi modifié la procédure de révocation et de démission du commissaire en imposant une supervision publique en cas de fin anticipée du mandat du commissaire.

        En cas de fin anticipée du mandat du commissaire, l'article 38.2. de la Directive Audit prévoit que l'entité contrôlée et le commissaire informent les autorités responsables de la supervision publique de la fin anticipée du mandat du commissaire et donnent une explication adéquate à ce sujet.

        Le législateur belge a transposé ce point de la Directive Audit dans le nouvel article 135 C.soc. Dorénavant, en cas de fin anticipée du mandat du commissaire, la société contrôlée et le commissaire devront en informer le Conseil supérieur des Professions économiques et en expliquer la raison de façon adéquate. En pratique, cette communication se fera par simple lettre adressée à cette institution par la société d'une part et par le commissaire d'autre part. La réception de cet envoi sera confirmée par une lettre du Conseil supérieur des Professions économiques. Dans le mois de la réception de cette lettre, le Conseil supérieur des Professions économiques transmet cette information aux différentes composantes du système de supervision publique belge énumérées à l'article 43 de la loi du 22 juillet 1953 créant l'Institut des Réviseurs d'Entreprises [25].

        Cette obligation incombe à toutes les sociétés ayant nommé un commissaire, que cette nomination ait été obligatoire ou non. Il est à noter qu'aucune sanction spécifique n'est prévue en cas de non-respect de cette procédure. Dès lors, une société qui ne remplit plus les critères de taille pour être obligée de nommer un commissaire devra également observer cette procédure.

        26.Au niveau interne, le Code de gouvernance d'entreprise 2009 donne également un rôle au comité d'audit dans le cadre de la démission du commissaire. Le comité d'audit doit en effet enquêter sur les questions ayant conduit à la démission du commissaire et faire des recommandations concernant toute mesure qui s'impose [26].

        3. Les relations entre les différents niveaux de contrôle et de gestion: questions de responsabilité [27]
        3.1. Interactions entre le commissaire et le comité d'audit

        27.Conformément à la Directive Audit, la loi du 17 décembre 2008 renforce les interactions entre le commissaire et le comité d'audit. Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, la nomination du commissaire se fera sur proposition du comité d'audit [28] et l'accord du comité d'audit sera requis afin de déroger à la règle du “one-to-one” [29]. Ensuite, le comité d'audit suivra l'indépendance du commissaire par le biais du rapport que le commissaire fournira concernant son indépendance [30]. Enfin, le comité d'audit devra suivre le contrôle légal des comptes, en ce compris les questions et recommandations formulées par le commissaire [31].

        Les comités d'audit des sociétés cotées et des entreprises financières sont dorénavant obligés par la loi de “suivre” (contrôler) le contrôle des comptes effectué par le commissaire. De sorte qu'en cas de litige, la position du commissaire vis-à-vis des administrateurs sera renforcée. Si le commissaire n'a pas remarqué une faute dans l'information financière, il pourrait être conclu plus rapidement qu'auparavant que le conseil d'administration, par le biais du comité d'audit, aurait pu/dû remarquer la faute elle-même et/ou n'a pas correctement effectué sa fonction de contrôle du commissaire.

        3.2. Interactions entre le commissaire et la direction: la lettre d'affirmation [32]

        28.Le 15 décembre 2006, l'Institut des Réviseurs d'Entreprises a approuvé une nouvelle norme de révision “Les déclarations de la direction” applicable au contrôle des comptes annuels (ou consolidés) relatifs aux exercices clôturés à partir du 31 décembre 2006 [33]. Dans la foulée, les normes générales de révision de l'Institut des Réviseurs d'Entreprises ont également été adaptées en ce sens qu'elles prévoient l'obligation pour le commissaire de solliciter auprès de la direction de l'entité contrôlée la confirmation par écrit des déclarations de la direction dans une “lettre d'affirmation” (bevestigingsbrief/representation letter).

        Il a été proposé que cette norme de révision “Les déclarations de la direction” ainsi que les normes générales de revision (à l'exception des missions qui n'entrent pas dans le champ d'application des normes ISA), soient abrogées dans quelques années. Le projet de norme du 3 juillet 2009 du Conseil de l'Institut des Réviseurs d'Entreprises relatif à l'application des normes ISA en Belgique, indique que les réviseurs d'entreprises contrôleront tous les états financiers conformément aux International Standards on Auditing (normes ISA) et aux International Standards on Review Engagement (normes ISRE), telles qu'adoptées par l'International Auditing and Assurance Standards Board à la date du 15 décembre 2008 [34]. Une de ces normes ISA est la norme ISA 580 “Written Representations” relative aux déclarations écrites. Les nouvelles normes de révision entreraient en vigueur, toujours selon le projet de norme du 3 juillet 2009: (i) en ce qui concerne les entités d'intérêt public, pour le contrôle d'états financiers relatifs aux exercices comptables clôturés au plus tard à partir du 15 décembre 2012; (ii) en ce qui concerne les autres entités, pour le contrôle d'états financiers relatifs aux exercices comptables clôturés au plus tard à partir du 15 décembre 2014.

        (i) Contenu de la lettre d'affirmation

        29.Les déclarations requises sont formulées en 21 points [35] qui doivent tous entrer en ligne de compte dans la lettre d'affirmation dans la mesure où ils sont d'application dans les circonstances concrètes du contrôle. Les 18 premières déclarations (de nature “internationale”) sont également reprises dans les normes d'audit internationales (International Standards on Auditing (ISA)).

        La lettre de confirmation est soumise à la signature de la direction qui a la responsabilité financière et opérationnelle des entités (en général le directeur financier et l'administrateur délégué) [36]. La norme ISA 580, relative aux déclarations écrites, a été clarifiée le 30 juin 2009 et étend la définition de direction à toute la direction et, le cas échéant, les personnes constituant le gouvernement d'entreprise. Cette norme clarifiée sera en principe d'application aux audits d'états financiers pour les périodes ouvertes à compter du 15 décembre 2009. Dans certaines circonstances, le commissaire pourra souhaiter obtenir une lettre d'affirmation signée en outre par une autre personne (ou un autre organe) concerné(e) qui a le droit d'engager l'entité pour des actes dépassant la gestion journalière.

        La direction devra à tout le moins déclarer dans la lettre d'affirmation (i) qu'elle a satisfait à ses responsabilités concernant l'établissement des états financiers conformément au référentiel comptable applicable, y compris, le cas échéant, la présentation sincère de ceux-ci, ainsi que le précisent les termes de la mission d'audit, (ii) qu'elle a fourni au commissaire toutes les informations pertinentes et lui a laissé accès, selon les termes de la mission d'audit et (iii) que toutes les transactions ont été enregistrées et sont reflétées dans les états financiers [37]. Si la direction ne fournit pas les déclarations reprises ci-dessus ou s'il existe des doutes concernant l'intégrité de la direction tels que la véracité de ces déclarations pourraient être mise en doute, le commissaire, selon la nouvelle norme ISA 580, sera obligé d'établir une déclaration d'abstention (c'est-à-dire une impossibilité de formuler une opinion).

        D'après la norme belge, le commissaire qui ne reçoit pas la lettre d'affirmation signée par la ou les personne(s) compétente(s), est tenu d'en faire mention dans son rapport, conformément à l'article 144, 2° C.soc. Il est tenu (i) soit d'établir une déclaration d'abstention (ceci est requis par la nouvelle norme ISA 580), (ii) soit d'établir un rapport avec réserve (ceci est possible dans le cadre de la norme ISA 580 actuelle [38] qui laisse également le choix au commissaire entre le rapport avec réserve ou la déclaration d'abstention).

        (ii) Responsabilité accrue?
        ° Commissaire

        30.La lettre d'affirmation ne peut en principe avoir aucune influence sur les missions de contrôle du commissaire. Le commissaire ne peut pas dévier de sa mission telle que décrite dans l'article 144 C.soc. Dans le cas contraire, il sera tenu responsable, conformément à l'article 140 C.soc. En vertu de cet article, le commissaire est responsable des fautes qu'il a commises dans l'accomplissement de ses fonctions. Le commissaire a la responsabilité d'établir et d'obtenir la lettre d'affirmation signée par la direction de l'entité contrôlée. L'article 140, alinéa 2 C.soc. contient une présomption de faute à l'égard du commissaire en cas de dommage résultant d'infractions aux dispositions du Code des sociétés ou des statuts de la société contrôlée [39]. Le commissaire n'est déchargé de sa responsabilité, quant aux infractions auxquelles il n'a pas pris part, que s'il prouve qu'il a accompli les diligences normales de sa fonction et qu'il a dénoncé ces infractions à l'organe de gestion et, le cas échéant, s'il n'y a pas été remédié de façon adéquate, à l'assemblée générale la plus prochaine après qu'il en aura eu connaissance.

        A cet égard, sa responsabilité sera appréciée sur la base du principe général de prudence. La norme de révision en question laisse une liberté d'appréciation au commissaire concernant le contenu des affirmations qu'il doit requérir de la direction. A cet égard, son comportement sera jugé par rapport au comportement qu'aurait un commissaire raisonnable et prudent, dans la même situation.

        Les déclarations faites dans la lettre d'affirmation ne peuvent avoir pour conséquence de limiter les missions du commissaire. Cela ne veut pas dire que le commissaire doit mettre en doute les déclarations ainsi faites par la direction. Il doit par contre en contester la fiabilité s'il constate que certaines déclarations sont contraires à d'autres éléments matériels de preuve. Ses compétences sont définies par l'article 137 C.soc. qui précise qu'il peut requérir de l'organe de gestion toutes les informations nécessaires. Malgré les déclarations faites par la direction, le commissaire a donc l'obligation d'accomplir sa mission conformément aux normes applicables et en respectant le devoir général de prudence même si les déclarations de la direction pourront être utilisées comme éléments de preuve. S'il a négligé de faire les vérifications nécessaires et a donc négligé de rechercher certaines fautes dans les états financiers, il ne pourra pas réclamer la réparation du dommage ainsi causé auprès des signataires de la lettre d'affirmation.

        ° Signataires

        31.La lettre d'affirmation est une déclaration unilatérale de la direction de la société contrôlée à l'égard du commissaire. La lettre comprend une déclaration selon laquelle les états financiers ont été établis de manière fidèle et conformément aux normes légales en la matière. Il doit être cependant souligné que, peu importe qui signe la lettre d'affirmation (un exécutif qui est à la fois membre du conseil d'administration ou pas), le conseil d'administration conserve sa compétence exclusive et, le cas échéant, sa responsabilité concernant l'établissement et la publication des comptes annuels, comme le prévoit l'article 92 C.soc.

        Si la direction refuse de signer cette lettre, le commissaire est obligé d'émettre une opinion avec réserve ou une déclaration d'abstention. Le refus de signer la lettre sera également apprécié au regard du principe général de prudence au sens de l'article 527 C.soc. et de l'article 1382 C.civ.

        En signant la lettre d'affirmation, les signataires acceptent leur responsabilité à l'égard du commissaire pour les déclarations faites dans la lettre. La lettre d'affirmation est un document confidentiel qui fait partie de la documentation de contrôle du commissaire. Les tiers n'ont pas accès à ce document et n'en connaissent pas le contenu. Bien que le commissaire soit tenu par le secret professionnel, il existe une exception qui lui permet de produire cette lettre d'affirmation dans le cadre d'un conflit en responsabilité. La possibilité de pouvoir produire cette lettre d'affirmation n'implique cependant pas une exonération immédiate du commissaire en cas de litige. En effet, comme indiqué auparavant, le commissaire ne peut limiter sa mission sur base des déclarations faites par la direction. Lorsque la responsabilité individuelle des parties ne peut être déterminée, cela peut mener à une responsabilité partagée (in solidum) entre le commissaire, les administrateurs et les signataires de la lettre d'affirmation.

        3.3. Interactions entre le comité d'audit et le conseil d'administration

        32.La loi du 17 décembre 2008 oblige les conseils d'administration de certaines sociétés de nommer parmi leurs membres les personnes qui feront partie du comité d'audit de la société. Cette nomination entraîne-t-elle une aggravation de la responsabilité de l'administrateur ainsi désigné?

        Par rapport aux tiers, il est difficile de déterminer une responsabilité particulière dans le chef du comité d'audit étant donné que, dans l'état actuel de la législation, le comité d'audit n'a qu'un pouvoir d'avis [40] (à l'exception de l'exercice par le comité d'audit de sa seule compétence décisionnelle dans le cadre d'une dérogation à la règle “one-to-one”). En outre, toutes les missions du comité d'audit (voir supra point 1.3.) relèvent, en dernière instance, du conseil d'administration. Dès lors, la responsabilité reste collégiale. L'article 526bis § 4 C.soc. indique clairement, avant de lister les missions du comité d'audit: “Sans préjudice des missions légales du conseil d'administration (…)”. Même dans le cadre d'une dérogation à la règle “one-to-one”, la décision finale revient au conseil d'administration. Rappelons à cet égard que l'établissement des comptes annuels est une compétence exclusive du conseil d'administration qui ne peut être déléguée à un autre comité. Le conseil d'administration reste en outre en charge de la supervision du comité d'audit.

        Au niveau interne cependant, la responsabilité du comité d'audit pourrait être envisagée dans le cadre d'un recours contributoire. Le conseil d'administration ne pourrait pas s'exonérer de sa responsabilité vis-à-vis des tiers mais aurait la possibilité de se retourner contre les membres du comité d'audit dans le cadre du principe général de prudence. En effet, la relation entre le conseil d'administration et les membres du comité d'audit peut être juridiquement définie comme un mandat.

        3.4. Interactions entre les membres du comité d'audit

        33.Les exigences au niveau de la composition actuelle du comité d'audit rendent les choses plus confuses puisqu'au terme de l'article 526bis C.soc. un seul administrateur devrait être compétent en matières d'audit et de comptabilité. Ceci aurait-il comme implication que les autres administrateurs verraient leurs responsabilités diminuées en raison de leur “incompétence”? Dans l'état actuel de la législation, par rapport aux tiers, la responsabilité reste collégiale, non seulement entre les membres du comité d'audit, mais entre tous les membres du conseil d'administration (cf. supra point 3.3.). Au niveau interne seulement, une responsabilité particulière pourrait être établie dans le chef de l'administrateur “compétent” au regard du principe général de prudence.

        Conclusion

        34.En reconnaissant les comités d'audit, le législateur belge a voulu renforcer la qualité de l'information financière. En outre, le législateur a apporté des modifications aux procédures de nomination, révocation et démission du commissaire. Dans le cadre de la crise économique, ces initiatives ont certainement leurs mérites. La crise a mis en question la transparence de la gestion, non seulement des entreprises financières, mais aussi des sociétés cotées.

        La plupart des grandes sociétés belges ont un comité d'audit depuis plusieurs années. Elles devront revoir leur politique de gouvernance à la lumière des dispositions de la nouvelle législation et du nouveau Code de gouvernance d'entreprise 2009 et, lorsqu'il y a lieu, adapteront leurs pratiques de gouvernance, leur charte de gouvernance d'entreprise et leurs statuts en conséquence. Par exemple, elles devront vérifier si les membres de leur comité d'audit répondent aux nouveaux critères d'indépendance. Elles devront notamment faire attention à ce que l'administrateur indépendant au sein du comité d'audit n'ait pas entretenu au cours du dernier exercice social une relation d'affaires significative avec la société. Elles devront aussi vérifier si les missions prescrites par la loi ont été confiées au comité d'audit.

        Bien que le comité d'audit ait été reconnu par la loi, le comité est établi au sein du conseil d'administration. La décision finale est toujours prise de façon collégiale par le conseil d'administration. L'établissement des comptes et l'appréciation du risque restent l'affaire de l'ensemble des administrateurs.

        [1] Avocats, Altius.
        [2] Directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660 CEE et 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253/CEE du Conseil, JO 9 juin 2006, L. 157/87.
        [3] Loi du 17 décembre 2008 instituant notamment un comité d'audit dans les sociétés cotées et dans les entreprises financières, MB 29 décembre 2008, p. 68.568.
        [4] Tel que modifié par la loi du 17 décembre 2008.
        [5] Loi du 9 février 2009 modifiant l'article 133 § 6, alinéa 1er et l'article 526ter du Code des sociétés, MB 25 février 2009, p. 16.211.
        [6]  Le Code belge de gouvernance d'entreprise du 12 mars 2009; cf. www.corporategovernancecommittee.be/library/documents/final%20code/CorporateGovFRCode2009.pdf .
        [7] A ce sujet, cf. P.P. Berger, S. Brabants, Ch. Darville-Finet, E. De Lembre, M. De Wolf, N. Houyoux, Ph. Lambrecht, Ch. Quiévreux, D. Szafran et M. Willekens, Het auditcomité en de commissaris - Le comité d'audit et le commissaire, ICCI, Bruges, die Keure, 2009, 213 p.; P. De Wolf et M. Desimpelaere, “Actualité du contrôle des sociétés anonymes”, Séminaire Vanham & Vanham, 26 mars 2009, 35 p.; P. Hermant et A. Lebbink, “Le contrôle interne de la société”, Séminaire Vanham & Vanham, 4 juin 2009, 23 p.; C. Van der Elst et I. De Poorter, “Upgrading corporate governance, auditcomités in het Wetboek van Vennootschappen”, TRV 2009, 5ème éd., 397-415.
        [8] Plus spécifiquement, les sociétés anonymes, les sociétés européennes et, en principe, les sociétés en commandite par actions (art. 657 C.soc.) qui sont “cotées” au sens de l'art. 4 C.soc.: dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé au sens de l'art. 2, 3° de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers. Par exemple, les sociétés cotées sur Euronext Brussels tombent sous l'application de la loi; les sociétés cotées sur Alternext ou le Marché Libre sont exclues. Cette contribution fera uniquement référence aux dispositions légales spécifiques aux sociétés anonymes, sauf si indiqué autrement.
        [9] Communication CBFA 22 relative à la politique de dérogation concernant les comités d'audit du 25 mai 2009 (www.cbfa.be/fr/ki/circ/pdf/cbfa_2009_22-1.pdf ).
        [10] Tout administrateur membre du comité de direction ou tout administrateur qui s'est vu déléguer la gestion journalière au sein de l'art. 525 C.soc. est présumé être membre exécutif. En ce qui concerne les établissements de crédit, il est à noter que (étrangement) “tout membre d'un collège de gestion d'une SPRL” est présumé également être membre exécutif.
        [11] Sans préjudice de la période de transition indiquée au n° 10.
        [12] JO L. 52 du 25 février 2005, p. 51.
        [13] Art. 526bis § 4 C.soc.
        [14] Art. 5.2./18 du Code de gouvernance d'entreprise 2009.
        [15] Art. 5.2./19 du Code de gouvernance d'entreprise 2009.
        [16] Art. 5.2./24 du Code de gouvernance d'entreprise 2009.
        [17] Art. 526bis § 4 C.soc.
        [18] Art. 5.2./28 du Code de gouvernance d'entreprise 2009.
        [19] Loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, MB 4 septembre 2002, p. 39.121. A ce sujet, cf. I. De Poorter et C. Van der Elst, “De onafhankelijkheid van de commissaris” in M. Tison, C. Van Acker et J. Cerfontaine (eds.), Financiële regulering op zoek naar nieuwe evenwichten, Antwerpen, Intersentia, 2003, (291), 344-348; IBR Jaarverslag 2008, 86-87; A. Kilesse, “L'indépendance du commissaire à la lumière de la loi Corporate Governance”, Rev.prat.soc. 2003, 1ère éd., 51-66; H. Laga, “Het auditcomité in artikel 133 lid 6 W.Venn.: een vreemde eend in de bijt?”, TRV 2005, 1ère éd., 3-7.
        [20] L'art. 135, al. 1, première phrase C.soc. indique: “Les commissaires sont nommés pour un terme de trois ans renouvelable.” Dans son arrêt du 5 juin 2008, la Cour de cassation a précisé que la durée du mandat du commissaire comprend trois exercices et non pas trois années civiles.
        [21] Nouvel art. 156 C.soc.
        [22] Art. 146 C.soc.
        [23] L'Institut des Réviseurs d'Entreprises définit les “justes motifs” comme étant des circonstances à attribuer au commissaire par lesquelles il ne peut plus jouir de la confiance des actionnaires. Il s'agit par exemple du fait de délaisser le mandat pour maladie, empêchement, incompatibilité ou omission du tableau de l'Institut des Réviseurs d'Entreprises.
        [24] Ces motifs sont ceux qui concernent la personne du commissaire et non sa mission dans la société contrôlée. Il s'agit généralement de raisons médicales mais il pourrait également s'agir de la renonciation à la qualité de réviseur d'entreprises ou d'une incapacité à se déclarer indépendant.
        [25] Il s'agit du comité d'avis et de contrôle de l'indépendance du commissaire, de la chambre de renvoi et de mise en état, du ministre en charge de l'Économie, du procureur général près de la cour d'appel et des instances disciplinaires de la profession de réviseurs d'entreprises.
        [26] Art. 5.2./27 du Code de gouvernance d'entreprise 2009.
        [27] Voy. sur la responsabilité des commissaires et réviseurs d'entreprises: K. Aerts, Taken en aansprakelijkheden van commissarissen en bedrijfsrevisoren, Brussel, Larcier, 2002, 199 p.; I. De Poorter, Controle van financiële verslaggeving: revisoraal en overheidstoezicht, Antwerpen, Intersentia, 2007, pp. 183-307; H. De Wulf et I. De Poorter, “De aansprakelijkheid van vennootschapsbestuurders en commissarissen” in Vlaamse Conferentie Balie Gent (ed.), Aansprakelijkheidsrecht, 2004, 196-284; P.-A. Foriers, “De burgerlijke aansprakelijkheid van de bedrijfsrevisoren: een algemeen overzicht” in Bronnen van aansprakelijkheid. Studies I.B.R. Recht, éd. 2/96, 7-163; N. Thirion et A. Balestra, “De burgerrechtelijke aansprakelijkheid van de commissaris” in De aansprakelijkheid van de bedrijfsrevisor - Burgerrechtelijke, strafrechtelijke en tuchtrechtelijke aspecten, Bruges, die Keure, 2003, 3-28.
        [28] Cf. n° 22.
        [29] Cf. n° 21.
        [30] Cf. n° 16, point 5.
        [31] Cf. n° 16, point 4.
        [32] Voy. sur la lettre d'affirmation: I. De Poorter, M. De Wolf, J. Ferlings, D. Kroes, Ph. Maeyaert et D. Schockaert, Bevestigingsbrief, leiding en bedrijfsrevisoren/Lettre d'affirmation, dirigeants et réviseurs d'entreprises, ICCI, Bruges, die Keure, 2008, 156 p., avec quelques exemples de lettres d'affirmation et les textes réglementaires les plus importants.
        [33] Cette modification fait suite à la transposition en droit belge de la Quatrième Directive et de la Septième Directive par la loi du 13 janvier 2006, modifiant les art. 96 et 119 C.soc. concernant le rapport de gestion ainsi que les art. 144 et 148 C.soc. concernant le rapport du commissaire sur les comptes annuels et les comptes annuels consolidés.
        [34] Projet de norme du 3 juillet 2009 du Conseil de l'Institut des Réviseurs d'Entreprises, relative à l'application des normes ISA en Belgique - www.ibr-ire.be/fra/download.aspx?type=3&id=3715&file=8925 .
        [35] Par. 1.1. de la norme de révision “Les déclarations de la direction”.
        [36] Par. 2.5.5. et 3.3 des normes générales de révision et par. 3.3 de la norme “Les déclarations de la direction”. Dans cette dernière norme, il est précisé que cette déclaration doit être signée par “des membres de la direction responsables au plus haut niveau de l'entité, en ce compris de sa politique financière (en principe l'administrateur délégué ou le directeur général et le directeur financier) compte tenu de leur connaissance des faits et de leur autorité”.
        [37] Norme ISA 580, par. 10 et 11.
        [38] Il s'agit de la norme ISA 580 dans sa version du 29 juin 2006.
        [39] En ce qui concerne les missions légales, la responsabilité civile des réviseurs d'entreprises est en principe limitée à trois millions d'euros pour les sociétés non cotées et à douze millions d'euros pour les sociétés cotées (art. 9bis de la loi du 22 juillet 1953 créant un Institut des Réviseurs d'Entreprise, tel que remplacé par l'art. 62 de la loi du 23 décembre 2005 contenant des dispositions diverses, MB 30 décembre 2005). A ce sujet, cf. B. Delmotte, “De wettelijke beperking van aansprakelijkheid van bedrijfsrevisoren”, DAOR 2006, 321-347.
        [40] Cf. le principe de l'art. 522 § 1, al. 3 C.soc. qui indique que le conseil d'administration peut créer en son sein et sous sa responsabilité un ou plusieurs comités consultatifs; aucun article du Code des sociétés ne donne pouvoir de décision au comité d'audit, mis à part l'art. 133 § 6 C.soc. en ce qui concerne la règle du “one-to-one”. Le comité d'audit étant un comité spécialisé ayant pour mission de procéder à l'examen de questions spécifiques et de conseiller le conseil d'administration à ce sujet, le Code de gouvernance d'entreprise 2009 confirme que la prise de décisions reste une compétence collégiale du conseil d'administration (disposition 5.1.). Le Code de gouvernance d'entreprise 2009 ajoute que le comité d'audit assiste le conseil d'administration dans l'exercice de ses responsabilités de suivi en matière de contrôle au sens le plus large du terme (disposition 5.2.).