Article

Cour d'appel Bruxelles, 08/05/2008, R.D.C.-T.B.H., 2009/8, p. 809-818

Cour d'appel de Bruxelles 8 mai 2008

PRATIQUES DU COMMERCE
Pratiques du commerce - Publicité - Publicité trompeuse - Influence sur le comportement économique du consommateur
Pour déterminer si une publicité est trompeuse, il convient de vérifier avant tout si la publicité est susceptible d'influencer le comportement économique du consommateur et ce, d'une manière substantielle, depuis le 1er décembre 2007. Pour déterminer si la publicité est ou non de nature à induire l'acheteur en erreur, il y a lieu de se référer à l'attente présumée d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
Il n'y a pas lieu de confondre les obligations relatives aux allégations nutritionnelles qui peuvent être employées (règlement CE 1924/2006) et celles qui découlent de l'interdiction de la publicité trompeuse. Ce n'est en effet pas parce que l'indication d'un nutriment sur une étiquette est conforme que le message publicitaire repris sur l'emballage est exact ou n'est pas susceptible d'induire le consommateur en erreur.
HANDELSPRAKTIJKEN
Handelspraktijken - Reclame - Misleidende reclame - Beïnvloeding van het economisch gedrag van de consument
Om te beoordelen of een reclame misleidend is past het eerst en vooral na te gaan of de reclame van aard is het economisch gedrag van de consument te beïnvloeden en dit, sinds 1 december 2007, op substantiële wijze. Om te beoordelen of de reclame de koper al dan niet kan misleiden, moet men zich richten op de vermoedelijke verwachting van een normaal geïnformeerde, redelijk oplettende en omzichtige gewone consument.
Men dient de verplichtingen in verband met voedingsclaims die mogen gebruikt worden (verordening EG 1924/2006) niet te verwarren met deze die voortvloeien uit het verbod op misleidende reclame. Het is niet omdat een aanduiding op een voedingsmiddel op een etiket aan de vereisten voldoet dat de reclameboodschap op de verpakking juist is of niet tot misleiding van de consument kan leiden.

Unilever Belgium SPRL / Materne-Confilux et F. Andros

Siég.: H. Mackelbert, M.-F. Carlier et Y. Demanche (conseillers)
Pl.: Mes Ph. Péters, T. de Haan et I. Goes, J.-S. Lenaerts
I. Décision entreprise

L'appel est dirigé contre le jugement prononcé contradictoirement le 7 juin 2007 par le président du tribunal de commerce de Bruxelles, statuant comme en référé en matière de cessation, signifié le 28 juin 2007.

II. Procédure devant la cour

L'appel principal est formé par requête, déposée par Unilever au greffe de la cour, le 27 juillet 2007.

L'appel ayant été formé dans le délai légal est recevable.

L'appel incident est introduit par conclusions, déposées par Materne et Andros (dénommés ci-après “Materne”) au greffe de la cour, le 28 septembre 2007.

La procédure est contradictoire.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Faits et antécédents de la procédure

1. Unilever est une société active dans le secteur de l'alimentation, des soins ménagers et corporels.

En février 2005, elle lance le produit Knorr Vie qui est une boisson préparée à base de fruits et de légumes.

Le conditionnement se présente comme suit:

Il s'agit d'une petite bouteille en plastique de 100 ml, insérée dans un emballage en carton qui contient divers messages publicitaires, la liste des ingrédients et la valeur nutritive moyenne de cette préparation.

Le lancement de ce produit fait l'objet d'une importante campagne de publicité et de marketing, constituée par des spots TV et des articles de publi-reportage. Par ailleurs, Knorr Vie est, notamment, proposé aux consommateurs, dans les grandes surfaces, sur des présentoirs frigorifiques disposés dans les rayons de fruits et de légumes ou de jus de fruits, qui se présentent comme suit:

La publicité et les étiquettes insistent sur le fait que Knorr Vie rencontre 50% des besoins journaliers en fruits et légumes, comme le montre cette photo:

Il est précisé sur les étiquettes que les nutritionnistes recommandent de manger quotidiennement 400 g de fruits et légumes, aussi bien frais que préparés et dans les publicités que Knorr Vie c'est 200 g de purs fruits et légumes dans une petite boisson.

Par ailleurs, les emballages contiennent les pictogrammes suivants:

qui varient selon les fruits et légumes présents dans la préparation.

2. Materne est une société active sur le marché des confitures, des compotes et des préparations à base de fruits, dont les jus de fruits. Elle commercialise, notamment, le produit Fruithie qui est une préparation de fruits à boire et à manger et sur l'emballage duquel il est précisé que 1 Fruithie = 2 portions de fruits, ainsi que des jus de fruits dont les étiquettes mentionnent que 25 cl correspond à autant de fruits, de tranches ou de rondelles de fruits ou que les vitamines qu'ils contiennent représentent x% des apports journaliers recommandés (AJR).

3. Par exploit du 15 novembre 2006, Materne fait citer Unilever devant le président du tribunal de commerce de Bruxelles, siégeant comme en référé, en matière d'action en cessation.

Elle considère que les allégations figurant sur l'étiquetage du Knorr Vie et dans la publicité sont erronées et/ou trompeuses et/ou susceptibles d'induire le consommateur en erreur et/ou déloyales.

À cet égard, elle soutient que:

- l'allégation selon laquelle Knorr Vie représente 50% des AJR en fruits et légumes et, partant, l'équivalence avec 200 g de fruits et légumes, est inexacte;

- la reproduction stylisée de fruits et légumes qui seraient contenus dans la bouteille est, non seulement, exagérée, mais en outre, mensongère et trompeuse;

- le contenu du Knorr Vie ne peut être qualifié de pur et naturel.

Materne demande au président du tribunal d'interdire toute mise en vente d'articles sur lesquels figurent les allégations litigieuses ainsi que toute publicité les reprenant. Elle sollicite la modification du site Internet d'Unilever afin de se conformer à l'ordre de cessation et la publication par extraits du jugement à intervenir dans six journaux ou périodiques, outre le fascicule 100 façons édité par Unilever.

S'il devait être fait droit aux différents chefs de la demande principale, Unilever introduit une demande reconventionnelle tendant à prononcer un ordre identique à charge de Materne relatif aux allégations de pureté, l'utilisation de pictogrammes ou de représentation de fruits et légumes et à la mention que 1 Fruithie = 2 portions de fruits.

Indépendamment des mesures sollicitées dans le paragraphe précédent, Unilever demande en outre au président du tribunal d'ordonner à Materne de cesser l'emploi de toute allégation nutritionnelle sans donner les informations requises par la réglementation, notamment, en ce qui concerne la valeur énergétique, les teneurs en protéine, glucides, sucres, lipides, acides gras saturés, fibres alimentaires, sodium et teneur en vitamine.

Unilever demande également le paiement de 25.000 EUR à titre de contribution dans ses frais et honoraires d'avocat.

Le premier juge fait droit partiellement à la demande principale.

Il constate qu'Unilever a violé les articles 23, 1°, 30, 93 et 94 de la LPCC en mentionnant illicitement et de manière mensongère et trompeuse que ses produits Knorr Vie rencontrent 50% des besoins quotidiens en fruits et légumes par bouteille.

Il ordonne la cessation de cette mention et, partant, toute mise en vente d'articles sur lesquels figurent les allégations litigieuses, toute utilisation en publicité - par toute voie et sur tout support et/ou sur l'emballage des produits et/ou encore leur étiquetage - de cette mention erronée, et ce dans les deux mois de la signification du jugement, sous peine d'une astreinte de 1.000 EUR par jour de retard. Il ordonne à Unilever de modifier son site web.

Statuant sur la demande reconventionnelle, il prend acte que Materne a modifié son étiquetage en adoptant l'étiquetage nutritionnel du groupe 2 pour le jus de fruits 3 fruits pressés et fibres et pour le Fruithie, comme le demandait Unilever. Il ordonne la réouverture des débats afin que les parties puissent s'expliquer sur l'étiquetage du produit 3 agrumes multivitamines.

4. En exécution de cette décision, Unilever modifie son étiquetage. Celui-ci se présente dorénavant comme suit:

la mention 50% ayant été remplacée par 200 g.

5. Unilever interjette appel du jugement du 7 juin 2007. Elle demande à la cour de:

• Statuant sur l'appel principal

- Le déclarer recevable et fondé;

- Mettre la décision dont appel à néant en ce qu'elle ordonne à Unilever la cessation de la mention que ses Knorr Vie rencontrent “50% des besoins quotidiens en fruits et légumes” par fiole et, jugeant à nouveau en application des nouvelles dispositions de la loi du 14 juillet 1991, déclarer sur ce point la demande principale originaire de Materne non fondée et, en conséquence, l'en débouter;

- Déclarer la demande reconventionnelle originaire d'Unilever fondée et, en conséquence, condamner Materne à:

- cesser toute allégation nutritionnelle concernant les sucres, les acides gras saturés ou les lipides saturés, les fibres alimentaires ou le sodium, sans donner les informations suivantes (du groupe 2 de l'article 4 du 8 janvier 1992): la valeur énergétique, les teneurs en protéines, glucides, sucres, lipides, acides gras saturés, fibres alimentaires et sodium, sous peine d'une astreinte de 10 EUR par produit ou par support publicitaire ne respectant pas cet ordre de cessation;

- cesser toute allégation concernant la teneur en vitamines si la quantité contenue est inférieure à 15% de l'AJR, sous peine d'une astreinte de 10 EUR par produit ou par support publicitaire ne respectant pas cet ordre de cessation;

- cesser toute indication “multivitamines” si le produit ne contient pas 15% de l'AJR de plus que deux sortes de vitamines différentes, sous peine d'une astreinte de 10 EUR par produit ou par support publicitaire ne respectant pas cet ordre de cessation;

- cesser d'indiquer la présence de vitamines sans indiquer le pourcentage de l'AJR par rapport à une quantité précise, sous peine d'une astreinte de 10 EUR par produit ou par support publicitaire ne respectant pas cet ordre de cessation;

- cesser de ne pas mentionner l'unité de mesure de la valeur nutritive, sous peine d'une astreinte de 10 EUR par produit ou par support publicitaire ne respectant pas cet ordre de cessation.

• Statuant sur l'appel incident

- Le déclarer non fondé;

- À titre subsidiaire, au cas où la cour prononcerait un éventuel ordre de cessation contre Unilever

- préciser - afin d'éviter toute difficulté d'exécution - que tout ordre de cessation éventuel ne vaudra que pour l'avenir et ne s'étendra pas à des produits, supports ou prestations se trouvant sous le contrôle de tiers;

- prévoir un délai de minimum trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir pour l'exécution de tout ordre de cessation relatif à la présentation ou à la publicité des produits Knorr Vie;

- dire que l'astreinte ne peut être due que par jour de retard et non pas “par infraction”;

- plafonner le montant de l'astreinte à maximum 100.000 EUR;

- refuser toute mesure de publication ou d'affichage de la décision.

- Uniquement au cas où la cour devrait imposer à Unilever un éventuel ordre de cession d'allégations relatives à la pureté, prononcer un ordre identique à l'encontre des intimées et l'assortir des mêmes délais d'exécution, astreintes et éventuelles mesures de publicité que l'ordre imposé à Unilever;

- Uniquement au cas où la cour devrait imposer à Unilever un éventuel ordre de cessation d'utilisation de pictogrammes chiffrés ou non indiquant une équivalence, prononcer un ordre identique à l'encontre des intimées, leur faire interdiction d'utiliser tout message du type “1 verre/portion/quantité de jus = x fruits” (représentés sous forme de dessin ou non) et assortir cet ordre des mêmes délais d'exécution, astreintes et éventuelles mesures de publicité que l'ordre imposé à Unilever.

• Statuant sur la demande en constatation de prétendue non-exécution de l'ordre prononcé par le premier juge et en confirmation de la prétendue débition d'astreintes

- Dire que la cour n'est pas compétente pour en connaître et, à tout le moins, la dire non fondée;

• En tout état de cause

- Condamner Materne aux frais des deux instances, soit une indemnité de procédure forfaitaire de 50.000 EUR (25.000 EUR par instance) ainsi que les droits de mise au rôle de la requête d'appel (186 EUR) et l'indemnité de débours indexée (60,71 EUR) prévue à l'article 6, 4° de l'arrêté royal du 30 novembre 1970.

Par conclusions déposées au greffe de la cour le 7 mars 2008, Unilever se désiste de sa demande reconventionnelle, sauf en ce qui concerne les chefs de demande introduits pour le cas où la cour devrait la condamner à cesser de faire usage de la mention “pureté” ou à cesser de faire usage de pictogrammes chiffrés ou non indiquant une équivalence.

6. Materne introduit un appel incident. Elle demande à la cour de:

Déclarer l'appel principal recevable mais non fondé:

En conséquence,

Confirmer l'ordonnance a quo en ce que celle-ci:

• constate “que la SPRL Unilever viole les articles 23, 1°, 30, 93 et 94 de la LPCC en mentionnant illicitement et de manière mensongère et trompeuse que ses produits Knorr Vie rencontrent 50% des besoins quotidiens en fruits et légumes par fiole”;

• ordonne “en conséquence, la cessation de cette mention et, partant, toute mise en vente d'articles, sur lesquels figurent les allégations litigieuses, toute utilisation en publicité - par toute voie et sur tout support et/ou sur l'emballage des produits et ou encore leur étiquetage - de cette mention erronée”;

• ordonne “l'exécution de son ordre de cessation par l'appelante, à ses frais, dans les 2 mois de la signification du jugement, sous peine d'une astreinte de 1.000 EUR par jour de retard à exécuter l'ordre de cessation” et ordonne à l'appelante “la modification de son site web en sorte de se conformer à l'ordre de cessation et ce, dans un délai de 15 jours de la signification du jugement”;

Constater que l'appelante n'a pas exécuté l'ordre de cessation prononcé:

• en ce qui concerne le site web, dans les 15 jours de la signification de l'ordonnance intervenue le 28 juin 2007, soit à compter du 13 juillet 2007;

• en ce qui concerne la mise en vente d'articles, sur lesquels figurent les allégations litigieuses, dans les 2 mois de la signification de l'ordonnance, soit à compter du 29 août 2007, jusqu'au jour de la parfaite exécution de l'ordre de cessation,

et, partant, confirmer la débition par l'appelante des astreintes, dont le montant total, arrêté au plus tôt au 12 octobre 2007, doit être majoré des intérêts, à compter, respectivement, du 13 juillet 2007 et du 29 août 2007, jusqu'au jour du complet paiement.

Lui donner acte de son appel incident formé par voie de conclusions,

Déclarer celui-ci recevable et fondé;

Reformer l'ordonnance a quo pour les ordres dont la confirmation n'est pas demandée ci-dessus et partant:

• constater qu'en diffusant le message incriminé, sur quelque support que ce soit et par tout moyen et toute voie, en vue de la promotion et de la commercialisation de son produit Knorr Vie, en ce qu'il allègue que ce produit contient 200 grammes de fruits et légumes et/ou que ce produit est pur et naturel - en ces termes ou sous toute formulation conduisant à une interprétation identique par le consommateur - Unilever viole ou, si l'infraction a pris en tout ou en partie fin, a violé les articles 23, 30, 93 et 94 de la LPCC, en ce compris lorsque l'article 93 condamne la violation préjudiciable par un concurrent d'une disposition légale et/ou réglementaire, tels notamment les arrêtés royaux des 17 avri1 1980, 8 janvier 1992 et 13 septembre 1999;

• ordonner la cessation de tout manquement qui subsiste ou subsisterait, dans un délai d'un mois de la date de prononcé de l'arrêt et ce, sous peine d'astreinte de 10.000 EUR par jour de retard et/ou par infraction;

• autoriser l'affichage et la publication de la décision, par extrait et, partant; autoriser la publication de l'arrêt à intervenir, aux frais de l'appelante, remboursable aux intimées, appelantes sur incident, sur simple présentation de la facture, en quatre journaux, magazines, tout public ou professionnels, au choix des intimées, appelantes sur incident ainsi que dans le magazine “100 façons” diffusé par l'appelante (en sa version papier et “online”);

• autoriser les intimées, appelantes sur incident, à faire procéder à la diffusion, lors des pauses publicitaires, aux frais de l'appelante au principal, d'un spot rectificatif du message diffusé, sur les chaînes télévisées concernées par la diffusion du message litigieux;

• ordonner l'affichage de l'arrêt dans des lieux accessibles au public, déterminés de commun accord par les parties, et, dans lesquels le message litigieux a été le plus mis en avant par l'appelante au principal;

Condamner l'appelante aux frais des deux instances et à l'indemnité de procédure ainsi qu'à indemniser les intimées, appelantes sur reconvention de leurs frais de défense, fixés forfaitairement à 10.000 EUR par instance.

IV. Discussion
1. Le cadre juridique

7. Avant son abrogation par la loi du 5 juin 2007 qui a transposé en droit belge la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, entrée en vigueur le 1er décembre 2007, l'article 23, 1° de la LPCC était rédigé comme suit:

“Sans préjudice d'autres dispositions légales ou réglementaires, est interdite toute publicité;

1° qui comporte des affirmations, indications ou représentations susceptibles d'induire en erreur sur l'identité, la nature, la composition, l'origine, la quantité, la disponibilité, le mode et la date de fabrication ou les caractéristiques d'un produit ou les effets sur l'environnement; par caractéristiques, il y a lieu d'entendre les avantages d'un produit, notamment au point de vue de ses propriétés, de ses possibilités d'utilisation, des résultats qui peuvent être attendus de son utilisation, des conditions auxquelles il peut être obtenu, notamment le prix ou son mode d'établissement et les caractéristiques essentielles des tests ou contrôles effectués sur le produit et des services qui l'accompagnent.”

8. Le nouvel article 94/5 § 2, alinéa 1er LPCC prévoit que:

“une pratique commerciale est déloyale si elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et si elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur auquel elle s'adresse, par rapport au produit ou au service”.

Le nouvel article 93, 5° LPCC définit une “pratique commerciale” comme

“toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un vendeur, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture de produits ou de services aux consommateurs”.

Le nouvel article 93, 6° LPCC définit la notion d'“altération substantielle du comportement économique des consommateurs” comme suit:

“l'utilisation d'une pratique commerciale compromettant sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l'amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement”.

Le nouvel article 94/6 § 1er et § 2 LPCC ajoute:

“§ 1er. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses ou que, d'une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d'induire en erreur le consommateur, en ce qui concerne un ou plusieurs des éléments cités à l'alinéa 2, même si les informations présentées sont factuellement correctes, et qu'elle l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.

Sont visées par l'alinéa 1er, les informations relatives à:

l° l'existence ou la nature du produit ou du service;

2° les caractéristiques principales du produit ou du service, telles que sa disponibilité, ses avantages, les risques qu'il présente, son exécution, sa composition, ses accessoires, le service après vente et le traitement des réclamations, le mode et la date de fabrication ou de prestation, sa livraison, son aptitude à l'usage, son utilisation, sa quantité, ses spécifications, son origine géographique ou commerciale ou les résultats qui peuvent être attendus de son utilisation, ou les résultats et les caractéristiques essentielles des tests ou contrôles effectués sur celui-ci;

§ 2. Est également réputée trompeuse une pratique commerciale qui, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, amène ou est susceptible d'amener le consommateur à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, lorsqu'elle implique:

1° toute activité de marketing concernant un produit ou un service, y compris la publicité comparative, créant une confusion avec un autre produit, service, marque, nom commercial ou autre signe distinctif d'un concurrent.”

Le nouvel article 94/7 § 1er et § 2 LPCC porte sur les omissions trompeuses, qui doivent porter sur des informations “substantielles”. L'article dispose que:

“§ 1er. Une pratique commerciale est considérée comme une omission trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.

§ 2. Est également considérée comme une omission trompeuse, une pratique commerciale par laquelle un vendeur dissimule une information substantielle telle que définie au § 1er ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu'il n'indique pas son intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l'un ou l'autre cas, le consommateur est ainsi amené ou est susceptible d'être amené à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.”

Quant à l'article 30 LPCC (demeuré inchangé), il dispose que:

“Au plus tard au moment de la conclusion de la vente, le vendeur doit apporter de bonne foi au consommateur les informations correctes et utiles relatives aux caractéristiques du produit ou du service et aux conditions de vente, compte tenu du besoin d'information exprimé par le consommateur et compte tenu de l'usage déclaré par le consommateur ou raisonnablement prévisible.”

9. La modification de la législation en cours de procédure n'a que peu d'incidence sur la solution du litige puisque la publicité trompeuse au sens de l'article 23 (ancien) LPCC devait être interprétée et appliquée à la lumière de la directive 84/450/CEE du Conseil du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse dont l'article 2.2. disposait qu'il fallait entendre par publicité trompeuse, toute publicité qui, d'une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d'induire en erreur les personnes auxquelles elle s'adresse ou qu'elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d'affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent (Bruxelles 13 avril 1999, Ann. prat. comm. 1997, 196).

Il convient donc de vérifier avant tout si la publicité d'Unilever était susceptible d'influencer le comportement économique du consommateur et ce, d'une manière substantielle, depuis le 1er décembre 2007.

Par ailleurs, même sous l'empire de l'ancienne loi, pour déterminer si la publicité en cause est ou non de nature à induire l'acheteur en erreur, il y a lieu de se référer à l'attente présumée d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (C.J.C.E. 16 juillet 1998, C-210/96, Gut Springenheide et Tusky, Rec. 1998, I-04657, point 31).

2. Sur le premier grief: Knorr Vie = 50% de vos besoins quotidiens en fruits et légumes

10. Selon Unilever, l'objectif du Knorr Vie est d'accroître la consommation de fruits et de légumes, en apportant une quantité importante de ceux-ci dans un petit volume, tout en ne les remplaçant pas. Le concept consiste à mettre sur le marché une petite bouteille de 100 ml qui apporte 200 g de fruits et légumes, soit 50% des apports recommandés par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) (cf. pièce I, 3 de son dossier).

Unilever se fonde en effet sur la recommandation de l'OMS et des nutritionnistes selon lesquels la consommation journalière de fruits et légumes devrait atteindre au moins 400 g par jour (cf. Plan national Nutrition et Santé pour la Belgique, 2005-2010, p. 39, pièce 28 du dossier de Materne). Dès lors qu'elle affirme que chaque bouteille de Knorr Vie est préparée à partir de 200 g de fruits et légumes, Unilever en déduit que ce produit rencontre 50% des besoins quotidiens.

11. Tout consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sait qu'il n'est pas possible de faire entrer 200 g de fruits et légumes dans une bouteille de 100 ml. Il sait donc que le produit qu'il achète résulte d'une transformation des ingrédients de base par broyage, mixtion, extraction du jus et concentration. La liste des ingrédients imprimée sur les emballages ne laisse aucun doute à ce sujet. Ainsi, pour la boisson Ananas Passion Maïs, la notice est la suivante:

purée de pomme, jus de carotte concentré, 16% jus d'ananas concentré, jus de pomme concentré, 6% jus de fruit de la passion concentré, pulpe d'orange, 3,5% purée de maïs, jus d'acerola concentré, fibres (pectine de pomme). Délicatement pasteurisé.

Ce que recherche le consommateur qui achète ce genre de produits, c'est d'obtenir l'équivalent de 50% de ses besoins en fruits et légumes, comme l'indiquent l'étiquetage et la publicité.

Afin d'établir l'exactitude matérielle des données de fait contenues dans sa publicité - comme le lui impose la directive 84/450/CEE - Unilever produit le tableau suivant qui compare les nutriments présents en moyenne dans les trois recettes de Knorr Vie et ceux dans 100 g de légumes crus ou bouillis et 100 g de fruits, telles que ces informations ressortent de la table hollandaise de composition des aliments NEVO, reconnue par la F.A.O., et qui peut donc être reconnue comme une source scientifique digne de foi, aucune table n'étant produite pour la Belgique.

Nutriments Knorr Vie (100 ml, moyenne des 3 recettes) Légumes crus (100g) et fruits (100g)* Légumes bouillis (100g) et fruits (100g)*
Energie (Kj / kcal) 317 / 75 280 / 65 320 / 75
Protéines (g) 1,5 1,7 2,6
Glucides (g) 15 14 16
Dont sucres simples (g) 14 13 13
Lipides (g) 0,5 0 0
Dont saturés (g) 0 0 0
Fibres (g) 1,5 3,7 4,8
Sodium (mg) 23 10 60
Vitamine C (mg) 30 32 35
Potassium (mg) 310-505 409 428
Folates (µg) 9-74 30 46
caroténoïdes totaux (mg) 1,8-7,1 2,4 *** 2,9 ***
Dont bêta-carotène (mg) 0,2-3 0,8 *** 1,2 ***
* Source: Table Nevo, 2001 (fruit, fruit citriques inclus, moyenne)
*** Somme de l'alpha-carotène, bêta-carotène, lutéine, alpha-cryptoxanthine, et lycopène.
Source: Table Souci Fachmann Kraut, 2000.

Il se déduit de la lecture de ce tableau que si la teneur moyenne en glucides, vitamine C, potassium, folates et caroténoides du Knorr Vie peut être considérée comme conforme aux normes suggérées par la table Nevo, il n'en est pas de même en ce qui concerne les fibres.

Le Knorr Vie n'en contient que 1,5 g, alors que la moitié de la consommation recommandée de fruits et légumes en contient entre 3,7 g et 4,8 g, soit, en moyenne, 2,83 fois plus.

Contrairement à ce qui est affirmé, le Knorr Vie ne rencontre donc pas, au niveau des fibres, les mêmes besoins que ceux que procurent les fruits et légumes.

12. Unilever soutient que Knorr Vie est une source de fibres et que sa teneur en fibres de 1,5 g est conforme au règlement (CE) 1924/2006 du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires.

Il n'y a pas lieu de confondre les obligations relatives aux allégations nutritionnelles qui peuvent être employées dans l'étiquetage et celles qui découlent de l'interdiction de la publicité trompeuse. Ce n'est en effet pas parce que l'indication d'un nutriment sur une étiquette est conforme que le message publicitaire repris sur l'emballage est exact ou n'est pas susceptible d'induire le consommateur en erreur.

En l'espèce, s'agissant d'apprécier ses besoins en AJR, le consommateur ne s'attend pas à ce que le Knorr Vie soit simplement une source de fibre - ce message n'apparaît d'ailleurs pas sur les emballages, mais uniquement à l'occasion de la conférence de presse de Mme Van Malderen, nutritionniste d'Unilever - mais qu'il contienne, même en moyenne, autant de fibres que la quantité annoncée de fruits et légumes, ce qui est loin d'être le cas puisqu'il y en a trois fois moins dans le Knorr Vie. Unilever se garde d'ailleurs bien d'indiquer sur le tableau de la valeur nutritive moyenne du produit le pourcentage de fibres qu'il contient par rapport aux AJR, comme elle le fait - correctement d'ailleurs - pour la vitamine C.

De plus, dans la brochure publicitaire du Knorr Vie (pièce I, 7 du dossier de Unilever), les fibres sont mentionnées de la même manière que les antioxydants, les minéraux et la vitamine C. Le consommateur s'attend donc bien à y trouver 50% de ses besoins quotidiens, comme le vante le bandeau imprimé au bas de cette brochure.

Certes, sur son site Internet, Unilever précise que les fruits et légumes ne fournissent qu'une part de l'apport journalier recommandé en fibres et que les céréales entières sont les sources principales de fibres alimentaires. Outre que cette information n'est pas accessible à tous les consommateurs et qu'on ne peut demander à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de consulter systématiquement les sites Internet des fabricants des produits qu'il compte acheter, il convient d'observer qu'Unilever ne précise pas sur son site quelle est la quantité moyenne de fibres contenues dans 100 ou 200 g de fruits et légumes. Elle indique uniquement que le Knorr Vie en contient 1,5 g, empêchant ainsi le consommateur d'effectuer une comparaison et lui faisant croire que les quantités sont identiques.

Il s'en déduit qu'en affirmant que le Knorr Vie représente 50% de vos besoins quotidiens en fruits et légumes, Unilever fait état d'une information inexacte.

13. Cette information est en outre susceptible d'influencer le comportement du consommateur, même d'une manière substantielle, puisque la campagne de publicité et l'incitation à acheter le produit sont principalement axées sur ce slogan.

En effet, Unilever commence par affirmer que les Belges ne mangent pas assez de fruits et légumes pour ensuite poser la question quelle quantité de fruits et légumes devrions-nous manger? et y répondre par 400 g par jour, en reprenant les recommandations des nutritionnistes. Unilever poursuit en affirmant qu'une nouvelle manière très simple d'augmenter [sa] consommation de fruits et légumes est de consommer un Knorr Vie qui représente 50% des apports journaliers recommandés puisqu'il est fait à base de 200 g de purs fruits et légumes qui sont concentrés dans une bouteille de 100 ml (cf. pièce 6 du dossier de Materne; cf. également l'annonce publicitaire insérée dans le magazine Ma Santé d'avril 2005 - pièce 13).

Il est ainsi clairement démontré qu'Unilever incite le consommateur à acheter le Knorr Vie pour satisfaire 50% de ses besoins en fruits et légumes alors que ce produit ne répond pas à cette caractéristique.

L'appel sur ce point n'est pas fondé.

3. Sur le deuxième grief: utilisation de pictogrammes trompeurs liés à l'affirmation que le produit contient 200 g de fruits et légumes

14. Materne considère que l'indication que chaque Knorr Vie contient l'équivalent de, suivie de la représentation graphique d'un certain nombre de fruits et légumes ou de partie d'entre eux, vise à induire en erreur le consommateur sur les qualités nutritionnelles du produit, lui faisant croire que ces fruits et légumes ou, à tout le moins, leurs qualités nutritionnelles se retrouvent dans le Knorr Vie.

Pour Materne, les représentations visuelles viennent appuyer le message général véhiculé par Unilever, selon lequel Knorr Vie apporte 50% des besoins quotidiens en fruits et légumes. Le message et la représentation visuelle incriminée confortent le consommateur dans son idée que 200 g de fruits et légumes sont bien contenus dans chaque bouteille.

Materne s'appuie sur une étude qu'elle a commandée à Mme Béatrice de Reynal qui a calculé la valeur nutritive de 200 g des fruits et légumes supposés contenus dans un Knorr Vie d'après les pictogrammes, qui l'a comparée avec la valeur nutritive indiquée sur chaque bouteille, pour en conclure que le Knorr Vie ne contient pas le même équivalent.

15. Dès lors que la cour a confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il a ordonné à Unilever de cesser d'indiquer que Knorr Vie rencontrait 50% des besoins quotidiens en fruits et légumes, il n'y a pas lieu, dans l'appréciation du deuxième grief, d'établir un lien entre cette mention qui n'est plus reprise par Unilever et l'utilisation des pictogrammes, liée à l'affirmation que le produit contient 200 g de fruits et légumes.

Dans le cadre de l'appel incident, il convient donc d'apprécier la conformité de l'emballage comme s'il ne contenait pas l'indication des 50%, c'est-à-dire tel qu'il se présentait en automne 2007 sur la photo suivante:

Il est en effet sans utilité de statuer sur la publicité telle qu'elle se présentait au moment de l'intentement de l'action, puisqu'il a été mis fin aux actes incriminés à l'époque, et plus particulièrement la mention des 50%. Par ailleurs, rien ne permet de supposer qu'Unilever serait animée de l'intention de remettre sur le marché les anciens emballages.

16. Ainsi que cela a été dit au point 10, tout consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sait qu'il n'est pas possible de faire entrer 200 g de fruits et légumes dans une bouteille de 100 ml.

En lisant la notice détaillant les ingrédients, il sait également que les fruits et légumes ont subi une transformation (cf. point 11).

Le jury d'éthique publicitaire, institué par le Conseil de la publicité, a d'ailleurs déjà considéré à ce sujet, en 2005, que le procédé graphique permettait seulement au consommateur de visualiser les ingrédients du Knorr Vie et que ce dernier avait assez de discernement pour interpréter correctement cette communication, sans s'imaginer que Knorr Vie contient des légumes et fruits frais (pièce I, 5 du dossier d'Unilever).

Les pictogrammes ne sont pas susceptibles d'induire le consommateur en erreur. Il s'agit d'une illustration banale à laquelle le consommateur est habitué, si l'on en juge par les pratiques semblables des firmes concurrentes (cf. échantillons déposés par Unilever, pièces 1.8. et 1.12. de son dossier).

17. L'étiquette précise en outre que Knorr Vie est une délicieuse recette élaborée à partir de 200 g de fruits & légumes.

Le consommateur dispose ainsi de quatre informations:

- le pictogramme indiquant les différentes quantités de fruits et légumes dont Knorr Vie contient l'équivalent;

- l'affirmation que Knorr Vie est fabriquée à partir de 200 g de fruits et légumes;

- la liste des ingrédients (purée, jus concentré, pulpe, etc.)

- la valeur nutritionnelle moyenne du produit.

Sur la foi de ces informations, le consommateur ne peut que penser que le Knorr Vie est une boisson à base de purée, jus et autres sirops ou concentrés, obtenus à partir de 200 g de fruits et légumes dont l'identification est mentionnée sur le pictogramme.

Il ne résulte d'aucun élément présent sur l'emballage et sur les publicités que le Knorr Vie contiendrait l'addition des éléments nutritionnels que l'on peut trouver dans les fruits et légumes frais représentés dans le pictogramme. Le consommateur qui achète ce genre de produit sait qu'il est indispensable d'avoir une nourriture équilibrée et est attentif aux informations qui sont imprimées sur les étiquettes. C'est donc après avoir pris connaissance de toutes les données qui y sont imprimées qu'il fera son choix, comme l'a rappelé la Cour de justice dans son arrêt du 26 octobre 1995 (C.J.C.E. 26 octobre 1995, C-51/94, Commission/République fédérale d'Allemagne, point 34). Il sait donc - ou doit savoir - que le produit ne contient que les valeurs nutritionnelles indiquées dans le tableau imprimé sur l'emballage, dont il n'est pas contesté qu'elles sont exactes. Il n'est donc pas induit en erreur.

Il s'en déduit que les mentions critiquées par Materne ne sont pas susceptibles d'influencer le comportement économique de ce consommateur dans un choix autre que celui qu'il avait envie de faire.

Il y a donc lieu de dire l'appel incident non fondé sur ce point.

4. Sur les allégations de pur et de naturel

18. Materne soutient que le Knorr Vie n'est ni pur ni naturel au motif qu'il contient de la pectine de pomme et de l'eau déminéralisée.

19. La pectine de pomme est un gélifiant présent dans les pommes qui sert à densifier le produit. Sa présence dans le Knorr Vie est mentionnée sur l'étiquette du flacon.

S'agissant de confitures, il a déjà été dit pour droit qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ne saurait être induit en erreur par la mention purement naturelle inscrite sur l'étiquette, du simple fait que la denrée alimentaire comporte du gélifiant pectine dont la présence est régulièrement mentionnée sur la liste des ingrédients qui la composent (C.J.C.E. 4 avril 2000, C- 465/98, VUHG/Adolf Darbo, point 22).

Il doit donc être raisonné de même pour les boissons à base de fruits et de légumes, d'autant plus qu'il ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire que la pectine de pomme - qui est un produit naturel - ne puisse pas être ajoutée à ces boissons.

Quant à l'eau déminéralisée, additionnée en quantité infime et, en tout cas, inférieure à celle qui a été retirée lors de la concentration des fruits et des légumes, il n'est pas allégué qu'elle affecterait le caractère pur et naturel des fruits utilisés. Materne se borne en effet à soutenir qu'Unilever aurait dû la mentionner sur l'emballage au motif qu'il ne s'agirait pas d'un liquide de reconstitution visé par l'article 4 § 1er, b) de l'arrêté royal du 13 septembre 1999 relatif à l'étiquetage des denrées alimentaires préemballées, ce que conteste Unilever. En tout état de cause, il est sans utilité de faire trancher cette controverse par un expert, puisque le comportement économique du consommateur, dans sa décision d'achat, ne peut être affecté par la présence ou non de quelques millilitres d'eau déminéralisée dans le Knorr Vie.

L'appel incident est donc non fondé sur ce point.

5. Sur l'adaptation des mesures sollicitées

20. Materne soutient que les mesures ordonnées par le premier juge ne sont pas suffisantes pour contraindre Unilever à se conformer à l'ordre de cessation. Elle prétend que le jugement entrepris n'aurait pas été complètement exécuté et demande à la cour de le constater.

21. Il était inutile pour le premier juge d'assortir d'une astreinte l'ordre de modifier le site Internet puisque l'ordre de cessation de la mention Knorr Vie rencontre 50% de vos besoins quotidiens en fruits & légumes prévoyait une astreinte de 1.000 EUR par jour de retard. Si Unilever n'avait pas modifié son site Internet, elle aurait, ipso facto, violé l'ordre général de cessation.

Unilever affirme s'être conformée au jugement entrepris en ne livrant plus à ses clients du Knorr Vie dans son ancien emballage. Elle soutient qu'elle n'était pas tenue de demander à ceux-ci de lui renvoyer les produits qui n'avaient pas encore été vendus, ce qui explique que dans certains points de vente, il a encore été trouvé des Knorr Vie avec l'ancien emballage, à la fin du troisième trimestre 2007.

Il n'appartient pas à la cour d'interpréter l'ordre de cessation ni de statuer sur la manière dont Unilever a exécuté le jugement entrepris, ce litige étant de la compétence exclusive soit du premier juge soit du juge des saisies.

Si un certain flottement a été constaté au moment où l'ordre de cessation a pris cours, il n'est pas soutenu qu'Unilever persisterait dans sa volonté de ne pas se conformer au jugement entrepris.

Il n'y a donc pas lieu de modifier le montant des astreintes.

L'affichage et la publication de l'arrêt à intervenir, ainsi que l'autorisation de diffuser des messages rectifiant la publicité diffusée en 2005, telles que ces mesures sont demandées par Materne dans le cadre de son appel incident, ne peuvent avoir pour effet de contribuer à la cessation de l'acte incriminé ou de ses effets puisqu'il n'est pas contesté que celui-ci a cessé depuis plusieurs mois.

Si Materne estime que la violation par Unilever de la LPCC, entre 2005 et 2007, lui a causé un dommage, notamment en raison du matraquage publicitaire organisé à l'époque afin de faire entrer dans l'esprit du public l'idée que le Knorr Vie répondait à 50% de ses besoins en fruits et légumes, il lui est toujours loisible de s'adresser au juge du fond pour en obtenir réparation, le juge des cessations n'étant pas compétent pour ce faire.

L'appel incident sur ce point est non fondé.

6. Sur la demande reconventionnelle d'Unilever

22. Dès lors qu'il n'a pas été fait droit à l'appel incident de Materne, il y a lieu de constater que la demande reconventionnelle d'Unilever est sans objet.

7. Sur les frais de défense et les indemnités de procédure

23. Unilever demande à la cour de condamner Materne à lui payer une indemnité de procédure de 25.000 EUR par instance.

Materne sollicite, quant à elle, une indemnité de 10.000 EUR par instance.

24. Dès lors que le jugement entrepris a été confirmé en toutes ses dispositions et que les appels principal et incident sont non fondés, il y a lieu de mettre les dépens de première instance à charge d'Unilever et de compenser ceux de la procédure d'appel.

L'indemnité de procédure pour la première instance doit être liquidée sur la base du tarif en vigueur à la date du jugement entrepris. Faisant ce que le premier juge aurait dû faire à l'époque, il ne peut être admis que la cour puisse appliquer un tarif mis en vigueur après le prononcé du jugement, d'autant plus que la nouvelle indemnité de procédure couvre les frais et honoraires des avocats alors que l'ancienne indemnité ne rémunérait que certains actes matériels accomplis par eux à la place des avoués dont la charge avait été supprimée.

V. Dispositif

Pour ces motifs, la cour,

1. Reçoit les appels principal et incident mais les dit non fondés.

2. Constate que la demande reconventionnelle d'Unilever est devenue sans objet.

3. Met les dépens de première instance à charge d'Unilever.

Ces dépens s'élèvent à 242,94 EUR pour elle et à 195,01 EUR + 242,94 EUR pour la SA Materne-Confilux et la SNC de droit français Andros France.

Compense les dépens d'appel.

(…)