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Actualité : Cour de justice des Communautés européennes, 10/02/2009, R.D.C.-T.B.H., 2009/7, p. 735-737

Cour de justice des Communautés européennes 10 février 2009

DROIT JUDICIAIRE EUROPÉEN ET INTERNATIONAL
Règlement CE n°44/2001 - Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Champ d'application - Relations avec les autres règlements - Arbitrage - Droit d'auteur et droits voisins - Dispositions communes

(Zaak: 10 février 2009, C-185/07, Aff. West Tankers)

(Zaak: 12 février 2009, C-339/07, Aff. Deko Marty)

(Zaak: 23 avril 2009, C-533/07, Aff. Falco)

(Zaak: 2 juillet 2009, C-111/08, Aff. SCT Industri)

(Zaak: 9 juillet 2009, C-204/08, Aff. Rehder)

Dans la période allant du 1er janvier au 31 juillet 2009, la Cour de justice s'est prononcée une dizaine de fois dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale dont le pilier est le règlement n° 44/2001 (voy., notamment, les arrêts des 10 février dans l'affaire C-185/07, West Tankers, 12 février dans l'affaire C-339/07, Deko Marty, 2 avril dans l'affaire C-394/07, Gambazzi, 23 avril dans les affaires C-533/07, Falco et C-167/08, Draka Cables, 28 avril dans l'affaire C-420/07, Apostolides, 14 mai dans l'affaire C-180/06, Ilsinger, 25 juin dans l'affaire C-14/08, Rhoda Golf, 2 juillet dans l'affaire C-111/08, SCT Industri et 9 juillet dans l'affaire C-204/08, Rehder).

Quatre de ces décisions méritent à nos yeux d'être épinglées.

Tout d'abord, on ne pourrait passer sous silence, ne fût-ce qu'en raison des vives réactions qu'il a provoquées [1], l'arrêt de la Grande Chambre du 10 février 2009 rendu dans l'affaire C-185/07, West Tankers. Même s'il déçoit par son approche quelque peu superficielle qui néglige la spécificité de l'arbitrage, l'arrêt n'a pas vraiement pu surprende, non seulement parce qu'il suit les conclusions de l'avocat général Kokott mais, surtout, parce qu'il s'incrit dans la jurisprudence constante de la Cour. Rappelons que, dans cette affaire, une action des assureurs (Allianz et Generali) d'un affréteur du navire appartenant à West Tankers a été introduite à l'encontre de ce dernier devant le tribunal de Syracuse, en dépit d'une clause compromissoire stipulée dans le contrat d'affrètement. West Tankers ne s'est pas contentée de soulever une exception d'incompétence devant le tribunal italien, elle a également introduit une action devant la High Court of Jusitce pour demander que le litige soit soumis à l'arbitrage et qu'une injonction anti-suit soit prononcée, interdisant aux assureurs de recourir à une procédure autre que l'arbitrage. Sans s'attarder sur la question de l'exclusion de l'arbitrage du domaine du règlement n° 44/2001, la Cour a fermement répété la formule de l'arrêt Turner [2] selon laquelle l'adoption d'une injonction anti-suit visant à interdire à une personne d'engager ou de poursuivre une procédure devant les juridictions d'un autre État membre est incompatible avec le système créé par le règlement n° 44/2001.

Dans un arrêt rendu deux jours plus tard dans l'affaire C-339/07, Deko Marty, la Cour a clarifié les champs d'application respectifs des règlements n° 44/2001 et n° 1346/2000, relatif quant à lui aux procédures d'insolvabilité. La Cour, sollicitée par le Bundesgerichtshof allemand, a confirmé que les actions révocatoires du droit allemand, qui s'apparentent à une action paulienne, sont couvertes par le règlement n° 1346/2000 dès qu'elles sont introduites dans le cadre d'une procédure de faillite. En conséquence, elles relèvent en principe de la compétence du tribunal du centre des intérêts principaux du débiteur. La solution n'étonne point mais mérite d'être mentionnée parce qu'elle confirme, comme le fait l'arrêt rendu le 9 juillet dernier dans l'affaire C-111/08, SCT Industri, une lecture extensive que donne la Cour à l'exclusion des procédures d'insolvabilité du domaine du règlement n° 44/2001.

Dans l'affaire C-533/07, Falco (arrêt du 23 avril 2009) la Cour était invitée à éclairer l'Oberster Gerichtshof autrichien sur l'applicabilité de l'article 5, point 1, sous b), deuxième tiret, du règlement n° 44/2001 aux contrats de licence de droits de propriété intellectuelle. Pour rappel, en matière des contrats de prestation de services, la disposition en question désigne comme compétents les tribunaux de l'État membre du lieu où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis. La première question qui a dû être tranchée par la Cour était donc celle de savoir si un contrat de licence peut être qualifié de contrat de prestation des services au sens de cet article. Partant du constat que “par un tel contrat, le titulaire du droit concédé s'oblige, à l'égard de son cocontractant, uniquement à ne pas contester l'exploitation de ce droit par ce dernier” et que par conséquent “le titulaire du droit de propriété intellectuelle n'accomplit aucune prestation en concédant l'exploitation et s'engage seulement à laisser son cocontractant exploiter librement ledit droit” [3], la Cour a décidé que cette disposition n'est pas applicable aux contrats de licence. Le raisonnement de la Cour témoigne d'une approche assez restrictive des règles énoncées au point 1, sous b), de l'article 5, qui fut introduit dans le règlement n° 44/2001 afin de faciliter l'application de cet article, rendue hasardeuse par la jurisprudence De Bloos/Tessili [4]. Malgré un appel de la Commission europénne qui avait avancé dans ses observations la nécessité de délimiter largement le champ d'application du sous b) de cette disposition, la Cour s'est cantonnée dans son approche traditionnelle en affirmant que “élargir le champ d'application de l'article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement n° 44/2001 reviendrait à contourner l'intention du législateur communautaire à cet égard et affecterait l'effet utile dudit article 5, point 1, sous c) et a)” [5].

Enfin, la saison incite à signaler l'arrêt C-204/08, Rehder du 9 juillet dernier dans lequel la Cour a pu trancher une question vitale pour les passagers qui souhaitent introduire une demande d'indemnisation à l'encontre des compagnies aériennes en cas d'annulation de vols sur la base du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol. L'arrêt Rehder, concernant plus particulierement l'interprétation de l'article 5, point 1, sous b), du règlement n°44/2001, confirme qu'en cas de transport aérien de personnes d'un État membre à destination d'un autre État membre, effectué sur le fondement d'un contrat conclu avec une seule compagnie aérienne qui est le transporteur effectif, le tribunal compétent pour connaître d'une demande d'indemnisation fondée sur ce contrat de transport et sur le règlement n° 261/2004 est celui, au choix du demandeur, dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ ou le lieu d'arrivée de l'avion, tels que ces lieux sont convenus dans ledit contrat.

[1] Voy. la discussion menée sur le site http://conflictoflaws.net/2009/west-tankers-online-symposium.
[2] Arrêt du 27 avril 2004 dans l'aff. C-159/02.
[3] Points 30 et 31 de l'arrêt commenté.
[4] Les arrêts du 6 octobre 1976 dans l'aff. 12/76, Tessili et du 14 décembre 1977 dans l'aff. 59/77, De Bloos.
[5] Point 43 de l'arrêt commenté.