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Tribunal de commerce Liège, 11/05/2009, R.D.C.-T.B.H., 2009/7, p. 694-695

Tribunal de commerce de Liège 11 mai 2009

INSOLVABILITE - CONTINUITE DES ENTREPRISES
Réorganisation judiciaire - Généralités - Intérêt à agir
L'intérêt pour former une demande en réorganisation judiciaire doit être légitime.
Lorsqu'un débiteur a commis des négligences et pratiques incompatibles avec le droit fiscal et le droit social, et que la demande tend à faire supporter par ses créanciers les conséquences financières de ses propres défaillances, la requête en réorganisation judiciaire est irrecevable.
INSOLVENTIE - CONTINUÏTEIT VAN DE ONDERNEMINGEN
Gerechtelijke reorganisatie - Algemeen - Belang om de vordering in te leiden
Het belang om een verzoekschrift tot gerechtelijke reorganisatie in te dienen moet rechtmatig zijn.
Wanneer de schuldenaar zich schuldig heeft gemaakt aan nalatigheden en praktijken die onverzoenlijk zijn met het belasting- en sociaal recht, en dat de vordering ertoe strekt zijn schuldeisers te laten opdraaien voor de gevolgen van zijn eigen tekortkomingen, is het verzoekschrift tot gerechtelijke reorganisatie onontvankelijk.

Mme Ch. Maquet

Siég.: F. Bayard (vice-président du tribunal), P. Walczak et Chr. Habets (juges consulaires)
M.P.: Cl. Masson (substitut du procureur du Roi)
Pl.: Me R. Swennen

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

Vu la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises.

Vu le dossier de la procédure et en particulier:

- la requête en réorganisation judiciaire déposée au greffe du tribunal de céans le 17 avril 2009 ainsi que les annexes jointes;

- l'ordonnance du 21 avril 2009 désignant monsieur Guy Bernard, juge consulaire, en qualité de juge délégué;

- la convocation du débiteur en date du 21 avril 2009;

- le rapport du juge délégué déposé le 28 avril 2009;

- le jugement de la présente chambre du 28 avril 2009 ordonnant la réouverture des débats;

- le dossier complémentaire déposé par maître René Swennen.

Entendu en chambre du conseil le lundi 4 mai 2009, la cause étant reprise ab initio devant un siège autrement composé:

- madame Chantal Maquet;

- maître René Swennen;

- monsieur Guy Bernard, juge délégué, en son rapport verbal;

- après la clôture des débats, madame Claire Masson, substitut du procureur du Roi, en son avis verbal donné sur-le-champ, à titre principal, avis non favorable à l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, et à titre subsidiaire avis favorable à la désignation d'un administrateur provisoire, auquel il n'a pas été répliqué.

1. La demande

Madame Chantal Maquet exploite à l'heure actuelle deux débits de boissons sis respectivement à Ans et à Bassenge;

Jusque fin 2008, elle exerçait également une activité de restaurant “cabaret” à Jemeppe.

Elle fait état de difficultés financières importantes résultant notamment du déficit conséquent lié à cette dernière activité.

Elle a fait l'objet d'une citation en faillite à l'initiative du procureur du Roi. Elle ne conteste pas que les conditions de la faillite sont réunies.

Elle estime que la continuité de son activité est menacée de sorte qu'elle demande le bénéfice de la réorganisation judiciaire par accord collectif de ses créanciers.

2. Le rapport du juge délégué

Le juge délégué conclut, aux termes d'un rapport très circonstancié, au caractère contestable de la légitimité de l'intérêt de la requérante tandis qu'il qualifie d'irréaliste la proposition de désintéressement des créanciers.

3. La situation financière de la débitrice

Complétant à l'audience les éléments chiffrés mis à disposition du juge délégué, il ressort des pièces déposées que l'endettement actuel s'élèverait à un peu moins de 150.000 EUR, hors la créance de Securex et le montant TVA qu'elle devra acquitter suite aux derniers dépôts de déclarations auxquels elle a procédé tout récemment dans le but de compléter le dossier déposé à l'appui de sa demande.

Par ailleurs, selon la comptable, le dernier exercice laisserait apparaître un bénéfice, avant impôt, d'environ 25.000 EUR.

Elle offre de verser aux différents créanciers 1.500 EUR par mois, de sorte qu'elle estime pouvoir apurer ses dettes en dix ans.

4. Discussion

Il ne suffit pas pour qu'une demande en justice soit recevable, que la requérante dispose d'un intérêt à agir (art. 17 C.jud.) encore faut-il que celui-ci soit légitime (A. Fettweis, Manuel de procédure civile, 2ème éd., Faculté de droit de Liège, p. 39).

En l'espèce, les circonstances qui entourent les difficultés dénoncées par madame Maquet permettent de conclure que tel n'est pas le cas;

Ainsi, la débitrice s'est abstenue pendant plusieurs mois de respecter son obligation de dépôt des déclarations TVA. De la même manière, n'a-t-elle pas procédé à temps au dépôt des déclarations fiscales à l'impôt des personnes physiques pour les années 2006 et 2007, à telle enseigne qu'elle a fait l'objet, pour cette dernière, d'une imposition d'office lui notifiée le 24 février 2009 par l'administration fiscale.

Enfin, la débitrice a déclaré à l'audience que son époux, monsieur Serge Hubermont, émargeant au chômage, lui assure une aide régulière dans la tenue d'un des deux débits de boissons qu'elle exploite. Cette pratique contrevient aux dispositions applicables en matière de lois sociales.

Il résulte de la conjonction de ces trois éléments de fait que madame Maquet ne peut justifier du caractère légitime de sa demande de réorganisation judiciaire qui tend à faire supporter par ses créanciers les conséquences financières de ses propres défaillances dans le respect des obligations les plus élémentaires qui s'imposent à tout commerçant.

Par ces motifs

Le tribunal,

Après en avoir délibéré et statuant en audience publique,

Dit la demande irrecevable.

Lui délaisse les frais et dépens de son action.

Note / Noot

Ce jugement a été réformé par l'arrêt de la cour d'appel de Liège du 18 juin 2009 publié ci-dessus dans le même numéro.