Article

Tribunal de commerce Liège, 29/04/2009, R.D.C.-T.B.H., 2009/7, p. 678-680

Tribunal de commerce de Liège 29 avril 2009

INSOLVABILITE - CONTINUITE DES ENTREPRISES
Réorganisation judiciaire - Généralités - Recevabilité
Pour déclarer ouverte la procédure de réorganisation judiciaire, il faut mais il suffit que la continuité de l'entreprise soit menacée à court ou moyen terme selon l'appréciation du débiteur, et que la procédure de réorganisation judiciaire puisse apporter un élément de solution pour le maintien total ou partiel de l'activité économique.
Le débiteur ne doit pas justifier de la réalité de la menace de discontinuité qu'il allègue; il suffit qu'il en affirme l'existence.
En l'espèce, telle qu'elle est proposée, la réorganisation judiciaire, passant notamment par un effort très substantiel de la part des associés, est susceptible d'apporter un élément de solution au maintien total ou partiel de l'activité économique de la société. Et la nouvelle orientation donnée par la société à son activité paraît d'ailleurs déjà porter ses fruits.
INSOLVENTIE - CONTINUÏTEIT VAN DE ONDERNEMINGEN
Gerechtelijke reorganisatie - Algemeen - Ontvankelijkheid
Om de procedure van gerechtelijke reorganisatie open te verklaren, moet maar is het voldoende dat de continuïteit van de onderneming onmiddellijk of op termijn naar het oordeel van de schuldenaar bedreigd zou zijn, en dat de procedure van gerechtelijke reorganisatie een onderdeel van de oplossing zou bieden voor het gehele of gedeeltelijke behoud van de economische activiteit.
De schuldenaar moet de werkelijkheid van de bedreiging van discontinuïteit die hij inroept niet bewijzen; het is voldoende dat hij het bestaan ervan affirmeert.
In onderhavig geval, nu de gerechtelijke reorganisatie, zoals die is voorgesteld, door middel van onder meer een zeer belangrijke inspanning vanwege de vennoten, van dien aard is om een deel van de oplossing te bieden voor het gehele of gedeeltelijke behoud van de economische activiteiten van de vennootschap, wordt de opschorting toegestaan. En de nieuwe wending die de vennootschap aan haar activiteit heeft gegeven lijkt trouwen reeds haar eerste vruchten af te werpen.

SPRL Quantasoie

Siég.: Ph. Evrard (président du tribunal), P. De Maeyer et B. Burnotte (juges consulaires)
M.P.: F. Demonceau (substitut du procureur du Roi)
Pl.: Me A. Renette

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

Vu la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises.

Vu le dossier de la procédure et en particulier:

- la requête en réorganisation judiciaire déposée au greffe du tribunal de céans le 15 avril 2009;

- l'ordonnance de désignation du juge délégué du 15 avril 2009;

- le rapport du juge délégué du 22 avril 2009;

- le dossier complémentaire déposé par maître André Renette le 23 avril 2009.

Entendu en chambre du conseil le 23 avril 2009:

- madame Françoise Ramaut, administrateur délégué de la société;

- maître André Renette, avocat;

- monsieur André Piekarek, juge délégué, en son rapport;

- monsieur Frédéric Demonceau, substitut du procureur du Roi, en son avis verbal donné sur-le-champ, avis favorable à l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, auquel il n'a pas été répliqué.

1. L'entreprise

La société est constituée par acte du 12 décembre 1990 et est active dans le domaine du cadeau d'entreprise.

En 2004, les comptes de la société font apparaître un résultat de 24.166 EUR pour un chiffre d'affaires de 844.136 EUR.

À partir de 2005, la situation se dégrade en raison des restrictions imposées par les firmes pharmaceutiques en matière de cadeaux faits aux médecins et de l'orientation de la société dans ce type de cadeau.

La société - sous la houlette de son administrateur délégué, Françoise Ramaut - réoriente alors son activité vers la joaillerie par la création d'un bijou destiné à un cheval et par la création de l'événement “1001 diamants”.

Ce dernier événement se solde par un échec financier et, à ce jour, quoique réalisé, le bijou n'est toujours pas vendu.

En 2008, la société relance la branche d'activité relative au cadeau d'entreprise qu'elle avait délaissée.

Après une intervention, semble-t-il malheureuse, d'un consultant dont le résultat débouchera notamment sur l'engagement du patrimoine immobilier des associés et l'engagement de caution de Françoise Ramaut, la situation devient véritablement catastrophique puisqu'aussi bien, au 31 décembre 2008, le projet de comptes annuels se présente comme suit:

- perte reportée: 1.617.093,03 €
- fonds propres négatifs à concurrence de: 1.375.550,40 €
- dettes à plus d'un an (dettes financières et dettes envers les associés): 696.409,08 €
- dettes à un an au plus:
• dettes financières: 358.893,85 €
• dettes commerciales: 307.808,28 €
• dettes fiscales, salariales et sociales: 58.066,21 €
2. La demande

Aux termes de sa requête, la société sollicite l'ouverture d'une procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif et ce en application des articles 44 à 58 LCE.

Plus précisément, la société envisage les mesures suivantes:

- l'apport en capital des comptes courants des associés à concurrence d'un montant global de 409.511,71 EUR;

- neutralisation par les associés des crédits Dexia et Delta Lloyd à concurrence d'un montant global de 654.429,97 EUR. Les associés négocient avec les banques précitées la libération de la société des engagements à concurrence de ce montant;

- règlement d'un dividende du passif sursitaire au moyen de la marge d'exploitation.

3. Discussion
3.1. Les conditions de la réorganisation judiciaire

La procédure de réorganisation judiciaire a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de tout ou partie de l'entreprise en difficulté ou de ses activités (art. 16 LCE).

La procédure de réorganisation judiciaire est ouverte dès que la continuité de l'entreprise est menacée, à bref délai ou à terme, et qu'a été déposée la requête en réorganisation judiciaire (art. 23 LCE).

Les conditions prévues à l'article 23 paraissent remplies, le tribunal déclare ouverte la procédure de réorganisation judiciaire et fixe la durée du sursis visé à l'article 16, qui ne peut être supérieur à six mois; à défaut, le tribunal rejette la demande (art. 24 § 2 LCE).

3.2. L'ouverture de la réorganisation judiciaire

Pour déclarer ouverte la procédure de réorganisation judiciaire, il faut mais il suffit que la continuité de l'entreprise soit menacée à court ou moyen terme selon l'appréciation du débiteur, et que la procédure de réorganisation judiciaire puisse apporter un élément de solution au maintien total ou partiel de l'activité économique.

Telle est l'interprétation qui doit être donnée des articles 23 et 24 LCE (J. Windey, “La loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises”, JT 2009, p. 137, citant doc. 52-0160/02, p. 58, art. 23; A. Zenner, La nouvelle loi sur la continuité des entreprises, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p. 83, n° 47).

Dès lors que la société soutient, au demeurant non sans pertinence au regard de l'importance des pertes cumulées et de son passif, que la continuité de son entreprise est menacée, la seconde condition de mise en oeuvre de la loi se trouve remplie, la première étant remplie par la simple constatation du dépôt de la requête.

Le débiteur ne doit en effet pas justifier de la réalité de la menace de discontinuité qu'il allègue; il suffit qu'il en affirme l'existence (A. Zenner, o.c., p. 82, n° 47).

Pour le surplus, telle qu'elle est proposée, la réorganisation judiciaire est susceptible d'apporter un élément de solution au maintien total ou partiel de l'activité économique de la société.

Le plan de redressement comprend un effort très substantiel de la part des associés à telle enseigne que cet effort réduira le passif sursitaire de façon extrêmement importante, passif qui devrait pouvoir être apuré au moyen du résultat des années 2009 et suivantes. À cet égard, la nouvelle orientation donnée par la société à son activité paraît porter ses fruits dès lors que le chiffre d'affaires du premier trimestre est d'ores et déjà de l'ordre de 300.000 EUR.

Enfin, s'agissant d'une procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif, il convient de fixer, sous réserve de prorogation du sursis, les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle il sera procédé au vote sur le plan de réorganisation.

Par ces motifs

Le tribunal

Après en avoir délibéré et statuant en audience publique.

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

Dit la requête recevable et fondée.

Déclare ouverte la procédure de réorganisation judiciaire et en octroie le bénéfice à la SPRL Quantasoie, dont le siège social est établi rue du des Augustins 41 à 4000 Liège, inscrite à la Banque-Carrefour des Entreprises sous le n° 0442.273.577.

Fixe la durée du sursis à six mois prenant cours ce jour pour se terminer le 29 octobre 2009.

Invite le débiteur à communiquer aux créanciers, dans les quatorze jours du prononcé du jugement, les informations visées à l'article 26 § 1er LCE et le montant de la créance pour lequel chacun des créanciers est inscrit dans ses livres accompagné, dans la mesure du possible, de la mention du bien grevé par une sûreté réelle ou un privilège particulier garnissant cette créance ou du bien dont le créancier est propriétaire.

L'invite à tenir le juge délégué informé de toute évolution de la procédure eu égard à la loi.

Invite le débiteur à déposer au greffe le plan de réorganisation au moins quinze jours avant l'audience fixée ci-après. Fixe au mardi 13 octobre 2009 à 10 h 30 précises à l'audience de la 3ème chambre du tribunal de commerce, le vote et les débats sur le plan de réorganisation.

Ordonne la publication du présent jugement par extrait au Moniteur belge dans les cinq jours de sa date et invite le greffe à procéder à cette mesure.

Met, à titre provisoire, à charge de l'État belge les frais de cette publication et ce dans l'attente de la liquidation et de l'imputation des dépens.

Réserve ceux-ci.

Note / Noot

Sur ce jugement, voir ci-dessus l'article de madame M. Grégoire, “La réorganisation judiciaire aux mains des juges: premières récoltes”, spécialement nos 6, 9 et 17.