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Tribunal de commerce Liège, 23/04/2009, R.D.C.-T.B.H., 2009/7, p. 668-670

Tribunal de commerce de Liège 23 avril 2009

INSOLVABILITE - CONTINUITE DES ENTREPRISES
Réorganisation judiciaire - Généralités - Recevabilité
Pour déclarer ouverte la procédure de réorganisation judiciaire, il faut mais il suffit que la continuité de l'entreprise soit menacée à court ou moyen terme selon l'appréciation du débiteur, et que la procédure de réorganisation judiciaire puisse apporter un élément de solution pour le maintien total ou partiel de l'activité économique.
Le débiteur ne doit pas justifier de la réalité de la menace de discontinuité qu'il allègue; il suffit qu'il en affirme l'existence.
En l'espèce, telle qu'elle est proposée, la réorganisation judiciaire, passant par une poursuite d'activité moyennant une proposition de remboursement et d'abattement à ses différents créanciers, est susceptible d'apporter un élément de solution au maintien total ou partiel de l'activité économique du débiteur, de sorte que le sursis est accordé.


INSOLVENTIE - CONTINUÏTEIT VAN DE ONDERNEMINGEN
Gerechtelijke reorganisatie - Algemeen - Ontvankelijkheid
Om de procedure van gerechtelijke reorganisatie open te verklaren, moet maar is het voldoende dat de continuïteit van de onderneming onmiddellijk of op termijn naar het oordeel van de schuldenaar bedreigd zou zijn, en dat de procedure van gerechtelijke reorganisatie een onderdeel van de oplossing zou bieden voor het gehele of gedeeltelijk behoud van de economische activiteit.
De schuldenaar moet de werkelijkheid van de bedreiging van discontinuïteit die hij inroept niet bewijzen: het is voldoende dat hij het bestaan ervan affirmeert.
In onderhavig geval, nu de gerechtelijke reorganisatie, zoals die is voorgesteld, door middel van een voortzetting van de activiteiten samen met een voorstel tot terugbetaling en schuldvermindering t.o.v. de verschillende schuldeisers, van dien aard is om een deel van de oplossing te bieden voor het gehele of gedeeltelijke behoud van de economische activiteiten van de schuldenaar, wordt de opschorting toegestaan.

A. Gaspar

Siég.: Ph. Evrard (président du tribunal), E. Reuter et B. Detienne (juges consulaires)
M.P.: Cl. Masson (substitut du procureur du Roi)
Pl.: Me P. Henry

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

Vu la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises.

Vu le dossier de la procédure et en particulier:

- la requête en réorganisation judiciaire déposée au greffe du tribunal de céans le 6 avril 2009 ainsi que les annexes jointes;

- l'ordonnance du 9 avril 2009 désignant monsieur André Salmon, juge consulaire, en qualité de juge délégué;

- le rapport du juge délégué;

- le dossier complémentaire déposé par maître Pierre Henry.

Entendu en chambre du conseil le jeudi 16 avril 2009:

- monsieur Alain Gaspar, comparaissant spontanément;

- maître Pierre Henry;

- monsieur André Salmon, juge délégué, en son rapport;

- après la clôture des débats, madame Claire Masson, sub­stitut du procureur du Roi, en son avis verbal donné sur-le-champ, avis favorable à l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, auquel il n'a pas été répliqué.

1. L'entreprise

Alain Gaspar exploite une brasserie-restaurant sous la dénomination “Le 38”.

Il a repris le fonds de commerce de cet établissement le 2 mai 2006 et il a en même temps acquis l'immeuble dans lequel il est installé.

Cette acquisition s'est faite moyennant un endettement extrêmement important auprès de la banque AXA à savoir:

- investissement acquisition immeuble: 575.000 EUR sur 20 ans;

- achat fonds de commerce: 75.000 EUR sur 10 ans;

- crédit de 90.000 EUR sur 20 ans

soit un emprunt total de 740.000 EUR, sans fonds propres.

Les principales garanties données à la banque sont les suivantes:

- inscription en premier rang sur l'immeuble commercial;

- gage sur fonds de commerce;

- inscription hypothécaire en deuxième rang sur un immeuble d'habitation appartenant au débiteur et à sa compagne;

- engagement de la compagne en qualité de codébitrice.

L'analyse des chiffres de l'année 2008 fait apparaître qu'Alain Gaspar a été confronté aux difficultés suivantes:

- diminution sensible des recettes due aux conditions météorologiques;

- lourdeur de remboursement du crédit hypothécaire;

- augmentation sensible du coût de l'énergie.

Dès à présent, Alain Gaspar a pris les mesures de restructuration suivantes:

- diminution du personnel: initialement celui-ci comprenait sept ETP (équivalent temps plein); actuellement Alain Gaspar travaille en cuisine avec deux serveurs (un ETP + trois quarts ETP), une femme d'ouvrage et un apprenti;

- Alain Gaspar a pris la décision de mettre en vente son immeuble d'habitation dont la valeur est supérieure à l'engagement hypothécaire en premier rang. Cette opération devrait générer une plus-value nette de l'ordre de 80 à 100.000 EUR.

Alors que le comptable a élaboré un compte d'exploitation prévisionnel excessivement optimiste pour la période de mars à août 2009 - le plan fait apparaître un bénéfice brut de 83.767 EUR - les chiffres plus raisonnables qui découlent du rapport du juge délégué révèlent un bénéfice brut de 14.800 EUR sur six mois d'activité. Ce résultat sera vraisemblablement fort proche d'un résultat net dès lors qu'Alain Gaspar ne prélève aucune rémunération et qu'il peut bénéficier de pertes reportées.

2. La demande

Aux termes de sa requête, Alain Gaspar sollicite l'ouverture d'une procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif et ce en application des articles 44 à 58 LCE.

3. Discussion
3.1. Les conditions de la réorganisation judiciaire

La procédure de réorganisation judiciaire a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de tout ou partie de l'entreprise en difficulté ou de ses activités (art. 16 LCE).

La procédure de réorganisation judiciaire est ouverte dès que la continuité de l'entreprise est menacée, à bref délai ou à terme, et qu'a été déposée la requête en réorganisation judiciaire (art. 23 LCE).

Si les conditions prévues à l'article 23 LCE paraissent remplies, le tribunal déclare ouverte la procédure de réorganisation judiciaire et fixe la durée du sursis visé à l'article 16 LCE, qui ne peut être supérieur à six mois; à défaut, le tribunal rejette la demande (art. 24 § 2 LCE).

3.2. L'ouverture de la réorganisation judiciaire

Pour déclarer ouverte la procédure de réorganisation judiciaire, il faut mais il suffit que la continuité de l'entreprise soit menacée à court ou moyen terme selon l'appréciation du débiteur, et que la procédure de réorganisation judiciaire puisse apporter un élément de solution au maintien total ou partiel de l'activité économique.

Telle est l'interprétation qui doit être donnée des articles 23 et 24 LCE (J. Windey, “La loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises”, JT 2009, p. 131, citant doc. 52-0160/02, p. 58, art. 23; A. Zenner, La nouvelle loi sur la continuité des entreprises, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, n° 41, p. 83).

Dès lors qu'Alain Gaspar soutient, au demeurant non sans pertinence, que la continuité de son entreprise est menacée, la seconde condition de mise en oeuvre de la loi se trouve remplie, la première étant remplie par la simple constatation du dépôt de la requête. Le débiteur ne doit en effet pas justifier de la réalité de la menace de discontinuité qu'il allègue; il suffit qu'il en affirme l'existence (J. Windey, “La loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises”, JT 2009, p. 131, citant doc. 52-0160/02, p. 58, art. 23; A. Zenner, La nouvelle loi sur la continuité des entreprises, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, n° 41, p. 83).

Pour le surplus, telle qu'elle est proposée, la réorganisation judiciaire est susceptible d'apporter un élément de solution au maintien total ou partiel de l'activité économique d'Alain Gaspar qui propose de poursuivre son activité moyennant une proposition de remboursement et d'abattement à ses différents créanciers.

Enfin, s'agissant d'une procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif, il convient de fixer, sous réserve de prorogation du sursis, les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle il sera procédé au vote sur le plan de réorganisation et à l'examen de la demande d'homologation de celui-ci.

Par ces motifs

Le tribunal

Après en avoir délibéré et statuant en audience publique

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

Dit la requête recevable et fondée.

Déclare ouverte la procédure de réorganisation judiciaire et en octroie le bénéfice à monsieur Alain Gaspar, né à Stavelot le 14 mars 1969, exploitant une brasserie-restaurant, domicilié avenue de la Coopération 1/B à 4630 Soumagne, inscrit à la Banque-Carrefour des Entreprises sous le n° 0880.779.103.

Fixe la durée du sursis à six mois prenant cours ce jour pour se terminer le 23 octobre 2009.

Invite le débiteur à:

- communiquer aux créanciers, dans les quatorze jours du prononcé du jugement, les informations visées à l'article 26 § 1er LCE et le montant de la créance pour lequel chacun d'eux est inscrit dans ses livres accompagné, dans la mesure du possible, de la mention du bien grevé par une sûreté réelle ou un privilège particulier garnissant cette créance ou du bien dont le créancier est propriétaire;

- tenir le juge délégué informé de toute évolution de la procédure;

- déposer au greffe le plan de réorganisation au moins quatorze jours avant l'audience fixée ci-après.

Fixe au mardi 13 octobre 2009 à 9 h précises à l'audience de la 3ème chambre du tribunal de commerce, le vote et les débats sur le plan de réorganisation.

Ordonne la publication du présent jugement par extrait au Moniteur belge dans les cinq jours de sa date et invite le greffe à procéder à cette mesure.

Met, à titre provisoire, à charge de l'État belge les frais de cette publication et ce dans l'attente de la liquidation et de l'imputation des dépens.

Réserve ceux-ci.