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L'arrêt de la Cour de cassation du 20 juin 2008: une mise au point importante sur la notion de préavis raisonnable et quelques précisions intéressantes sur l'indemnité complémentaire en matière de concessions de vente, R.D.C.-T.B.H., 2009/3, p. 266-269

INTERMÉDIAIRES COMMERCIAUX
Concession - Concession de vente exclusive - Préavis raisonnable - Indemnité compensatoire de préavis (calcul) - Frais généraux incompressibles - Indemnité de clientèle (calcul) - Frais exposés par le concessionnaire qui profiteront au concédant - Indemnité complémentaire (art. 3 de la loi du 27 juillet 1961): absence d'unicité
Pour apprécier la durée du préavis raisonnable, le juge du fond n'est pas tenu de constater que le préavis accordé par le concédant ne permettait pas au concessionnaire d'exécuter les obligations qu'il avait contractées envers les tiers et de réorganiser son activité.
En calculant l'indemnité complémentaire pour plus-value notable de clientèle par référence au bénéfice brut du concessionnaire évincé, le juge justifie légalement sa décision.
Les frais de service après-vente supportés par le concessionnaire contribuent au maintien de la réputation de la marque des produits concédés et profiteront au concédant après l'expiration du contrat.
L'article 3 de la loi du 27 juillet 1961 n'interdit pas au juge d'allouer au concessionnaire une indemnité distincte pour plus-value notable de clientèle et pour frais.
TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Concessie - Concessie van alleenverkoop - Redelijke opzeggingstermijn - Compensatoire vergoeding voor onredelijke opzeggingstermijn (berekening) - Niet-indrukbare kosten - Vergoeding voor meerwaarde van cliënteel (berekening) - Kosten gemaakt door de concessiehouder waarvan de concessiegever het voordeel heeft - Bijkomende vergoeding (art. 3 van de wet van 27 juli 1961): geen afzonderlijke vergoeding
Om de duur van de redelijke opzeggingstermijn te beoordelen, is de rechter ten gronde er niet toe gehouden na te gaan of de opzeggingstermijn die door de concessiegever werd toegekend volstaat voor de concessiehouder om de verplichtingen die hij t.a.v. derden heeft aangegaan uit te voeren en om zijn activiteiten te reorganiseren.
Door te verwijzen naar de brutowinst van de vroegere concessiehouder voor de berekening van de bijkomende vergoeding voor de bekende meerwaarde van cliënteel, verantwoordt de rechter zijn beslissing juridisch.
De kosten voor dienst na verkoop die door de concessiehouder werden gedragen, dragen bij tot de instandhouding van de reputatie van het merk van de in concessie gegeven producten, zodat de concessiegever er het voordeel van heeft na het einde van het contract.
Artikel 3 van de wet van 27 juli 1961 verhindert de rechter niet om de concessiehouder een afzonderlijke schadevergoeding toe te kennen voor de bekende meerwaarde uit cliënteel en voor kosten.
L'arrêt de la Cour de cassation du 20 juin 2008: une mise au point importante sur la notion de préavis raisonnable et quelques précisions intéressantes sur l'indemnité complémentaire en matière de concessions de vente
Pascal Hollander

L'arrêt qu'a rendu le 20 juin 2008 la Cour de cassation est appelé à devenir un “must” de la jurisprudence concernant la loi du 27 juillet 1961 sur la résiliation unilatérale des concessions de vente à durée indéterminée.

La Cour avait été saisie de pas moins de sept moyens distincts, dont un à deux branches, ce qui lui a donné l'occasion de se prononcer sur de multiples questions, parfois fort épineuses, auxquelles les praticiens sont régulièrement confrontés. Plusieurs moyens ont été rejetés comme manquant en fait et sont dès lors d'un intérêt doctrinal limité. D'autres en revanche ont amené la Cour de cassation à statuer en droit. Elle a ainsi abordé (dans l'ordre des moyens): la notion de préavis raisonnable au sens de l'article 2 de la loi, le mode de calcul de l'indemnité compensatoire de préavis, le caractère compressible ou non des frais de personnel, le mode de calcul de l'indemnité pour plus-value notable de clientèle, la notion de frais profitant au concédant après la fin de la concession et encore l'absence d'unicité de l'indemnité complémentaire visée à l'article 3 de la loi de 1961.

Nous nous limiterons dans la présente note à commenter quatre moyens ayant été rejetés par la Cour pour d'autres motifs qu'un manquement en fait, à savoir ceux portant sur la notion de préavis, sur le calcul de l'indemnité de clientèle, sur le caractère indemnisable des frais de service après-vente au sens de l'article 3 § 1er, 2° de la loi de 1961, et sur l'absence d'unicité de l'indemnité complémentaire.

1. Le préavis raisonnable au sens de l'article 2: retour vers la définition classique

La notion de préavis raisonnable au sens de l'article 2 de la loi de 1961 a connu une évolution certaine au cours des dix dernières années.

On rappellera qu'il était traditionnellement enseigné auparavant que le préavis raisonnable devait être égal à la durée nécessaire au concessionnaire évincé pour “obtenir une nouvelle concession présentant des avantages équivalents, de telle sorte qu'à l'expiration dudit délai, cette partie se trouve dans une situation équivalente à celle dont elle bénéficiait au jour de la résiliation” [1].

Plusieurs décisions du tribunal de commerce et de la cour d'appel de Bruxelles ont fait évoluer cette définition jusque là très classique du préavis raisonnable. Ainsi, un jugement du tribunal de commerce de Bruxelles avait-il estimé que le préavis raisonnable doit répondre aux attentes légitimes du concessionnaire et lui donner “largement le temps d'exécuter ses obligations à l'égard des tiers, ainsi que le temps suffisant pour prendre des mesures nécessaires à l'adaptation ou l'éventuelle réduction progressive de ses activités” [2]. Cette décision avait été ultérieurement confirmée par la cour d'appel de Bruxelles [3], qui rendit dans la foulée plusieurs autres arrêts affinant la notion de préavis raisonnable. Ainsi décida-t-elle à plusieurs reprises qu'“il n'est pas exact de soutenir que le préavis raisonnable n'est que celui dont la durée permet de trouver une concession équivalente; que ce préavis doit permettre au concessionnaire de se procurer une source de revenus équivalente à celle qu'il a perdue, le cas échéant moyennant reconversion totale ou partielle de ses activités” [4].

Cette thèse semblait avoir été consacrée par la Cour de cassation dans son arrêt du 10 février 2005 [5].

Dans cette décision, la Cour, constatant “qu'après avoir énoncé que le préavis raisonnable doit être fixé en équité, l'arrêt (d'appel) considère que l'objectif du législateur fut d'assurer au concessionnaire 'la disposition du temps nécessaire à la réorientation de ses activités afin que la résiliation de la concession n'entraîne pas sa ruine; (que), dès lors, afin de satisfaire au but de la loi, le préavis raisonnable doit permettre au concessionnaire (...) de se procurer une source de revenus nets équivalente à celle qu'il a perdue, le cas échéant moyennant reconversion totale ou partielle de ses activités' et que 'le concessionnaire ne peut prétendre à un délai de préavis lui permettant dans tous les cas de retrouver une concession produisant des effets équivalents à la concession perdue et ce, quel que soit l'aléa de cette recherche'”, décidait “qu'ainsi, loin d'ajouter à l'article 2 de la loi du 27 juillet 1961 des règles ou des critères d'évaluation que cet article ne prévoit pas, l'arrêt en fait une exacte application”.

Certains y ont vu l'abandon de la définition classique du préavis raisonnable [6].

C'est justement en se référant à cet arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2005 que le concédant, dans l'espèce commentée, avait notamment soutenu devant la cour d'appel de Liège que le préavis raisonnable “ne peut s'apparenter au temps nécessaire à la partie qui subit la résiliation pour retrouver une situation économique équivalente (chiffre d'affaires identique, bénéfice identique), puisque, par définition, cette situation économique équivalente représente plusieurs années de travail et d'efforts communs du concessionnaire et du concédant. Ce critère, irréaliste d'un point de vue économique, pérennise les relations contractuelles au mépris de l'ordre public et est contraire à la notion de 'raisonnable' inscrite à l'article 2 de la loi du 27 juillet 1961”.

La cour d'appel avait répondu à ce moyen en estimant que “la durée du préavis raisonnable, interprété à la lumière de l'arrêt [de cassation du 10 février 2005], est celle qui permet la recherche non pas d'une concession identique, mais d'une situation équivalente, c'est-à-dire constitutive d'une source de revenus nets équivalente à celle qu'il a perdue; cette recherche peut le cas échéant [7] passer par une reconversion totale ou partielle des activités du concessionnaire - et ce, à l'exclusion de toute solution économique irréaliste. La cour [d'appel] ajoute à cet égard que la recherche d'une solution irréaliste pourra, selon le cas, être celle d'une nouvelle concession ou, au contraire, celle d'une reconversion totale ou partielle; tout, dans cette appréciation, est affaire de contingences”.

Après avoir constaté que les efforts déployés par le concessionnaire pour réagir à la perte de la concession (commercialisation d'autres produits) ne lui avaient pas permis de retrouver un niveau d'activité similaire, ce qu'attestait la réduction de son chiffre d'affaires et de son personnel depuis la fin de la concession résiliée, la cour d'appel avait fixé à 36 mois la durée de préavis raisonnable.

Devant la Cour de cassation, le concédant avait reproduit parmi ses griefs le moyen reproduit ci-dessus. Il ajoutait que “pour prétendre à une indemnité compensatoire, il appartenait [au concessionnaire] de rapporter la preuve que le préavis qui lui avait été octroyé ne lui avait pas raisonnablement permis d'exécuter les obligations qu'[il] avait contractées envers les tiers et de réorganiser son activité en supprimant certains frais fixes ou en retrouvant une source de revenus couvrant ses frais incompressibles”. Le concédant concluait en reprochant à la cour d'appel d'avoir “déduit l'insuffisance du préavis accordé par la demanderesse de la réduction du chiffre d'affaires et du personnel de la défenderesse, résultant de la réorientation des activités de celle-ci, sans constater que ce préavis ne permettait pas [au concessionnaire] d'exécuter les obligations qu'[il] avait contractées envers les tiers et de réorganiser son activité”, estimant que la cour avait ainsi violé l'article 2 de la loi du 27 juillet 1961.

La Cour de cassation a rejeté ce moyen en décidant que la cour d'appel avait, par la notion qu'elle avait donnée du préavis raisonnable (reproduite ci-dessus) et en déduisant de la réduction du chiffre d'affaires et du nombre de membres du personnel du concessionnaire qu'il n'avait pas retrouvé rapidement de situation équivalente à celle qu'il avait perdue, “justifi[é] ainsi légalement sa décision sans devoir constater en outre que le préavis accordé par la demanderesse ne permettait pas à la défenderesse d'exécuter les obligations qu'elle avait contractées envers les tiers et de réorganiser son activité”.

La Cour de cassation nous paraît avoir ainsi voulu mettre un frein à la tendance de plusieurs juridictions de fond (et singulièrement de la cour d'appel de Bruxelles) d'interpréter de manière par trop extensive sa décision de 2005 [8]. Le préavis raisonnable ne doit correspondre ni à la durée nécessaire pour mettre un terme aux engagements liant le concessionnaire à des tiers (employés, agents commerciaux, bailleur, etc.), ni à celle requise pour réorganiser ses activités. Certes, l'équité qui doit guider le juge dans la détermination du préavis raisonnable ne s'oppose pas à ce qu'il puisse avoir égard à de tels éléments, mais il ne pourrait limiter son analyse à ceux-ci.

Il nous semble en être d'autant plus ainsi que la Cour de cassation a expressément validé la décision de la cour d'appel selon laquelle “la durée du préavis raisonnable est celle qui permet la recherche, non d'une concession identique, mais d'une situation équivalente, c'est-à-dire constitutive d'une source de revenus nets équivalente à celle que le concessionnaire a perdue, à l'exclusion de toute solution irréaliste”.

Force est de constater qu'on en revient ainsi pratiquement à la définition traditionnelle du préavis raisonnable, qui prévalait avant l'évolution d'une partie de la jurisprudence depuis une dizaine d'années.

Dès lors que la fin des engagements vis-à-vis de tiers et la réorganisation des activités du concessionnaire sont, à juste titre selon nous, écartés par la Cour de cassation en tant que critères indispensables pour la détermination du préavis raisonnable, il faut s'attendre à ce que la jurisprudence en revienne à la prise en compte des éléments traditionnels pour évaluer la durée du préavis raisonnable: durée de la concession résiliée, part de celle-ci dans les activités globales du concessionnaire, étendue du territoire concédé, caractère bénéficiaire ou non des résultats, etc.

2. Indemnité pour plus-value notable de clientèle: mode de calcul

La détermination de l'indemnité pour plus-value notable de clientèle, visée par l'article 3, 1° de la loi du 27 juillet 1961, est comme on le sait particulièrement aléatoire. La loi étant muette sur la question, les décisions octroyant une telle indemnité varient énormément quant à sa base de calcul: chiffre d'affaires moyen, bénéfice semi-brut, bénéfice brut, bénéfice net.

Une certaine tendance s'est toutefois dégagée en jurisprudence en faveur de la prise en compte du bénéfice brut, au motif que “la clientèle est un actif dont la valeur est fonction de son aptitude à produire des bénéfices” [9].

L'arrêt de la cour d'appel de Liège dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt commenté s'inscrivait précisément dans cette tendance et avait motivé par les termes cités au paragraphe ci-dessus sa décision de fixer à une année de bénéfice brut sur base de la moyenne des résultats des trois dernières années l'indemnité pour plus-value notable de clientèle que la cour avait admise en faveur du concessionnaire.

À l'appui de son pourvoi contre cette partie de la décision, le concédant avait développé deux griefs. Seul le premier d'entre eux retiendra notre attention. En substance, le concédant reprochait à la cour d'appel de ne pas avoir répondu au moyen développé devant elle selon lequel l'indemnité pour plus-value de clientèle était étrangère à l'idée de réparation d'un préjudice qu'aurait subi le concessionnaire et devait être mesurée à l'aune de l'enrichissement dont le concédant profitait du fait de l'éviction du concessionnaire, en sorte que le bénéfice brut du concessionnaire ne révélait pas l'accroissement de richesse dont avait profité le concédant et que seul son bénéfice futur pouvait constituer la référence de la plus-value notable de clientèle, et (surtout) de ne pas avoir légalement justifié sa décision à ce sujet.

À notre connaissance, c'est la toute première fois que la Cour de cassation s'est vu donner l'occasion de statuer sur la méthode de calcul de l'indemnité complémentaire pour plus-value de clientèle.

La Cour décide qu'en considérant que “la clientèle est un actif dont la valeur est fonction de son aptitude à produire des bénéfices” de telle sorte “qu'il convient de tenir compte du bénéfice brut que cette clientèle a engendrée”, l'arrêt attaqué “répond, en les contredisant, aux conclusions de la demanderesse qui soutenait que l'indemnité de clientèle ne peut être calculée sur la base du bénéfice passé du concessionnaire mais doit l'être sur celle du bénéfice futur du concédant, sauf à constater que seule la première méthode est possible en l'espèce, et justifie légalement sa décision”.

La Cour valide ainsi incontestablement la méthode de calcul de l'indemnité pour plus-value de clientèle par référence au bénéfice brut moyen du concessionnaire évincé. Cela ne signifie pas que seule cette méthode devra être utilisée pour déterminer cette indemnité puisque, tout comme pour l'indemnité compensatoire de préavis, l'équité guide le juge, ce qui s'oppose à toute exclusion ou limitation des critères présidant à la détermination de l'indemnité. Il reste qu'en approuvant la méthode fondée sur le bénéfice brut moyen du concessionnaire, la Cour de cassation a décerné à celle-ci un brevet de sécurité juridique qui lui faisait jusque là défaut. Il s'agit là d'une avancée appréciable qui offrira aux parties un minimum de prévisibilité lorsqu'elles seront confrontées à la fin d'une concession de vente.

3. Indemnisation des frais de service après-vente

L'article 3 § 1er, 2° de la loi de 1961 prévoit que le concessionnaire peut obtenir l'indemnisation des frais qu'il a exposés en vue de l'exploitation de la concession et qui profiteraient au concédant après l'expiration du contrat.

C'est en général les frais de publicité et de promotion dont l'indemnisation est réclamée à ce titre. Dans l'espèce soumise à la cour d'appel de Liège, le concessionnaire entendait toutefois obtenir l'indemnisation des frais du service après-vente qu'il avait offert à la clientèle et qui n'avait été que très partiellement couvert par les interventions financières du concédant.

La cour d'appel avait fait droit à sa demande en constatant que les pièces du dossier démontraient que le service après-vente du concessionnaire constituait le cheval de bataille de la concession, ce dont le concédant avait incontestablement tiré profit. La cour avait également relevé que bien que les produits concédés étaient réputés “haut de gamme”, ils n'en avaient pas moins connu de nombreux problèmes de fiabilité, qui avaient multiplié les interventions du service après-vente du concessionnaire, qui ne devait pas en supporter seul le coût.

Devant la Cour de cassation, le concédant reprochait à la cour d'appel d'avoir violé l'article 3 § 1er, 2° de la loi en n'ayant pas constaté que les frais exposés par le concessionnaire profiteraient au concédant après l'expiration du contrat, mais en ayant au contraire situé dans le passé les avantages de ce service après-vente.

La Cour de cassation rejette le moyen en constatant que la cour d'appel avait fait sienne l'opinion des premiers juges qui avaient énoncé que “les frais du service après-vente ont contribué au maintien de la réputation des produits dont bénéficiera [le concédant] après la rupture du contrat”. La Cour estime que la décision de la cour d'appel d'allouer pour cette raison une indemnité couvrant les frais de service après-vente est légalement justifiée.

Cette jurisprudence pourrait avoir des conséquences importantes, notamment dans le secteur des concessions automobiles dans lesquelles les frais de service après-vente représentent des montants substantiels qui ne sont pas toujours adéquatement couverts par les interventions financières du concédant contractuellement prévues.

Il reste que le concessionnaire devra toujours démontrer que ces frais profiteront au concédant après la fin des relations. C'est l'intensité de cette preuve que l'arrêt commenté nous semble toutefois avoir substantiellement réduite: il suffira désormais de démontrer que des frais ont contribué au maintien de la réputation de la marque des produits concédés pour être indemnisables au sens de l'article 3 § 1er, 2° de la loi de 1961. La question se posera toutefois toujours de déterminer l'effet dans le temps d'un tel maintien de réputation. Il semble en effet excessif de poser en règle que tout service après-vente assuré pendant la durée du contrat est indemnisable. Tout sera question d'espèce et dépendra notamment, selon nous, de la durée de vie économique des produits vendus et entretenus ou réparés dans le cadre du service après-vente. On peut dès lors légitimement s'attendre à ce que, suite à l'arrêt commenté, les juridictions de fond soient appelées, plus que par le passé, à examiner le caractère indemnisable des frais de service après-vente exposés par le concessionnaire.

4. Absence d'unicité de l'indemnité complémentaire

Le dernier moyen dont était saisie la Cour de cassation reprochait à la cour d'appel d'avoir alloué au concessionnaire, en application de l'article 3 de la loi de 1961, plusieurs indemnités distinctes (une pour la plus-value de clientèle et une autre pour les frais exposés par le concessionnaire et qui profiteraient au concédant après la fin du contrat) et d'avoir rejeté le moyen de défense que le concédant lui avait soumis en décidant que “la prise en considération des frais de publicité et de service après-vente (…) ne fait pas double emploi avec la plus-value notable de clientèle, l'article 3 de la loi du 27 juillet 1961 distinguant les deux notions”.

Plus précisément, le concédant estimait que si la plus-value notable de clientèle et les frais exposés par le concessionnaire et qui profiteront au concédant après la fin du contrat constituaient des “paramètres pouvant être pris en compte pour la détermination de l'indemnité complémentaire équitable”, il n'en résultait pas que le juge put allouer “à la fois une indemnité correspondant à l'enrichissement du concédant du fait de l'accroissement de sa clientèle et une ou plusieurs indemnités distinctes correspondant à l'appauvrissement du concessionnaire à raison des frais extraordinaires qu'il a exposés au cours de la concession en vue de fidéliser cette même clientèle”. Le concédant ajoutait que l'octroi de plusieurs indemnités distinctes revenait à indemniser plusieurs fois un même poste, vu que les frais exposés visaient à fidéliser une clientèle pour la plus-value de laquelle le concessionnaire était déjà indemnisé.

La Cour de cassation a, logiquement selon nous, rejeté ce moyen en énonçant que “l'article 3 de la loi du 27 juillet 1961 n'interdit pas au juge d'allouer au concessionnaire une indemnité distincte pour plus-value notable de clientèle et pour frais”. Ce n'est en effet pas parce que les trois postes indemnisables en vertu de l'article 3 de la loi figurent dans le même article de loi dont le premier paragraphe parle d'“une indemnité complémentaire équitable” que cette indemnité ne pourrait pas être décomposée en plusieurs postes distincts, tels qu'énumérés au second paragraphe de cette disposition.

Au-delà de cette justification de texte, les différents postes de l'indemnité complémentaire recouvrent des éléments a priori distincts. Seule une vérification approfondie en fait permettrait de constater éventuellement si des frais de publicité et de service après-vente ont servi à fidéliser la clientèle. La Cour de cassation a dès lors souligné à juste titre qu'une telle vérification échappait à son pouvoir.

[1] Bruxelles 20 juin 1995, R.D.C. 1996, p. 235; Mons 16 janvier 1997, R.D.C. 1998, p. 243; voir aussi les décisions inédites citées par P. Kileste et P. Hollander, “Examen de jurisprudence. La loi du 27 juillet 1961 sur la résiliation des concessions de vente exclusive (1992-1997)”, R.D.C. 1998 (ci-après cité comme Kileste et Hollander, 1998), n° 55, spéc. note de bas de page 206.
[2] Comm. Bruxelles 22 mai 1995, inédit, R.G. 4153/93, cité par Kileste et Hollander, 1998, n° 56, p. 22.
[3] Bruxelles 1er avril 1998, inédit, R.G. 1846/1995, cité par Kileste et Hollander, “Examen de jurisprudence. La loi du 27 juillet 1961 sur la résiliation des concessions de vente exclusive (1997-2002)”, R.D.C. 2003 (ci-après cité comme Kileste et Hollander, 2003), n° 62, p. 427.
[4] Bruxelles 22 novembre 2001, J.T. 2002, p. 242; voy. également: 27 février 2003, R.D.C. 2005, p. 929; 25 mars 2005, R.D.C. 2007, p. 985.
[5] Cass. 10 février 2005, R.D.C. 2005, p. 922 et note T. Faelli, “La notion de préavis raisonnable dans la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée”.
[6] T. Faelli, o.c., p. 927.
[7] Non souligné dans le texte.
[8] Pour des exemples récents d'une telle interprétation extensive, voir Bruxelles 12 juin 2007, J.L.M.B. 2008, p. 32; 18 octobre 2007, DAOR 2008, p. 129 ; 12 février 2008, DAOR 2008, p. 138. On notera que toutes les décisions citées dans la présente note de bas de page proviennent de la même chambre de la cour d'appel de Bruxelles.
[9] Kileste et Hollander, 2003, n° 108, p. 443 et les références citées.