Article

Cour de cassation, 11/04/2008, R.D.C.-T.B.H., 2008/9, p. 775-778

Cour de cassation 11 avril 2008

ASSURANCES
Assurance terrestre - Contrat d'assurance en général - Assurance omnium auto - Subrogation - Rénonciations à la subrogation - Recours contre les descendants de l'assuré - Malveillance
L'arrêt qui, sans constater de malveillance dans le chef du fils de l'assuré, le condamne, par confirmation du jugement entrepris, à rembourser à l'assureur l'indemnité qu'il a versée au père du demandeur, viole la disposition impérative de l'article 41, alinéa 4 de la loi sur le contrat d'assurance terrestre.
VERZEKERINGEN
Landverzekering - Verzekeringsovereenkomst in het algemeen - Omniumverzekering - Subrogatie - Afstand van verhaal - Verhaal tegen bloedverwanten van de verzekerde - Kwaad opzet
Het arrest, dat zonder kwaad opzet bij de zoon van de verzekerde vast te stellen, hem veroordeelt om aan de verzekeraar de vergoeding terug te betalen die deze aan zijn vader heeft uitgekeerd, schendt de dwingende bepaling van artikel 41, vierde lid van de wet op de landverzekeringsovereenkomst.

B.P. / Axa Belgium

Siég.: Ch. Storck (président), D. Batselé, A. Fettweis, Ch. Matray et S. Velu (conseillers)
M.P.: Th. Werquin (avocat général)
Pl.: Me H. Geinger

(…)

II. Le moyen de cassation

(…)

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt déclare l'appel du demandeur non fondé et confirme le jugement entrepris.

Ce faisant, l'arrêt condamne le demandeur à payer à la défenderesse la somme de 2.974,72 EUR avec les intérêts sur la somme de 2.532,80 EUR à dater du 30 août 2001 jusqu'au parfait paiement ainsi que sur la somme de 441,92 EUR à dater du 4 octobre 2001 jusqu'au jour du parfait paiement.

L'arrêt reçoit en outre la demande incidente nouvelle, introduite par la défenderesse, relative à la capitalisation des intérêts, dit réunies les conditions d'application de l'article 1154 du Code civil et dit pour droit que le montant dû par le demandeur s'élève à 3.676,31 EUR à majorer des intérêts au taux légal depuis le 16 janvier 2005.

L'arrêt fonde sa décision sur ses motifs propres et sur les motifs non contraires du premier juge.

En outre, l'arrêt constate “qu'en degré d'appel, (le demandeur) ne développe aucun moyen nouveau auquel le premier juge n'a pas répondu de manière adéquate, aux termes de judicieux motifs auxquels la cour [d'appel] se réfère”.

En reprenant les motifs du premier juge, l'arrêt décide:

“1. Objet de la demande et exposé des faits

Les parties comparaissent volontairement pour voir régler le litige qui les oppose relativement à la récupération par (la défenderesse) d'une somme de 2.974,72 EUR décaissée dans le cadre de la garantie 'incendie véhicule' souscrite par C.B.;

À l'appui de la demande, (la défenderesse) expose que:

- C.B. avait confié à son fils, (le demandeur), la garde de son véhicule et de mobilier pendant son séjour à la côte belge;

- la maison de son fils a brûlé le 30 mai 2001 et les objets confiés ont été détruits;

- elle a indemnisé son assuré pour la perte de son véhicule et s'est ensuite adressée à la société anonyme Winterthur Europe, assureur incendie (du demandeur), qui a refusé d'intervenir dans la mesure où elle avait suspendu ses garanties pour non-paiement de la prime;

- elle s'est alors adressée directement (au demandeur) qui conteste devoir intervenir au motif qu'il n'a pas commis de faute.

2. Discussion

À titre principal, (la défenderesse) soutient que la relation entre C.B. et (le demandeur) repose sur un contrat de dépôt et que la responsabilité (du demandeur) est engagée pour ne pas avoir restitué les objets qui lui avaient été confiés, obligation qui ne cède que devant la preuve de l'absence de faute du gardien;

(...)

Il est incontestable qu'en confiant son véhicule à son fils, à charge de le garder et de le lui restituer à son retour de vacances, C.B. et [le demandeur] ont conclu un contrat de dépôt;

Si le dépositaire est tenu, en vertu de l'article 1927 du Code civil, d'une obligation de moyen dans la garde de la chose déposée, il est également tenu à une obligation de restitution qui, contrairement à l'obligation de garde, est une obligation de résultat;

Celle-ci s'accompagne d'une présomption d'inexécution fautive qu'il appartient au dépositaire de renverser en établissant la preuve d'une cause étrangère libératoire (art. 1315, alinéa 2 et 1302 du Code civil), exempte de faute dans son chef;

Si (le demandeur) entend en l'espèce rapporter cette preuve par la survenance de l'incendie qui a ravagé son habitation le 30 mai 2001, encore faut-il qu'il établisse que cet incendie ne lui est pas imputable;

Si, à cet égard, il allègue que la cause de l'incendie a pour origine vraisemblable un court-circuit, et donc un événement extérieur dont il n'a pas à répondre, le tribunal ne peut que relever que la cause exacte de cet incendie est loin d'être établie: l'assuré invoque la vraisemblance tantôt d'un court-circuit de la cuisinière électrique tantôt d'un feu de la friteuse en contestant toutefois le vice de la chose et le rapport des pompiers n'est pas davantage explicite quant à la cause du sinistre;

Dans ces conditions, le tribunal ne peut que constater que (le demandeur) ne rapporte [pas] la preuve de ce que la perte du véhicule trouve son explication uniquement dans un événement qui ne peut certainement pas lui être imputé;

La demande doit en conséquence être déclarée bien fondée sur [la] base de l'obligation de restitution mise à charge du dépositaire.”

L'arrêt décide en outre:

“(Le demandeur) verse (...) aux débats un document qui ne fut pas soumis au premier juge, à savoir le dossier répressif classé sans suite auquel a donné lieu l'incendie litigieux;

L'expert Bury, requis par le parquet, conclut que l'incendie est d'origine accidentelle et provient vraisemblablement de la négligence de l'épouse (du demandeur) qui aurait oublié un élément combustible, tel un torchon ou une poignée en tissu, à proximité de la taque en fonctionnement de la cuisinière électrique de la cuisine;

Il se confirme ainsi que (le demandeur) ne peut légitimement invoquer, à l'appui de l'obligation de restitution de la chose déposée qui pèse sur lui en vertu de l'article 1927 du Code civil, aucune cause étrangère libératoire au sens des articles 1147 et 1148 du Code civil;

En effet, pour qu'un événement vaille cause étrangère libératoire, il [convient] de démontrer la force majeure résultant d'un événement indépendant de la volonté humaine et que cette volonté n'a pu ni prévoir ni conjurer;

Cet événement doit être inévitable et imprévisible;

Si les conclusions de l'expert judiciaire excluent de manière formelle l'hypothèse d'un incendie volontaire, elles n'émettent aucune certitude quant à la faute imputée à l'épouse, à supposer que celle-ci puisse être constitutive de la cause étrangère libératoire évoquée ci-dessus;

Il [s'ensuit] que l'appel n'est pas fondé.”

Griefs

1.1. En vertu de l'article 41 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, l'assureur qui paie l'indemnité est subrogé, à concurrence du montant de celle-ci, dans les droits et actions de l'assuré ou du bénéficiaire contre les tiers responsables du dommage.

Aux termes du quatrième alinéa dudit article 41, l'assureur n'a, sauf en cas de malveillance, aucun recours contre les descendants, les ascendants, le conjoint et les alliés en ligne directe de l'assuré, ni contre les personnes vivant à son foyer, ses hôtes et les membres de son personnel domestique.

Ledit article 41 énonce en son cinquième alinéa que l'assureur peut toutefois exercer un recours contre ces personnes dans la mesure où leur responsabilité est effectivement garantie par un contrat d'assurance.

Ces dispositions de l'article 41 de la loi du 25 juin 1992 sont, en vertu de l'article 3 de cette loi, impératives.

1.2. Le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable. Il a l'obligation, en respectant les droits de la défense, de relever d'office les moyens de droit dont l'application est commandée par les faits spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions. Ce principe général du droit trouve notamment application dans l'article 774 du Code judiciaire.

Le juge qui omet de relever d'office les moyens de droit applicables au litige viole non seulement le principe général du droit précité et l'article 774 du Code judiciaire, mais également les articles 5 et 1138, 3° du Code judiciaire.

2. II ressort de l'arrêt, qui reprend les motifs non contraires du premier juge, que:

- C.B. avait confié à son fils, (le demandeur), la garde de son véhicule et du mobilier pendant son séjour à la côte belge;

- la maison de son fils a brûlé le 30 mai 2001 et les objets confiés ont été détruits;

- la défenderesse a indemnisé son assuré pour la perte de son véhicule et s'est ensuite adressée à la société anonyme Winterthur Europe, assureur incendie (du demandeur), qui a refusé d'intervenir dans la mesure où elle avait suspendu ses garanties pour non-paiement de la prime;

- la défenderesse s'est alors adressée directement (au demandeur) qui conteste devoir intervenir au motif qu'il n'a pas commis de faute;

- les conclusions de l'expert judiciaire excluent de manière formelle l'hypothèse d'un incendie volontaire.

La défenderesse, qui a indemnisé son assuré C.B., exerce ainsi un recours contre le demandeur, fils de son assuré, qu'elle estime responsable du dommage, alors qu'il ne peut être question de malveillance et que la responsabilité du demandeur n'était pas effectivement garantie par un contrat d'assurance, l'assureur du demandeur ayant suspendu ses garanties.

Dans ces circonstances, l'arrêt n'a pu légalement déclarer fondée la demande introduite par la défenderesse contre le demandeur, l'assureur n'ayant, en vertu de l'article 41, alinéas 4 et 5 de la loi du 25 juin 1992, aucun recours contre les descendants de l'assuré, dont la responsabilité n'est pas effectivement garantie par un contrat d'assurance, sauf en cas de malveillance.

En déclarant le recours subrogatoire de la défenderesse fondé et en condamnant le demandeur à payer à la défenderesse la somme de 2.974,72 EUR, augmentée des intérêts, l'arrêt viole les articles 3 et 41 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.

3. Dans ses conclusions d'appel, la défenderesse soutenait:

“1. Suite à l'incendie du bâtiment appartenant (au demandeur), (la défenderesse) a indemnisé son assuré, C.B., dans le cadre de la garantie 'incendie véhicule' pour un montant de 2.974,72 EUR;

2. Les circonstances du sinistre survenu le 30 mai 2001 sont les suivantes:

C.B. avait confié à son fils, (le demandeur), la garde de son véhicule et de mobilier pendant son séjour en vacances à la côte belge;

La maison de son fils a brûlé avec pour conséquence une dégradation des objets confiés;

3. Interpellée par son assuré, (la défenderesse) a indemnisé ce dernier;

Elle a ensuite pris contact avec l'assureur incendie du propriétaire du bâtiment sinistré, la société anonyme Winterthur Europe, afin d'obtenir le remboursement des sommes décaissées au profit de C.B.;

Cet assureur incendie a refusé d'intervenir dans la mesure où la prime d'assurance était impayée par le (demandeur);

4. (La défenderesse) s'est alors adressée directement (au demandeur).”

Les faits furent décrits de façon identique par le demandeur dans sa requête d'appel et ses conclusions d'appel:

“(Le demandeur) était propriétaire d'un immeuble situé rue du Champré, n° 167 à 7301 Hornu;

Un incendie a détruit son habitation le 30 mai 2001;

C.B. avait confié à son fils, (le demandeur), la garde de son véhicule Opel Vectra ainsi que de certains meubles pendant son séjour en vacances à la côte belge;

La maison du (demandeur) a donc été incendiée avec pour conséquence une dégradation des objets confiés par C.B. à son fils;

(La défenderesse) assurait le véhicule Opel Vectra ainsi que les meubles, propriété de C.B., suivant les numéros de police 690.032.757 et 911.387.795;

(La défenderesse) a indemnisé son assuré à concurrence d'une somme de 120.000 FB soit 2.974,72 EUR;

(La défenderesse) interpela l'assureur incendie du bâtiment, propriété du (demandeur), la société anonyme Winterthur Europe Assurances, afin d'obtenir le remboursement des montants décaissés au profit de C.B.;

La compagnie d'assurances Winterthur déclina son intervention en invoquant le défaut de paiement des primes d'assurance dans le chef du (demandeur);

(La défenderesse) [demande] la condamnation du (demandeur) au remboursement de ses décaissements en faveur de C.B.”

Les parties ont donc allégué devant la cour d'appel que:

- la défenderesse a indemnisé son assuré du dommage à sa voiture et ses meubles, qui se trouvaient dans l'immeuble incendié, appartenant à son fils;

- l'assureur incendie du bâtiment, propriété du demandeur, fils de l'assuré de la défenderesse, refusa de rembourser les montants décaissés par la défenderesse au profit de son assuré, invoquant le défaut de paiement des primes d'assurance;

- la défenderesse sollicite la condamnation du demandeur, fils de son assuré, à lui rembourser les sommes décaissées au profit de son assuré.

Ces faits, invoqués par les parties, commandent l'application de l'article 41, alinéas 4 et 5 de la loi du 25 juin 1992, qui prévoit que l'assureur qui a indemnisé son assuré n'a aucun recours contre les descendants de cet assuré, dont la responsabilité n'est pas effectivement garantie par un contrat d'assurance.

En application dudit article 41, alinéas 4 et 5 de la loi du 25 juin 1992, l'arrêt devait ainsi déclarer non fondée la demande introduite par la défenderesse contre le demandeur.

L'arrêt déclare cependant cette demande fondée en ne faisant point application de l'article 41, alinéas 4 et 5 de la loi du 25 juin 1992.

En statuant ainsi, sans rechercher si, sur la base des faits que les parties ont invoqués, l'article 41, alinéas 4 et 5 de la loi du 25 juin 1992 s'appliquait en l'espèce, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision, méconnaît le principe général du droit en vertu duquel le juge est tenu, tout en respectant les droits de la défense, de déterminer la norme juridique applicable à la demande portée devant lui et d'appliquer celle-ci, qui trouve application notamment dans l'article 774 du Code judiciaire, et viole les articles 5, 774 et 1138, 3° du Code judiciaire et, pour autant que de besoin, les articles 3 et 41 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.

III. La décision de la Cour

En vertu de l'article 41, alinéas 1er, 4 et 5 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, l'assureur qui a payé l'indemnité est subrogé, jusqu'à concurrence de celle-ci, dans les droits et obligations de l'assuré ou du bénéficiaire contre les tiers responsables du dommage; sauf en cas de malveillance, l'assureur n'a aucun recours contre les descendants de l'assuré; un recours est toutefois possible contre ceux-ci dans la mesure où leur responsabilité est effectivement garantie par un contrat d'assurance.

Il ressort des constatations du jugement entrepris auquel l'arrêt se réfère que C.B. “avait confié à son fils, [le demandeur], la garde de son véhicule et de mobilier, que la maison de son fils a brûlé [...] et que les objets confiés ont été détruits”, que la défenderesse “a indemnisé son assuré pour la perte de son véhicule”, “qu'elle s'est ensuite adressée à [...] l'assureur incendie [du demandeur] qui a refusé d'intervenir dans la mesure où [il] avait suspendu ses garanties pour non-paiement de la prime” et “qu'elle s'est ensuite adressée directement [au demandeur] qui refuse d'intervenir au motif qu'il n'a pas commis de faute”.

L'arrêt qui, sans constater de malveillance dans le chef du demandeur, le condamne, par confirmation du jugement entrepris, à rembourser à la défenderesse l'indemnité qu'elle a versée au père du demandeur, viole la disposition impérative de l'article 41, alinéa 4, précité.

Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

(…)