Cour de cassation 25 mai 2007
ASSURANCE
Assurance terrestre - Assurance R.C. - Vie privée - Assurance non obligatoire - Faute lourde - Intoxication alcoolique - Pas un fait antérieur au sinistre - Pas opposable à la personne lésée
L'état d'intoxication alcoolique qui est la cause ou l'une des causes d'un accident n'est pas un fait antérieur au sinistre de sorte que les exceptions, nullités et déchéances découlant de la loi ou du contrat ne peuvent être opposées à la personne lésée.
En décidant que “l'intoxication alcoolique manifeste de 1,62 pour mille constitue bien une exception trouvant sa cause dans un fait qui, par définition, précède nécessairement le sinistre”, de sorte que la défenderesse peut opposer la déchéance du droit découlant de l'article 4, c) de la police familiale au demandeur, les juges d'appel ont violé l'article 87 § 2 de la loi du 25 juin 1992.
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VERZEKERINGEN
Landverzekering - Aansprakelijkheidsverzekering - BA-privéleven - Niet verplichte verzekering - Zware fout - Alcoholintoxicatie - Geen feit dat het schadegeval voorafgaat - Niet tegenwerpelijk ten aanzien van de benadeelde
De staat van alcoholintoxicatie die oorzaak of medeoorzaak is van het ongeval, is geen feit dat aan het schadegeval voorafgaat waardoor de excepties, de nietigheid en het verval van recht, voortvloeiend uit de wet of de overeenkomst, aan de benadeelde persoon kan worden tegengeworpen.
Door te oordelen dat “de manifeste alcoholintoxicatie van 1,62 promille wel degelijk een exceptie is die haar oorzaak vindt in een feit dat per definitie noodzakelijk aan het schadegeval voorafgaat” zodat de verweerster het verval van recht voortvloeiend uit artikel 4, c) van de familiale polis aan de eiser kan tegenwerpen, schenden de appelrechters artikel 87 § 2 van de wet op de landverzekeringsovereenkomst.
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V.L.G. / Dexia Assurances Belgique
Siég: I. Verougstraete (président), E. Forrier (président de section), L. Huybrechts, E. Dirix et P. Maffei (conseillers) |
M.P.: D. Thijs (avocat général) |
Pl.: Mes L. Simont et L. De Gryse |
(…)
II. | Les moyens de cassation |
Le demandeur présente trois moyens libellés dans les termes suivants:
(...)
Troisième moyen |
Disposition légale violée |
Article 87 § 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.
Décisions et motifs critiqués |
Les juges d'appel ont déclaré non fondée la demande du demandeur contre la défenderesse, sur la base des considérations suivantes issues du jugement interlocutoire attaqué du 3 février 2004:
“Il y a entre les parties un litige sur l'existence ou non de l'obligation de la (défenderesse), en tant qu'assureur familial de Monsieur F. V. L. qui a été condamné par jugement définitif du 9 février 2001 du tribunal correctionnel de Malines pour infraction aux articles 9.1.2.1. § 2 et 8.3 de l'arrêté royal du 1er décembre 1975, aux articles 418 et 420 du Code pénal et à l'article 34 § 2 de l'arrêté royal du 16 mars 1968 et qui a également été reconnu responsable en matière civile pour les conséquences de l'accident de roulage survenu le 11 février 2000 à Berlaar.
Le (demandeur et Madame W.), suivis en cela par le premier juge, ont fondé leur demande sur l'article 87 § 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre et sur l'arrêt de la Cour de cassation du 24 octobre 2000, alors que la (défenderesse) se basait sur l'article 8 de la loi précitée et sur l'article 4, c) du contrat d'assurance du 13 décembre 1999 pour rejeter les demandes.
En l'espèce, il n'est pas contesté que, par jugement du tribunal correctionnel de Malines du 9 février 2001 ayant acquis force de chose jugée, Monsieur F. V. L. est reconnu responsable, tant pénalement que civilement, de l'accident de roulage litigieux du 11 février 2000, tout en étant condamné en outre pour infraction à l'article 34 § 2 de l'arrêté royal du 16 mars 1968. Le taux de l'intoxication alcoolique s'élevait en effet à 1,62 pour mille.
Selon la police assurance familiale produite par la (défenderesse), l'article 4, c) mentionne de manière explicite les cas dans lesquels la (défenderesse) ne confère pas de couverture: 'la responsabilité civile personnelle pour les sinistres qui sont causés par la faute grave d'un assuré ayant au moins seize ans. Par faute grave, il y a lieu d'entendre: (notamment)... se trouver en état d'ébriété ou d'intoxication alcoolique...'; ce qui est prouvé en l'espèce sur la base de l'autorité de chose jugée du jugement correctionnel du 9 février 2001 précité.
Dès lors que l'assurance familiale n'est pas une assurance de la responsabilité obligatoire et est donc facultative, l'article 87 § 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre s'applique en l'espèce, comme l'a décidé à juste titre le premier juge.
Il s'ensuit que 'pour les autres catégories d'assurances de la responsabilité civile (donc non obligatoires), l'assureur ne peut opposer à la personne lésée que les exceptions, nullités et déchéances dérivant de la loi ou du contrat et trouvant leur cause dans un fait antérieur au sinistre'. En l'espèce, l'article 4, c) de la police d'assurance prévoit de manière expresse 'l'intoxication alcoolique', conformément à l'article 8 de la loi du 25 juin 1992.
Il est vrai que la Cour de cassation a décidé dans son arrêt du 24 octobre 2000 que, dans l'affaire qui lui était soumise, l'état d'intoxication alcoolique qui est la cause ou l'une des causes d'un accident n'est pas un fait antérieur au sinistre.
En l'espèce, le tribunal, en tant que juge du fond, est toutefois d'avis que l'intoxication alcoolique manifeste de 1,62 pour mille de Monsieur F. V. L. constitue bien une exception trouvant sa cause dans un fait qui est par définition nécessairement antérieur au sinistre.
En décider autrement serait absolument incompréhensible et reviendrait à affirmer 'que la cause suit l'effet', ce qui est évidemment impossible (cf. L. Schuermans, Grondslagen van het Belgisch verzekeringsrecht, 2001, p. 349, n° 528).
Il ressort des articles 147 de la Constitution et 608 et suivants du Code judiciaire que la Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires, de sorte que ses arrêts n'ont en règle générale pas autorité de chose jugée et ne lient pas le juge du fond”,
et sur la base des considérations suivantes issues du jugement définitif entrepris du 22 février 2005:
“3.5.
Dans son jugement antérieur du 3 février 2004, ce tribunal a toutefois déjà considéré que l'intoxication alcoolique manifeste de 1,62 pour mille de F. V. L. constituait bien une exception trouvant sa cause dans un fait qui est par définition nécessairement antérieur au sinistre.
(...)
3.7.
Dès lors, la (défenderesse) peut, dans le cadre de l'assurance familiale non obligatoire, sur la base de l'article 87 § 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, opposer la déchéance du droit découlant de l'article 4, c) de la police familiale au (demandeur et à Madame W.), dès lors qu'il a précédemment été jugé que l'intoxication alcoolique trouve sa cause dans un fait antérieur au sinistre.
La (défenderesse) peut, dès lors, sur la base de l'article 87 § 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre et sur la base de l'article 4, c, de la police d'assurance familiale, refuser son intervention au (demandeur et à Madame W.).
La demande initiale du (demandeur et de Madame W.) contre la (défenderesse) est, dès lors, non fondée.”
Griefs |
En vertu de l'article 87 § 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, pour les autres catégories d'assurances de la responsabilité civile, l'assureur ne peut opposer à la personne lésée que les exceptions, nullités et déchéances dérivant de la loi ou du contrat et trouvant leur cause dans un fait antérieur au sinistre.
L'état d'intoxication alcoolique qui est la cause ou l'une des causes d'un accident n'est pas un fait antérieur au sinistre permettant à l'assureur d'opposer à la personne lésée, pour les assurances autres que les assurances obligatoires de la responsabilité civile, les exceptions, nullités et déchéances découlant de la loi ou du contrat.
En décidant que “l'intoxication alcoolique manifeste de 1,62 pour mille de Monsieur F. V. L. constitue bien une exception trouvant sa cause dans un fait qui est par définition nécessairement antérieur au sinistre”, que la défenderesse peut dès lors opposer la déchéance du droit découlant de l'article 4, c) de la police d'assurance familiale au demandeur et refuser son intervention à l'égard du demandeur, de sorte que la demande du demandeur contre la défenderesse est non fondée, les juges d'appel ont violé l'article 87 § 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.
III. | La décision de la Cour |
Sur le troisième moyen |
1. La défenderesse soulève la fin de non-recevoir suivante: la décision des juges d'appel se fonde également sur la motivation indépendante et non critiquée que l'état d'intoxication alcoolique est qualifié, par les conditions de la police, de faute grave au sens de l'article 8 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.
Dans le jugement définitif du 22 février 2005, les juges d'appel ont considéré que l'intoxication alcoolique est qualifiée de cause de déchéance par les conditions de la police. L'article 87 § 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre régit aussi l'opposabilité à la personne lésée des causes de déchéance du droit découlant de la convention.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
2. En vertu de l'article 87 § 2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, pour les assurances de la responsabilité civile non obligatoires, l'assureur ne peut opposer à la personne lésée que les exceptions, nullités et déchéances dérivant de la loi ou du contrat et trouvant leur cause dans un fait antérieur au sinistre.
L'état d'intoxication alcoolique qui est la cause ou l'une des causes d'un accident n'est pas un fait antérieur au sinistre de sorte que les exceptions, nullités et déchéances découlant de la loi ou du contrat ne peuvent être opposées à la personne lésée.
3. En vertu de l'article 4, c) de la police familiale, l'assurance ne couvre pas la faute grave, qui comprend notamment “l'état d'ébriété ou d'intoxication alcoolique”.
4. En décidant que “l'intoxication alcoolique manifeste de 1,62 pour mille de Monsieur F. V. L. constitue bien une exception trouvant sa cause dans un fait qui, par définition, précède nécessairement le sinistre”, de sorte que la défenderesse peut opposer la déchéance du droit découlant de l'article 4, c) de la police familiale au demandeur, les juges d'appel ont violé l'article 87 § 2 de la loi du 25 juin 1992.
Le moyen est fondé.
(…)