Cour de justice des Communautés européennes 17 avril 2008
Agents immobiliers - Libre prestation de services - Activités de courtage en Belgique par un agent immobilier étranger - Reconnaissance des qualifications
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Aff. C-197/06, van Leuken |
Dans cette affaire ayant donné lieu à une question préjudicielle posée par le tribunal de commerce de Hasselt, l'Institut professionnel des agents immobiliers (I.P.I.) et la Confédération des immobiliers (C.I.B.) reprochaient à un agent immobilier néerlandais d'avoir exercé, en Belgique, certaines activités relevant, en vertu de la réglementation belge, de la profession réglementée d'agent immobilier sans avoir obtenu au préalable une autorisation d'y exercer cette profession. Les activités qui lui étaient reprochées étaient, d'une part, de faire de la publicité pour des biens immobiliers sis en Belgique sur un site Internet et, d'autre part, de guider sur place des candidats acquéreurs à l'occasion de la visite de tels biens en apportant des commentaires techniques sur la construction de ceux-ci. Alors que la procédure en cessation devant le tribunal de commerce d'Hasselt était pendante, l'agent immobilier néerlandais avait introduit une demande auprès de l'I.P.I visant à être autorisé à exercer occasionnellement la profession d'agent immobilier sur le territoire belge. L'I.P.I. avait donné suite à cette demande en imposant au demandeur, comme condition préalable, une épreuve d'aptitude dans neuf matières juridiques.
En Belgique, l'article 6 de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier [1] prévoit que l'inscription au tableau des titulaires de la profession d'agent immobilier est subordonnée, notamment, à l'accomplissement d'un stage au cours d'une période de un à trois ans, mais que les porteurs d'un diplôme prescrit par un autre État membre pour accéder à la profession sont dispensés du stage, sous réserve que la chambre exécutive de l'I.P.I. peut leur imposer, lorsque la durée de leur formation suivie à l'étranger ne dépasse pas deux ans ou lorsque cette formation porte sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par les titres de formation requis en Belgique pour exercer la profession, soit d'accomplir un stage d'adaptation de trois ans au maximum, soit de se soumettre à une épreuve d'aptitude en droit (c'est-à-dire de leur imposer une “mesure de compensation”). En l'espèce, l'I.P.I avait imposé au demandeur de se soumettre à un examen d'aptitude en droit belge, ce que contestait ce dernier.
Dans son arrêt du 17 avril 2008 [2], la Cour observe d'abord qu'il ressort de l'article 4 de la directive 89/48 du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans [3], que l'État membre d'accueil qui impose des mesures de compensation doit, en principe, laisser au demandeur le choix entre un stage d'adaptation et une épreuve d'aptitude, sauf en ce qui concerne les professions “dont l'exercice exige une connaissance précise du droit national et dont un élément essentiel et constant de l'activité est la fourniture de conseils et/ou d'assistance concernant le droit national”, pour lesquelles l'État membre d'accueil peut, par dérogation au principe, prescrire soit un stage d'adaptation, soit une épreuve d'aptitude.
Or, selon la Cour, la profession d'agent immobilier en Belgique ne relève pas du champ d'application de cette exception: comme le relève la Cour, les titulaires de plusieurs diplômes belges (p. ex. les diplômes d'ingénieur) peuvent accéder à la profession d'agent immobilier en Belgique, alors que les formations sanctionnées par ces diplômes ne comportent pas d'enseignement juridique significatif. L'I.P.I. ne pouvait donc pas imposer la réussite d'un examen d'aptitude en droit comme condition à l'autorisation d'exercer la profession en Belgique. En outre, des mesures de compensation ne peuvent être imposées que dans la mesure où elles sont proportionnées au but recherché [4]. Ceci n'était certainement pas le cas en l'espèce, puisque l'agent immobilier néerlandais avait signé une convention de coopération avec un agent immobilier établi en Belgique, aux termes de laquelle l'agent néerlandais n'aurait plus exercé tous les aspects de la profession réglementée d'agent immobilier telle que celle-ci est définie en Belgique, mais qu'il y aurait exercé seulement certaines des activités professionnelles réglementées constituant cette profession; en particulier, il ne serait plus intervenu, selon la convention, dans les aspects juridiques de la vente, ces derniers étant assumés par l'agent immobilier dûment agréé en Belgique.
Bref, la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 s'opposait à la réglementation belge, qui subordonne l'accomplissement de la profession d'agent immobilier par un prestataire établi dans un autre État membre à une autorisation dont l'octroi est soumis à la réussite d'une épreuve d'aptitude en droit. Il convient de noter qu'entre-temps, la directive 89/48/CEE a été remplacée par la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissances des qualifications professionnelles [5]; cette directive a été transposée en Belgique par une loi du 13 décembre 2007 [6], commentée dans la section “Législation” des présentes Actualités. Les principes demeurent toutefois les mêmes que sous l'empire de l'ancienne directive, puisque l'article 14 § 3 de la nouvelle directive 2005/36/CE prévoit également l'exception au libre choix du demandeur entre stage d'adaptation et épreuve d'aptitude pour les professions qui supposent la connaissance et l'application de la réglementation nationale spécifique en vigueur.
[1] | M.B. 13 octobre 1993. |
[2] | C.J.C.E. 17 avril 2008, C-197/06, Van Leuven, non encore publié au Recueil. Disponible sur le site de la Cour de Justice http://curia.europa.eu. |
[3] | J.O. L. 255/22 du 30 septembre 2005. |
[4] | Voy. C.J.C.E. 19 janvier 2006, cologia de ingenioros de cominos, Rec., p. I-801, n° 24. |
[5] | J.O. L. 19/16 du 24 janvier 1989. |
[6] | M.B. 2 avril 2008. |