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La règle générale de conflit de lois en matière non contractuelle dans le Règlement Rome II, R.D.C.-T.B.H., 2008/6, p. 489-501

La règle générale de conflit de lois en matière non contractuelle
dans le Règlement Rome II

Arnaud Nuyts [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

I. Le rattachement de principe à la loi du lieu du dommage

II. Les tempéraments apportés à l'application de la loi du dommage

RESUME
La règle de conflit de base consacrée par le Règlement Rome II se décompose en trois sous-règles. Premièrement, en principe, la loi applicable à la responsabilité non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient. Deuxièmement, par dérogation à cette règle, lorsque les parties ont leur résidence habituelle dans le même État, il est fait application de la loi de cet État. Troisièmement, il est fait exception à l'application de ces deux règles principales lorsque le fait dommageable présente “des liens manifestement plus étroits” avec un autre pays, auquel cas il est fait application de la loi de ce dernier pays.
Le rattachement de principe au lieu de survenance du dommage coïncide, pour les délits dits simples où tous les éléments constitutifs de la responsabilité sont localisés en un seul lieu, avec le critère classique de la lex loci delicti. Mais les auteurs du règlement ont tenu compte de l'hypothèse des délits complexes où ces éléments sont éclatés sur le territoire de plusieurs États. S'inspirant de la jurisprudence de la Cour de justice relative à la compétence judiciaire en matière délictuelle et quasi-délictuelle, ils ont pour ces délits complexes identifié trois éléments distincts qui se succèdent sur une échelle temporelle: le fait générateur du dommage, le dommage direct et le dommage indirect. En vertu du règlement, seul le deuxième de ces éléments peut en principe être pris en compte, du moins au stade de l'application de la règle de principe désignant la loi applicable. Cependant, le règlement autorise la prise en compte de certaines règles (celles de comportement et de sécurité) en vigueur au lieu désigné par le premier facteur (fait générateur), et le préambule du règlement suggère (à propos du cas des accidents de circulation) l'intérêt qu'il peut y avoir à aussi avoir égard à la situation au lieu désigné par le troisième facteur (lieu où les conséquences ultimes du dommage se font réellement sentir), en vue d'assurer une indemnisation adéquate de la victime. Dans les deux cas, il n'est cependant pas question d'application proprement dite de cette loi autre que celle du lieu de localisation du dommage, sauf bien entendu dans l'hypothèse où il serait fait application de la clause dérogatoire de la résidence habituelle commune ou de la clause d'exception des liens les plus étroits.
SAMENVATTING
De basiscollisieregel in de Verordening Rome II bestaat uit drie subregels. Ten eerste is het recht dat van toepassing is op de niet-contractuele aansprakelijkheid die voortvloeit uit een onrechtmatige daad in principe het recht van het land waar de schade zich voordoet. Ten tweede, indien de partijen hun gewone verblijfplaats in hetzelfde land hebben, wordt in afwijking van deze regel toepassing gemaakt van het recht van dit land. Ten derde wordt een uitzondering gemaakt op de toepassing van deze twee hoofdregels als de onrechtmatige daad een “kennelijk nauwere band” heeft met een ander land, in welk geval toepassing wordt gemaakt van het recht van dit laatste land.
Voor de zogenoemde “gewone” onrechtmatige daden, waarbij alle elementen die deel uitmaken van de aansprakelijkheid zich lokaliseren op één enkele plaats, valt de principiële aanknoping met de plaats waar de schade zich heeft voorgedaan samen met het lex loci delicti-beginsel. Maar de auteurs van de verordening hebben rekening gehouden met de hypothese van complexe onrechtmatige daden, waarbij deze elementen over meerdere Staten verspreid zijn. Op grond van de rechtspraak van het Hof van Justitie betreffende de rechterlijke bevoegdheid inzake onrechtmatige daden, hebben zij voor deze complexe onrechtmatige daden drie verschillende elementen geïdentificeerd die elkaar op een tijdschaal opvolgen: de schadeveroorzakende gebeurtenis, de directe schade en de indirecte schade. Krachtens de verordening kan, althans in de stand van de toepassing van de grondregel die het toepasselijk recht aanwijst, in principe enkel het tweede element in aanmerking worden genomen. Niettemin laat de verordening toe dat bepaalde regels in aanmerking worden genomen (veiligheidsvoorschriften en gedragsregels) die gelden in een plaats aangewezen door het eerste criterium (schadeveroorzakende gebeurtenis), en de preambule van de verordening suggereert (voor wat betreft verkeersongevallen) het belang dat kan ontstaan bij het in aanmerking nemen van de plaats aangewezen door het derde criterium (plaats waar de ultieme consequentie van de schade zich doet voelen), teneinde een toereikende schadevergoeding aan het slachtoffer te verzekeren. In beide gevallen is er echter geen sprake van de eigenlijke toepassing van een ander recht dan het recht van de plaats waar de schade zich heeft voorgedaan, behalve natuurlijk indien toepassing zou gemaakt worden van de ontsnappingsclausule van de gemeenschappelijke gewone verblijfplaats of de uitzonderingsclausule van de kennelijk nauwere band.
Introduction

1.Objet de l'étude. Cette étude fait partie d'un ensemble de contributions destinées à présenter et analyser les principales dispositions du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles [2] (ci-après, “le règlement”, ou “le Règlement Rome II”).

On examinera ici la “règle générale” de l'article 4 du règlement, qui détermine la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable dans les matières qui échappent, tout à la fois, aux règles spéciales instaurées par les articles 5 et suivants du texte, et aux domaines spécialement exclus du champ d'application du règlement (ce qui est notamment le cas, faut-il le souligner, de la matière de l'atteinte à la vie privée et aux droits de la personnalité).

L'article 4 se décompose en trois paragraphes. Le premier prévoit que la loi applicable à l'obligation non contractuelle dérivant d'un fait dommageable est “celle du pays où le dommage survient”, abstraction faite du lieu où se localisent le fait générateur et les conséquences indirectes du dommage. Le paragraphe 2 stipule, par exception à cette règle de base, que dans le cas où la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi applicable est celle de ce pays. Enfin, le paragraphe 3 déroge à la loi désignée par les deux premiers paragraphes lorsque le fait dommageable présente “des liens manifestement plus étroits” avec un autre pays. Dans ce cas, il est fait application de la loi de ce dernier pays.

2.Un texte de compromis. À la différence d'autres dispositions du règlement, la règle générale de l'article 4 n'a quasiment pas été modifiée au cours du processus législatif de codécision, puisque le texte finalement adopté par le Conseil et le Parlement correspond, sous réserve de modifications purement formelles, à celui de la proposition de règlement déposée par la Commission le 22 juillet 2003.

Ce texte a pourtant fait l'objet de vives discussions, initiées par la contre-proposition formulée par le rapporteur de la Commission des affaires juridiques du Parlement, Mme Diana Wallis, dans le projet initial de rapport du Parlement du 11 novembre 2004 [3]. Prenant le contre-pied de l'approche retenue par la Commission, ce texte proposait d'édicter comme règle générale l'application de la loi du pays avec lequel l'obligation non contractuelle présente les liens les plus étroits, cette règle étant assortie d'une série de présomptions (résidence habituelle commune, résidence habituelle de la victime en matière de dommage corporel, localisation du dommage, relation préexistante), dont l'application devait être écartée lorsque l'obligation présente des liens plus étroits avec un autre pays. Cette formule reproduisait ainsi fidèlement la méthodologie retenue à l'article 4 de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, et reprenait dans une large mesure le projet du Groupe européen de DIP de 1998 [4].

Le rapport adopté par le Parlement le 27 juin 2005 [5] n'a pas été aussi loin dans la remise en cause de la proposition de la Commission, dont il a conservé notamment le principe de l'application de la loi du lieu de localisation du dommage. Mais le Parlement a adopté des amendements visant à introduire une dose supplémentaire de flexibilité par rapport au texte de la Commission. Il était notamment proposé de transformer la règle de la résidence habituelle commune en un simple facteur permettant de déroger à la loi du lieu du dommage, et d'ajouter toute une série d'autres facteurs à prendre en compte, établissant un lien plus étroit avec un autre pays que celui du lieu du dommage. Un autre amendement proposait d'introduire une règle particulière en cas de dommage corporel découlant d'un accident de la circulation, désignant sous certaines conditions les règles en vigueur du lieu habituel de résidence de la victime.

Ces propositions d'amendement ont été rejetées par le Conseil et la Commission, qui ont préféré s'en tenir strictement au texte de la proposition de juillet 2003, sous la seule réserve qu'a été rajouté un considérant dans le préambule concernant le cas spécifique des accidents de la circulation, sur lequel on reviendra. En fait, le refus de modifier le texte de l'article 4 pendant le processus de codécision exprime le fait que le texte de juillet 2003 se présentait lui-même comme un document de compromis entre les idées et propositions très diverses exprimées dans des projets antérieurs ainsi que dans les résultats d'une consultation menée par la Commission sur un avant-projet de règlement [6].

Le texte adopté est ainsi présenté comme assurant à la fois “l'exigence de sécurité juridique et la nécessité de rendre la justice en fonction de cas individuels”. Le premier objectif est censé être atteint par les deux premiers paragraphes de l'article 4, qui prévoient des critères de rattachement précis, tandis que le second doit être assuré par la possibilité de déroger à ces critères lorsqu'il existe des liens manifestement plus étroits avec un autre pays [7].

3.Un texte assez proche de celui du Code de droit international privé. Les nouvelles règles de conflit de base de l'article 4 n'emporteront pas un bouleversement majeur des règles qui s'appliquent en Belgique dans cette matière depuis l'entrée en vigueur du Code de droit international privé le 1er octobre 2004. Les auteurs de ce code se sont en effet inspirés eux-mêmes des travaux en cours au niveau européen, en reprenant à l'article 99 § 1er du code le système d'une triple règle qui combine l'application de la résidence commune des parties, du rattachement territorial au fait dommageable et du recours subsidiaire au critère des liens étroits. Cependant, certaines différences entre les deux textes existent, qui portent principalement sur la définition du rattachement territorial au fait dommageable, et sur la portée de la clause des liens étroits, sur lesquelles on aura l'occasion de revenir.

L'adoption du règlement confirme en revanche l'abandon de la règle de droit commun antérieure, consacrée par la Cour de cassation dans le célèbre arrêt Bologne du 17 mai 1957 [8], qui soumettait de manière rigide la responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle à l'application de la loi du lieu du fait générateur du dommage. Cette solution a encore été appliquée récemment dans un arrêt de la Cour de cassation du 2 novembre 2007 [9], dans une affaire d'action en cessation introduite par l'Office of fair trading britannique qui visait à faire interdire à une société belge de procéder à certains envois publicitaires à des consommateurs anglais. Appliquant l'ancienne règle de conflit fondée sur l'article 3, alinéa 1er du Code civil, la Cour de cassation a jugé que la loi belge était applicable dès lors que le fait générateur de l'atteinte illicite aux intérêts des consommateurs était localisé en Belgique. En l'espèce, la cour d'appel avait estimé que le lieu du fait générateur était situé au siège social de la société ayant procédé aux envois publicitaires litigieux, où les activités de cette dernière étaient organisées, laissant présumer que la décision des responsables de la société de distribuer la publicité litigieuse avait été prise en Belgique. L'application de la nouvelle règle de conflit du règlement aurait normalement conduit à une solution différente, puisqu'en principe la loi applicable aurait été celle du pays où le dommage survient, c'est-à-dire au Royaume-Uni où avait été portée l'atteinte aux intérêts des consommateurs.

On examinera successivement la règle de conflit de principe qui désigne la loi du pays où survient le dommage (I), puis les tempéraments qui sont apportés à cette règle (II).

I. Le rattachement de principe à la loi du lieu du dommage

4.Portée générale du rattachement à la lex loci damni - Origines du critère. Le paragraphe premier édicte ce qui apparaît comme la règle de conflit centrale pour les obligations non contractuelles dérivant d'un fait dommageable: la loi applicable est en principe celle du pays “où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quel que soit le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent”.

Si cette règle emprunte une méthode qui s'inscrit dans la tradition européenne du droit international privé, elle innove quant au critère de rattachement qui a été choisi.

En ce qui concerne la méthode, on est en présence d'une règle de conflit bilatérale de conception tout à fait traditionnelle, fondée sur la désignation objective de la loi sur la base d'un facteur de rattachement strictement territorial. Cette méthode est censée garantir la sécurité juridique en fixant une fois pour toutes la loi, quel que soit le type de fait dommageable concerné et les circonstances particulières du cas d'espèce. Cette règle de base est néanmoins tempérée par d'autres dispositions qui expriment une autre méthode de droit international privé, comme on le verra plus loin.

Pour ce qui est du facteur de rattachement, l'application du critère du lieu de survenance du dommage (qualifiée de “lex loci damni” par le préambule [10]) représente une certaine innovation dans la mesure où le règlement prend parti entre les différents critères qui sont susceptibles d'être utilisés dans cette matière. Pendant longtemps, les droits nationaux du continent européen retenaient le principe de l'application de la loi du lieu du délit. Ce rattachement, qui traduit fidèlement l'adage lex loci delicti, était très clairement exprimé dans le premier essai de codification de cette matière en Europe, le projet de loi uniforme Benelux relative au droit international privé de 1950, qui prévoyait que “la loi du pays où un fait a eu lieu, détermine si ce fait constitue un acte illicite ainsi que les obligations qui en résultent” [11].

Le développement de régimes de responsabilité objective (non fondée sur la faute) dans de nombreux pays a eu pour effet de rendre le critère du lieu du délit trop restrictif. Aussi, en 1968, pour définir le critère de rattachement de la règle de compétence en matière non contractuelle de la Convention de Bruxelles (art. 5, 3°), on a estimé opportun de le remplacer par le concept plus neutre de lieu du “fait dommageable”, de manière à englober tous les cas de responsabilité fondée sur une obligation non contractuelle, qu'elle trouve sa source dans une faute ou non. Cette formule a été reprise dans le domaine des conflits de lois par l'avant-projet de Convention de 1972 sur la loi applicable aux obligations contractuelles et non contractuelles [12] (“l'avant-projet de Convention de 1972”), dont l'article 10 prévoit l'application de la loi du pays où s'est “produit” le “fait dommageable”. La notion se retrouve aussi dans la Convention de La Haye de 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits [13], et elle constitue l'un des concepts à la base de la proposition du Groupe européen de DIP [14].

La difficulté principale associée à l'utilisation de la notion classique de fait dommageable apparaît dans l'hypothèse où le lieu de l'événement qui est à l'origine du dommage est situé dans un État autre que celui où le dommage est survenu. Compte tenu de son caractère très général, la notion de fait dommageable est susceptible de viser indifféremment ces deux éléments, de sorte qu'une hésitation intervient sur le rattachement à prendre en compte. Les auteurs de l'avant-projet de Convention de 1972 étaient conscients de cette difficulté, mais ils n'ont pas voulu la trancher. Ils ont estimé qu'il était préférable de “laisser la question ouverte” afin de ne pas entraver les “développements en cours” dans la jurisprudence des pays membres [15]. L'évolution dans les pays membres s'est effectivement poursuivie, mais en ordre dispersé, puisque coexistent dans les droits nationaux plusieurs systèmes, parmi lesquels on mentionnera celui qui consiste à retenir uniquement le rattachement au pays de localisation du fait générateur [16], celui qui retient en principe le rattachement au pays où se produisent les conséquences dommageables [17], et celui qui revient à tenir compte des deux rattachements, parmi lesquels un choix est fait in concreto [18].

La Cour de justice a été saisie de cette difficulté à propos de l'application de l'article 5, 3° de la Convention de Bruxelles: la Cour a jugé que le lieu du fait dommageable vise à la fois le lieu de l'événement causal et le lieu de survenance du dommage. Il en résulte que, dans le domaine de la compétence judiciaire, le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, soit devant le tribunal du lieu où le dommage est survenu, soit devant celui du lieu de l'événement causal qui est à l'origine de ce dommage [19].

Dans sa proposition de 1998, le Groupe européen de droit international privé avait choisi, dans la lignée de la solution déjà appliquée en droit commun français, de transposer cette interprÉtation large de la notion de fait dommageable au domaine des conflits de lois. L'article 3, 3° prévoyait ainsi une présomption en faveur de l'application de la loi du “pays dans lequel le fait générateur et le dommage se sont produits ou menacent de se produire”. Selon l'explication qui est fournie de ce texte, le rattachement au pays du fait dommageable est susceptible de couvrir “à la fois” le fait générateur et le dommage [20].

Cette dernière solution soulève a priori une difficulté, qui est liée à la différence de structure qui existe entre le conflit de juridictions, qui s'accommode de la désignation de plusieurs tribunaux compétents pour un même litige, et le conflit de lois, qui requiert normalement la désignation d'un seul facteur de rattachement, car on ne peut appliquer deux lois à une même question. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la règle de compétence législative cherche généralement à désigner la loi qui présente le lien le plus étroit avec le rapport concerné, tandis que la règle de compétence judiciaire se satisfait de l'existence d'un certain lien avec la situation litigieuse, qui ne doit pas nécessairement être le plus étroit.

L'expérience du droit français montre que la concurrence de la loi du fait générateur et de la loi du dommage ne peut se résoudre sans que soit effectué un choix, qui s'exerce au cas par cas, entre les deux lois, en fonction des circonstances particulières de l'espèce. Ce choix est effectué en France conformément au principe de proximité, la loi compétente étant celle des deux lois qui entretient avec la situation litigieuse les liens les plus étroits [21]. Cette dernière solution est proche de celle qui a été retenue, en substance, dans le Code de droit international privé [22].

L'inconvénient de ce système est qu'il introduit un élément d'incertitude dans l'identification même du rattachement. Or, s'il n'est pas nécessairement inopportun d'introduire une certaine flexibilité dans la règle de conflit en matière délictuelle, les auteurs du règlement ont justement estimé qu'il était préférable de s'en tenir, dans un premier temps, à un rattachement défini de manière relativement précise, la correction éventuelle ne devant intervenir qu'à un second stade, par le biais d'une clause d'exception permettant de remédier aux cas où la loi désignée par le rattachement retenu n'entretiendrait pas de lien significatif avec la situation.

Lors des travaux au sein du Groupe Rome II du Conseil, il avait été proposé de retenir comme critère le lieu “où l'action ou l'omission qui a causé le dommage produit un effet préjudiciable” [23]. La notion d'“effet préjudiciable” se situe dans la logique des théories modernes qui postulent l'application de la loi des effets, c'est-à-dire de la loi du pays où les conséquences dommageables d'une activité se font sentir. Cette approche est fondée sur l'idée de protection du marché ou de la collectivité affectée par une activité.

Sans renier entièrement cette approche, le règlement utilise un critère de rattachement beaucoup plus classique, celui du pays “où le dommage survient”. La substitution de ce critère à celui de l'effet préjudiciable doit être approuvée s'agissant de la disposition qui établit le critère de rattachement de principe. La notion d'effet préjudiciable paraît en effet adaptée surtout au domaine des relations économiques comme le droit de la concurrence ou le droit financier, domaine où elle connaît ses principales applications en droit positif. On retrouve d'ailleurs une notion équivalente à celle de l'effet dans l'article 6 du règlement, qui prévoit en matière de concurrence déloyale et actes restreignant la libre concurrence l'application de la loi du pays où les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être. La notion d'effet, qui trouve sa justification dans les théories économiques modernes, paraît moins opportune en ce qui concerne les situations qui relèvent de la responsabilité civile classique, comme par exemple la responsabilité résultant d'un accident.

L'article 4, 1° du règlement précise que la loi du pays de survenance du dommage s'applique “quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit”. C'est donc tout à fait explicitement qu'un choix est effectué entre les deux critères classiques de rattachement: seul doit être pris en compte le lieu où le dommage est subi, tandis que le lieu où se produit le fait générateur du dommage n'est pas pertinent, du moins au stade de l'application de la règle de conflit principale.

L'application de la loi du lieu de survenance du dommage traduit une conception réparatrice de la responsabilité non contractuelle. En permettant à la victime de se prévaloir de la loi du lieu où son préjudice a été subi, on met l'accent sur la fonction d'indemnisation et de protection de cette partie, plutôt que sur celle de la sanction de l'auteur du délit. Cette approche consistant à mettre à l'avant-plan la fonction réparatrice est présentée comme étant en accord avec l'évolution des conceptions contemporaines [24].

5.L'identification concrète du “lieu de survenance du dommage”, par opposition au “lieu du fait générateur” et au “lieu de survenance des conséquences indirectes de ce fait”. L'article 4, 1° du règlement ajoute que la loi du pays de survenance du dommage s'applique “quel que soit le ou les pays dans le(s)quel(s) des conséquences indirectes du dommage surviennent, sous réserve du paragraphe 2”. Cette précision a pour objet d'exclure, pour la détermination de la loi applicable, la prise en compte du dommage indirect qui peut apparaître lorsque le préjudice se prolonge dans le temps et dans l'espace.

Compte tenu du fait que le texte exclut aussi expressément, comme il a été indiqué ci-dessus, la prise en compte du lieu du “fait générateur du dommage”, on peut en déduire que le règlement est basé sur l'identification de trois éléments distincts qui se succèdent sur une échelle temporelle: le fait générateur, le dommage direct et le dommage indirect. Seul l'élément intermédiaire peut être pris en compte, du moins au stade de l'application de la règle de principe désignant la loi applicable.

Pour déterminer ce que recouvrent concrètement ces trois éléments, on devrait pouvoir s'inspirer de la jurisprudence de la Cour de justice relative à l'application de l'article 5, 3° de la Convention de Bruxelles et du Règlement Bruxelles I. C'est en effet dans cette jurisprudence qu'a semble-t-il été puisée la terminologie utilisée par le Règlement Rome II, la Commission s'étant d'ailleurs référée explicitement, dans l'Exposé des Motifs, à un arrêt de la Cour de justice (l'arrêt Marinari) pour justifier l'exclusion de la prise en compte des éventuels dommages indirects [25].

La jurisprudence de la Cour de justice relative à l'article 5, 3° est relativement riche. Même si elle ne couvre évidemment pas tous les cas de figure de responsabilité non contractuelle qui sont susceptibles de se présenter en pratique, elle fournit certaines directives de base qui permettent de préciser dans une certaine mesure la signification de chacun des trois concepts précités.

Le lieu du “fait générateur du dommage” est aussi défini comme celui de “l'événement causal qui est à l'origine (du) dommage” [26]. En pratique, deux types de lieux ont été retenus à ce titre: (i) celui del'accomplissement physique d'un acte attribuable à la personne dont la responsabilité est engagée: en matière de pollution environnementale, le lieu du déversement de produits polluants dans un fleuve [27]; en matière de responsabilité liée à une grève illégale, le lieu du dépôt et de la diffusion du préavis d'action collective [28]; (ii) celui de l'établissement de la personne qui est l'auteur du fait dommageable, et au départ duquel ce fait est organisé: en matière de diffamation, le lieu de l'éditeur de la publication litigieuse [29].

En principe, ces lieux où se déploient des éléments du fait générateur ne devraient pas être pris en compte pour déterminer la loi applicable en vertu de l'article 4, 1° du Règlement Rome II. Cependant, il est évident qu'il en sera autrement lorsque lesdits lieux coïncident avec ceux du lieu de survenance du dommage: ce sera le cas en particulier dans tous les délits dits “simples” où tous les éléments constitutifs de la responsabilité sont localisés en un seul lieu.

Le lieu de “survenance du dommage” est celui où le fait causal produit directement ses effets dommageables à l'égard de celui qui en est la victime immédiate [30]. De cette définition découle, a contrario, l'exclusion des “conséquences indirectes du fait dommageable” visées à l'article 4, 1°, in fine, du règlement. Ainsi, la Cour de justice a précisé que la notion de “lieu de survenance du dommage” ne saurait être interprétée de façon extensive au point d'englober tout lieu où peuvent être ressenties les conséquences préjudiciables d'un fait ayant déjà causé un dommage effectivement survenu dans un autre lieu [31]. Seul le “dommage initial” [32] est à prendre en compte, par opposition au “préjudice patrimonial consécutif” [33].

Le préambule du Règlement Rome II donne deux exemples d'application de ces principes: “en cas de blessures physiques causées à une personne ou de dommages aux biens, le pays où les blessures ont été subies ou les biens endommagés devrait être entendu comme celui où le dommage survient” (considérant n° 17). Dans l'Exposé des Motifs, la Commission a affiné le premier de ces exemples: en matière d'accident de la circulation, le lieu de survenance du dommage doit être considéré comme étant “celui de la collision”, indépendamment d'éventuels préjudices financiers ou moraux qui surviennent dans un autre pays [34].

Cela ne signifie pas que des pertes financières ne peuvent être prises en considération: seulement, de telles pertes ne sont prises en compte que si elles constituent la conséquence immédiate du fait générateur [35]. Lorsque ces pertes sont subies dans un État membre donné, l'on ne pourra tenir compte du préjudice financier ultérieur qui serait ressenti par ricochet, par exemple au domicile de la victime où serait localisé le centre de son patrimoine [36].

Même si la Cour de justice n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur ce point, on estime, à juste titre à notre sens, que ces principes doivent s'étendre au cas du dommage indirect à l'intégrité corporelle de la victime: “lorsque, à la blessure initiale s'ajoutent ultérieurement une aggravation de cette blessure et éventuellement le décès de la personne, ces circonstances postérieures à la date de la réalisation du dommage initial ne doivent pas entrer en ligne de compte” [37]. Cette interprÉtation, proposée pour l'application de l'article 5, 3° du Règlement Bruxelles I, devrait aussi valoir pour l'article 4, 1° du Règlement Rome II.

6.L'hypothèse d'un dommage survenant dans plusieurs pays. L'article 4, 1° se borne à désigner le lieu de survenance du dommage, sans indiquer comment ce critère doit s'interpréter dans le cas où le préjudice dépasse les frontières d'un seul État.

La Cour de justice a dû connaître de ce problème dans le domaine de la compétence judiciaire. Dans l'arrêt Shevill du 7 mars 1995 [38], elle a indiqué que le demandeur a le choix, dans ce cas, soit de saisir le for du fait générateur, auquel cas le juge est compétent pour connaître de l'intégralité du préjudice, soit de saisir le for du dommage, la compétence du juge étant alors limitée aux seuls dommages survenus dans l'État du for.

Cette dernière approche est semble-t-il érigée en règle de principe pour la résolution du conflit de lois. En effet, selon l'Exposé des Motifs de la proposition de règlement, “en cas de survenance de dommages dans plusieurs pays, il y a lieu d'appliquer de manière distributive les lois de tous les pays concernés, conformément à la thèse de la 'Mosaikbetrachtung' connue en droit allemand” [39]. Ainsi, chaque fraction de préjudice sera soumise à la loi du lieu où elle est subie.

Compte tenu de la jurisprudence Shevill, deux hypothèses pourront donc se présenter. La première est celle où l'action est portée dans le for du fait générateur (ou dans le for du domicile du défendeur): dans ce cas, le juge devra appliquer distributivement plusieurs lois aux divers préjudices localisés sur les territoires concernés. La seconde hypothèse est celle où l'action est portée devant le ou les fors où une fraction du dommage est subi: dans cette situation, chacun des juges saisis appliquera sa propre loi pour les dommages situés sur son territoire national.

L'application distributive de la loi locale à chaque fraction du dommage ne paraît pas devoir soulever trop de difficultés dans le cas où le préjudice est matériel et peut faire l'objet d'une évaluation séparée sur le plan géographique (p. ex., des dommages causés à des plantations de part et d'autre d'une frontière). La solution est moins heureuse dans les hypothèses où le préjudice ne peut être localisé matériellement en un endroit déterminé. Dans ces hypothèses, le fractionnement des dommages en fonction des frontières nationales apparaît artificiel puisqu'il ne trouve plus d'ancrage dans la réalité concrète.

Ce problème est, en pratique, atténué en raison de l'exclusion du champ d'application du Règlement Rome II de la matière de la responsabilité découlant d'atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité (art. 1, 2°, g)) [40]. La difficulté subsistera en revanche pour les autres délits qui sont susceptibles d'entraîner un préjudice non matériel qui dépasse les frontières d'un seul État. Ce pourrait être le cas dans le domaine des délits commis par la voie de l'internet [41].

II. Les tempéraments apportés à l'application de la loi du dommage

7.Les exceptions à l'application de la loi du lieu de survenance du dommage - Inspirations et origines théoriques. Certaines dérogations à l'application de la loi du lieu de survenance du dommage sont prévues aux deuxième et troisième paragraphes de l'article 4 du règlement.

Ces dérogations traduisent l'évolution de la méthode traditionnelle du droit international privé. On connaît les critiques apportées depuis plus d'un demi-siècle par la doctrine américaine à l'encontre de la règle de conflit traditionnelle fondée sur l'application de la lex loci delicti. Les reproches portent principalement sur le caractère excessivement abstrait et rigide du critère du lieu du délit, qui ne permet pas de garantir l'application d'une loi appropriée et proche de la situation litigieuse. La jurisprudence américaine s'est orientée vers des solutions plus flexibles qui sont axées autour du concept de la “proper law of the tort” ou de la loi du pays qui présente les liens les plus étroits avec la situation.

Cette méthode des liens les plus étroits se décline en plusieurs variantes, parmi lesquelles on retiendra les trois principales. La première consiste à ériger les liens les plus étroits en règle de rattachement unique de la matière. C'est l'approche qui tend à être retenue de manière générale aux États-Unis: la règle lex loci delicti a purement et simplement été abandonnée au profit d'un système de rattachement souple fondé sur la recherche in concreto de la loi qui présente les liens les plus étroits avec la situation ou de la loi qui est la plus adéquate pour régir le délit en cause, compte tenu de l'ensemble des intérêts en cause [42].

L'inconvénient de cette approche est bien connu: elle conduit à une insécurité juridique excessive, la désignation de la loi étant subordonnée, dans chaque cas, à une appréciation souvent subjective des circonstances particulières du cas d'espèce. La règle de conflit se dissout entièrement dans le principe de proximité. Certains auteurs américains n'ont pas manqué de souligner les graves dangers de ce système, qui conduit à la déstructuration de la règle juridique, voire confine au non-droit (“non law”[43].

La deuxième variante est celle qui revient à faire des liens les plus étroits la règle directrice, tout en l'assortissant d'un jeu de présomptions fondées sur l'utilisation de rattachements précis et objectifs. Cette méthode est celle qui a été retenue à l'article 4 de la Convention de Rome: le paragraphe premier de cette disposition prévoit que le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, tandis que le paragraphe 2 édicte une présomption générale selon laquelle le contrat présente les liens les plus étroits avec la résidence habituelle de la partie qui fournit la prestation caractéristique. Ces règles sont encore assorties d'une clause d'exception qui prévoit que les présomptions sont écartées lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays (art. 4, 5°).

S'inspirant des travaux du Groupe européen de DIP, le rapporteur du Parlement européen avait proposé, dans le premier projet de rapport, de transposer ce système au domaine des obligations non contractuelles. L'obligation non contractuelle devait être régie par la loi du pays avec lequel elle présente les liens les plus étroits, cette règle étant assortie de diverses présomptions faisant appel à des facteurs de rattachement précis, lesquels ne pouvaient jouer lorsqu'il résulte des circonstances que l'obligation présente des liens plus étroits avec un autre pays [44].

L'objectif poursuivi par un tel système de présomptions est certainement louable, puisqu'il vise à combiner les avantages de la méthode des liens les plus étroits avec la sécurité juridique qui est censée résulter de l'utilisation (dans les présomptions) de rattachements définis de manière précise. La technique utilisée appelle cependant des réserves, pour deux raisons principales. Tout d'abord, on peut lui reprocher de maintenir comme critère de base le concept éminemment flexible de liens les plus étroits. Si cette notion est précisée dans la suite de la disposition, le danger est qu'elle focalise l'attention au détriment des autres rattachements. Ensuite, il existe une incertitude sur la portée exacte des présomptions, comme le montre l'expérience de l'application de la Convention de Rome: pour ne retenir que deux interprÉtations possibles, faut-il s'en tenir en principe à la règle des liens les plus étroits et n'appliquer les présomptions que lorsqu'il existe une hésitation sur le pays désigné par les liens les plus étroits, ou doit-on commencer par appliquer les présomptions, celles-ci ne devant être écartées qu'à titre exceptionnel lorsqu'il est établi que le contrat présente manifestement des liens plus étroits avec un autre pays? Les jurisprudences nationales relatives à la Convention de Rome ont retenu des interprÉtations divergentes sur ce point [45]. Enfin, il existe un certain paradoxe à faire du concept des liens les plus étroits à la fois la règle de rattachement de principe, dont les présomptions ne seraient que l'expression, et la règle d'exception, qui permet de déroger aux mêmes présomptions.

La troisième variante est celle qui a été retenue dans le texte du règlement. Elle revient à maintenir comme principe une règle de conflit classique fondée sur la localisation d'un élément territorial (le lieu de survenance du dommage), tout en l'assortissant de certains tempéraments qui visent à remédier aux excès de rigidité manifestes de cette règle, en permettant de s'en écarter si les circonstances exigent de retenir un autre rattachement.

Cette approche poursuit le même objectif que la précédente, celui de parvenir à un compromis entre les exigences de proximité et de sécurité juridique. Mais elle présente plusieurs avantages par rapport à la technique des présomptions. Le premier est de maintenir comme règle de principe un critère de rattachement précis, qui devrait conduire à des résultats satisfaisants dans la grande majorité des cas. Le concept des liens les plus étroits n'interviendra plus que dans les cas spécifiques où il est nécessaire de faire exception à la règle de base. Le second avantage est que l'on évite les incertitudes liées à la détermination du poids à accorder aux présomptions.

La solution qui consiste à assortir une règle de conflit bilatérale classique d'une clause d'exception n'est pas nouvelle. Elle avait déjà été proposée en 1950, dans le projet Benelux, et reprise par l'avant-projet de Convention de 1972. Par rapport à ces textes, le règlement apporte cependant un élément nouveau, sous la forme d'une règle séparée pour l'hypothèse où les parties sont originaires du même pays.

8.La règle dérogatoire spécifique pour le cas où l'auteur du délit et la victime ont leur résidence habituelle dans le même pays. Selon l'article 4, 2° du règlement, “lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique”.

Cette règle se présente comme une exception à la disposition de base de l'article 4, 1° [46]. Il en résulte que lorsque les conditions prévues par le paragraphe 2 sont réunies, la règle de rattachement de principe qui désigne le lieu de survenance du dommage est inapplicable.

La préoccupation qui se trouve à la base de cette règle est d'assouplir la règle de conflit traditionnelle de manière à permettre l'application de la loi d'un pays qui présente un lien étroit avec la situation. Compte tenu de cette finalité, la disposition s'inscrit dans le courant de pensée qui postule l'introduction d'une plus grande flexibilité dans cette matière. D'un autre côté, cependant, on relèvera que la règle de rattachement retenue est définie de manière fixe et précise, et ne laisse aucune marge d'appréciation au juge: la loi applicable est celle de l'État de la résidence habituelle commune de l'auteur du délit et de la victime. Sous cette perspective, on a affaire à une règle de conflit assez traditionnelle axée sur l'utilisation d'un facteur de rattachement territorial fixe.

L'opportunité de faire une exception à la loi du pays du délit lorsque les parties sont originaires toutes les deux d'un autre pays est admise depuis relativement longtemps. À l'origine, cependant, cette exception, lorsqu'elle était reconnue, faisait l'objet d'une règle souple qui laissait une certaine marge d'appréciation au juge. C'est en droit commun allemand, semble-t-il, que l'on trouve la première expression d'une telle règle: se fondant sur un décret de 1942, la jurisprudence allemande a fait parfois application de la loi nationale commune des parties, et non de la lex loci delicti, pour déterminer la responsabilité délictuelle [47]. Cette idée a été reprise dans l'avant-projet de Convention de 1972, où elle a été intégrée à la règle qui permet de faire exception à la lex loci delicti. L'article 10 de cet avant-projet prévoit que la loi locale peut être écartée en cas de connexion prépondérante avec un autre pays, et précise que “cette connexion doit se fonder normalement sur un élément de rattachement commun à la victime et à l'auteur du dommage”.

La même approche flexible a été retenue dans la proposition du Groupe européen de DIP ainsi que lors des travaux du Groupe Rome II du Conseil. Dans plusieurs documents discutés au sein de ce dernier Groupe, la résidence habituelle commune des parties ne constitue qu'un élément d'appréciation des liens plus étroits avec un autre pays [48].

Le règlement a retenu une solution différente, puisque la résidence habituelle commune des parties fait l'objet d'une règle de conflit séparée, qui s'applique de manière indépendante de la clause d'exception fondée sur les liens étroits. Cette dernière solution se situe dans la lignée de la Convention de La Haye de 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits, qui, par dérogation à l'application de la loi du lieu du fait dommageable, prévoit l'application de la loi de l'État de la résidence habituelle de la personne directement lésée si cet État est aussi l'État de l'établissement principal de la personne dont la responsabilité est invoquée [49].

L'approche retenue par les auteurs du règlement a pour effet, concrètement, de renverser la règle et l'exception en la matière: en principe, la loi applicable est celle du pays de la résidence habituelle des parties lorsque cette dernière est commune aux deux parties (par. 2 de l'art. 4). Mais cette loi peut être écartée au profit de la loi du lieu de survenance du dommage (ou de toute autre loi pertinente, comme celle du lieu du fait générateur) dans les conditions prévues par la clause d'exception générale prévue au paragraphe 3 de l'article 4.

Cette solution est heureuse. L'absence d'une règle spéciale pour l'hypothèse où les parties ont une résidence commune aurait en effet eu pour conséquence probable d'entraîner l'application quasi systématique du paragraphe 3, ce qui aurait risqué de miner le caractère d'exception de la clause prévue à ce paragraphe, dont l'application est subordonnée au respect de conditions strictes.

Quelles sont, justement, les conditions de l'application de cette clause d'exception?

9.La clause d'exception fondée sur les liens plus étroits avec un autre pays - L'exemple de la relation juridique préexistante. L'article 4, 3° du règlement dispose: “S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique.” Il est précisé qu'“un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu'un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question”.

Cette disposition est fondée sur le modèle de la clause d'exception générale à l'application de la règle de conflit. Il s'agit d'une technique particulière du droit international privé [50] qui rencontre un succès grandissant en Europe, puisqu'elle se retrouve dans la plupart des codifications modernes récentes, qu'elles soient de source nationale ou internationale.

Selon l'Exposé des Motifs, l'objectif poursuivi par cette clause d'exception est “d'introduire une certaine flexibilité, permettant au juge d'adapter la règle rigide à un cas individuel pour appliquer la loi qui correspond au centre de gravité de la situation” [51].

On observera l'existence d'une différence par rapport à la clause d'exception prévue à l'article 4, 5° de la Convention de Rome, qui, en matière d'obligations contractuelles, vise l'existence de “liens plus étroits” avec un autre pays. Le texte discuté ici est défini de manière plus restrictive puisqu'il exige le caractère “manifestement” plus étroit des liens avec l'autre pays. L'utilisation de ce terme vise à souligner le caractère exceptionnel de la clause [52], qui ne doit jouer que lorsque les circonstances particulières du cas d'espèce démontrent de manière claire et nette le caractère inopportun du rattachement à la loi du pays du lieu de survenance du dommage ou à celui du lieu de la résidence commune des parties.

En ce qui concerne les éléments de rattachement susceptibles de faire jouer la clause d'exception, il ressort explicitement du texte qu'il y a lieu de prendre en considération “l'ensemble des circonstances”. Lors des travaux au sein du Groupe Rome II du Conseil, il avait été proposé d'introduire dans le texte une liste illustrative de ces circonstances, parmi lesquelles figurait la résidence commune des parties, le contrat conclu entre les parties, le contrat d'assurance conclu entre l'une des parties et un assureur, l'existence entre les parties d'un lien prédélictuel, et la possibilité pour l'auteur du délit de prévoir raisonnablement que son comportement aurait pu causer un dommage dans l'État où ce comportement a produit son effet direct [53].

Parmi ces éléments, le règlement n'a repris que deux circonstances particulières, qui de surcroît ne sont pas soumises au même régime. La première circonstance porte sur la résidence habituelle commune des parties: cet élément a été érigé, comme on l'a vu, en règle de conflit autonome au paragraphe 2 de l'article 4. Il ne s'agit donc plus, comme dans le texte discuté au sein du Conseil, d'une circonstance à prendre en compte pour faire jouer la clause d'exception; au contraire, ce sont les autres éléments de la situation qui permettront, le cas échéant, de justifier une dérogation à l'application de la loi du pays de la résidence habituelle commune des parties. Le Parlement européen a tenté, par un amendement déposé lors de l'examen en première lecture [54], de revenir à la solution antérieure où la résidence commune serait un simple facteur parmi d'autres à prendre en compte, mais cet amendement n'a pas été retenu.

Ne subsiste donc à l'article 4, 3° qu'un seul exemple de circonstance pouvant justifier l'application de la clause d'exception, à savoir l'existence d'une “relation préexistante entre les parties, telle qu'un contrat”. En pratique, le fait d'isoler dans le texte même du règlement un facteur particulier risque d'être interprété comme l'indication que ce facteur a une portée spéciale ou différente des autres circonstances qui sont susceptibles d'être prises en compte. Bref, il nous paraît que l'on s'engage, au moins implicitement, dans la logique des présomptions qui est celle de la Convention de Rome: ceux qui appliqueront le futur règlement pourraient avoir tendance à considérer que lorsqu'il existe une relation préexistante entre parties, il s'agit d'un élément qui fait présumer l'existence d'un lien manifestement plus étroit avec le pays désigné, justifiant de faire exception aux règles des deux premiers alinéas. Le texte de l'article 4, 3° présente en tout cas l'inconvénient de soulever une hésitation sur la portée qui doit être accordée au facteur mentionné, ce qui ne favorisera pas l'application uniforme de l'instrument dans les États membres.

Hors l'exemple des parties qui seraient engagées dans une relation préexistante fondée sur un contrat, le texte ne précise pas la nature que doit revêtir ladite relation préexistante. L'Exposé des Motifs suggère qu'il doit s'agir d'une relation de nature juridique, puisqu'il est fait référence au fait que le juge dispose d'une marge de manoeuvre pour retenir “la loi applicable à cette relation préexistante” [55]. Ainsi, le juge pourrait appliquer la loi régissant le contrat, ou la loi régissant une relation familiale. Il a cependant été suggéré par un auteur que, compte tenu de l'absence de précision du texte, la relation préexistante pourrait être aussi de nature factuelle ou sociale (p. ex., un accident impliquant deux amis) [56]. Dans ce cas, il y aurait lieu de faire application non de la loi régissant cette relation (puisqu'une telle loi n'existe pas), mais de la loi du pays où serait physiquement centrée cette relation préexistante [57]. En pratique, cependant, on peut penser que dans ce cas, le centre de gravité de la relation devrait le plus souvent (mais pas nécessairement) coïncider avec celui de la résidence habituelle commune des parties, de sorte que s'appliquera de toute façon le paragraphe 2 de l'article 4.

On observera que l'application de ce mécanisme de rattachement accessoire en matière contractuelle risque de soulever des difficultés dans les cas où la relation contractuelle n'est pas soumise à une loi unique. Ce pourrait être le cas par exemple en matière de contrat de travail ou en matière de contrat de consommation, lorsque, en vertu de la règle de conflit applicable, la loi choisie par les parties ou désignée objectivement doit se combiner avec les dispositions impératives du lieu d'accomplissement du travail ou du lieu de la résidence habituelle du consommateur. Dans ce cas, il existe une incertitude sur le point de savoir quelle loi devrait être prise en compte. En pratique, dans ce cas, le juge devra exercer un pouvoir d'appréciation pour décider si l'une des lois concernées présente un lien manifestement plus étroit avec le fait dommageable que celle désignée par les deux premiers paragraphes de l'article 4.

10.Autre tempérament à l'application de la loi du dommage: la prise en compte des règles de sécurité et de comportement en vigueur au lieu du fait générateur du dommage. Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, les auteurs du règlement ont clairement pris parti en faveur du lieu de survenance du dommage comme critère de base pour déterminer la loi applicable à l'obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable. Ils ont même explicitement souligné, comme il a aussi été remarqué, que l'application de cette loi devait se faire “quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit”.

Retenir le lieu de survenance du dommage comme seul facteur de rattachement pour déterminer la loi applicable à la responsabilité non contractuelle soulève une difficulté bien connue: c'est que la responsabilité d'une personne est engagée en vertu d'une loi autre que celle en vigueur au lieu où le comportement dommageable s'est déployé. Ceci peut être source d'injustice pour l'auteur qui s'est fié à la loi locale pour déterminer quel comportement adopter. Ceci peut aussi être source d'injustice pour la victime lorsque l'auteur parvient à échapper par ce biais à l'application des règles de comportement en vigueur au lieu d'exercice de l'activité. C'est cette difficulté qui se trouve à l'origine de la célèbre règle anglaise de la double actionability, en vertu de laquelle la mise en cause de la responsabilité non contractuelle est soumise à l'application cumulative de la loi du délit et de la lex fori [58].

L'article 17 du règlement tend à pallier à ce problème par une autre méthode, en prévoyant une règle spéciale relative aux “règles de sécurité et de comportement”. Selon cette disposition, “pour évaluer le comportement de la personne dont la responsabilité est invoquée, il est tenu compte, en tant qu'élément de fait et pour autant que de besoin des règles de sécurité et de comportement en vigueur au lieu et au jour de la survenance du fait qui a entraîné la responsabilité”.

Selon le préambule du règlement, est visée par cette disposition “toute la réglementation ayant un lien avec la sécurité et le comportement, y compris, par exemple, les règles en matière de sécurité routière en cas d'accident”. Cette dernière mention est assez curieuse, car en matière d'accident de la circulation, il semble, comme il a été souligné dans l'Exposé des Motifs de la proposition de règlement, que le lieu de survenance du dommage doive être entendu comme désignant le lieu de l'accident, au motif qu'il faut retenir uniquement le dommage direct qui se manifeste lors de l'accident, et non le dommage consécutif qui serait subi dans un autre État. En d'autres termes, comme il a déjà été souligné, il semble que dans cette matière le lieu de l'événement causal coïncide normalement avec celui du dommage. La prise en compte des règles de comportement et de sécurité du lieu du fait générateur aura en revanche un intérêt dans les cas où le fait générateur et le dommage direct sont localisés dans des États différents.

Selon la Commission, l'article 17 est fondé sur la constatation que toute personne “doit respecter les règles de sécurité et de comportement en vigueur dans le pays dans lequel (elle) agit, quelle que soit par ailleurs la loi applicable aux conséquences civiles de son action” [59]. Mais lorsque se pose la question des conséquences civiles de son action, à l'occasion de la mise en cause de la responsabilité de cette personne, le juge ne peut faire application en tant que telle de ces règles de comportement et de sécurité. En vertu de l'article 17 précité, le juge doit seulement “tenir compte” de ces règles pour évaluer le comportement de la personne, “en tant qu'élément de fait et pour autant que de besoin”. L'Exposé des Motifs insiste sur la circonstance que “la prise en considération de la loi étrangère doit être distinguée de son application: le juge appliquera exclusivement la loi désignée par la règle de conflit, mais il doit prendre en considération une autre loi comme simple fait, par exemple lorsqu'il s'agit d'apprécier, pour déterminer le montant des dommages-intérêts, la gravité de la faute commise ou la bonne ou mauvaise foi de l'auteur” [60].

En pratique, l'article 17 se présente donc comme un outil de flexibilité permettant au juge de nuancer les conséquences concrètes de l'application de la loi du lieu de survenance du dommage en fonction du contenu de la loi du lieu du fait générateur du dommage pour tout ce qui touche aux règles de comportement et de sécurité. L'intérêt de l'article 17 par rapport à la clause d'exception de l'article 4, 3° étudié plus haut est qu'alors que de cette dernière entraîne, lorsque les conditions sont remplies, l'écartement complet de la loi du pays du lieu de survenance du dommage au profit par exemple de la loi du lieu du fait générateur, l'article 17 permet au juge, dans une seule et même action, d'avoir égard à des lois différentes selon les questions posées. Par exemple, le juge pourrait prendre en compte les standards de sécurité en vigueur dans un État en vue d'évaluer le caractère fautif ou non d'un comportement, tout en soumettant la question de l'évaluation du quantum du dommage exclusivement à l'application de la loi du lieu de survenance de ce dernier.

11.Le juge peut-il prendre en compte la loi du lieu où les conséquences indirectes du dommage se font sentir? Ainsi qu'on l'a souligné, le règlement distingue le fait générateur, le dommage direct et le dommage indirect. Si l'article 4, 1° retient uniquement le second de ces éléments comme facteur de rattachement pour déterminer la loi applicable, l'article 17 précité permet de prendre en compte certains aspects de la loi du lieu du premier, le lieu de l'événement causal.

La question qui se pose est celle de savoir si une place peut aussi être laissée au troisième de ces éléments, le lieu où la victime subit les conséquences indirectes du fait dommageable. Ainsi qu'on l'a déjà relevé, en pratique, la victime subit souvent les conséquences indirectes d'un fait dommageable dans le pays de sa résidence habituelle. Dans la jurisprudence belge antérieure à l'entrée en vigueur du Code de droit international privé, les juges du fond s'écartaient parfois de la règle du lieu du fait générateur retenue par la Cour de cassation, pour déterminer le quantum du dommage “en fait” au regard de la loi correspondant au “milieu social” où se faisait ressentir le dommage, ce qui permettait d'appliquer ou de prendre en compte la loi de la résidence habituelle de la victime [61].

Le Parlement européen avait proposé d'introduire une règle reflétant la même préoccupation, qui s'appliquerait aux accidents de la circulation. L'amendement du Parlement prévoyait ainsi que le tribunal ainsi que l'assureur du conducteur responsable “appliquent, s'agissant des modalités des dommages-intérêts et du calcul de leur montant, les règles en vigueur sur le lieu habituel de résidence de la victime, à moins que cette solution ne soit inéquitable pour la victime” [62].

La Commission et le Conseil ayant rejeté cet amendement, la question, considérée comme particulièrement sensible, a été soumise au Comité de conciliation du Conseil et du Parlement. Aux termes de ses travaux, ce Comité a admis que l'application de l'article 4, 1° pourrait “conduire à des situations insatisfaisantes en raison des fortes disparités observées entre les niveaux des indemnisations accordées par les tribunaux nationaux: lorsque la victime de l'accident réside dans un pays autre que celui dans lequel l'accident s'est produit, le montant de l'indemnité est calculé en vertu de la loi et des normes du pays de l'accident et non selon celles du pays de résidence de la victime, dans lequel celle-ci devra pourtant se rétablir des dommages corporels et éventuellement supporter les conséquences de l'accident” [63].

Malgré cette constatation, les représentants du Parlement au sein du Comité de conciliation n'ont pu obtenir l'introduction d'une règle de conflit particulière désignant la loi de la résidence habituelle de la victime pour le calcul des dommages-intérêts. La solution de compromis retenue par le Comité de concertation a consisté, d'une part, à ce que la Commission prenne l'engagement d'examiner l'opportunité d'adopter une réglementation spécifique dans ce domaine et, d'autre part, “pour le court terme”, à introduire dans le préambule du règlement un considérant destiné à s'assurer que le juge tienne compte “des circonstances réelles que connaît la victime” [64]. Le considérant n° 33 du règlement prévoit ainsi qu'en matière d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation routière, “lors de la quantification des dommages-intérêts accordés au titre du préjudice corporel dans les cas où l'accident survient dans un État autre que celui où la victime a sa résidence habituelle, la juridiction saisie devrait prendre en compte toutes les circonstances de fait pertinentes concernant ladite victime, y compris, notamment, les pertes totales et les coûts du traitement et des soins médicaux”.

Formellement, il n'est donc pas question pour le juge de faire application de la loi du lieu de la résidence habituelle de la victime pour déterminer le quantum du dommage. En pratique, cependant, on peut penser que ce considérant est une invitation au juge à prendre en considération, en tant que fait, les standards en vigueur au lieu de résidence de la victime relatifs à l'évaluation du quantum du dommage, puisque ces standards devraient normalement refléter les coûts réels du traitement et des soins médicaux, ainsi que plus généralement les besoins de la victime pour se rétablir des dommages et supporter les conséquences de l'accident dans son environnement social.

Le considérant précité vise uniquement la matière des accidents de la circulation. Pourtant, la préoccupation qui y est reflétée paraît tout autant valable dans d'autres matières, en tout cas dans celles qui impliquent l'indemnisation de dommages corporels causés par un accident survenu en dehors du lieu de résidence habituelle de la victime. La victime par exemple d'un accident de ski ou d'un accident de chasse lors d'un voyage à l'étranger fera l'objet du même type d'injustice si on lui applique des standards d'indemnisation du lieu de l'accident qui tiennent compte d'un niveau de vie inférieur à celui du lieu de la résidence habituelle de la victime.

Le juge pourra-t-il dans ce cas, pour déterminer le quantum, suivre la même démarche que celle visée au considérant n° 33 précité? À notre avis, la réponse devrait être affirmative. On pourrait faire valoir, à cet égard, le principe général qui se déduit du considérant n° 14 du règlement, qui insiste à la fois sur “l'exigence de sécurité juridique” et sur “la nécessité de rendre la justice en fonction de cas individuels”.

[1] Professeur à l'ULB. Avocat au barreau de Bruxelles.
[2] J.O. L. 199/40 du 31 juillet 2007. Pour un premier commentaire approfondi de la version finale de ce texte, voy. S. Symeonides, “Rome II and Tort Conflicts: A Missed Opportunity”, American Journal of Comparative Law 2008, pp. 173 et s. Pour des commentaires des différents projets antérieurs, voy. notam. C. Nourissat et E. Treppoz, “Quelques observations sur l'avant-projet de proposition de règlement du Conseil sur la loi applicable aux obligations non contractuelles 'Rome II'”, J.D.I. 2003, pp. 7 et s.; S. Symeonides, “Tort Conflict and Rome II: A View from Across”, Festschrift für Erik Jayme, Sellier European Law Publishers, 2004, pp. 935 et s. Voy. aussi les réponses à la consultation lancée par la Commission sur l'avant-projet de proposition de règlement, disponibles sur le site de la “Coopération judiciaire en matière civile” de la Direction Générale “Justice, Liberté et Sécurité” de la Commission.
[3] Ce projet est repris (et commenté) in S. Symeonides, “Tort Conflicts and Rome II: Impromptu Notes on the Rapporteur's Draft”, disponible sur le site personnel du rapporteur, www.dianawallis.org.uk.
[4] Texte publié not. à la European Review of Private Law 1999, pp. 45 et s.
[5] Rapport sur la proposition de règlement, Doc. A6-0211/2005.
[6] Avant-projet du 3 mai 2002, reproduit in Rev. crit. dr. intern. privé 2003, p. 30.
[7] Voy. l'Exposé des Motifs de la proposition de règlement du 22 juillet 2003, Doc. Com (2003) 427 final (ci-après, Exposé des Motifs), art. 3, par. 1, p. 12.
[8] Cass. 17 mai 1957, Pas. 1957, I, 1111.
[9] Aff. C.06.0201.F, Duchesne/Office of Fair Trading, non encore publié.
[10] Voy. considérant n° 18.
[11] Art. 18 du projet de loi uniforme relative au droit international privé du 15 mars 1950, élaboré par la Commission belgo-néerlando-luxembourgeoise pour l'étude de l'unification du droit et annexé au traité du 11 mai 1951 entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. Texte publié not. à la Rev. crit. dr. intern. privé 1951, p. 710, 1952, pp. 165 et 377.
[12] Texte publié not. au Clunet 1976, pp. 653 et s. Voy. le rapport très complet de MM. M. Giuliano, P. Lagarde et Th. van Sasse van Ysselt, Riv. di dir. int. civ. e proc. 1973, pp. 200 et s. Voy. aussi les commentaires de J. Foyer, “L'avant-projet de Convention C.E.E. sur la loi applicable aux obligations contractuelles et non contractuelles”, Clunet 1976, pp. 555 et s.; R. Vander Elst, “L'unification des règles de conflit de lois dans la C.E.E.”, J.T. 1973, pp. 249 et s.; P. Lagarde, “Examen de l'avant-projet de convention C.E.E. sur la loi applicable aux obligations contractuelles et non contractuelles”, Trav. com. fr. DIP 1973, pp. 147 et s.; P. Bourel, “L'État actuel des travaux dans la C.E.E. sur les conflits de lois en matière d'obligations extracontractuelles”, in L'influence des Communautés européennes sur le droit international privé des États membres, Bruxelles, Larcier, 1981, pp. 97 et s.
[13] Voy. spéc. l'art. 4 de la Convention.
[14] Voy. le titre II, qui détermine la loi applicable à l'obligation dérivant d'un fait dommageable.
[15] Rapport Giuliano, Lagarde, van Sasse van Ysselt, précité, p. 233, n° 3.
[16] C'était le cas en Belgique jusqu'à l'adoption du Code de droit international privé. C'est le cas aussi en Allemagne: voy. l'art. 40 de la loi du 21 mai 1999 sur le droit international privé des obligations extracontractuelles et des biens: “les prétentions nées d'un acte illicite sont régies par le droit de l'État dans lequel la personne a agi”. Sur cette loi, voy. K. Kreuser, Travaux du Comité français de droit international privé, 1998-2000, Pédone, 2002, pp. 279 et s.
[17] C'est le cas notamment en Italie. Voy. l'art. 62 de la loi n° 218 du 31 mai 1995 portant réforme du système italien de droit international privé. Cette disposition tempère cependant l'application de cette règle en prévoyant que “la victime peut demander l'application de la loi de l'État dans lequel est advenu le fait générateur”. Sur ces règles, voy. not. F. Pocar, “Le droit des obligations dans le nouveau droit international privé italien”, Rev. crit. DIP 1996, pp. 41 et s., spéc. pp. 59 et s.
[18] C'est le cas notamment en France. Voy. Cass. (civ. 1ère) 11 mai 1999, Clunet 1999, p. 1048, note Légier, J.C.P. 1999, II, n° 10183, note Muir-Watt, D. 1999 somm. 295, obs. Audit, Rev. crit. dr. intern. privé 2000, p. 1999, note Bischoff. Voy. aussi Civ. (1ère) 14 janvier 1997, D. 1997, p. 177, note Santa-Croce, Rev. crit. dr. intern. privé 1997, p. 504, note Bischoff, J.C.P. 1997, II, n° 22903, note Muir-Watt.
[19] C.J.C.E. 30 novembre 1976, nr. 21/76, Bier, Rec., 1976, p. 1735.
[20] Voy. “Proposition pour une convention européenne sur la loi applicable aux obligations non contractuelles”, European Review of Private Law 1999, pp. 45 et s., spéc. p. 62.
[21] Voy. la jurisprudence de la Cour de cassation de France précitée.
[22] L'art. 99 § 1er du code prévoit qu'à défaut de résidence commune des parties ou de localisation dans un même pays du fait générateur du dommage et du dommage, la loi applicable est celle de l'État qui présente les liens les plus étroits avec l'obligation. En pratique, cette méthode permet de mettre en balance l'intensité du rattachement induit par les deux éléments constitutifs de la responsabilité (fait générateur et dommage), même s'il pourrait aussi tenir compte d'autres éléments, comme la résidence d'une partie ou les conséquences indirectes du fait dommageable.
[23] Document interne du Conseil référencé sous le n° 12356/98.
[24] Voy. Exposé des Motifs, art. 3 par. 1, p. 12.
[25] Voy. Exposé des Motifs, art. 3 par. 1, p. 12.
[26] C.J.C.E. 30 novembre 1976, nr. 21/76, Bier, Rec., 1976, p. 1735, par. 25.
[27] Bier, précité (le critère de rattachement pertinent de cette affaire ayant été précisé dans l'affaire C-220/88, Dumez, Rec. 1990, I-49, par. 12).
[28] C.J.C.E., C-18/02, Torline, Rec. 2004, I-1417, par. 41.
[29] C.J.C.E., C-68/93, Shevill, Rec. 1995, I-415, par. 24.
[30] C.J.C.E., C-220/88, Dumez, Rec. 1990, I-49, par. 20.
[31] C.J.C.E., C-364/93, Marinari, Rec. 1995, I-2719, par 14.
[32] C.J.C.E., C-220/88, Dumez, Rec. 1990, I-49, par. 21.
[33] C.J.C.E., C-364/93, Marinari, Rec. 1995, I-2719, par. 15.
[34] Exposé des Motifs de la proposition de règlement de la Commission, p. 12.
[35] C.J.C.E., C-18/02, Torline, Rec. 2004, I-1417, précité, par. 42.
[36] C.J.C.E. 10 juin 2004, C-168/02, Kronhofer, Rec. 2004, I-6009, par. 21.
[37] H. Gaudemet-Tallon, Compétence et effets des jugements en Europe, 3ème éd., p. 175, n° 216.
[38] Aff. C-68/93, Rec. 1995, I-415.
[39] Exposé des Motifs, art. 3 par. 1, p. 12.
[40] En effet, même si c'est précisément dans cette matière que la Cour de justice a consacré (dans l'affaire Shevill précitée) le principe du fractionnement, force est de constater que son application n'y est pas aisée, en raison notamment du fait que l'indemnisation du préjudice dans ce type de matière se fait régulièrement ex aequo et bono.
[41] Sur l'application de l'art. 5, 3° du Règlement Bruxelles I à la contrefaçon commise sur internet, voy. A. Nuyts, “Suing at the Place of Infringement: the Application of Article 5(3) of Regulation 44/2001 to IP Matters and Internet Disputes”, in A. Nuyts (dir.), International Litigation in Intellectual Property and Information Technology, Kluwer Law International, 2008.
[42] Cette approche souple, qui recouvre elle-même une mosaïque de théories diverses, a trouvé sa première application dans la célèbre affaire Babcock/Jackson de la cour d'appel de New York, 12 NY2d 473, 240 NYS 2d 743, Rev. crit. dr. intern. privé 1964, 283.
[43] Voy. not. L. Brilmayer, “The Role of Substantive and Choice of Law Policies in the Formation and Application of Choice of Laws Rules”, Rec. des Cours 1995, t. 195, pp. 9 et s.; J.P. Kozyris, “Interest Analysis Facing its Critics”, 46, Ohio St. L. J. 569 (1985), spéc. pp. 578 et s. Pour un examen approfondi des avantages et inconvénients du système, voy. S. Symeonides, “The American Choice-of-law revolution in the courts: Today and Tomorrow”, Rec. des Cours, vol. 298 (2002).
[44] Voy. le projet repris (et commenté) in S. Symeonides, “Tort Conflicts and Rome II: Impromptu Notes on the Rapporteur's Draft”, disponible sur le site personnel du rapporteur, www.dianawallis.org.uk.
[45] Voy. l'analyse de la jurisprudence par R. Plender et M. Wilderspin, The European Contracts Convention - The Rome Convention on the Choice of Law for Contracts, 2ème éd., Londres, Sweet & Maxwell, 2001, pp. 109 et s.
[46] Comme l'indique le terme “toutefois” au début de la phrase.
[47] Voy. les références mentionnées dans le rapport Giuliano, Lagarde, van Sasse van Ysselt, précité, pp. 234-235, et la note 80.
[48] Voy. not. les projets du 28 juillet 1999 (doc. interne du Conseil n° 10231/99) et du 9 décembre 1999 (doc. interne du Conseil n° 11982/99).
[49] Art. 5, b).
[50] Voy. spéc. C. Dubler, Les clauses d'exception en droit international privé, Librairie de L'Université, Georg & Cie, 1983; D. Kokkini-Iatridou (dir.), Les clauses d'exception en matière de conflits de lois et de conflits de juridictions - ou le principe de proximité, Martinus Nijhoff Pub., 1994.
[51] Exposé des Motifs, art. 3 par. 3, p. 13.
[52] En ce sens, voy. l'Exposé des Motifs, art. 3 par. 3, p. 13.
[53] Voy. le projet de juillet 1999, document interne du Conseil référencé 10231/99, spéc. l'art. 3bis (substitution), première variante (texte soumis par la délégation danoise).
[54] Amendement n° 26.
[55] Exposé des Motifs, art. 3, p. 13.
[56] Voy. S. Symeonides, “Rome II and Tort Conflicts: A Missed Opportunity”, American Journal of Comparative Law 2008, pp. 173 et s., spec. pp. 203-204.
[57] O.c.
[58] Cette règle, consacrée en droit anglais dans l'affaire Phillips/Eyre, (1870) LR 6 QB 1, a été abrogée par le Private International Law (Miscellaneous Provisions) Act of 1995.
[59] Exposé des Motifs, art. 13, p. 27.
[60] Exposé des Motifs, p. 27.
[61] Voy. F. Rigaux et M. Fallon, Droit international privé, T. II, 3ème éd., n° 15.12.
[62] Amendement 26 en première lecture.
[63] Rapport sur le projet commun approuvé par le Comité de conciliation, Doc. A6-0257/2007 du 28 juin 2007, p. 7.
[64] Rapport du 28 juin 2007, précité, p. 7.