Article

Cour d'appel Bruxelles, 04/09/2007, R.D.C.-T.B.H., 2008/5, p. 422-430

Cour d'appel de Bruxelles 4 septembre 2007

DROITS INTELLECTUELS
Marque - Marque communautaire - Caractère distinctif - Usage sérieux - Libre circulation - Confusion - Respect du droit - Dommages et intérêts - Renonciation, déchéance et nullité de la marque communautaire- Dilution de la marque communautaire
L'appréciation du caractère descriptif d'un signe doit être faite, in concreto, par rapport aux produits et services pour lesquels l'enregistrement est demandé et par rapport à la perception qu'en a le public pertinent. Un signe qui n'est pas exclusivement descriptif, mais évocateur, peut être considéré comme licite. La marque SPA pour des cosmétiques n'est pas descriptive parce qu'elle évoquerait le monde du thermalisme.
Il y a lieu d'écarter des débats la copie du refus provisoire émis par l'OHMI d'enregistrer une marque communautaire issu, sans l'accord du demandeur, d'un dossier relatif à une demande de marque communautaire qui n'a pas encore été publié et qui ne peut donc être ouvert à l'inspection publique.
Pour qu'il y ait usage sérieux de la marque, il faut que celle-ci soit objectivement présente sur une partie du territoire sur lequel elle est protégée et ce d'une façon effective, constante dans le temps et stable dans la configuration du signe, qu'elle soit utilisée publiquement et vers l'extérieur aux fins de créer ou de conserver un débouché pour les produits couverts par la marque.
Par dérogation au principe de libre circulation des marchandises, un droit de propriété industrielle et commerciale légalement acquis dans un État membre de l'Union européenne, peut être légitimement opposé à l'importation de produits commercialisés sous une dénomination prêtant à confusion lorsque les droits en cause ont été établis, par des titulaires distincts et indépendants sous l'empire de législations nationales différentes. Il s'agit de même pour l'enregistrement en tant que marque nationale d'un signe considéré comme dépourvu de caractère distinctif ou descriptif dans d'autres États membres.
Il existe un risque de confusion entre les marques SPA et ART OF SPA.

INTELLECTUELE RECHTEN
Merk - Gemeenschapsmerk - Onderscheidend vermogen - Normaal gebruik - Vrij verkeer - Verwarring - Rechtshandhaving - Schadevergoeding - Afstand, verval en nietigheid gemeenschapsmerk - Verwatering gemeenschapsmerk
De beoordeling van het onderscheidend vermogen van een teken dient in concreto te gebeuren met inachtneming van de waren en diensten waarvoor de inschrijving werd aangevraagd en met inachtneming van het beeld dat het relevante publiek ervan heeft. Een teken dat niet uitsluitend onderscheidend is, maar suggestief, kan als geoorloofd beschouwd worden. Het merk SPA voor cosmetica is niet beschrijvend omdat het doet denken aan de wereld van het thermalisme.
Een copie van de door het OHIM geformuleerde voorlopige weigering om over te gaan tot de inschrijving van een Gemeenschapsmerk, die zonder het akkoord van de aanvrager gelicht werd uit een dossier tot aanvrage van een Gemeenschapsmerk, die nog niet is gepubliceerd en dus niet ter inzage van het publiek mag gelegd worden, dient uit de debatten te worden geweerd.
Om van normaal gebruik van het merk te kunnen spreken, dient het merk objectief gezien daadwerkelijk, voortdurend en zonder wijzigingen in de vorm van het teken aanwezig te zijn op een deel van het territorium waar het merk beschermd is, en dient het merk publiek en naar buiten toe gebruikt te worden met als doel voor de door het merk gedekte waren een afzet te vinden of te behouden.
Een industrieel en commercieel eigendomsrecht dat op wettelijke wijze in een lidstaat van de Europese Unie werd verworven, kan, in afwijking van het principe van het vrij verkeer van goederen, de import van waren die onder een verwarrende benaming gecommercialiseerd worden, rechtmatig verbieden wanneer de betrokken rechten werden gevestigd door onderscheiden en zelfstandige houders onder verschillende nationale wetgevingen. Hetzelfde geldt voor de inschrijving als nationaal merk van een teken dat beschouwd wordt als een teken dat onderscheidend vermogen mist of beschrijvend is in andere lidstaten.
Er bestaat verwarringsgevaar tussen de merken SPA en ART OF SPA.

Helena Rubinstein / Spa Monopole

Siég.: M. Regout (conseiller, f.f. président), H. Mackelbert et Y. Demanche (conseillers)
Pl.: Mes E. Marissens et L. de Brouwer, E. Cornu, F. Jacques de Dixmude
I. Décisions attaquées

Les appels sont dirigés contre les jugements prononcés contradictoirement les 19 décembre 2003 par le tribunal de commerce de Bruxelles et 25 octobre 2005 par le tribunal de commerce de Verviers.

(...)

III. Faits et antécédents de la procédure

1. La SA Spa Monopole a été constituée le 14 avril 1921. Dès sa création, elle a reçu de la ville de Spa l'exclusivité de l'exploitation des eaux de la commune de Spa et de l'établissement thermal de la ville.

Elle offre ses produits et services sous plusieurs marques dont, notamment:

- la marque Benelux verbale “SPA” n° 372.307 déposée le 11 mars 1981 pour des produits de la classe 3;

- la marque Benelux verbale “SPA” n° 389.230, déposée le 21 février 1983 pour les produits de la classe 32: “eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques; sirops et autres préparations pour faire des boissons”;

- la marque Benelux verbale “SPA” n° 499.046, déposée le 3 juillet 1991 pour les produits de la classe 3: “parfumeries, huiles essentielles, cosmétiques”;

- la marque Benelux figurative “LES THERMES DE SPA” n° 466.130, déposée le 22 juin 1989 pour les produits de la classe 42: “services rendus dans le cadre des activités d'un établissement thermal y compris la prestation de services de soins de santé, bains-douches, massages”;

- la marque Benelux verbale “LES THERMES DE SPA” n° 501.661, déposée le 14 août 1991 pour les produits de classe 3: “parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques...”.

La SNC Helena Rubinstein est une entreprise cosmétique qui fait partie du groupe L'Oréal. Elle fabrique, entre autres, des produits cosmétiques qui s'inspirent de la technique et de l'univers du thermalisme.

Helena Rubinstein a déposé le 28 juin 2000 la marque “ART OF SPA” pour un enregistrement international dans la classe 3 des cosmétiques sous le n° 737.114.

2. Spa Monopole soutient que la commercialisation des produits d'Helena Rubinstein sous la marque “ART OF SPA” et le dépôt de ladite marque constituent une atteinte flagrante aux droits qu'elle détient en tant que titulaire, d'une part des marques “SPA” (classe 32) et “THERMES DE SPA” (classe 42) qui jouissent d'une renommée incontestable au Benelux et, d'autre part, des marques “SPA” et “THERMES DE SPA” (classe 3) en raison de leur antériorité par rapport au dépôt de la marque d'Helena Rubinstein.

Par citation du 2 janvier 2001, Spa Monopole a assigné Helena Rubinstein devant le tribunal de commerce de Bruxelles en vue d'entendre:

- Helena Rubinstein condamnée à cesser d'importer sur le territoire du Benelux, d'offrir ou de vendre, directement ou indirectement, des produits cosmétiques sous le nom “ART OF SPA” ou tout autre signe comportant le vocable ou le radical “SPA”, et ce sous peine d'une astreinte de 10.000 FB par produit offert en vente sous un tel signe et de 250.000 FB par publicité et par magazine le reproduisant;

- déclarer nul et de nul effet l'enregistrement international de la marque “ART OF SPA” n° 737.114 pour le Benelux;

- Helena Rubinstein condamnée à lui payer la somme de 1.000.000 FB à titre de dommages et intérêts.

Helena Rubinstein a introduit une demande reconventionnelle tendant à entendre:

- déclarer nul et de nul effet l'enregistrement Benelux de la marque “SPA” n° 499.046, pour les produits de la classe 3 (cosmétiques);

- constater l'abus par la société Spa Monopole de sa position dominante en Belgique sur le marché des eaux minérales, commis sur le marché distinct de la cosmétique en tentant:

* de faire reconnaître sa marque renommée “SPA”, limitée à l'eau minérale, pour des produits cosmétiques, en excipant de son caractère renommé et de l'inapplicabilité du principe de la spécialité; et

* en tentant, toujours au départ de sa marque renommée “SPA”, de monopoliser le vocable spa descriptif, courant et générique, dans le domaine de la cosmétique;

* en ayant conclu, et en appliquant, avec les sociétés Elisabeth Arden, et ultérieurement Unilever, un contrat de concession, ainsi erronément défini, puisqu'il s'agit d'ainsi monopoliser un signe inappropriable en tant que marque, à savoir le vocable spa dans le domaine cosmétique, par le biais du droit donné au licencié d'utiliser comme marque ce vocable inappropriable

et d'ordonner la cessation de ces infractions aux articles 82 et 81 (1) du Traité CE, à partir de la signification du jugement à intervenir.

(...)

IV. Discussion
1. Sur la validité de la marque “SPA” n° 499.046 déposée le 3 juillet 1991 par la SA Spa Monopole pour les produits de la classe 3: parfumeries, huiles essentielles, cosmétiques

7. Helena Rubinstein affirme que dans le domaine cosmétique, le vocable “SPA” est devenu, au moins sur un des territoires nationaux composant le Benelux, simplement descriptif puisqu'il indique le thermalisme en général. Helena Rubinstein s'appuie sur un sondage d'opinion réalisé aux Pays-Bas, duquel il ressort que les Néerlandais comprennent majoritairement le vocable “SPA” comme désignant le thermalisme et l'une ou l'autre des différentes formes que cette technique comprend.

Helena Rubinstein en conclut que la marque Benelux cosmétique “SPA” est nulle au motif que ce vocable, dans la cosmétologie et dans l'esprit du public, est descriptif du thermalisme et de tous les produits qui y font référence, dont les cosmétiques.

a. Signification du vocable “SPA”

8. L'enquête réalisée par Helena Rubinstein aux Pays-Bas n'aboutit pas aux résultats annoncés par elle. En effet, les 200 consommatrices interrogées par téléphone répondent comme suit à la question: Lorsque je dis le vocable “spa”, à quoi pensez-vous? et ensuite à la seconde question: Et à quoi d'autre encore?:

- Eau en général: 50%
- Spa en tant que marque: 65%
- Le lieu géographique de Spa: 52%
- Pelle, bêche, outils: 29%
- Significations liées au thermalisme: 29%
- Autre: 5%

Ce n'est que si l'interrogateur, en fin d'entretien, pose comme dernière question: Si vous lisez qu'un hôtel dispose d'un spa, comment le comprendriez-vous? que 60% des personnes interrogées associent ce vocable avec le thermalisme au sens large.

Il est donc inexact de soutenir que la majorité des Néerlandais comprennent le vocable “SPA” comme désignant le thermalisme. Cette association n'intervient qu'à la suite d'une question orientée. Au contraire, la première réaction des consommatrices démontre qu'elles pensent en premier lieu à de l'eau et plus particulièrement à l'eau de Spa et à la ville de Spa.

9. Le vocable “SPA” n'apparaît dans l'édition du Petit Larousse qu'en 2004. La définition qui en est donnée est: 1. Bain bouillonnant à remous dont l'eau est recyclée en circuit fermé; 2. Centre d'hydrothérapie.

Il ne résulte pas des pièces du dossier que ce vocable avait déjà cette signification lors du premier emploi par Helena Rubinstein du signe “SPA”, c'est-à-dire en 2000, époque à laquelle il y a lieu de se référer pour vérifier si un tel emploi peut être considéré comme une atteinte à la marque (C.J. Benelux 13 décembre 1994, A-93/3, Motorest, point 9). En effet, les copies des très nombreux articles de revues déposées par Helena Rubinstein démontrent que, jusqu'en 2000, seul un petit nombre d'entre eux était consacré au Spa dans son acception anglo-saxonne et décrivait un art de vivre qui commençait à s'installer aux États-Unis. Qui plus est, ces articles étaient parfois rédigés en anglais.

Par ailleurs, il est sans intérêt de statuer sur la définition que donne le Shorter Oxford English Dictionnary puisque l'anglais n'est pas une langue en usage au Benelux.

10. En tout état de cause, ni l'enquête d'opinion ni les dictionnaires produits par Helena Rubinstein ne donnent comme définition du vocable “SPA” un article de parfumerie, une huile essentielle, un cosmétique ou une caractéristique de ces produits.

b. Produits à prendre en considération

11. L'appréciation du caractère descriptif d'un signe doit être faite, in concreto, par rapport aux produits et services pour lesquels l'enregistrement est demandé et par rapport à la perception qu'en a le public pertinent (C.J.C.E. 12 février 2004, C-363/99, Postkantoor, 32 à 34).

Or, en l'espèce, il s'agit de “parfumeries, huiles essentielles, cosmétiques”.

Il est donc totalement indifférent qu'une des significations possibles du vocable “SPA” soit un bain bouillonnant et par extension le thermalisme puisque cette prestation de service, qui est reprise dans la classe 42 de la Classification de Nice, n'est pas visée par le dépôt de la marque verbale n° 499.046.

Certes, il se peut que, dans le cadre de certains services rendus dans des établissements thermaux, des cosmétiques ou des huiles essentielles soient utilisées. La marque n'a cependant pas été enregistrée pour des produits aussi spécifiques et limités dans leur usage que ceux-là, mais d'une manière générale pour tous les produits cosmétiques repris dans la classe 3. Au demeurant, il convient de rappeler que l'autorité compétente n'aurait pu enregistrer la marque en précisant que cet enregistrement n'était valable que pour autant que les produits visés par la marque ne présentaient pas une caractéristique déterminée, dans la mesure où une telle pratique aurait été de nature à entraîner une insécurité juridique quant à l'étendue de la protection de la marque (C.J.C.E. 12 février 2004, C-363/99, Postkantoor, 114 et 115).

C'est donc à tort qu'Helena Rubinstein soutient que la marque “SPA” pour des cosmétiques serait descriptive parce qu'elle évoquerait le monde du thermalisme.

À titre surabondant, il convient de rappeler qu'un signe qui n'est pas exclusivement descriptif mais simplement évocateur peut être considéré comme licite (C.J. Benelux 19 janvier 1981, A-80/3, Kinder, p. 5, 4e al.). Or, en l'espèce, et à supposer que le public pertinent associe les cosmétiques et le thermalisme pour n'en faire plus que des produits et services intimement liés - ce qui n'est pas démontré - il ne peut être soutenu que le vocable spa ne peut être entendu autrement que comme l'indication de l'utilisation du produit. L'enquête réalisée par Helena Rubinstein démontre au contraire qu'il n'en est rien.

La marque “SPA” n'est pas descriptive des cosmétiques.

c. Sur le caractère distinctif du vocable “SPA”

12. Il a été démontré à la section précédente que le vocable “SPA” n'était pas descriptif des cosmétiques et autres produits visés dans la demande d'enregistrement.

Le signe “SPA” possède (ou a certainement acquis depuis 1991) une individualité telle qu'il est propre à distinguer un article de parfumerie, une huile essentielle ou un cosmétique des produits similaires et à identifier l'un d'entre eux à suffisance comme provenant d'une entreprise déterminée (C.J. Benelux 16 décembre 1991, Burberrys II, n° 17, Jur. 1991, p. 22).

L'enquête d'opinion réalisée par Helena Rubinstein démontre d'ailleurs que le public pertinent (soit 65% des personnes interrogées) associe le vocable “SPA” à une marque - même si c'est pour un autre produit que les cosmétiques - lui reconnaissant ainsi son aptitude à identifier l'origine commerciale du produit.

Helena Rubinstein peut d'autant moins dénier au vocable “SPA” un caractère distinctif qu'elle n'a pas hésité à l'intégrer elle-même dans la marque “ART OF SPA” qu'elle a déposée.

Enfin, à titre documentaire, il n'est pas inutile de rappeler que par son arrêt du 20 janvier 2006, la cour d'appel de Paris, appelée à statuer sur une demande de déchéance introduite par Helena Rubinstein et L'Oréal sur la marque “SPA”, a reconnu son caractère distinctif pour des cosmétiques, rappelant que même si le terme “SPA” est depuis quelques années parfois associé aux noms de certains savons ou cosmétiques, il n'est pas démontré qu'il soit devenu une désignation susceptible d'être qualifiée d'usuelle pour de tels produits, étant ajouté que si cette dénomination présente un caractère descriptif dans les pays anglophones, elle n'est pas, quant à présent, reçue comme telle dans la langue française (...).

Le signe n'étant pas descriptif pour des cosmétiques, il n'y a pas lieu de se poser la question de savoir si l'intérêt général commande qu'il puisse être librement utilisé par tous et interdit qu'il soit réservé à une seule entreprise en raison de son enregistrement en tant que marque.

d. Sur la décision de l'OHMI du 6 août 1999 refusant l'enregistrement de la marque communautaire “SPA”

13. À l'appui de son argumentation sur la non-distinctivité du vocable “SPA” pour des cosmétiques, Helena Rubinstein a produit - et persiste à produire - la copie du refus provisoire émis par l'OHMI, le 6 août 1999, d'enregistrer la marque communautaire “SPA”.

Devant le premier juge, Spa Monopole s'était opposée à la production de cette pièce, eu égard à son caractère confidentiel. Il a été fait droit à cette demande.

Il y a lieu de la confirmer. En effet, l'article 84.1. du règlement 40/94 du Conseil sur la marque communautaire prévoit que les dossiers relatifs à des demandes de marque communautaire qui n'ont pas encore été publiés ne peuvent être ouverts à l'inspection publique qu'avec l'accord du demandeur.

Par un courrier du 24 janvier 2001, l'OHMI a reconnu que sa notification du 6 août 1999 avait été transmise par erreur à Helena Rubinstein.

Comme Spa Monopole n'a pas donné son accord sur la production de cette pièce, il y a lieu de l'écarter des débats.

14. Il se déduit de ce qui précède que la marque “SPA” est parfaitement valable pour désigner, sur le territoire du Benelux, des produits de la classe 3 et que la demande en nullité de cette marque n'est pas fondée.

2. Sur l'action en déchéance et en radiation de la marque “SPA” pour désigner des produits cosmétiques en classe 3

15. Helena Rubinstein soutient que Spa Monopole n'a fait aucun usage normal de la marque “SPA” sur le territoire Benelux pendant une période ininterrompue de cinq années. Conformément aux articles 5.2. et 14, C. de la loi uniforme Benelux sur les marques (actuellement art. 2.26.2. et 2.27. de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle), elle sollicite l'extinction du droit à la marque.

16. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (C.J.C.E. 11 mars 2003, C 40/01, Rec., p. I-2439, points 43 et 46; T.P.I., arrêts des 12 décembre 2002, T-39/01, Rec., p. II-5233, points 36-38, 47, 12 mars 2003, T-174/01, Rec., p. II-789, point 39 et 9 juillet 2003, T-156/01, 8 juillet 2004, T-334/01, points 36-37, 6 octobre 2004, T-356/02, points 26 et s.) qu'un usage sérieux de la marque antérieure au sens de l'article 12, paragraphe 1 de la première directive 89/104 sur les marques (ou de l'art. 43, par. 2 du règlement n° 40/94 sur la marque communautaire) suppose que la marque a été présente de manière effective sur le marché concerné pendant la période de cinq années ayant précédé la date de la demande en nullité.

Pour qu'il y ait usage sérieux, il faut que la marque soit objectivement présente sur une partie substantielle du territoire sur lequel elle est protégée et ce d'une façon effective, constante dans le temps et stable dans la configuration du signe, qu'elle soit utilisée publiquement et vers l'extérieur aux fins de créer ou de conserver un débouché pour les produits couverts par la marque.

L'exigence de l'usage sérieux s'oppose donc à une utilisation artificielle ou symbolique de la marque ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

La preuve de l'usage sérieux doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné. Les informations destinées à caractériser l'usage de la marque doivent porter sur le lieu, la durée, l'importance et la nature de cet usage.

Pour être qualifié de sérieux, il n'est pas nécessaire que l'usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important. Cependant, plus le volume commercial de l'exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le titulaire de la marque antérieure apporte des indications permettant d'écarter d'éventuels doutes quant au caractère sérieux de l'usage de la marque invoquée.

17. Spa Monopole fait valoir qu'elle a fait un usage sérieux de la marque dans le courant de la période concernée, en commercialisant un vaporisateur et en conférant des licences à des cosméticiens.

a. Sur le vaporisateur Spa

18. Il n'est pas contesté que pendant la période de cinq ans qui précède la citation en déchéance, Spa Monopole a commercialisé un vaporisateur d'eau minérale naturelle sous la marque “SPA”.

Sur l'étiquette on peut lire:

Spray d'eau minérale naturelle de Spa, rafraîchissant, tonifiant et adoucissant pour la peau. Convient pour tous types de peau, particulièrement pour les peaux sensibles grâce à son pH neutre. S'utilise tout au long de la journée, en toute situation de chaleur: à la plage, lors de longs voyages, au bureau...

Vaporisez sur la peau à 25 cm environ du visage. Attendez quelques instants et séchez délicatement.

100% Aqua, conditionnée sous pression d'azote, gaz propulseur inerte et écologique. Sans parfum ni conservateur.

À usage externe uniquement. Le produit ne peut être bu. À protéger contre les rayons solaires et à ne pas exposer à une température supérieure à 50°. Ne pas percer ou brûler, même après usage. Conserver hors de la portée des enfants.

Helena Rubinstein conteste que ce produit puisse être considéré comme un cosmétique.

19. La note explicative de la Classification de Nice prévoit qu'un produit fini est en principe classé selon sa fonction ou sa destination. Si la fonction ou la destination d'un produit fini n'est mentionnée dans aucun intitulé de classe, ce produit est classé par analogie avec d'autres produits finis comparables figurant dans la liste alphabétique.

Il est précisé que la classe 3 comprend essentiellement les produits de nettoyage et les produits de toilette et que cette classe comprend notamment les désodorisants à usage personnel (parfumerie) et les produits hygiéniques qui sont des produits de toilette.

Par ailleurs, l'article 1er, 1° de la directive 76/768/CEE du Conseil du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques donne des cosmétiques la définition suivante:

On entend par produit cosmétique toute substance ou préparation destinée à être mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue exclusivement ou principalement de les nettoyer, de les parfumer et de les protéger afin de les maintenir en bon état, d'en modifier l'aspect ou de corriger les odeurs corporelles.

L'eau est une substance (G. Bachelard, L'eau et les rêves, p. 137) et il ne ressort nullement de la directive qu'un produit cosmétique nécessite une préparation chimique. Une substance naturelle peut, en effet, avoir un effet sur l'épiderme ou les cheveux.

Eu égard à ses actions diverses sur la peau (nettoyante, tonifiante et adoucissante) le vaporisateur d'eau minérale - qui ne peut être considéré comme une boisson - peut valablement être rangé parmi les cosmétiques visés à la classe 3.

C'est d'ailleurs en ce sens que l'ont aussi compris les concurrents de Spa Monopole, à savoir Vichy, Vittel et Evian, qui commercialisent, sous leurs marques et comme produit cosmétique, des brumisateurs et autres atomiseurs d'eau minérale naturelle. Tous ces produits sont présentés, dans les grandes surfaces, au rayon cosmétique ce qui démontre que le public pertinent perçoit bien ceux-ci comme étant des cosmétiques.

20. Contrairement à ce que soutient Helena Rubinstein, c'est bien la marque verbale “SPA” qui est apposée sur le vaporisateur. Le fait qu'elle soit associée à un certain graphisme - en l'espèce, le Pierrot qui figure sur les bouteilles d'eau minérale - ne lui ôte pas son caractère distinctif propre.

Il n'est enfin pas contesté que le vaporisateur n'a pas été présenté à la vente de manière symbolique; rien qu'en 2003, plus de 300.000 exemplaires ont été fabriqués.

b. Sur les produits commercialisés sous licence

21. L'usage sérieux d'une marque peut être le fait tant du titulaire de la marque que, comme le prévoit l'article 10, paragraphe 3 de la directive, d'un tiers autorisé à utiliser la marque (C.J.C.E. 11 mars 2003, C-40/01, Ansul, point 37).

Or, il résulte des pièces produites par Spa Monopole qu'elle a concédé, au cours des cinq années qui précèdent la citation, des licences d'usage de sa marque “SPA” aux sociétés Yves Rocher et Sothys, lesquelles n'ont pas manqué de commercialiser des produits sous cette marque.

22. En exécution d'une licence d'usage de la marque “SPA”, réceptionnée par le Bureau Benelux des Marques le 19 avril 2004, la société Yves Rocher commercialise une ligne de produits de beauté dénommée “SPA ÉNERGIE VÉGÉTALE”. Sur le conditionnement des produits, la marque “SPA” apparaît en évidence, inscrite en lettres vertes dans un cercle blanc. Les mots “ÉNERGIE” et “VÉGÉTALE” sont placés en dessous, sur une même ligne.

Contrairement à ce que soutient Helena Rubinstein, l'adjonction par Yves Rocher des mots “ÉNERGIE VÉGÉTALE”, qui sont purement descriptifs, n'a pas pour effet d'altérer le caractère distinctif de la marque “SPA” qui reste prédominante dans la dénomination des produits.

Il s'en déduit que, conformément à l'article 5, 3., a) de la LUBM (actuellement 2.26.3.a) de la Convention Benelux), il n'y a pas lieu de tenir compte de la forme différente dans laquelle la marque est présentée.

Au demeurant, il convient de rappeler que la marque enregistrée est une marque verbale et pas une marque figurative, et que c'est la marque verbale qui est utilisée par Yves Rocher. En ajoutant les mots “ÉNERGIE VÉGÉTALE” sur le conditionnement, Yves Rocher n'a pas créé une nouvelle marque.

23. Par ailleurs, la société Sothys a lancé, en partenariat avec Spa Monopole, propriétaire des Thermes de Spa, une ligne de produits dénommée “EAU THERMALE SPATM”.

Comme pour les produits Yves Rocher, le vocable “SPATM” est mis en évidence sur le conditionnement des produits, les mots “EAU THERMALE” étant cette fois placés au-dessus.

Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, l'ajout des mots “EAU THERMALE” n'a pas pour effet de créer une autre marque que la marque “SPA”, d'autant plus que, en l'espèce, cette dernière est suivie des lettres TM, (c'est-à-dire Trade Mark) signifiant ainsi qu'il s'agit d'une marque enregistrée.

24. La demande en déchéance et en radiation de la marque “SPA” pour non-usage n'est pas fondée.

Spa Monopole conserve ainsi tous les droits exclusifs de protection qui sont attachés à sa marque verbale, tels qu'ils découlent de l'article 13 de la LUBM (actuellement 2.20. de la Convention Benelux).

3. Sur le caractère renommé des marques “SPA” et “LES THERMES DE SPA”, et les trois premières questions préjudicielles

25. Dès lors qu'il a été dit pour droit que la marque verbale “SPA”, déposée pour des cosmétiques, était valable, il est sans utilité de statuer sur le caractère renommé des marques “SPA” et “LES THERMES DE SPA”, déposées pour des produits de la classe 32 (eaux minérales) et des services de la classe 42 (services rendus dans un établissement thermal) et sur la protection particulière que confère la marque renommée.

Pour les mêmes motifs, il est sans utilité de poser à la Cour de justice des Communautés européennes les trois premières questions préjudicielles proposées par Helena Rubinstein qui se réfèrent au caractère renommé de ces marques.

4. Sur la quatrième question préjudicielle

26. Helena Rubinstein soutient que le principe communautaire de proportionnalité s'oppose à ce qu'un signe qui, dans une de ses significations, est purement descriptif dans un grand nombre d'États membres (d'exportation) de la Communauté économique européenne (et n'y est pour cette raison, dans cette signification, pas appropriable en tant que marque pour les produits ainsi décrits) reçoive dans d'autres États membres d'importation et où ce signe présente certes une très grande descriptivité, mais néanmoins encore une distinctivité suffisante pour ces mêmes produits, par le biais du droit à la marque qui existe valablement en ces seconds pays, une protection contre l'importation lorsque l'actionnement de cette protection donne lieu au cloisonnement de ces derniers marchés nationaux au départ de l'appropriabilité de ces États membres de ce signe, alors que celui-ci a été contexté, dans et au départ des premiers États membres, d'exportation, au moyen de marques composites de telle sorte que le public moyennement averti et moyennement attentif des États membres d'importation, le signe apparaisse, là aussi, dans sa signification générique en vigueur dans les autres États.

En d'autres termes, il semble qu'Helena Rubinstein prétend que le droit communautaire s'opposerait à ce qu'un signe puisse être considéré comme une marque dans un pays de la Communauté européenne avec les droits y attachés, même s'il est distinctif dans ce pays, s'il est en même temps descriptif dans un autre pays et, partant, qu'un produit reproduisant ce signe ne puisse pas être librement exporté du pays où il est descriptif vers le pays où il est distinctif. Elle invite la cour à poser une question préjudicielle en ce sens à la Cour de justice des Communautés européennes.

27. Il convient tout d'abord d'observer que lorsque Helena Rubinstein soutient que le signe “SPA” est descriptif dans certains pays de la Communauté européenne, elle vise le thermalisme. Or, en l'espèce, les produits dont il est question sont des cosmétiques et il ne résulte d'aucune pièce produite par Helena Rubinstein que dans les pays où le vocable “SPA” aurait la signification de thermalisme, il désignerait également des cosmétiques ou une caractéristique de ceux-ci.

28. L'article 30 du Traité CE prévoit que les dispositions des articles 28 et 29 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.

En tant qu'il apporte une exception à l'un des principes fondamentaux du marché commun, l'article 30 du Traité CE n'admet des dérogations à la libre circulation que dans la mesure où ces dérogations sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de cette propriété.

L'article 6. 3) de la Convention d'Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883 qui dispose qu'une marque régulièrement enregistrée dans un pays de l'Union sera considérée comme indépendante des marques enregistrées dans les autres pays de l'Union, y compris le pays d'origine, consacre le principe d'indépendance et de territorialité des marques (Bruxelles 29 juin 2000, Ing.-Cons. 2000, p. 371).

Il s'en déduit qu'un droit de propriété industrielle et commerciale légalement acquis dans un État membre peut être légitimement opposé à l'importation de produits commercialisés sous une dénomination prêtant à confusion lorsque les droits en cause ont été établis, par des titulaires distincts et indépendants, sous l'empire de législations nationales différentes. En effet, si, dans un tel cas, le principe de la libre circulation des marchandises devait prévaloir contre la protection accordée par les législations nationales respectives, les droits de propriété industrielle et commerciale seraient atteints dans leur objet spécifique (C.J.C.E. 22 juin 1976, nr. 119/75, Terrapin, n° 7).

De même, l'article 3, paragraphe 1, sous b) de la directive ne s'oppose pas à l'enregistrement dans un État membre, en tant que marque nationale, d'un vocable emprunté à la langue d'un autre État membre dans laquelle il est dépourvu de caractère distinctif ou est descriptif des produits ou des services pour lesquels l'enregistrement est demandé, à moins que les milieux intéressés dans l'État membre dans lequel l'enregistrement est demandé soient aptes à identifier la signification de ce vocable. Une telle interprétation de la directive est conforme aux prescriptions du traité, et notamment à celles des articles 28 et 30 du Traité CE (C.J.C.E. 9 mars 2006, C-421/04, Matratzen II, nos 26 et 27).

29. La sauvegarde de la fonction prépondérante de la marque, à savoir l'indication de la provenance du produit ou du service et la protection de la réputation de la marque, justifie ainsi qu'il soit dérogé au principe de la libre circulation des marchandises. Cette dérogation est utile pour atteindre le but poursuivi. Elle est par ailleurs indispensable, dans la mesure où on aperçoit mal par quelle autre mesure moins préjudiciable elle pourrait être remplacée. Elle est enfin proportionnée puisque le désagrément qu'elle provoque à Helena Rubinstein peut être aisément comblé en commercialisant le produit sous un autre signe distinctif. Il n'est donc pas porté atteinte à l'exportation du produit lui-même.

L'action de Spa Monopole, si elle devait être déclarée fondée, n'est pas en contradiction avec l'article 30 du Traité CE. Il s'en déduit qu'il n'y a pas lieu de poser la question préjudicielle suggérée par Helena Rubinstein.

5. Sur la nullité de la marque “ART OF SPA” et l'interdiction d'usage

30. L'article 13, A., 1., b) de la LUBM (actuellement 2.20, 1., b) de la Convention Benelux) dispose que le droit exclusif à la marque permet au titulaire d'interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque.

En l'espèce, les produits sont identiques, à savoir des cosmétiques.

Les deux marques verbales en conflit sont:

La marque “SPA” est antérieure à la marque “ART OF SPA”.

31. Les deux marques sont ressemblantes et ne diffèrent que par l'ajout des mots “ART OF” placés devant le vocable “SPA”.

Des adjonctions ne suppriment pas la ressemblance, sauf si la marque seconde forme un tout indivisible dans lequel l'élément emprunté à la marque première a perdu son individualité et ne possède plus de caractère distinctif (J.-J. Evrard et Ph. Péters, La défense de la marque dans le Benelux, Larcier, 1996, p. 123), ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En effet, le signe prédominant est “SPA” et l'attention du consommateur restera attirée par cet élément distinctif emprunté à la marque première. Les mots “ART OF” sont par ailleurs banals et descriptifs. La marque seconde peut ainsi se traduire par l'expression L'art de Spa suggérant que le cosmétique qui est présenté sous cette marque constitue un fleuron des produits Spa.

32. Quant au risque de confusion, son appréciation dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l'association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés. Le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. En effet, il ressort du libellé de l'article 4, paragraphe 1, sous b) de la directive que la perception des marques qu'a le consommateur moyen du type de produit ou service en cause joue un rôle déterminant dans l'appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails. (C.J.C.E. 11 novembre 1997, C-251/95, Sabel, Rec. 1997, p. I-6191, § 22 à 23). En outre, le risque de confusion doit être apprécié en tenant compte notamment de la force du caractère distinctif de la marque dont la protection est invoquée. (C.J.C.E. 22 juin 1999, C-342/97, Lloyd, Rec. 1999, p. I-3819, § 20; C.J.C.E. 11 novembre 1997, C-251/95, Sabel, aff. Rec. 1997, p. I-6191, § 24).

Eu égard à l'identité des produits, à la ressemblance auditive et visuelle des deux marques et au caractère distinctif fort de la marque “SPA”, il existe un risque évident que le consommateur soit amené à croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise.

Par ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler que, par sa décision du 16 juin 2006, la Chambre de recours de l'OHMI, statuant sur la marque “ART OF SPA”, n'a pas manqué de mettre en exergue le risque de confusion qui peut exister entre cette marque et la marque renommée “SPA” pour des eaux minérales, et ce nonobstant le fait que les produits n'étaient pas similaires. Or, en l'espèce, les produits en cause sont identiques ce qui accroît d'autant le risque de confusion.

33. Il y a donc lieu de confirmer, mais pour d'autres motifs, le jugement attaqué en ce qu'il a condamné Helena Rubinstein à cesser d'importer sur le territoire du Benelux des produits cosmétiques sous la marque “ART OF SPA” ou tout autre signe comportant le mot ou le radical “SPA” et a prononcé la nullité de la marque “ART OF SPA” pour le Benelux.

6. Sur les dommages et intérêts

34. La contrefaçon de la marque “SPA” a entraîné la dilution de celle-ci dans la mesure où la commercialisation de différents produits, utilisant tous le vocable “SPA”, a rendu moins évident le lien que les consommateurs pouvaient faire entre le produit et la provenance de celui-ci.

Cette dilution est d'autant plus importante qu'Helena Rubinstein n'a pas manqué d'adjoindre illégalement et fautivement la marque “SPA” à sa propre dénomination qui jouit d'une certaine renommée dans le domaine des produits de beauté. Elle a ainsi fait naître, dans l'esprit du public concerné, l'idée qu'elle était la titulaire de la marque “SPA”.

Il a donc été porté atteinte au pouvoir attractif de la marque.

Par ailleurs, eu égard à la présence sur le marché de produits concurrents reprenant, les uns et les autres, la marque “SPA”, Spa Monopole n'a pu exploiter de manière normale ses propres produits et bénéficier, en outre, des retombées d'une exploitation optimale par ses licenciés de leurs propres cosmétiques.

La contrefaçon porte également atteinte à la valeur même des licences qui ont été concédées.

35. Eu égard à l'impossibilité de fixer avec précision le montant du dommage subi par Spa Monopole, il y a lieu de le déterminer en équité.

Compte tenu du fait qu'Helena Rubinstein commercialise sur le territoire du Benelux sa ligne de produits cosmétiques “ART OF SPA” depuis au moins sept ans, une somme forfaitaire de € 30.000 sera de nature à réparer adéquatement le préjudice subi.

Le premier juge ayant déjà condamné Helena Rubinstein à payer à Spa Monopole € 22.550, la demande nouvelle, en ce qu'elle tend à condamner Helena Rubinstein à payer une somme complémentaire de € 7.450 pour réparer le préjudice subi depuis le prononcé du jugement attaqué est fondée.

7. Sur les frais de défense

36. En raison de la faute commise par Helena Rubinstein, Spa Monopole a été contrainte de recourir à l'assistance de ses conseils pour faire cesser la contrefaçon et réclamer la réparation du préjudice qu'elle a subi.

Or les frais et honoraires d'avocat exposés par la victime d'une faute extracontractuelle peuvent constituer un élément du dommage donnant lieu à indemnisation dans la mesure où ils sont nécessaires pour permettre à la victime de faire valoir ses droits à l'indemnisation de son dommage (Cass. 16 novembre 2006, C.O50124.F), ce qui est le cas en l'espèce.

Eu égard à l'importance des devoirs accomplis et des intérêts en jeu, la somme réclamée de € 15.000 est particulièrement modérée et raisonnable.

La demande nouvelle est fondée.

37. Dès lors que la demande originaire de Spa Monopole est fondée, la demande nouvelle d'Helena Rubinstein en paiement de € 15.000 à titre de contribution dans ses frais n'est pas fondée.

V. Dispositif

Pour ces motifs, la cour,

1. Joint les causes inscrites au rôle général sous les numéros 2004/AR/1447 et 2007/AR/105.

2. Eu égard à son caractère confidentiel, écarte des débats la copie de la décision de l'OHMI du 6 août 1999 et les passages des conclusions y faisant référence.

3. Dit l'appel non fondé et en déboute Helena Rubinstein.

4. Dit les demandes nouvelles recevables et fondées dans la mesure ci-après;

Condamne Helena Rubinstein à payer à Spa Monopole une somme complémentaire de € 7.450 à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la marque et une somme de € 15.000 à titre de remboursement des frais de défense, augmentées des intérêts moratoires au taux légal à dater du présent arrêt.

5. Dit la demande nouvelle d'Helena Rubinstein non fondée et l'en déboute.

6. Met les dépens d'appel à charge d'Helena Rubinstein.

Ces dépens s'élèvent à € 186 + 57,02 + 485,88 pour elle et à € 485,88 pour Spa Monopole.

(...)