Article

Conclusions du ministère public, R.D.C.-T.B.H., 2008/4, p. 356-365

CONCURRENCE
Droit belge - Procédure - Conseil de la concurrence juridiction indépendante
Le Conseil de la concurrence exerce, sur le plan organique, un pouvoir juridictionnel qu'il exerce en toute indépendance. Ceci vaut également lorsqu'il siège en matière de concentration.
CONCURRENCE
Droit belge - Concentrations - Accès au dossier par des tiers intervenants
Les dispositions légales de la LPCE et le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, n'accordent pas en principe le droit à un tiers, personne physique ou morale, qui n'est pas partie à la concentration et qui ne l'a pas notifiée, mais qui justifie d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil, à avoir accès au rapport motivé et au dossier d'instruction, ou à l'un d'eux, déposés par l'auditeur au Conseil de la concurrence conformément à l'article 55 § 3 de la même loi. Cette réponse n'est pas différente selon que les entreprises parties à la concentration ont présenté des engagements à l'auditeur, conformément à l'article 56, alinéa 2 de la loi, visant à obtenir une décision d'admissibilité prise en vertu de l'article 58 § 2, alinéa 1er, 1° de la loi.
Eu égard au droit d'être entendu accordé au tiers par l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase de la LPCE, au tiers justifiant d'un intérêt suffisant, un droit d'accès au rapport motivé ou à certaines parties de celui-ci et au dossier d'instruction ou à certaines pièces qui y figurent peut, à sa demande, être accordé à ce tiers par le Conseil de la concurrence, à l'exception toutefois des documents contenant des secrets d'affaires ou des documents internes du Conseil, et à condition que ces documents soient strictement nécessaires pour permettre à ce tiers de faire utilement connaître son point de vue sur l'opération de concentration notifiée et sur son impact sur la concurrence.
Dans l'hypothèse où un tiers justifiant d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil en vertu de l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase de la LPCE, demande à avoir accès au rapport motivé ou au dossier d'instruction, le Conseil décide, le cas échéant après avoir entendu les parties, quels sont les éléments de ce rapport ou dossier qui sont strictement nécessaires pour permettre à ce tiers de faire utilement connaître son point de vue, et statue sur le caractère confidentiel des informations à l'égard du tiers concerné ou sur le caractère interne au Conseil des documents.
MEDEDINGING
Belgisch mededingingsrecht - Procedure - Raad voor de mededinging als onafhankelijke rechtsinstantie
De Raad voor de Mededinging oefent, op organiek vlak, volstrekt onafhankelijk een rechtsmacht uit. Dit geldt ook wanneer de raad zitting neemt in concentratiezaken.
MEDEDINGING
Belgisch mededingingsrecht - Concentraties - Toegang tot het dossier
De bepalingen van de WEM en het algemeen rechtsbeginsel van het recht van verdediging geven, in beginsel althans, geen recht aan een derde die geen partij was bij de concentratie en geen aanmeldende partij was maar wel een voldoende belang laat gelden om gehoord te worden door de Raad, om kennis te krijgen van het gemotiveerd verslag en het onderzoeksdossier. Het is hierbij zonder belang of de ondernemingen die aan de concentratie deelnemen verbintenissen hebben aangeboden om een beslissing als bedoeld in artikel 58 § 2, eerste lid, 1° te verkrijgen.
Gelet op het recht gehoord te worden dat aan derden die een voldoende belang laten blijken verleend wordt, kan de Raad voor de Mededinging inzage geven aan die derden van al of een gedeelte van het gemotiveerd verslag of van het onderzoeksdossier gegeven worden met uitzondering van de vertrouwelijke stukken of de stukken die intern blijven aan de Raad. Dit geldt in de mate dat toegangsrecht vereist is om aan de derde op nuttige wijze toe te laten zijn standpunt te laten kennen over de voorgenomen concentratie en zijn impact op de mededinging.
Het komt aan de Raad toe, desgevallend na de partijen te hebben gehoord, om te beslissen welke gegevens in die optiek moeten worden medegedeeld en welke documenten vertrouwelijk zijn of intern zijn aan de Raad.











Conclusions du ministère public

1.Votre Cour a été saisie, au titre des articles 72 et 73 de la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006, de trois questions préjudicielles posées par le Conseil de la concurrence dans sa décision du 21 novembre 2007 et portant sur l'interprétation de l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase de la loi sur la protection de la concurrence économique (loi ci-après citée en abrégé LPCE).

La procédure au fond et les questions déférées

2.Le 28 septembre 2007, les sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele ont déposé au greffe du Conseil de la concurrence une notification de la concentration Tecteo/Brutele-Câble wallon.

3.Par lettre du 31 octobre 2007, le conseil de la SA de droit public Belgacom a formulé la demande suivante: “(...) conformément à l'article 57 § 2 de la (LPCE), Belgacom demande à être entendue par le Conseil de la concurrence et, s'il devait être répondu favorablement à cette demande, à pouvoir disposer d'un accès au dossier et notamment au rapport d'enquête déposé par l'auditorat dans cette affaire.”

4.Le 13 novembre 2007, l'auditeur a déposé le rapport motivé et le dossier d'instruction au Conseil de la concurrence, conformément à l'article 55 § 3 de la LPCE.

Les entreprises parties à la concentration ont présenté à l'auditeur des engagements, visant à obtenir une décision d'admissibilité, conformément à l'article 58 § 2, alinéa 1er, 1° de la LPCE.

5.Le Conseil de la concurrence a décidé, le 21 novembre 2007, d'entendre la SA de droit public Belgacom, de surseoir à statuer sur la demande de cette société d'avoir accès au dossier d'instruction et au rapport motivé de l'auditeur et de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour de cassation:

“1. Les dispositions légales de la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006, relatives à la procédure précédant la décision de la chambre du Conseil de la concurrence en vertu de l'article 58 § 1er et/ou § 2 de cette loi, notamment l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase, et/ou le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'un tiers, personne physique ou morale, qui n'est pas partie à la concentration et qui ne l'a pas notifiée, et qui justifie d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil, a le droit à avoir accès au rapport motivé et/ou au dossier d'instruction déposés par l'auditeur au Conseil de la concurrence conformément à l'article 55 § 3 de la même loi?

La réponse à cette question, est-elle différente suivant que les entreprises parties à la concentration ont, oui ou non, présenté des engagements à l'auditeur, conformément à l'article 56, alinéa 2 de la loi, visant à obtenir une décision d'admissibilité en vertu de l'article 58 § 2, alinéa 1er, 1° de la loi?

2. Si la réponse à la première question est négative, les dispositions légales précitées et/ou le principe général du droit précité, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu'un accès au rapport motivé ou à certaines parties de celle-ci, et/ou au dossier d'instruction ou à certaines pièces qui y figurent, peut être accordé au tiers précité?

3. Si la réponse à la première ou à la deuxième question est positive, dans le système de la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006, suivant quelle procédure les données qui sont confidentielles vis-à-vis du tiers doivent-elles être enlevées du rapport motivé et du dossier d'instruction, et qui a le pouvoir à décider au sujet de la confidentialité?”

6.Saisie d'une requête, déposée le 6 décembre 2007, tendant à l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence du 21 novembre 2007, à autoriser la SA de droit public Belgacom à accéder à la version non confidentielle du dossier d'instruction et à faire déclarer que la concentration est réputée admissible par l'expiration du délai de rigueur prévu à l'article 58 § 2 LPCE, la cour d'appel de Bruxelles a, par un arrêt du 27 décembre 2007, fait droit à la demande.

La procédure devant la Cour de cassation

7.Conformément à l'article 73 § 2 LPCE, la Cour de cassation a fait parvenir une copie de la demande préjudicielle aux sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele, à la SA de droit public Belgacom, à la Commission européenne et au ministre de l'Économie. La Cour a invité les parties à déposer le cas échéant des observations écrites et leur a donné l'occasion de consulter le dossier de la procédure, tout en les avertissant de la date à laquelle les personnes concernées pourraient être entendues.

8.Des observations écrites ont été déposées le 21 décembre 2007 par l'auditeur près du Conseil de la concurrence en charge du dossier, et le 24 décembre 2007, par la SA de droit public Belgacom et par les sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele.

9.Les sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele et la SA de droit public Belgacom ont demandé à être entendues. Toutes les parties ont reçu à nouveau une notification de la date à laquelle elles seront entendues.

10.En date du 7 janvier 2008, le président du Conseil de la concurrence a adressé à la Cour un courrier dans lequel il indique que, nonobstant l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, “la chambre (du Conseil de la concurrence) envisage de prendre une décision relative à l'admissibilité de cette concentration en date du 31 janvier 2008 au plus tard” et que “la chambre souhaiterait bénéficier de la réponse de votre Cour à la question préjudicielle que le Conseil de la concurrence vous a posée en date du 21 novembre 2007”. En annexe à ce courrier se trouve une copie de l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 27 décembre 2007. Le conseil des sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele a déposé, le 31 décembre 2007, une copie de cet arrêt au greffe de votre Cour.

11.En date du 9 janvier 2008, le conseil des sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele a déposé une note complémentaire en réaction à la lettre du président du Conseil de la concurrence.

12.Le 10 janvier 2008, la Cour a entendu les sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele et la SA de droit public Belgacom. À cette même audience, la Cour a aussi décidé, en l'absence d'opposition des parties présentes, d'entendre immédiatement l'auditeur près le Conseil de la concurrence.

13.Mon office a annoncé le dépôt au greffe des présentes conclusions pour le 15 janvier 2008. Votre Cour a informé les parties qu'elles disposeront d'un délai de 3 jours, à dater du dépôt des présentes, pour faire valoir, par écrit, leurs observations. À l'issue de ce délai, votre Cour mettra l'affaire en délibéré.

Recevabilité

14.La recevabilité des questions préjudicielles posées par le Conseil de la concurrence est contestée par les sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele au motif principal que le Conseil de la concurrence statuant en matière de concentration ne serait qu'une instance administrative et non un tribunal sensé trancher un litige. D'une part, la qualité de juridiction est déniée au Conseil de la concurrence et d'autre part, l'acte posé par lui ne serait pas un acte juridictionnel. Cette critique tend à considérer que le législateur aurait entendu soumettre à votre Cour les seules questions préjudicielles posées par une juridiction accomplissant un acte juridictionnel.

15.Rencontrer les différents arguments d'irrecevabilité suppose de déterminer, d'une part, le sens qu'il convient de réserver à la notion de juridiction dans le contexte de la LPCE ou, exprimé autrement, à quelles conditions le législateur belge a-t-il entendu soumettre la recevabilité d'une question préjudicielle et, d'autre part, de déterminer la nature du Conseil de la concurrence statuant en matière de concentration.

16.Il conviendra aussi d'examiner l'argument supplémentaire soulevé qui consiste à dire, que, quand bien même le Conseil de la concurrence devrait être considéré comme un organe juridictionnel lorsqu'il statue en matière de concentration, il conviendrait de lui dénier cette qualité dans la mesure où il ne jouirait pas de l'indépendance nécessaire au regard de l'article 6 § 1 CEDH dès lors que le Conseil de ministres pourrait prendre une décision annihilant en pratique les effets de la décision du Conseil de la concurrence de ne pas admettre une concentration.

17.Enfin, il conviendra encore d'examiner l'argument d'irrecevabilité tiré du détournement de procédure qu'aurait commis le Conseil de la concurrence en soumettant, par la voie de la procédure préjudicielle, la jurisprudence à la censure de votre Cour.

L'autorité apte à poser une question préjudicielle dans la loi LPCE

18.En vertu de l'article 73 § 1, alinéa 1 de la LPCE, lorsque la solution d'un litige dépend de l'interprétation de la présente loi, la juridiction saisie, dont le Conseil de la concurrence, peut surseoir à statuer et poser une question préjudicielle à la Cour de cassation. Les travaux préparatoires ne contiennent aucune explication particulière quant à la notion de juridiction. Le Conseil d'État ne paraît non plus avoir émis d'observations particulières sur ce point [1]

19.Cette situation n'est pas surprenante. Les dispositions relatives à la procédure de question préjudicielle devant la Cour constitutionnelle n'ont pas défini le concept de juridiction autorisée à poser une question préjudicielle. En réalité, c'est à la Cour constitutionnelle qu'il appartient de vérifier que l'organe qui l'interroge constitue une juridiction au sens de l'article 142, alinéa 3 de la Constitution et de l'article 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage [2].

20.Dans un arrêt du 13 novembre 1996, la Cour constitutionnelle a livré quelques éléments qui peuvent participer à la construction de la définition du concept de juridiction: la nature juridictionnelle d'un organe se déduit “de sa composition et du mode de désignation de ses membres (...) qui garantit leur indépendance vis-à-vis de l'administration (...), des pouvoirs d'investigation (...) et d'enquête (...), de son obligation spéciale de motivation (...) et du recours en cassation administrative qui peut être exercé contre ses décisions (...), ainsi que des travaux préparatoires de la loi en ce qu'ils confirment, à différentes reprises (cette) nature juridictionnelle” [3]. (*)

21.À s'en tenir à ces critères, il ressort des travaux préparatoires de la LPCE que le Conseil de la concurrence est une juridiction administrative [4]. Cependant, si le statut juridictionnel du Conseil de la concurrence peut se déduire des termes de la LPCE, il subsiste une divergence quant à l'exercice par cette instance d'une fonction juridictionnelle.

22.Au-delà de la reconnaissance formelle du statut d'instance juridictionnelle, la nécessité de l'exercice d'une fonction juridictionnelle découle de différents arrêts de votre Cour.

La notion de tribunal ou de juridiction au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation

23.Au fil des ans, votre Cour a eu l'occasion de préciser le concept de juridiction ou de tribunal, en se référant également tant à la jurisprudence de la CEDH qu'à celle de la CJCE, notamment dans un arrêt du 21 décembre 1956 [5] mais aussi dans un arrêt du 23 août 1981 [6] et enfin dans un arrêt du 11 janvier 2001 précédé des conclusions de M. l'avocat général A. Henkes [7].

24.Je me référerai à la synthèse magistrale de M. l'avocat général Henkes à propos de l'enseignement de votre Cour qui dit qu'une juridiction contentieuse se détermine par l'acte juridictionnel qu'elle pose complémentairement à son statut: “l'acte de juridiction se définit d'abord suivant un critère matériel, c'est-à-dire son contenu, qui est de vider un litige en dégageant une solution en droit découlant d'un contrôle de l'application de celui-ci. S'y ajoute le critère formel, c'est-à-dire la manière de décider, soit donc sur les fondations des garanties constitutionnelles d'indépendance et d'impartialité, dans le respect des droits de la défense et intérêts des parties en présence, moyennant la contradiction des débats et la motivation de l'acte. Enfin, il y a la portée particulière de l'acte: la décision a l'autorité de chose jugée” [8].

25.La jurisprudence de votre Cour allie ainsi tant le critère formel sur lequel se fonde la Cour constitutionnelle que le critère matériel de l'acte juridictionnel afin de déterminer la nature juridictionnelle d'un organe. C'est à l'aune de ces deux critères appliqués conjointement qu'il conviendra d'étudier la nature du Conseil de la concurrence.

26.À l'issue de l'examen de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et de votre Cour, j'estime nécessaire d'ajouter quelques développements sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de celle de la Cour de justice CE sur la notion de juridiction ainsi que les éventuelles conséquences à en tirer dans le cadre des questions préjudicielles posées.

La notion de tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l'homme

27.La Cour européenne des droits de l'homme définit la notion de tribunal en appliquant et en explicitant les critères énoncés à l'article 6 § 1 de la Convention [9].

28.Il faut tout d'abord un tribunal établi par la loi. L'organisation du système judiciaire ne peut pas être laissée à la discrétion de l'Exécutif mais doit être régie par une loi du Parlement [10].

29.Il faut ensuite que le tribunal décide. L'objet de la fonction juridictionnelle est de dire le droit en tranchant les litiges. Le critère retenu par la Cour, pour qualifier un organe de l'État de tribunal est un critère matériel qui tient à la mission dont l'organe a la charge [11].

30.Indépendamment des qualifications nationales, la jurisprudence européenne considère comme un tribunal au sens matériel du terme, un organe à qui il appartient de trancher, sur la base de normes de droit et à l'issue d'une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence; la compétence de décider est inhérente à la notion même de tribunal au sens de la convention [12]. Il faut donc que l'organe rende des décisions contraignantes [13]. Il faut aussi que le tribunal ait la compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi, qu'il dispose d'une plénitude de juridiction [14].

31.À la dimension matérielle, encore faut-il ajouter la dimension formelle. En effet, selon la Cour, le pouvoir d'apporter une solution juridictionnelle au litige, par une décision obligatoire, ne doit appartenir qu'au tribunal répondant à une série de traits fondamentaux, au premier rang desquels figure l'indépendance. Une immixtion du pouvoir exécutif dans la compétence de décider revient à nier la fonction juridictionnelle. Cette indépendance est mise à mal par une ingérence directe ou indirecte du pouvoir exécutif dans le cours de la justice. Ainsi, la CEDH a considéré que le Hoge Raad n'assumait pas une fonction juridictionnelle lorsque, dans une procédure relative à l'exercice d'une activité professionnelle, il émet un simple avis consultatif à destination du pouvoir exécutif. Le fait que l'avis soit presque toujours suivi ne permettrait d'écarter le reproche formulé à l'encontre du pouvoir exécutif d'une usurpation de la fonction juridictionnelle [15]. Dans un cas, la CEDH considère que le juge qui s'en remet au pouvoir exécutif pour connaître le droit applicable, abdique sa mission de juge [16]. Ce qu'a condamné la Cour, c'est le fait que le pouvoir judiciaire puisse s'estimer lié par une décision du pouvoir exécutif. En définitive, l'indépendance du juge suppose que le juge prenne ses décisions sur la base du droit et suivant sa conscience [17].

32.Il faut retenir que l'indépendance du juge se mesure à l'absence d'ingérence de l'exécutif en cours de procédure. Cette considération est importante eu égard à l'argument développé devant vous qui fonde l'irrecevabilité des questions préjudicielles dans la mesure où une décision négative d'autorisation de concentration du Conseil de la concurrence peut être revue par le Conseil des ministres.

La notion de tribunal au sens de l'article 234 du Traité CE et la jurisprudence de la Cour de justice CE

33.La Cour de justice CE contrôle également si une question est posée par une juridiction au sens de l'article 234 du Traité CE. La qualité de juridiction est une notion autonome de droit communautaire.

34.Eu égard à la jurisprudence de la CJCE, pour qu'un organisme soit reconnu comme une juridiction au sens de l'article 234 du Traité CE, il doit avoir une origine légale ou, du moins, être soumis au contrôle des pouvoirs publics. Il doit avoir une mission juridictionnelle, à savoir statuer sur un litige. L'organe doit être indépendant et impartial. Le recours à cet organisme doit être imposé par la loi [18].

35.Le parallélisme entre les conditions imposées par la CJCE et par la CEDH, la Cour Constitutionnelle ou la jurisprudence de votre Cour est évident et me dispense d'une analyse plus approfondie de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg.

36.Cependant, l'arrêt rendu par la grande chambre de la CJCE le 31 mai 2005 mérite un examen particulier [19] dans la mesure où il a considéré que la Commission hellénique de la concurrence ne constituait pas un organe indépendant et impartial et la procédure engagée devant cette Commission pouvait ne pas aboutir à une décision de caractère juridictionnel. Tout en ayant relevé que la Commission hellénique de la concurrence est soumise à la tutelle du ministre du développement qui est habilité à contrôler la légalité des décisions, la Cour s'est fondée sur la circonstance que cette Commission puisse être dessaisie d'une affaire lorsque la Commission CE intente une procédure conformément à l'article 11.6. du règlement (CE) n° 1/2003 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité pour dénier à cet organe la qualité d'organe juridictionnel [20].

37.La doctrine n'a pas manqué de souligner l'importance de cette nouvelle jurisprudence dans la perspective de l'entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1/2003 [21] non sans omettre de la critiquer dans la mesure où, inspirée peut-être par des considérations de gestion de la charge de travail, elle pourrait justifier, dans le domaine du droit de la concurrence, l'exclusion d'organes des états membres dont la nature juridictionnelle n'avait jamais été mise en cause [22].

38.Cependant, il convient de ne pas oublier que la Cour, dans son arrêt du 31 mai 2005, s'est fondée sur les dispositions du règlement (CE) n° 1/2003 prévoyant le pouvoir pour la Commission CE de dessaisir une autorité nationale. Dans le domaine relatif au contrôle des concentrations, le règlement (CE) n° 139/2004 du 20 janvier 2004 ne paraît pas contenir une disposition prévoyant un tel dessaisissement [23].

39.Reste également à souligner que, en se fondant sur cet arrêt de la CJCE mais dans une mesure limitée, la doctrine belge déduit l'intérêt, pour le Conseil de la concurrence agissant en tant qu'autorité nationale de concurrence, de l'organisation de la procédure préjudicielle organisée devant votre Cour par la LPCE puisque l'arrêt du 31 mai 2005 semble de nature à lui ôter la possibilité de poser une question préjudicielle à la Cour de justice CE [24].

Le statut et la mission du Conseil de la concurrence dans la loi LPCE en matière de contrôle des concentrations

40.Si le statut juridictionnel du Conseil de la concurrence ne semble pas susciter de débats dans le domaine des pratiques restrictives de concurrence, lui reconnaître ce même statut semble plus controversé lorsque le Conseil statue en matière d'admissibilité de concentrations [25].

41.Par ailleurs, le Conseil d'État a été amené à constater que sont attribuées au Conseil de la concurrence des compétences inconciliables avec le caractère juridictionnel qui lui est par ailleurs conféré [26].

42.Dans leurs observations écrites devant votre Cour, tant les sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele que l'auditeur du Conseil de la concurrence considèrent que le Conseil, statuant dans le cadre d'une demande d'admissibilité d'une concentration, pose un acte de mission de gestion administrative qui ne constitue pas un acte juridictionnel matériel. Il ne serait ainsi organe juridictionnel qu'en fonction du seul critère formel.

43.Cela amène à approfondir l'étude de la mission assumée par le Conseil: s'agit-il d'un simple contrôle administratif ou bien l'autorisation ou l'interdiction d'une concentration constitue-t-elle une autre réalité juridique qui impliquerait que, même dans ce domaine spécifique, le Conseil de la concurrence accomplit un acte juridictionnel?

44.Quand bien même il a été affirmé que le contrôle des concentrations relève d'un contentieux objectif [27], il semble que l'économie même de la loi permet d'affirmer que ces procédures de contrôle constituent de plus en plus des arrangements négociés avec les entreprises et s'éloignent de la figure unilatérale du contrôle administratif. Cette négociation aboutit à des ajustements et obligations réciproques qui permet de penser que l'on se dirige vers une contractualisation du droit de la concurrence [28].

45.Un autre mouvement se dessine aussi dans le domaine du contrôle des concentrations: celui de la procéduralisation “en incluant non seulement les arguments des entreprises qui se rapprochent mais encore ceux de leurs concurrents inquiets de leur montée en puissance. Le contrôle se métamorphose alors en une sorte de procès entre deux intérêts, celui des entreprises qui demandent l'autorisation et celui des tiers qui en rejettent la perspective” [29].

46.Le professeur Frison-Roche souligne autant le bénéfice que peut tirer l'autorité chargée du contrôle d'une telle évolution que les conséquences qui en découlent: “la vertu heuristique du contradictoire permet à l'autorité d'être mieux éclairée” mais le procès qui se crée entre l'auteur de la notification de concentration et les concurrents aboutit “à appliquer pleinement les garanties de procédure, à préserver les droits de la défense, à organiser les débats, à rendre le plus transparent et public possible le cheminement de la prise de décision” [30].

47.Il importe aussi de prendre en considération une autre donnée fondamentale en matière de droit de la concurrence compris dans ses deux composantes. La concurrence constitue l'expression de la liberté d'entrer en compétition avec d'autres en vue de la conquête d'un marché ou d'une clientèle. Découlant notamment des décrets d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie a, en droit français, valeur constitutionnelle depuis qu'il a été reconnu par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 [31].

48.En Belgique, les décrets d'Allarde sont toujours d'application et constituent ainsi la base du droit subjectif que peut revendiquer tout citoyen. Le principe de la liberté de commerce et d'industrie, reconnu par le Conseil d'État, comporte deux aspects, une liberté d'entreprendre et aussi la libre concurrence. Il peut être considéré que le principe de la liberté de commerce et d'industrie impose à l'administration de ne pas apporter d'entrave à l'exercice d'une profession; la liberté est la règle et la restriction l'exception pour reprendre la formule de Ph. Quertainmont [32].

49.Tout en considérant que la liberté de commerce et d'industrie n'est pas absolue, la Cour constitutionnelle tend à en déduire son existence dans notre arsenal juridique du principe de la liberté individuelle consacré par l'article 12, alinéa 1er de la Constitution [33]. D'autres auteurs considèrent que la liberté de commerce et d'industrie découle de l'article 23 de la Constitution [34].

50.Dans un arrêt du 4 juin 1996, votre Cour a énoncé que “la liberté de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier que l'on trouvera bon, prévue à l'article 7 du décret révolutionnaire du 2-17 mars 1791, ne peut être considérée comme une liberté absolue; elle ne fait pas obstacle à ce que l'autorité règle l'activité économique des personnes et des entreprises, sous la condition de ne pas violer la liberté de commerce et d'industrie” [35].

51.De ces considérations, il peut se déduire qu'en statuant sur une demande de concentration, le Conseil de la concurrence est appelé, fût-il astreint à des délais de rigueur, à déterminer les limites de l'exercice d'un droit ou d'une liberté, à savoir le droit à la liberté d'entreprendre de tout citoyen. Ce faisant, il assume une mission juridictionnelle conformément à la jurisprudence de votre Cour.

52.En conséquence, l'argument d'irrecevabilité fondé sur le fait que le Conseil de la concurrence ne serait pas un organe habilité à poser un acte juridictionnel ne me paraît pas fondé.

53.Quant à l'argument d'irrecevabilité fondé sur l'absence d'indépendance du Conseil de la concurrence eu égard au fait que sa décision de refus d'admettre une concentration ou sa décision aménagée d'autorisation de concentration peuvent faire l'objet d'un examen par le Conseil des ministres, il ne me paraît pas fondé.

54.Même si la doctrine n'a pas manqué de souligner le caractère pour le moins particulier d'un tel mécanisme, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (voir § 42-43 des conclusions) que seule l'intervention du Conseil des ministres pendant la procédure devant le Conseil de la concurrence pour se substituer à cet organe ou lui dicter le sens de la décision puisse être condamnable.

55.De plus, les travaux préparatoires fournissent quelques éclaircissements sur la nature de cette intervention a posteriori. D'une part, le Conseil des ministres agit en tant qu'organe politique et non comme une instance de recours mais, d'autre part, les critères qui encadrent son processus décisionnel semblent différents de ceux que le Conseil de la concurrence est appelé à mettre en oeuvre [36].

56.Au demeurant, notre droit connaît d'autres hypothèses où, par application d'autres critères, des décisions émanant d'organes juridictionnels sont remplacées par d'autres organes sans que l'on puisse en déduire que les premiers perdraient ainsi leur nécessaire indépendance. Ainsi, le pouvoir régalien de gracier un condamné n'affecte pas l'indépendance du juge qui a prononcé la condamnation [37].

57.Quant aux arguments d'irrecevabilité fondés d'une part, sur l'inexistence d'un litige et, d'autre part, sur le détournement de procédure commis par le Conseil de la concurrence, ils ne me paraissent pas plus fondés.

58.D'une part, il existe bien une question “litigieuse” relative à l'étendue des droits du tiers intervenant dans une procédure d'autorisation de concentration. Formulée autrement, la question porte sur la nécessité et les limites de la conciliation entre le respect du droit au secret des affaires et celui du droit à la défense qui comprend aussi la garantie du respect de l'égalité des armes. Le fait que, comme elles l'affirment dans leurs notes d'observation, les sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele aient pris l'initiative de communiquer le rapport de l'auditeur à la SA de droit public Belgacom, à un moment qui se situe au plus tôt après la décision du Conseil de la concurrence du 21 novembre 2007 et au plus tard au cours de la procédure en annulation introduite devant la cour d'appel de Bruxelles le 6 décembre 2007, ne préjuge en rien de la réponse générale qu'il convient de donner aux questions préjudicielles.

59.D'autre part, l'argument de détournement de procédure qui suppose que le Conseil de concurrence chercherait, en posant des questions préjudicielles, à faire censurer la jurisprudence de la cour d'appel de Bruxelles ne peut être retenu. Une telle intention prêtée au Conseil de la concurrence ne se déduit d'aucun élément révélé par le dossier soumis à votre Cour. Le fait que la cour d'appel de Bruxelles se soit déjà prononcée dans des arrêts antérieurs n'exclut pas la compétence de la Cour de cassation mais au contraire illustre la nécessité que la Cour de cassation mette fin à une incertitude juridique. En outre, l'argument aboutit à nier implicitement la compétence générale de votre Cour d'exercer la mission d'interprétation de la LPCE que lui a confiée le législateur et d'assurer l'unité de la jurisprudence dès lors qu'une juridiction d'appel aurait déjà dit le droit applicable [38].

60.En conclusion, aucun des moyens d'irrecevabilité ne peut être retenu.

Intérêt des questions préjudicielles suite à l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 27 décembre 2007

61.Dans la note d'observation complémentaire du 9 janvier 2008 déposée par les conseils des sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele, ces dernières considèrent que l'annulation de la décision de suspendre la procédure en admission de la concentration par l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 27 décembre 2007 a rendu, à tout le moins, sans objet les questions préjudicielles posées puisque, de surcroît, l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles a considéré que la concentration avait été tacitement autorisée.

62.Les conseils des sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele estiment pouvoir justifier leur position en se référant à une jurisprudence particulière de la Cour d'arbitrage. Cette référence ne paraît pas pertinente et une précision s'impose. Si la Cour d'arbitrage a constaté, par une ordonnance du 4 décembre 1985 que la section des conflits de compétence du Conseil d'État n'était plus saisie de la question préjudicielle dès lors que le jugement qui avait posé la question préjudicielle avait été réformé en appel, il convient de lire l'annotation infrapaginale qui renvoie à l'article 38 des lois coordonnées sur le Conseil d'État qui prévoyait que la décision de renvoi préjudiciel suspendait la procédure et la prescription. En clair, l'appel du jugement qui posait la question préjudicielle était contraire à la loi [39].

63. Cette longue précision n'en reste pas moins utile dans le cas d'espèce dès lors que l'article 73 § 1er, alinéa 3 de la LPCE dispose que la décision du juge de poser ou de ne pas poser une question préjudicielle n'est susceptible d'aucun recours. Par ailleurs, dans son arrêt du 27 décembre 2007, la cour d'appel de Bruxelles semble avoir aborder uniquement la question de savoir si la saisine de votre Cour entraîne la suspension des délais d'examen de l'admissibilité de l'opération de concentration. En clair, le dispositif de la décision du Conseil de la concurrence par lequel il décide de poser les questions préjudicielles n'a pas été annulé par la cour d'appel. Votre Cour reste valablement saisie.

64.La recherche d'une interprétation uniforme en vue d'assurer une unité de jurisprudence constitue l'objectif qui est poursuivi aussi bien par la procédure préjudicielle devant la Cour de justice CE ou par la procédure devant votre Cour. Dès lors, les principes qui régissent la procédure devant la Cour de justice CE sont de nature à s'appliquer devant Vous.

65.La procédure de renvoi préjudiciel reste une procédure de coopération de juge à juge, étrangère aux initiatives des parties au principal même si la Cour de justice CE prend en compte les intérêts des parties entendues. Le juge qui a posé la question préjudicielle reste maître de l'affaire au point de retirer la question [40].

66.Devant la Cour de justice CE, se pose encore aussi la question de l'éventuel recours interne contre une décision posant une question préjudicielle. La réformation de la décision nationale posant une question préjudicielle ne permet plus à la Cour de justice CE de répondre à la question sous peine d'excéder ses compétences [41].

67.En l'espèce, votre Cour ne se trouve confrontée à aucune des hypothèses ci-avant indiquées. Soit, parce que la LPCE ne prévoit pas de recours à l'encontre de la décision de poser une question préjudicielle, soit parce que le président du Conseil de la concurrence a indiqué clairement qu'il attendait la réponse de votre Cour.

68.J'estime également que la prudence s'impose à l'occasion de l'exercice de cette nouvelle compétence préjudicielle afin d'éviter que s'installe une confusion entre la portée des différentes missions de votre Cour. À l'occasion du traitement d'une affaire soumise à votre Cour, dans le cadre de la compétence préjudicielle qui lui a été attribuée par le législateur, il ne peut être question d'aborder la question de l'éventualité d'un pourvoi contre une décision qui paraît avoir une incidence sur la procédure menée devant l'instance qui a posé une question préjudicielle.

69.En conséquence, j'estime que l'intérêt pour votre Cour de fournir au Conseil de la concurrence une réponse demeure entier, nonobstant toute considération sur la portée de l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles ou sur les enseignements que le Conseil de concurrence doit tirer de ce même arrêt. La demande d'omission du rôle formulée par le conseil des sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele n'est pas fondée.

Sur le fond

70.Sans pour autant suggérer à votre Cour de les reformuler, il me paraît utile de dégager la portée générale des questions préjudicielles qui lui sont soumises. À mon estime, la question fondamentale réside dans la détermination des droits que pourrait revendiquer le tiers qui justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la procédure en autorisation d'une concentration.

71.En matière de concentration, à la seule lecture des dispositions de la LPCE, la reconnaissance d'un intérêt suffisant à un tiers ouvre le droit pour celui-ci d'être entendu par le Conseil de la concurrence (art 57 § 2, al. 3 LPCE), de déposer des observations écrites éventuelles à la suite du rapport complémentaire déposé par l'auditeur lorsque le Conseil a décidé d'engager une procédure d'instruction complémentaire (art. 59 § 3 LPCE). Par contre, il n'ouvre pas le droit de déposer des observations écrites complémentaires à la suite du rapport supplémentaire déposé par l'auditeur comme il est dit à l'article 59 § 4 LPCE.

72.Quand bien même, dans le cas d'espèce, une invitation fut adressé par la voie du Moniteur belge aux tiers concernés à transmettre leurs éventuelles observations sur l'opération de concentration [42], aucune disposition de la LPCE ne confère cependant pas au tiers qui justifie d'un intérêt suffisant, le droit d'accéder aux pièces établies ou déposées dans le cadre de l'examen de l'admissibilité de la concentration. S'agit-il d'une interdiction absolue? Une réponse négative semble s'imposer à la lecture des travaux préparatoires. En effet, il est dit que le fait pour le Conseil ou l'auditorat de pouvoir procéder à une instruction sur des griefs qui n'ont pas été soulevés ou incriminer de nouvelles entreprises justifie le fait que “le plaignant n'a pas systématiquement accès au rapport et au dossier” [43].

73.Le sort particulier réservé à la partie intervenante suscite l'interrogation dans la mesure où cette partie a dû justifier d'un intérêt jugé suffisant. Les travaux préparatoires semblent muets quand à la nature de cet intérêt et aux critères qui permettent de juger de son caractère suffisant.

74.L'Exposé des motifs de la LPCE semble, malgré tout, contenir une explication: “le rôle du plaignant n'est pas celui d'une partie demanderesse dans une procédure devant une juridiction de l'ordre judiciaire. Le plaignant se limite en fait à révéler à l'autorité publique une situation qu'il prétend porter atteinte à la libre concurrence (....). Le plaignant se trouve ainsi en retrait et ne constitue pas la partie opposée à l'entreprise qui fait l'objet de l'instruction (...). La procédure mise en mouvement n'a pas pour but de protéger les droits subjectifs du plaignant et de l'indemniser du préjudice éventuel subi par des pratiques avérées mais bien de protéger l'intérêt économique général reposant sur la libre concurrence” [44].

75.Citant les travaux préparatoires de lois antérieures, l'Exposé des motifs de la loi LPCE précise encore que “l'examen d'une affaire par le Conseil aura désormais pour toile de fond l'ensemble du marché concerné et s'élèvera dès lors à travers l'intérêt particulier vers l'intérêt économique général: le Conseil jugera la situation qui lui est soumise sous l'angle général de la concurrence et ordonnera, si nécessaire, le rétablissement effectif dans le secteur économique concerné; il ne sera pas lié ou limité par la demande du plaignant ou de celui qui aura procédé à la notification (d'une concentration)” [45].

76.Si l'on peut mieux percevoir l'explication qui justifierait la place restreinte dévolue à la partie intervenante dans le contentieux de la concurrence, il n'en demeure pas moins que le principe de l'organisation de la libre concurrence trouve ainsi une application limitée au bénéfice principal de l'État. Or, comme je l'ai indiqué, le droit à la liberté d'entreprise et du commerce qui fonde aussi le droit à la libre concurrence découle implicitement des droits et libertés reconnus par notre Constitution à tout citoyen.

77.Doctrine et jurisprudence ont souligné que “au-delà de la protection d'une concurrence effective sur un marché déterminé, les procédures de concurrence mettent fondamentalement en cause les droits économiques ou patrimoniaux des entreprises, qu'elles soient concernées directement ou indirectement par la procédure et des plaignants” [46]. Dès lors que ces droits économiques ou patrimoniaux constituent des droits et obligations de caractère civil, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme s'applique donc aux procédures devant le Conseil de la concurrence.

78.La Cour européenne des droits de l'homme a jugé que l'article 6 trouve à s'appliquer dès lors que l'affaire concerne la détermination d'un droit. Dans des conclusions précédant un arrêt de votre Cour du 14 avril 1983, M. le procureur général émérite Baron Velu avait également indiqué que “la contestation ne doit pas être entendue nécessairement suivant le droit interne comme se limitant à des prétentions contradictoires qui se manifestent à l'origine d'une situation conflictuelle” [47].

79.L'article 6 CEDH qui consacre le droit à un procès équitable impose tant le respect des droits de la défense que celui de l'égalité des armes; les droits de la défense supposent la faculté de prendre connaissance de toute pièce ou observations présentées au juge en vue d'influencer sa décision et de la discuter [48]. Le droit à l'égalité des armes suppose d'offrir à chaque partie une possibilité de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport aux autres parties [49].

80.Qualifiée de juridiction par le législateur et remplissant les conditions formelles que requiert la Cour européenne des droits de l'homme de toute juridiction, accomplissant un acte juridictionnel qui consiste à déterminer la manière dont pourra être exercée la liberté de commerce et d'industrie, le Conseil de la concurrence doit, même dans le silence de la loi, mener des procédures qui rencontrent les exigences contenues dans l'article 6 CEDH. En offrant au tiers justifiant d'un intérêt seulement la possibilité d'être entendu tout en ne lui assurant pas l'accès aux pièces utiles, le Conseil méconnaîtrait les droits de la défense du tiers concerné et viderait de son effet la possibilité pour ce dernier d'être entendu [50].

81.Le droit communautaire de la concurrence a consacré également l'application du principe général des droits de la défense. La Cour de justice CE l'a consacré en affirmant que toute personne à l'encontre de laquelle une décision faisant grief peut être prise, soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la décision litigieuse. L'accès au dossier vise à permettre l'exercice effectif des droits de la défense contre les griefs formulés par le Conseil de la concurrence [51].

82.Cependant, l'accès aux pièces de procédure doit être concilié avec un autre principe fondamental, à savoir celui de la confidentialité des secrets d'affaires. À la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice CE, dans la perspective de garantir l'exercice effectif de son droit d'être entendu, dans la mesure où il a adressé une demande au Conseil, le tiers justifiant d'un intérêt suffisant doit avoir, sous certaines conditions, un droit d'accès aux pièces non confidentielles de la procédure [52].

83.Seuls les documents strictement nécessaires pour permettre au tiers de faire utilement connaître son point de vue sur l'opération de la concentration notifiée et son impact sur la concurrence, peuvent faire l'objet d'une autorisation de prise de connaissance. L'accès à ces documents doit être examiné par le Conseil dans le contexte de l'ensemble de la procédure, compte tenu de la nécessité de l'information du tiers et de la nature confidentielle des documents. Les documents contenant des secrets d'affaires ou les documents internes du Conseil ne sont pas susceptibles d'être communiqués [53].

84.Dès lors que le Conseil constitue une juridiction tant au regard de la loi interne qu'au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de votre Cour, il lui incombe de mettre en balance les exigences tant des principes généraux du droit à un procès équitable que de celle découlant du droit à la protection du secret des affaires. Si la mise en balance des intérêts aboutira à ce que le juge, à l'issue d'une analyse des faits, donne la priorité à l'un des principes à l'exclusion de l'autre, il ne peut par contre exclure d'emblée l'application des règles du droit à un procès équitable [54].

Conclusion

85.Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, j'estime que devrait répondre aux questions du Conseil de la concurrence de la manière suivante.

Quant à la première question

86.Par sa première question, le Conseil de la concurrence demande essentiellement de savoir si les dispositions de la LPCE doivent être interprétées en ce sens qu'un tiers intéressé, qui n'est pas partie à la concentration mais qui justifie d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil qui traite de l'admissibilité de cette concentration, a le droit d'avoir accès au rapport motivé et/ou au dossier d'instruction déposés par l'auditeur. Le Conseil souhaite également apprendre si la réponse à cette question dépend de la question de savoir si les entreprises parties à la concentration ont présenté des engagements à l'auditeur.

87.Je propose de répondre qu'en vertu des principes généraux du droit au respect des droits de la défense et des principes du droit à un procès équitable, appliqués conjointement avec le principe du droit à la confidentialité des secrets d'affaires, un tiers intéressé a effectivement le droit d'avoir accès au rapport motivé et au dossier d'instruction déposés par l'auditeur, le fait que l'entreprise notifiante aie présenté ou non des engagements étant sans incidence.

Quant à la deuxième question

88.La deuxième question par laquelle le Conseil de la concurrence souhaite savoir si les dispositions légales LPCE et/ou le principe général du droit au respect des droits de la défense invoqué peuvent être interprétés dans le sens qu'un accès au rapport motivé ou à certaines parties de celui-ci, et/ou au dossier d'instruction ou à certaines pièces qui y figurent, peut être accordé au tiers intéressé.

89.Je propose de répondre que l'accès est limité aux pièces qui ne présentent pas un caractère confidentiel en application du droit à la confidentialité de secrets d'affaires.

Quant à la troisième question

90.Par sa troisième question, le Conseil de concurrence demande suivant quelle procédure les données confidentielles à l'égard du tiers doivent être enlevées du rapport motivé et du dossier d'instruction et qui a le pouvoir de décider de la confidentialité dans le système de la LPCE.

91.Cette question soulève le problème de la distinction qui existe entre l'application et l'interprétation d'une norme. À l'instar de la Cour de justice CE, dans le cadre de sa compétence préjudicielle, votre Cour doit apporter à la juridiction qui l'interroge une réponse théorique mais suffisamment utile sans pour autant appliquer cette réponse à une espèce déterminée [55].

92.Le processus d'interprétation vise à déduire de la lettre et de l'esprit de la loi la signification de la norme mais l'application de la norme ainsi interprétée reste de la compétence exclusive du juge du fond.

93.Je considère qu'il n'appartient pas à votre Cour de réserver de réponse à la première branche de la troisième question.

94.Enfin, je propose à votre Cour de réserver les dépens car la procédure en question préjudicielle revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

[1] Voir Doc. 51, Chambre n° 2180/1, p. 161.
[2] Voir J. Spreutels, “Le concours de questions préjudicielles”, in Les rapports entre la Cour d'arbitrage, le pouvoir judiciaire et le Conseil d'État, la Charte, 2006, p. 314.
[3] C.A. n° 65/96, 13 novembre 1996, B.2.
[4] Voir Doc. 51, Chambre n° 2180/1, p. 132 avec la conséquence que le Conseil d'État a considéré que, la création de juridictions administratives trouvant son fondement dans l'art. 146 de la Constitution, les dispositions d'organisation et de procédure devant cette juridiction devaient être traitées selon la procédure bicamérale parfaite.
[5] Pas. 1957, I, 430.
[6] R.G. 2953, Pas. 1981, I, 947.
[7] R.G. C.00.0721.F, Pas. 2001, n° 17.
[8] Voir concl. de M. l'avocat général Henkes, Cass. 11 janvier 2001, R.G. C.00.0721.F, Pas. 2001, n° 17, spéc. p. 57.
[9] L. Milano, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, Dalloz, 2006; J. Velu, “La notion de tribunal et les notions avoisinantes dans la CEDH”, in Liber Amicorum F. Dumon, Kluwer, 1983, pp. 1287-1295; R. Kovar, La notion de juridiction en droit européen, Dalloz, 2002, pp. 607-628.
[10] J. Velu et R. Ergec, La CEDH, Bruxelles, Bruylant, 1990, p. 453; voir p. ex. CEDH 22 juin 2000, Coëme et autres/Belgique, Rec. 2000-VII, § 98.
[11] Voir D. D'Ambra, L'objet de la fonction juridictionnelle: dire le droit et trancher les litiges, LGDJ, 1994; M. Bandrac, “De l'acte juridictionnel et de ceux des juges qui ne le sont pas”, in Mélanges P. Drai, le juge entre deux millénaires, Dalloz, 2000, p. 171.
[12] CEDH 22 octobre 1984, Sramek/Autriche, A.84, § 36; CEDH 23 octobre 1985, Benthem/Pays-Bas, A.97, § 40.
[13] CEDH 19 avril 1994, Van de Hurk/Pays-Bas, A.288, § 45 et § 52; CEDH 30 novembre 1987, H./Belgique, A.127-B, § 50.
[14] CEDH 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven, De Meyere/Belgique, A.43, § 51; CEDH 17 décembre 1996, Terra Woningen BV/Pays-Bas, Rec. 1996-VI § 52; CEDH 24 novembre 1994, Beaumartin/France, A.296-B, § 38.
[15] CEDH 23 octobre 1985, Benthem/Pays-Bas, A.97, § 41-43.
[16] CEDH 24 novembre 1994, Beaumartin/France, A.296-B, § 76-84.
[17] Voir F. Matscher, “La notion de tribunal au sens de la CEDH”, in Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la CEDH, Bruylant, 1996, p. 35.
[18] Voir pour un examen systématique de la jurisprudence de la CJCE, C. Naomé, “Le renvoi préjudiciel”, Larcier-JLMB Opus 4 2007, pp. 84 à 93.V
[19] CJCE 31 mai 2005, C-53/03, Syfait, p. I-4609.
[20] CJCE 31 mai 2005, C-53/03, Syfait, Rec., p. I-4609; voir aussi en cette affaire, les conclusions contraires de l'avocat général F.G. Jacobs.
[21] Voir C. Naomé, o.c., p. 88.
[22] Voir H. Tagaras et M. Waelbroeck, “Les autorités de la concurrence et l'article 234 du Traité: un étrange arrêt de la Cour de justice”, Cah. dr. eur. 2005, pp. 465 et s.
[23] Voir l'art. 22 du règlement (CE) n° 139/2004.
[24] Voir Chr. Schurmans et X. Taton, “Questions actuelles de procédure en droit de la concurrence. À la recherche d'un système cohérent entre autorité de concurrence et l'ordre judiciaire”, in Actualité du droit de la concurrence, Bruylant, 2007, p. 129, n° 119.
[25] Voir Ch. Schurmans et X. Taton, o.c., p. 38, n° 19.
[26] Voir Doc. 51, Chambre n° 2180/1, p. 131.
[27] Voir Doc. 51, Chambre 2180/1, p. 45.
[28] Voir M.-A. Frison-Roche, “Contrat, concurrence, régulation”, Rev. trim. dr. civ. 2004, p. 453.
[29] Voir M.-A. Frison-Roche et M.-St. Payet, Droit de la concurrence, Dalloz, 2006, p. 289, n° 328.
[30] Voir M.-A. Frison-Roche et M.-St. Payet, o.c., p. 309, n° 370.
[31] Voir M.-A. Frison-Roche et M.-St. Payet, o.c., p. 2, n° 1 et les nombreuses références citées.
[32] Voir M. Herbiet, “Le principe de la liberté de commerce et d'industrie et sa protection par le Conseil d'État”, A.P.T. 1987, pp. 177 et s.; voir C.E. n° 83.940, 7 décembre 1999, SPRL Ramses; voir aussi Ph. Quertainmont, Droit public économique, Kluwer, 4ème éd., 2007, p. 38; voir également le rapport présenté à la Chambre des Représentants le 25 janvier 2007 intitulé “Les droits fondamentaux garantis par la Constitution au regard des instruments internationaux de protection des droits fondamentaux”, Doc. 51, Chambre 2867/01, spéc. pp. 181-182.
[33] Voir p. ex. C.A. n° 100/2001, 13 juillet 2001; voir aussi C.A. n° 29/96, 15 mai 1996, pt. B.8. examinant la liberté de commerce et d'industrie garantie par l'article 6 § 1er, VI, alinéa 3 de la loi spéciale du 8 août 1980; voir encore C.A. n° 88/2004, 19 mai 2004, pt. B.24.; C.A. n° 171/2006 , 21 novembre 2006, pt. B.9.2.; C. const. n° 114/2007, 19 septembre 2007, pt. B.11.4.
[34] Ph. Quertainmont, o.c., p. 38; P. Martens, “L'insertion des droits économiques, sociaux et culturels”, Rev. b. dr. const. 1995, p. 13-14.
[35] Voir Cass. 4 juin 1996, R.G. P.95.0497.N, Pas., n° 207.
[36] Doc. 51, Chambre 2180/1, p. 17.
[37] Voir sur l'amnistie et la grâce, Chr. Van den Wyngaert, Strafrecht, strafprocesrecht en internationaal strafrecht, Maklu, 2006, p. 475-478.
[38] Doc. 51, Chambre 2180/1, p. 31.
[39] Voir J. Sarot, Dix ans de jurisprudence de la Cour d'arbitrage (5 avril 1985 - 31 août 1995), Bruylant, 1995, pp. 95-96, point B.3. et note infrapaginale n° 1, p. 96.
[40] Voir C. Naomé, o.c., p. 105.
[41] Voir C. Naomé, o.c., p. 132.
[42] Voir Mon. b. 5 octobre 2007, p. 52.449.
[43] Voir Doc. 51, Chambre 2180/1, p. 70.
[44] Voir Doc. 51, Chambre 2180/1, p. 70.
[45] Voir Doc. 51, Chambre 2180/1, p. 14.
[46] Voir G. Jakhian, L. van Eyll et E. van Nuffel d'Heynsbroeck, “Les procédures en droit belge de la concurrence et le droit à un procès équitable”, in Les autorités de contrôle des marchés financiers des assurances et de la concurrence: bilan et perspective, Bruylant, 2002, p. 342, n° 10; voir aussi Ch. Schurmans et X. Taton, o.c., p. 40, n° 21.
[47] Voir CEDH 26 septembre 1990, Moreira/Portugal, série A, n° 180, § 66; Cass. 14 avril 1983, Pas. 1983, p. 866 et spéc. p. 882.
[48] CEDH 20 février 1996, Lobo Macahdo/Portugal, Rec. 1996-I, § 31.
[49] Voir Commission EDH 16 juillet 1968, Struppas/RFA, Ann. Conv., vol. XI, p. 400.
[50] Voir sur les conséquences procédurales du droit d'être entendu, D. Vandermeersch, De Mededingingswet, Kluwer, 2007, p. 386-387.
[51] Voir notamment T.P.I.C.E. 26 avril 2007, affaires jointes T-109/02, T-118/02, T-122/02, T-125/02, T-126/02, T-128/02, T-129/02, T-132/02 et T-136/02, Bolloré; 23 janvier 2002, T-237/00, Reynolds/Parlement, Rec., p. II-163 et 6 décembre 1994, T-450/93, Lisrestal e.a./Commission, Rec., p. II-1177, point 42; voir aussi le point 7 de Communication de la Commission relative aux règles d'accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles 81 et 82 du traité CE, des articles 53, 54 et 57 de l'Accord EEE et du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, J.O. C. 325 du 22 décembre 2005. Voy. aussi CJCE 8 juillet 1999, C-51/92P, Hercules Chemicals: “à cet égard, il convient de constater que l'accès au dossier dans les affaires de concurrence a notamment pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement, sur la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs; arrêts Michelin/Commission, précité, point 7; 13 février 1979, 85/76, Hoffmann-La Roche/Commission, Rec., p. 461, points 9 et 11; 6 avril 1995, C-310/93, BPB Industries et British Gypsum/Commission, Rec., p. I-865, point 21.
[52] Voir T.P.I.C.E. 20 mars 2002, T-16/99, Lögstör Rör, 140.
[53] Voir T.P.I.C.E. 6 mars 2003, aff. Jointes T-228/99 et T-233/99, Westdeutsche Landesbank Girozentrale, 153; voir aussi l'art. 15.2. du règlement n° 773/2004 du 7 avril 2004 relatif aux procédures mises en oeuvre par la Commission en application des art. 81 et 82 du traité CE (J.O. L. 123 du 27 avril 2004, p. 18).
[54] P.-O. de Broux, “La confidentialité des secrets d'affaires et les droits de la défense dans le contentieux économique” (note sous CJCE 13 juillet 2006), T.B.H. 2007, p. 560 ; voir aussi C. const. 19 septembre 2007, J.L.M.B. 2007, p. 1498 .
[55] Voir CJCE 27 mars 1963, Da Costa, Rec., p. 61.