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DROIT EUROPÉEN ET INTERNATIONAL JUDICIAIRE – GÉNÉRAL – Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, R.D.C.-T.B.H., 2008/3, p. 300-302

DROIT EUROPÉEN ET INTERNATIONAL JUDICIAIRE - GÉNÉRAL

Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges

Espace unique dans le domaine de la justice civile: procédure européenne de réglement des petits litiges

1.L'Union européenne poursuit la concrétisation sur son territoire d'un espace unique dans le domaine de la justice civile: un règlement instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges a été promulgué par le Parlement européen et le Conseil le 11 juillet 2007. Entré en vigueur le 31 juillet dernier, la procédure qu'il consacre sera applicable le 1er janvier 2009.

2.Cet règlement s'inscrit dans la lignée novatrice des règlements portant création du titre exécutoire européen pour les créances incontestées et instituant une procédure européenne d'injonction de payer [1]. Il part du constat que le recouvrement rapide et efficace des petites créances est essentiel pour l'équilibre économique de l'Union européenne. Les retards de paiement constituent la cause principale d'insolvabilité et de faillite des entreprises, en particulier des PME. La longueur, la difficulté et surtout l'onérosité des procédures ordinaires découragent les opérateurs économiques qui renoncent dès lors au recouvrement de leur créance. Les débiteurs de mauvaise foi sont tentés de ne pas payer leur dette et de spéculer sur l'inaction de leur créancier. À quoi bon en effet se lancer dans un procès qui coûterait bien plus de temps, d'énergie et d'argent que la créance même dont le recouvrement est espéré?

Différentes approches du règlement des petits litiges sont envisageables. On en trouve naturellement des illustrations à travers les systèmes juridiques des États membres. Ainsi, certains d'entre eux, comme la Hollande, la France, l'Italie, le Portugal, l'Espagne et la Suisse, bénéficient de tribunaux spécifiques; d'autres, comme l'Angleterre, ont mis en place des procédures spéciales; d'autres encore ont prévu l'organisation d'actions collectives. Le droit européen a quant à lui opté pour une procédure spécifique.

Le règlement 861/2007 a pour objectifs de simplifier, d'accélérer et de rendre moins coûteux le règlement des litiges relatifs aux petites créances. En d'autres termes, il vise à garantir aux titulaires de telles créances l'accès à une justice efficace, simple et rapide. En sus de la procédure sensu stricto, le règlement prévoit que la décision rendue bénéficie d'une force exécutoire reconnue à travers toute l'Europe. La procédure d'exequatur est ainsi supprimée. La procédure consacrée par le règlement est facultative et complémentaire. Le créancier bénéficie donc d'un choix de procédures pour obtenir le paiement de sa créance. Il est dès lors essentiel de connaître les détails et avantages du nouveau règlement afin d'opérer ce choix de la manière la plus éclairée possible.

3.Il convient naturellement d'examiner en premier lieu le champ d'application du règlement. D'un point de vue matériel, le litige doit relever des matières civiles et commerciales [2], ne pas dépasser un montant de 2.000 euros, et être transfrontalier (art. 2 et 3). Le litige est transfrontalier lorsqu'au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l'État membre de la juridiction saisie. Le justiciable titulaire d'une créance non transfrontalière ne pourra dès lors bénéficier de la procédure européenne. Il se retrouve dès lors moins bien protégé. Ce traitement semble s'apparenter à une discrimination positive. D'un point de vue spatial, tant l'État d'origine (où se déroule la procédure), que l'État d'exécution (où la décision est exécutée) doit être membre de l'Union européenne, à l'exclusion du Danemark (art. 2 § 3). D'un point de vue temporel, comme nous l'avons déjà signalé, le règlement ne sera applicable que le 1er janvier 2009 (art. 29).

4.Dans un esprit de simplicité maximale, toute demande, acte ou décision posé dans le cadre de la procédure, se réalise au travers de formulaires-types, envoyés sous format électronique ou papier. Ces formulaires-types, d'une remarquable simplicité, sont annexés au règlement.

La demande, introduite devant le juge compétent au moyen d'un de ces formulaires, doit comporter une “description des éléments de preuve à l'appui de la demande” (art. 4). À l'instar du règlement instituant une procédure européenne d'injonction de payer, le législateur européen tranche la question du système “avec” ou “sans preuve”, en empruntant une voie hybride. Il existe en effet deux tendances au sein des droits nationaux européens: la Belgique, la France et l'Italie connaissent le modèle avec preuve alors que le Portugal, l'Allemagne et la Suède consacrent le modèle sans preuve. En droit communautaire, pour engager une procédure européenne de règlement des petits litiges, le créancier ne doit pas produire la preuve elle-même à l'appui de sa demande; une simple description suffit. Il s'agit d'un trait caractéristique de la procédure qui pourra, le cas échéant, éclairer le créancier dans le choix à opérer.

5.La procédure est écrite, les audiences constituent l'exception. La représentation par un avocat n'est pas obligatoire (art. 10). Après réception du formulaire et examen sommaire de celui-ci, la juridiction communique la demande au débiteur. À l'inverse de la procédure européenne d'injonction de payer, la procédure ne repose pas sur le mécanisme d'inversion du contentieux. Le débiteur est averti de la procédure et a le droit d'intervenir au cours de celle-ci. Toujours à l'aide d'un formulaire, il a ainsi le droit de répliquer endéans un délai de 30 jours à compter de la signification ou notification. Il peut joindre à sa réplique une demande reconventionnelle qui ne peut excéder 2.000 euros (art. 5). La réponse du défendeur est portée à la connaissance du demandeur. Ce dernier répond, le cas échéant, à la demande reconventionnelle dans les 30 jours. Enfin, dans le délai de 30 jours à partir de la réception des réponses du demandeur et du défendeur, la juridiction rend sa décision. Avant de se prononcer sur le fond du litige, elle peut réclamer au demandeur des renseignements ou preuves supplémentaires (art. 7). Afin d'accélérer le recouvrement, le règlement prévoit que la décision est exécutoire par provision (art. 15).

Les significations et notifications requises par l'instrument ici commenté sont effectuées conformément aux méthodes prévues par le règlement portant création du titre exécutoire européen: d'une part, les modes sans preuve de la réception par le destinataire et d'autre part, les modes avec preuve de la réception (voir les art. 13 et 14 du règlement 805/2004).

L'existence d'une voie de recours contre une décision rendue dans le cadre de la procédure européenne est laissée à l'appréciation des États membres (art. 17). Par ailleurs, le règlement impose des exigences minimales en termes de réexamen de la décision (art. 17 et 18). Ces exigences minimales sont identiques à celles que l'on trouve dans les règlements portant création du titre exécutoire européen et instituant une procédure européenne d'injonction de payer. Il s'agit, premièrement, de l'hypothèse où le débiteur a été averti de l'acte introductif d'instance au moyen d'un mode de signification ou de notification sans preuve de la réception par le défendeur en personne et que ce dernier n'a pas disposé d'un temps raisonnablement suffisant pour préparer sa défense. En second lieu, le règlement envisage le cas où le débiteur n'a pas eu la possibilité concrète de contester la demande pour des raisons de force majeure ou par suite de circonstances extraordinaires, indépendamment de toute faute de sa part. La controverse sur la compatibilité du droit belge avec cette dernière exigence minimale, née à l'occasion du règlement portant création du titre exécutoire européen, subsiste. Certains estiment que le droit belge ne prévoit pas de réexamen exceptionnel, lorsque les délais ordinaires de recours sont écoulés, pour des raisons de force majeure ou par suite de circonstances extraordinaires. À l'inverse, au vu de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et de la Cour de cassation en matière de prorogation de délais, d'autres estiment que le droit belge est conforme au droit européen.

La partie qui succombe supporte les frais de la procédure, en ce compris les frais de représentation de la partie adverse. Elle n'est cependant pas redevable de quelque remboursement de dépens dispensables ou disproportionnés (considérant 29 et art. 16). La récente loi belge du 21 avril 2007 en matière de répétibilité des honoraires et son arrêté royal du 9 novembre 2007 organisant des indemnités de base encadrées de plafonds et planchers nous semblent parfaitement s'accorder avec cette perspective européenne.

6.Une fois la procédure achevée dans l'État d'origine et la décision devenue exécutoire, celle-ci est reconnue et conserve cette force à travers l'Europe entière. La procédure d'exequatur est supprimée (art. 20).

La décision est exécutée comme toute autre décision nationale. À ce jour, le droit de l'exécution relève encore par principe des législations nationales (art. 21). Seules certaines hypothèses sont envisagées par le droit européen; on relève ainsi le cas d'incompatibilité avec une décision rendue antérieurement dans l'État membre d'exécution ou dans un État membre tiers, menant à un refus d'exécution (art. 22), ainsi que la suspension ou la limitation de l'exécution permise par exemple en cas de réexamen demandé par le débiteur hors délais ordinaires sur base de l'article 18 du règlement (art. 23).

7.En conclusion, les créanciers découragés par le faible montant de leur créance, la longueur, la difficulté et l'onérosité de la procédure vont disposer prochainement d'un nouvel instrument dans le cadre du recouvrement transnational. Le recours aux formulaires extrêmement simples et synthétiques, disponibles dans toutes les langues européennes, l'absence de nécessité de preuve de la créance et la “force exécutoire européenne” de la décision sont autant d'avantages incontestables de cette procédure.

[1] Règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées et règlement n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer.
[2] À l'exclusion toutefois des matières visées citées à l'art. 2 § 1er et 2 du règlement.