Article

Cour d'appel Versailles, 07/06/2007, R.D.C.-T.B.H., 2008/2, p. 187-189

Cour d'appel de Versailles 7 juin 2007

INTERMÉDIAIRES ET COMMERCE
Contrat de franchise - Information précontractuelle - Obligation d'information et de conseil - Loi française, dite loi Doubin, sur la fourniture d'informations précontractuelles - Étude prévisionnelle - Obligation du franchisé de s'informer - Communication d'informations sincères et loyales
Les dispositions issues de la loi française, dite loi Doubin, prévoyant la remise d'informations précontractuelles n'imposent pas au franchiseur de réaliser une étude du marché local. Il appartient au franchisé de procéder lui-même à une analyse précise d'implantation lui permettant d'apprécier le potentiel du fonds de commerce dont il envisage l'exploitation.
Le fait que le franchisé n'atteigne que 50% du chiffre d'affaires prévisionnel annoncé par le franchiseur ne suffit pas à engager la responsabilité de celui-ci, qui n'est pas tenu à une obligation de résultat dans l'établissement des prévisions d'activité. Ces prévisions, à les supposer particulièrement optimistes, ne peuvent s'analyser en un manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle de communication d'informations sincères et loyales, dans la mesure où elles sont en rapport avec le chiffre d'affaires moyen atteint à la même époque par les magasins de même nature et situés dans la même région que le magasin franchisé.
TUSSENPERSONEN EN HANDEL
Franchiseovereenkomst - Precontractuele informatie - Verplichting tot informatie en bijstand - Franse wet, Wet Doubin genoemd, over het verschaffen van precontractuele informatie - Prognose - Verplichting voor de franchisenemer om zich te infomeren - Communicatie van waarheidsgetrouwe en loyale informatie
De bepalingen voortvloeiend uit de Franse wet, Wet Doubin genoemd, die voorzien in het verschaffen van precontractuele informatie, verplichten de franchisegever niet om een onderzoek te verrichten naar de lokale markt. Het is aan de franchisenemer om zelf een precieze implantingsanalyse te maken die hem in staat stelt om het potentieel van de handelszaak waarvan hij de exploitatie vooropstelt te beoordelen.
Het feit dat de franchisenemer slechts 50% behaalt van de geraamde omzet aangekondigd door de franchisegever volstaat niet om de aansprakelijkheid in het gedrang te brengen van deze laatste, die geen resultaatsverbintenis heeft voor het opstellen van de activiteitsprognoses. Deze prognoses, zelfs indien men aanneemt dat ze bijzonder optimistisch waren, kunnen niet worden beschouwd als een tekortkoming van de franchisegever in zijn precontractuele verplichting tot het communiceren van waarheidsgetrouwe en loyale informatie, voor zover als ze overeenkomen met de gemiddelde omzet behaald in dezelfde periode door winkels van dezelfde aard en gelegen in dezelfde streek als de winkel onder franchise.

M.-J. Bro-Rodde es-qualité de mandataire liquidateur de Madame E. Planque / SA Jacadi

Siég.: F. Laporte (président), J.-F. Fedou et D. Coupin (conseillers)
Pl.: Mes P. Bernard et O. Binder

(...)

Sur la demande principale d'annulation du contrat de franchise et de dommages-intérêts

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du contrat de franchise signé le 4 avril 2001, la société Jacadi a concédé à Madame Planque le droit intuitu personae et non transmissible d'utiliser la marque “Jacadi” et les signes distinctifs associés, pour exploiter un magasin sous l'enseigne “Jacadi” distribuant exclusivement les produits des gammes Jacadi ou les produits agréés par Jacadi;

Considérant qu'il est constant que ce contrat, qui comporte un engagement d'exclusivité pour l'exercice de l'activité du franchisé, est soumis aux dispositions de l'article L 330-3 du Code de commerce, en vertu duquel le franchiseur est tenu, “préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause”;

Considérant que l'article L 330-3 précise que:

“Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités”;

Considérant qu'en l'occurrence, le document d'informations précontractuelles adressé par courrier du 5 février 2001 à Madame Planque renseigne le franchisé notamment sur l'identité et l'évolution de l'entreprise du franchiseur, sur les activités déployées par ce dernier en faveur du réseau à l'enseigne “Jacadi”, et sur les chiffres-clés du secteur de l'habillement pour enfants;

Considérant que ce document mentionne également les diverses modifications des relations contractuelles intervenues au cours de l'année 1998 jusqu'en mai 1999 entre le franchiseur et des franchisés du réseau, ainsi que les ouvertures de points de vente au cours de la même période, et il contient des informations d'ordre juridique et financier sur le contrat proposé au franchisé;

Considérant que, dès lors, ainsi que l'a retenu le tribunal, la société Jacadi s'est conformée aux dispositions issues de la loi Doubin (art. L 330-3 susvisé) et du décret du 4 avril 1991 en fournissant à Madame Planque les éléments précontractuels d'information légalement exigés et se rapportant à la présentation du Groupe Jacadi et du réseau d'exploitants le constituant;

Considérant que Maître Bro-Rodde, prise en sa qualité de mandataire liquidateur de Madame Planque, fait grief à la société Jacadi de s'être, au mépris de ces mêmes dispositions et en violation du principe de loyauté dans les contrats, abstenue de fournir à la candidate à la franchise une étude préalable de marché, un historique de la franchise “Jacadi” à Châteauroux et un compte prévisionnel d'exploitation, ou, à tout le moins, des informations complètes et sincères concernant la création d'un point de vente Jacadi à Châteauroux, seuls de nature à lui permettre de vérifier en connaissance de cause la faisabilité de l'opération en fonction des spécificités locales;

Mais considérant qu'il est admis que l'article L 330-3 du Code de commerce ne met pas à la charge du franchiseur une étude du marché local, et qu'il appartient au franchisé de procéder lui-même à une analyse précise d'implantation lui permettant d'apprécier le potentiel du fonds de commerce dont il envisage l'exploitation;

Considérant qu'au demeurant, il n'est pas sérieusement contesté que Madame Planque, si elle n'avait pas la moindre expérience d'une activité commerciale antérieure, avait pu prendre connaissance de ce marché local au cours des rencontres organisées entre les parties durant la période de quatre mois ayant précédé la signature du contrat de franchise;

Considérant qu'au surplus, l'intéressée n'ignorait pas qu'il existait déjà auparavant une franchise Jacadi à Châteauroux, située à environ une centaine de mètres du fonds de commerce choisi par elle, et ayant poursuivi son activité jusque dans le courant de l'année 2000;

Considérant que cette situation n'avait nullement été dissimulée par la société intimée, laquelle, dans son écrit daté du 2 janvier 2001, avait précisé que sa projection de chiffre d'affaires prévisionnel tenait compte, d'une part des chiffres d'affaires déjà réalisés à Châteauroux par Jacadi, d'autre part de la commercialité du local;

Considérant qu'aux termes de ce document, la société Jacadi a estimé le chiffre d'affaires prévisionnel à 1.350.000 FF (€ 205.806,17) pour la première année d'exploitation, à 1.400.000 FF (€ 213.428,62) pour la deuxième année, à 1.450.000 FF (€ 221.051,07) pour la troisième année et à 1.500.000 FF (€ 228.673,53) pour la quatrième année;

Considérant que ces projections chiffrées n'ont alors pas été combattues par Madame Planque, laquelle n'a, pour sa part, établi aucun compte d'exploitation prévisionnel de nature à lui permettre d'analyser, avec l'assistance d'un expert comptable, la faisabilité et la rentabilité économique de son projet;

Considérant qu'elles ne peuvent être qualifiées de non sérieuses ni pertinentes, puisqu'elles correspondent aux chiffres d'affaires réalisés par le magasin Jacadi de Châteauroux depuis 1991, sans qu'il puisse être valablement excipé des résultats sensiblement inférieurs obtenus en 1999 et 2000 par ce fonds de commerce, celui-ci ayant dû être fermé durant plusieurs mois par suite de travaux et de problèmes de santé du précédent gérant;

Considérant que la circonstance que Madame Planque ait, au cours de ses deux premières années d'activité, atteint seulement l'équivalent de 50% du chiffre d'affaires prévisionnel qui lui avait été annoncé par le franchiseur ne peut suffire à engager la responsabilité de ce dernier, lequel n'est pas tenu par une obligation de résultat dans l'établissement des prévisions d'activité de sa franchisée;

Considérant que ces projections d'activité, à les supposer particulièrement optimistes, ne peuvent davantage s'analyser en un manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'informations sincères et loyales, dans la mesure où elles sont en rapport avec le chiffre d'affaires moyen atteint en 2001 par les magasins Jacadi situés dans le sud-ouest de la France et ayant une superficie de 50 m², voisine de celle de la boutique exploitée à Châteauroux par Madame Planque;

Considérant que, de surcroît, il ne peut être sérieusement reproché à la société intimée de n'avoir pas tenu compte, pour l'établissement de ses estimations chiffrées, de la situation concurrentielle nouvelle engendrée par la création, postérieurement à la signature du contrat de franchise, de plusieurs boutiques pour enfants dans le centre ville et dans la périphérie immédiate;

Considérant que, ne revêt pas davantage un caractère erroné la référence par le franchiseur, dans son courrier du 2 janvier 2001, à une marge brute prévisible après soldes de 43%, alors que la marge commerciale se calcule sur un chiffre d'affaires hors taxes, et alors que le tableau des soldes intermédiaires de gestion se rapportant à l'exploitation de Madame Planque fait ressortir un taux de marge moyen, sur les exercices 2001, 2002 et 2003, d'environ 44%, donc supérieur à la prévision visée dans cet écrit;

Considérant que, par ailleurs, le contrat de franchise signé par les parties le 4 avril 2001 stipule que, préalablement à l'ouverture du point de vente, la société Jacadi a permis à Madame Planque de prendre connaissance du réseau, “notamment grâce à la possibilité offerte au franchisé de visiter un magasin-pilote ou tout magasin de son souhait...”, et que “le franchisé a donc été mis en mesure de constater la réalité du savoir-faire du franchiseur, dont il reconnaît l'originalité”;

Considérant qu'à cet égard, il s'infère d'un document intitulé “Planning de formation” que l'intéressée a, conformément aux énonciations du contrat de franchise, bénéficié d'une semaine de formation dans un établissement-pilote de Bordeaux, au cours de laquelle elle a pu être initiée aux techniques de vente, de marchandising et de flux de marchandises, ainsi qu'à la gestion de la caisse et à la gestion administrative d'un magasin;

Considérant qu'au surplus, il résulte d'une attestation établie par la responsable du point de vente d'Orléans, non démentie par des éléments de preuve contraires, qu'une formation d'implantation et de gestion informatique, une formation aux retours saison été 2001, une formation d'inventaire, ainsi que des visites sur place, ont été organisées en vue d'assurer à la nouvelle franchisée l'assistance commerciale et technique qui devait être mise à sa disposition après qu'elle eut commencé son exploitation;

Considérant qu'il s'ensuit que la société Jacadi, qui justifie avoir communiqué un compte prévisionnel d'exploitation sincère et loyal, et avoir satisfait à son obligation d'assistance et de formation tant avant qu'après l'ouverture du point de vente, n'a pas manqué à son obligation d'information précontractuelle, telle qu'édictée par l'article L 330-3 du Code de commerce et le décret du 4 avril 1991 et rappelée par le contrat de franchise liant les parties;

Considérant que, dès lors, Maître Bro-Rodde, ès-qualités, n'est pas fondée à se prévaloir d'une prétendue inexécution par la société Jacadi de son obligation légale d'information et de conseil, de nature à avoir vicié le consentement de Madame Planque pour erreur, voire pour réticence dolosive;

Considérant qu'il y a donc lieu, en infirmant le jugement déféré, de débouter l'appelante de ses demandes d'annulation du contrat de franchise et de restitution du droit d'entrée;

Considérant que cette dernière ne peut qu'être également déboutée de ses demandes de dommages-intérêts découlant de ladite annulation.

Sur la demande reconventionnelle de la société Jacadi

(...)

Par ces motifs

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par Maître Bro-Rodde, prise en sa qualité de mandataire liquidateur de Madame Emmanuelle Planque, le dit mal fondé;

Déclare bien fondé l'appel incident de la société Jacadi; infirme partiellement le jugement déféré, et statuant à nouveau:

Déboute Maître Bro-Rodde, ès-qualités, de ses demandes d'annulation du contrat de franchise, de dommages-intérêts et d'indemnité de procédure;

(...)