Cour de cassation 19 octobre 2007
VENTE
Obligations du vendeur - Délivrance - Vices cachés versus obligation de délivrance d'une chose conforme
Lorsque la chose vendue est affectée d'un vice caché, seule l'action en garantie des vices cachés est ouverte à l'acheteur, à l'exclusion de l'action fondée sur la méconnaissance de l'obligation de délivrance d'une chose conforme à la chose vendue.
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VERKOOP
Verplichtingen verkoper - Levering - Verborgen gebreken versus non-conformiteit van de levering
Wanneer een verkocht goed aangetast is door een verborgen gebrek, kan de koper zich enkel, binnen korte termijn, beroepen op de garantie wegens verborgen gebreken, en niet op de miskenning van de verplichting een zaak te leveren die conform is aan de verkochte zaak.
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Dexia Insurance SA / Renault Belgique Luxembourg SA et Établissements Enclin SA
Dexia Insurance SA / AGF Belgium Insurance SA
Siég.: Cl. Parmentier (président de section), D. Batselé, A. Fettweis, D. Plas et M. Regout (conseillers) |
M.P.: J.-M. Genicot (avocat général) |
Pl: Mes F. T'Kint et P. Van Ommeslaghe et C. Draps |
(...)
II. | Les moyens de cassation |
Dans la requête en cassation inscrite au rôle général sous le numéro C.04.0500.F, la demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées |
Articles 1101, 1108, 1126, 1184, 1246, 1582, 1603, 1604, 1606, 1641, 1642, 1643, 1644 et 1648 du Code civil.
Décisions et motifs critiqués |
L'arrêt attaqué qui réforme le jugement entrepris, dit l'action de la demanderesse, subrogée dans les droits de son assurée, basée sur la méconnaissance par les défenderesses de leur obligation de délivrance d'une chose conforme, non fondée, l'en déboute et la condamne aux frais et aux dépens des défenderesses dans les deux instances, aux motifs que la demanderesse mettant en cause “l'existence d'un défaut structurel, inhérent à la chose vendue et d'une gravité telle qu'elle empêche l'usage de la chose, ce qui est la définition du vice rédhibitoire aux termes de l'article 1641 du Code civil”,
“un vice intrinsèque n'est pas un défaut de conformité: 'il y a défaut de conformité quand la chose livrée n'est pas conforme aux prescriptions contractuelles. Il y a vice lorsque la chose livrée est atteinte d'un défaut qui nuit gravement à son usage' (...) lorsqu'il y a vice intrinsèque, il n'y a pas non plus erreur sur la substance (...); qu' 'il faut pour (r)établir l'égalité des plaideurs, offrir à tout acheteur se trouvant dans une situation identique ou analogue un seul et unique recours' (...) 'ou bien la chose est effectivement entachée d'un défaut structurel et on est dans le domaine de la garantie. Ou bien elle est en soi parfaite mais ne répond pas à l'usage prévu au contrat, il y a défaut de conformité caché et on est dans le domaine de la délivrance' (...). (...) si dans ce dernier cas, le recours ouvert à l'acheteur confronté à un de ces défauts de conformité cachés est controversé en doctrine et en jurisprudence, la Cour de cassation les appréhendant pour sa part comme des vices cachés fonctionnels relevant du domaine de la garantie, il n'y a en revanche aucune discussion possible pour les vices intrinsèques qui relèvent exclusivement de l'action en garantie (...); qu'en l'occurrence, (la demanderesse) prétend à l'existence d'un défaut structurel du moteur rendant le véhicule totalement impropre à l'usage normal auquel il était destiné; qu'elle ne conteste pas que, sans ce vice, le véhicule aurait comme tous les autres véhicules sortis de la même chaîne de fabrication parfaitement correspondu aux stipulations contractuellement prévues et attendues de son assurée; qu'alors que seule l'action en garantie des vices cachés pouvait dès lors être exercée, (la demanderesse) ne peut prétendre, à la seule fin d'échapper au couperet de l'exception de tardiveté qu'on n'a pas manqué de lui opposer à juste titre, fonder son recours sur l'obligation de délivrance qui, en toute hypothèse, est étrangère aux vices cachés intrinsèques”.
Griefs |
Selon l'article 1126 du Code civil, “tout contrat a pour objet une chose qu'une partie s'oblige à donner, ou qu'une partie s'oblige à faire ou à ne pas faire”, cette disposition étant une application particulière de l'article 1101 du même code, son article 1108 subordonnant la validité de n'importe quelle convention, notamment, à l'existence d'“un objet certain qui forme la matière de l'engagement”.
Dans toute convention synallagmatique, dont la vente n'est qu'une espèce particulière, “la condition résolutoire”, dit l'article 1184 du Code civil, qui constitue le droit commun en la matière, “est toujours sous-entendue, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement”; et, ajoute l'alinéa 2 de cette disposition, “dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ou d'en demander la résolution avec des dommages et intérêts”. Et, en vertu du troisième alinéa de cet article, le juge saisi de la demande dispose du pouvoir d'apprécier si la gravité du manquement reproché au débiteur de l'obligation justifie la sanction que le demandeur l'invite à appliquer. La condition résolutoire tacite de l'article 1184 ne saurait être exclue que, soit dans l'hypothèse où elle a été contractuellement remplacée par une condition résolutoire expresse plus sévère, sauf dans les cas où la loi interdit celle-ci, soit si la loi elle-même lui substitue expressément une autre sanction que le législateur a estimée plus adéquate à telle ou telle manière qu'il a déterminée: mais, alors, seul un texte formel, précis et d'application restrictive autorise de considérer que l'action en résolution ou en dommages-intérêts de droit commun est rendue inapplicable dans la matière expressément visée par la loi.
Aucune disposition particulière applicable au contrat de vente n'exclut l'application à ce type de convention de l'article 1184 du Code civil, bien au contraire.
La vente est, selon l'article 1582 du Code civil, la convention par laquelle une partie s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer. L'obligation de livrer la chose comporte le devoir de la délivrer et celui de garantir l'acheteur, tant en cas d'éviction qu'en ce qui concerne les défauts cachés de la chose vendue.
Tandis que l'obligation de délivrance qui impose au vendeur de livrer une chose parfaitement conforme à la chose vendue est soumise, en cas d'inexécution, au droit commun régi par l'article 1184 du Code civil, l'action rédhibitoire ou estimatoire, fondée sur l'existence d'un vice caché est gouvernée par les articles 1641 et suivants du Code civil, l'action résolutoire ou en dommages-intérêts en cas de manquement à l'obligation de livrer une chose conforme à la chose vendue n'étant pas exclue, même lorsque le défaut de conformité constitue un vice de la chose, fût-il grave, en raison du fait que l'acheteur est en droit de mettre en oeuvre la garantie des vices, ni l'article 1641, ni les articles 1642 à 1644 du Code civil ne prévoyant une telle exclusion.
En vertu de son obligation de délivrance, le vendeur doit mettre à la disposition de l'acheteur une chose conforme à la chose vendue; cette obligation, de résultat, emporte le devoir de livrer une chose qui n'est pas affectée de défauts de conformité occultes, lesquels ne sauraient être couverts par la réception et l'agréation de la chose, seule l'agréation pouvant avoir pour effet de priver l'acheteur de tout recours contre le vendeur du chef de non-conformité apparente de la chose livrée par rapport à la chose vendue.
L'obligation de délivrance impose au vendeur de mettre à la disposition de l'acquéreur une chose qui correspond en tous points aux buts recherchés par ce dernier, que ce soit au point de vue identité ou quantité, mais aussi qualité, ainsi qu'il se déduit également de l'article 1246 du Code civil, qui impose au débiteur qui doit livrer une chose, de la donner de bonne qualité.
Il s'en déduit que si le vendeur livre une chose qui est affectée d'un vice, il manque à son obligation de délivrance; si ce vice est caché, l'acheteur a donc le choix soit d'agir contre le vendeur conformément au droit commun de l'article 1184 du Code civil en invoquant le défaut de conformité, l'agréation n'emportant pas couverture de ce défaut et étant seule à pouvoir le priver éventuellement de ce recours, qui n'est pas soumis aux règles des articles 1644 et suivants du Code civil.
Il lui est aussi loisible de mettre en oeuvre la garantie des vices cachés par le biais de l'action rédhibitoire ou de l'action estimatoire.
La réception et l'agréation de la chose livrée est sans aucune incidence sur le droit qu'a l'acheteur d'invoquer, dans le cadre de l'action du chef de défaut de conformité, l'existence d'un vice caché, cette action n'étant pas exclue par l'action en garantie des vices dont dispose, en outre, l'acheteur, peu important à cet égard que la chose livrée soit affectée d'un défaut intrinsèque ou d'un défaut fonctionnel, la loi n'établissant aucune différence, ni en ce qui concerne l'obligation de délivrance d'une chose conforme et sa sanction, à savoir la condition résolutoire tacite, ni en ce qui concerne la garantie des vices cachés, que le défaut soit inhérent à la chose ou que, sans affecter intrinsèquement la chose, il la rende impropre à l'usage auquel, à la connaissance du vendeur, l'acheteur la destine.
D'où il suit qu'en décidant, par les motifs rappelés au moyen, que la demanderesse ne pouvait exercer, à l'encontre des défenderesses, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits et actions de l'acheteur, l'action de droit commun en résolution de la vente avec dommages-intérêts, dès lors qu'elle invoquait l'existence d'un vice caché intrinsèque du véhicule litigieux et ne pouvait agir à l'encontre des vendeurs qu'en vertu de la garantie des vices cachés, celle-ci excluant toute action fondée sur la méconnaissance de l'obligation de délivrance d'un objet conforme, qui est étrangère aux vices cachés intrinsèques, l'arrêt viole toutes les dispositions visées au moyen.
Dans la requête en cassation inscrite au rôle général sous le numéro C.05.0403.F dont l'extrait est joint au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. | La décision de la Cour |
Les pourvois sont dirigés contre le même arrêt.
Il y a lieu de les joindre.
A. | Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le n° C.04.0500.F: |
Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rend impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Le vice caché est celui que l'acheteur n'a pu ou n'a dû pouvoir déceler lors de la livraison.
L'arrêt constate qu'après un certain usage, le moteur du véhicule de l'assuré de la demanderesse a pris feu et le véhicule a été totalement détruit et que le moteur était affecté d'un vice caché.
Il considère que “alors que seule l'action en garantie des vices cachés pouvait dès lors être exercée, [la demanderesse] ne peut prétendre, à la seule fin d'échapper au couperet de l'exception de tardiveté qu'on n'a pas manqué de lui opposer à juste titre, fonder son recours sur l'obligation de délivrance”.
En décidant, sur la base de ces considérations, que, lorsque la chose vendue est affectée d'un vice caché, seule l'action en garantie des vices cachés est ouverte à l'acheteur, à l'exclusion de l'action fondée sur la méconnaissance de l'obligation de délivrance d'une chose conforme à la chose vendue, l'arrêt fait une exacte application des dispositions légales visées au moyen.
Le moyen ne peut être accueilli.
B. | Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le n° C.05.0403.F: |
(...)
Par ces motifs,
La Cour
Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.04.0500.F et C.05.0403.F;
Rejette les pourvois;
Condamne la demanderesse aux dépens.
(...)