Article

Tribunal de première instance Bruxelles, 26/05/2006, R.D.C.-T.B.H., 2008/1, p. 33-38

Tribunal de première instance de Bruxelles 26 mai 2006

BANQUE ET CRÉDIT
Compte en banque - Unicité de compte
La volonté de considérer les différents comptes qui existent entre les parties comme ne formant les subdivisions d'un compte unique, n'est pas infirmée par le fait que les parties ont (implicitement) convenu que les intérêts ne seront calculés sur la position globale de ce compte unique, mais (en l'attente de leur fusion matérielle) sur les soldes de ses subdivisions.
CRÉDIT À LA CONSOMMATION
Définition et champ d'application - Solde débiteur auprès d'une société de bourse
Ne peut être considéré comme un crédit régi par la loi relative au crédit à la consommation, le solde débiteur du compte espèces, ouvert par un client auprès de sa société de bourse, lorsqu'il résulte des faits de la cause que la société n'a jamais eu la volonté, même tacitement, de lui conférer un crédit et lorsque ce solde s'est maintenu à l'encontre de sa volonté.
BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankrekening - Eenheid van rekening
De wil om de verscheidene tussen partijen bestaande rekeningen als onderdelen van een enkele rekening te zien, wordt niet afgezwakt door het feit dat de partijen (impliciet) hebben bedongen dat de interesten niet op de globale positie van die enige rekening-courant zullen worden berekend, maar (in afwachting van hun materiële samenvoeging) op de saldi van de onderdelen ervan.
CONSUMENTENKREDIET
Definitie en toepassingsgebied - Debet bij een beursvennootschap
Kan niet beschouwd worden als een aan de wet op het consumentenkrediet onderworpen krediet: het debetsaldo van een geldrekening die door een cliënt bij een beursvennootschap werd geopend, indien uit de omstandigheden van de zaak blijkt dat de beursvennootschap nooit de bedoeling heeft gehad om - zelfs stilzwijgend - een krediet aan de cliënt te verlenen en indien dit debetsaldo tegen haar wil is blijven bestaan.

Spiegel / SA Havaux

Siég: P. Collignon (président), J. Coumans et V. Dumont (juges)
Pl.: Mes F. de Patoul et J.-P. Buyle
I. Objet de l'action originaire et de l'appel

L'action originaire mue par Monsieur Spiegel avait pour objet la condamnation de la SA Havaux à lui restituer sur son compte portefeuille, les valeurs mobilières qui s'y trouvaient inscrites le 9 mars 2000 et la condamnation de la SA Havaux à lui payer la somme de 5.080,05 euros à majorer des intérêts au taux de 10% depuis le 9 mars 2000 ainsi qu'une somme correspondant à la totalité des coupons relatifs aux valeurs se trouvant en portefeuille au 9 mars 2000 et venus à échéance entre le 9 mars 2000 et la date de la restitution des valeurs en compte.

La SA Havaux concluait au non-fondement de cette demande et formait une demande reconventionnelle aux fins d'obtenir la condamnation de Monsieur Spiegel à lui payer la somme de 3.957,85 euros, à majorer des intérêts moratoires au taux de 10% l'an à dater du 12 juillet 2002.

Le premier juge a déclaré la demande principale recevable mais non fondée et la demande reconventionnelle recevable et fondée.

Monsieur Spiegel interjette un appel tendant à entendre déclarer sa demande originaire recevable et fondée, et en conséquence, entendre condamner la SA Havaux:

- à lui restituer, auprès de l'intermédiaire en opérations de bourse que ce dernier lui indiquera et dans les quinze jours de la communication de ce renseignement, les valeurs mobilières qui se trouvaient inscrites le 9 mars 2000 sur le dossier titre de Monsieur Spiegel chez la SA Havaux, soit:

- 15 actions ALCATEL

- 15 actions ALTRAN

- 290 actions LAURUS

- 120 actions AT HOME

- 75 actions UCB

- 60 actions LUCENT

- 70 actions QLOGIC

- 90 actions MCI WORLDCOM

- 70 actions ORACLE

ou au choix de Monsieur Spiegel, à payer à ce dernier la contre-valeur desdites valeurs calculées au cours de bourse moyen de la quinzième journée de cotation suivant le prononcé du jugement à intervenir;

La SA Havaux conclut à l'irrecevabilité et au non fondement de l'appel et demande la confirmation du jugement a quo.

À titre subsidiaire, si le tribunal devait estimer qu'il y a eu un crédit soumis à la loi du 12 juin 1991, elle sollicite que la demande de restitution des valeurs mobilières qui se trouvaient inscrites le 9 mars 2000 sur le dossier titres de Monsieur Spiegel chez la SA Havaux, ou leur contre-valeur, soit rejetée.

À titre subsidiaire encore, elle observe que le taux de 10% appliqué par Monsieur Spiegel ne peut être admis dans la mesure où l'article 88 de la loi du 12 juin 1991 impose le taux d'intérêt légal.

L'appel interjeté par Monsieur Spiegel est régulier en la forme.

II. Les faits

Le 7 juillet 1998, Monsieur Spiegel signe une convention d'ouverture de compte avec la société de bourse Mignon Hanart Declerck.

Par convention du 28 avril 1999, la société de bourse Mignon Hanart Declerck cède ses activités à la SA Havaux. L'opération, faite sous le contrôle de la Commission bancaire et financière, fait l'objet d'une publication au Moniteur belge du 23 juillet 1999.

Le 9 mars 2000, le solde du compte espèces (euros et USD) ouvert par Monsieur Spiegel auprès de la SA Havaux est débiteur de 2.727,68 EUR.

Le 21 septembre 2000, Monsieur Spiegel transmet à la SA Havaux un ordre de vente de 400 titres FEP limité à 12 USD. L'opération est confirmée par bordereau du 25 septembre 2000, au cours de 11,81 USD, le compte de Monsieur Spiegel étant crédité de 4.625,15 USD.

Le 28 septembre 2000, Monsieur Spiegel achète 200 actions Lernout & Hauspie au cours de 13,7 USD, son compte étant débité d'un montant de 2.776,46 USD.

Le 12 octobre 2000, la SA Havaux adresse à Monsieur Spiegel un bordereau rectificatif annulant la vente des 400 titres FEP. Le compte titres de Monsieur Spiegel est crédité de 400 titres FEP et son compte espèce est débité de 5.517,17 EUR (correspondant à la contre-valeur de 4.625,15 USD).

Le 11 janvier 2001, la SA Havaux crédite le compte de Monsieur Spiegel de la somme de 110,59 USD correspondant à l' “annulation des intérêts débiteurs sur 4.600 USD comme promis au client”.

Le 9 août 2001, elle adresse à Monsieur Spiegel un courrier lui signalant que “le compte référencé sous rubrique, dont vous êtes titulaire auprès de notre société, présente depuis plus d'un mois un solde débiteur en espèces qui s'élève à ce jour à 469.677 FB. Pouvons-nous vous inviter à procéder à un versement du montant précité afin de régulariser la situation”.

Le 16 octobre 2001, la SA Havaux adresse un rappel à Monsieur Spiegel.

Par courrier recommandé du 20 novembre 2001, elle l'invite à apurer sa dette et l'informe que “sans réaction de votre part, nous nous verrons contraints, en vertu de nos conditions générales, de procéder à la vente de vos actifs afin d'apurer le solde débiteur de votre compte”.

Le 29 novembre 2001, Monsieur Spiegel saisit l'ombudsman de l'Association belge desBbanques pour se plaindre de la faute commise par la SA Havaux à l'occasion de la vente des 400 titres FEP et de son annulation, et d'un manquement à son devoir d'information ou de conseil.

Le 2 mai 2002, le collège de médiation de l'Association belge des Banques déclare la plainte déposée par Monsieur Spiegel recevable mais non fondée.

Par courrier du 30 mai 2002, la SA Havaux demande à Monsieur Spiegel d'apurer le solde débiteur.

Le 5 juin 2002, Monsieur Spiegel annonce à la SA Havaux qu'il conteste l'avis de l'ombudsman. Il lui indique qu'il estime qu'elle lui a consenti un crédit, soumis aux dispositions de la loi du 12 juin 1991 et lui reproche trois fautes:

- une violation de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation;

- un manquement aux devoirs d'information et de conseil à l'occasion du crédit consenti;

- une faute dans l'exécution de certains ordres de paiement.

Il considère dès lors que la SA Havaux ne peut postuler le remboursement du solde débiteur de son compte et demande que le dossier soit clôturé.

Le conseil de la SA Havaux conteste dans son courrier du 16 juillet 2002, les manquements relevés à charge de sa cliente, et conteste l'octroi à Monsieur Spiegel d'un crédit soumis à la loi du 12 juin 1991. Ce dernier est mis en demeure de rembourser dans les 10 jours, le solde débiteur de son compte s'élevant à la somme de 8.915 EUR, à majorer des intérêts de retard au taux de 10% l'an à dater du 12 juillet 2002.

Ces courriers sont suivis d'un échange de lettres officielles entre les conseils des parties, qui maintiennent leurs positions.

Le 10 octobre 2002, la SA Havaux procède à la vente des titres du portefeuille de Monsieur Spiegel.

La citation introductive d'instance formée par Monsieur Spiegel devant le juge de paix du canton d'Etterbeek est signifiée le 25 octobre 2002.

Le 22 janvier 2003, le conseil de Monsieur Spiegel écrit au conseil de la SA Havaux:

“Monsieur Spiegel s'est présenté à mon cabinet ce 10 janvier alors qu'il venait de recevoir un document intitulé 'aperçu du portefeuille 6787373786-61, situation au 31 décembre 2002'.

Ce document daté du 31 décembre 2002 ne lui est parvenu que le 10 janvier.

À la lecture de ce document, Monsieur Spiegel a constaté qu'entre le 1er octobre 2002 et le 31 décembre 2002, la SA Havaux avait réalisé un ensemble de valeurs pour un montant ignoré à une date inconnue.

Ces réalisations ont été faites sans aucune instruction de Monsieur Spiegel. Le cours auquel ces valeurs ont été réalisées et le produit de réalisation sont inconnus à ce jour. Mon client me signale qu'il ne reçoit plus depuis plusieurs mois les extraits de son compte.

Je me vois dans l'obligation par la présente d'inviter et au besoin de mettre en demeure votre client de me communiquer l'ensemble des mouvements opérés sur le compte de Monsieur Spiegel depuis l'envoi du dernier extrait de compte.

Par ailleurs, Monsieur Spiegel formule les plus expresses réserves sur les mouvements qui ont été opérés sur son compte d'initiative et sans respecter les dispositions contractuelles alors que par ailleurs, les valeurs se trouvaient au plus bas de leur cours boursier.”

Le 6 février 2004, le juge de paix du canton d'Etterbeek déclare la demande de Monsieur Spiegel recevable mais non fondée et le condamne à payer à la SA Havaux la somme de 3.957,85 EUR, à majorer des intérêts au taux de 10% l'an à dater du 12 juillet 2002.

La somme de 4.958,14 EUR est cantonnée sur un compte ouvert au nom des conseils des parties auprès de la banque ING.

III. Discussion
1. Quant au solde débiteur et la clause d'unicité de compte

1.1. Monsieur Spiegel soutient que le solde de son compte en espèces était débiteur dès le 9 mars 2000. Il aurait été, pour la première fois, invité à ramener les comptes en positif le 9 août 2001. Il en déduit que la SA Havaux l'a autorisé, pendant 17 mois, à acheter des valeurs boursières alors qu'il ne disposait pas de la couverture nécessaire.

La SA Havaux conteste avoir autorisé Monsieur Spiegel à disposer de liquidités supérieures à ses actifs propres pendant 17 mois.

Elle prétend qu'en vertu de la clause d'unicité de compte prévue au contrat d'ouverture de compte, Monsieur Spiegel détenait sous son compte financier n° 02/7525/74, un portefeuille titres et deux comptes en espèces (en EUR et en USD), qui ne sont devenus débiteurs, globalement, qu'en juillet 2002.

1.2. Il est loisible aux parties de convenir que les différents comptes qui existent entre elles ne forment que les subdivisions d'un compte unique, avec pour conséquence que seule la position globale du client sera prise en considération, notamment pour le calcul des intérêts créditeurs ou débiteurs (Gavalda et Stoufflet, Droit bancaire, Litec, 5e éd., nos 353 à 355).

1.3. L'article 1 du contrat d'ouverture de compte précise que:

“Le titulaire convient, avec la Société de Bourse qui accepte, d'ouvrir dans les livres de cette dernière, sous le n° 02/7525/74 et la dénomination 'idem' un compte financier où seront portés les débits et les crédits en espèces, tant en devises étrangères qu'en francs belges, au comptant ou à terme, résultant de toutes les opérations que la Société de Bourse exécutera pour le compte du titulaire sous lesdites références.”

L'article 2 prévoit que:

“Sous les mêmes numéro et dénomination est ouvert, pour l'enregistrement des transactions sur titres, un dossier sous lequel seront déposés ou prélevés, suivant le cas, les titres et autres valeurs faisant l'objet des acquisitions, cessions, dépôts ou retraits effectués pour le compte du titulaire.”

L'article 3 indique:

“En fonction du solde du compte, la Société de Bourse peut, à son choix et à tout moment, différer l'exécution de nouvelles transactions données par le titulaire si elle estime que ces transactions sont de nature à compromettre la solvabilité du compte. Au cas où le compte susdit présente un solde débiteur, la Société de Bourse peut appliquer des intérêts débiteurs, aux conditions du marché.

Les divers comptes éventuellement détenus par le client forment les éléments d'un compte unique. Après avis, la Société de Bourse peut effectuer des transferts d'un compte présentant un solde créditeur à un compte présentant un solde débiteur.

Ne sont pas englobés dans le compte unique visé ci-dessus, les comptes qui doivent conserver une individualité propre en vertu de dispositions légales ou d'un accord spécial entre la Société de Bourse et le titulaire.”

Il ressort de ces articles que les parties sont convenues d'une clause d'unicité de tous les comptes (espèces et titres) qui existeront entre elles.

En effet, après avoir précisé en son article 1, que sous le numéro 02/7525/74 sera ouvert un compte financier et en son article 2, que sous ce même numéro est ouvert un dossier titres, la convention précise en son article 3, que les divers comptes détenus par le client forment les éléments d'un compte unique, et définit les comptes qui ne sont pas englobés dans ce compte, sans y distinguer le compte titres des comptes espèces.

Les parties sont par ailleurs convenues d'une clause de compensation entre les comptes, la société de bourse pouvant effectuer des transferts d'un compte présentant un solde créditeur à un compte présentant un solde débiteur. De même, en vertu de l'article 4 de la convention, le titulaire déclare affecter en garantie de ses créances dans le compte espèces, les valeurs mobilières qui sont ou seront déposées sur son compte titres, de sorte que les comptes espèces et titres sont liés.

Enfin, conformément à l'article 6 de la convention, “dans l'hypothèse où les avoirs susmentionnés sont insuffisants pour couvrir la position du titulaire et/ou au cas où le client n'a pas remis ou complété la couverture nécessaire dans un délai déterminé par la Société de bourse”, celle-ci peut procéder à la liquidation du portefeuille titres du titulaire.

Il résulte de la combinaison de ces différentes clauses que la volonté des parties n'est pas d'assurer à leurs différents comptes, une individualité propre et un fonctionnement indépendant l'un de l'autre.

Aucun élément de fait ne vient infirmer cette volonté d'unité entre tous les comptes existants entre parties.

Monsieur Spiegel est donc titulaire d'un compte n° 02/7525/74 composé de deux comptes en espèces et d'un compte titres, dont la position globale doit être prise en considération.

La position globale de Monsieur Spiegel étant restée positive jusqu'au mois de juillet 2002, la SA Havaux ne l'a dès lors pas autorisé, pendant 17 mois, a acheter des valeurs boursières alors qu'il ne disposait pas de la couverture nécessaire.

Monsieur Spiegel indique que si son portefeuille devait être apprécié globalement, aucun intérêt débiteur n'aurait pu être calculé tant que sa position restait positive.

L'article 3 de convention prévoit que la Société de Bourse peut effectuer des transferts d'un compte présentant un solde créditeur à un compte présentant un solde débiteur et dans la mesure où elle n'exerce pas cette possibilité, l'alinéa 1 de ce même article prévoit qu'elle peut, au cas où un compte présente un solde débiteur, appliquer des intérêts débiteurs aux conditions du marché.

2. Quant à l'existence d'un contrat de crédit régi par la loi du 12 juin 1991

2.1. Les parties ont conclu, en date du 7 juillet 1998, une convention d'ouverture de compte qui prévoit l'ouverture d'un compte financier sur lequel seront portés les débits et crédits des opérations boursières exécutées pour le compte du titulaire (soit l'achat et la vente des titres déposés ou prélevés du compte titres).

Monsieur Spiegel soutient que la SA Havaux lui a consenti un crédit en lui permettant, pendant plus de 17 mois, d'investir dans des valeurs boursières alors que son compte espèces présentait un solde débiteur et qu'il ne disposait pas des avoirs suffisants pour faire face à ces opérations.

Ce crédit rentre, selon lui, dans le champ d'application de la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation, dont le prescrit n'a pas été respecté en l'espèce par la SA Havaux.

La SA Havaux soutient qu'elle a toléré que les comptes espèces en EUR et USD soient débiteurs compte tenu de la position globale positive du compte espèces et titres. Elle n'a, à son estime, consenti aucun crédit au sens de la loi du 12 juin 1991 et prétend qu'elle s'est opposée à la situation débitrice de son client ainsi qu'à son maintien.

2.2. Un solde débiteur peut résulter de simples tolérances d'un organisme financier, sans conférer à son bénéficiaire un droit contractuel à leur maintien ou à leur renouvellement.

Les découverts tolérés par un prêteur seront soumis à la loi du 12 juin 1991 (sauf à rentrer dans l'une des exceptions prévues à l'art. 3 de cette même loi), lorsque l'accord du banquier n'est pas contesté (F. Domont-Naert, Le crédit à la consommation, CUP, 2005, p. 123).

C'est donc de l'existence ou non de la volonté tacite du banquier d'octroyer un crédit qui dépend l'application de la loi du 12 juin 1991. “C'est finalement au juge qu'il appartiendra de décider a posteriori si une facilité de caisse constitue ou non un crédit tacite et si les nombreuses obligations imposées au prêteur par la loi relative au crédit à la consommation auraient dû ou non être respectées.” (Biquet-Mathieu, “Les facilités de caisse octroyées aux consommateurs titulaires d'un compte à vue et la loi relative au crédit à la consommation”, Act. dr. 1993, p. 141).

2.3. Les éléments de fait relevés en l'espèce sont les suivants:

Le compte espèces détenu par Monsieur Spiegel est devenu débiteur au mois de mars 2000.

La SA Havaux lui adresse un avis d'intérêts débiteurs, trimestriellement à partir de mars 2000 et mensuellement à dater d'avril 2001.

Elle déclare avoir procédé, dès avril 2001, au blocage informatique et à la possibilité technique de procéder à des achats pour Monsieur Spiegel, en raison de la diminution constante de la valeur de son portefeuille et en l'absence d'apurement du solde débiteur de son compte espèces.

Les parties semblent avoir tenté de trouver une solution concernant l'apurement du solde débiteur, la SA Havaux restituant en juillet 2001, 553,61 EUR d'intérêts débiteurs pour 2001 suite à la vente par Monsieur Spiegel de quelques valeurs mobilières (cf. avis de l'Association belge des Banques du 2 mai 2002).

La SA Havaux demande à Monsieur Spiegel, par courrier du 9 août 2001, d'apurer le solde débiteur du compte espèces.

Le 20 novembre 2001, elle lui signale que sans réaction de sa part dans les 10 jours, elle fera application de l'article 6 de la convention et procédera à la liquidation de son portefeuille titres.

Il résulte de ce qui précède que la SA Havaux n'a jamais eu la volonté, même tacitement, de mettre des sommes à disposition de Monsieur Havaux et de lui conférer un crédit.

Dès que le solde du compte espèces est devenu débiteur, la SA Havaux lui a adressé un avis d'intérêts débiteurs et a par la suite tenté d'y faire obstacle par un blocage informatique et l'envoi de lettres de rappel.

Le solde débiteur du compte espèces s'est donc maintenu à l'encontre de la volonté de la SA Havaux et ne peut être considéré comme un crédit régi par la loi relative au crédit à la consommation.

3. Quant au respect du devoir de conseil

Monsieur Spiegel fait grief à la SA Havaux d'avoir manqué, en sa qualité de dispensateur de crédit, à son devoir d'information et à son devoir de conseil, qui lui incombaient en vertu de la loi du 12 juin 1991.

La SA Havaux n'ayant octroyé aucun crédit à Monsieur Spiegel au sens de la loi du 12 juin 1991, il ne peut lui être reproché de ne pas s'être conformé aux règles prévues par cette loi, notamment en matière de devoir de conseil et d'information.

La SA Havaux s'est conformée aux ordres donnés par son client, qui n'a par ailleurs jamais contesté les relevés trimestriels et autres bordereaux d'opérations qui lui étaient transmis.

En outre, comme le relève le collège de médiation de l'Association belge des Banques, la SA Havaux, dans sa revue des marchés de mars 2000, attirait l'attention des investisseurs sur les risques inhérents au secteur de la technologie et des télécoms. Monsieur Spiegel, “qui place son argent depuis ses 18 ans”, a choisi, à ses risques et périls, de suivre une voie différente.

Aucun manquement à son devoir d'information et de conseil ne peut lui être reproché.

4. Quant à la réalisation du portefeuille de Monsieur Spiegel

4.1. Monsieur Spiegel reproche à la SA Havaux d'avoir commis une faute en procédant, en date du 10 octobre 2002, d'autorité et sans avertissement préalable, à la réalisation de la totalité de son portefeuille. Il soutient que la SA Havaux ne pouvait réaliser ce portefeuille sur la base de l'A.R. du 9 juin 1995, dépourvu de tout fondement légal selon un avis rendu à une date non précisée par le Conseil d'État.

4.2. L'article 6 du contrat d'ouverture de crédit porte notamment que: “Dans l'hypothèse où les avoirs susmentionnés sont insuffisants pour couvrir la position du titulaire et/ou au cas où le client n'a pas remis ou complété la couverture nécessaire dans un délai déterminé par la Société de Bourse, celle-ci peut procéder à la liquidation, en tout ou en partie, des engagements, ceci aux frais et risque du titulaire.”

La SA Havaux était fondée, conformément au prescrit de cet article, à procéder à la réalisation des avoirs de Monsieur Spiegel, celui-ci n'ayant pas remis ou complété la couverture nécessaire dans le délai prévu.

Monsieur Spiegel ne peut en outre reprocher à la SA Havaux d'avoir procédé à cette liquidation d'autorité, dès lors qu'il a été informé par courrier recommandé du 20 novembre 2001 des intentions de la SA Havaux, qui lui précisait que“sans réaction de votre part, nous nous verrons contraints, en vertu de nos conditions générales, de procéder à la vente de vos actifs afin d'apurer le solde débiteur de votre compte”.

La SA Havaux indique qu'elle s'est abstenue de réaliser le portefeuille de Monsieur Spiegel à cette date, compte tenu de la plainte déposée par ce dernier, le 29 novembre 2001, auprès de l'Association belge des Banques. Néanmoins, elle lui a adressé, dès réception de l'avis de la commission, une nouvelle demande d'apurement de son débit. Monsieur Spiegel ne pouvait donc ignorer que la SA Havaux n'avait pas renoncé à procéder à la liquidation de son portefeuille à défaut de couverture suffisante.

En outre, la procédure simplifiée de réalisation du privilège est prévue par l'article 31 § 4 de la loi du 2 août 2002, ce qui rend l'avis du Conseil d'État inopportun.

La SA Havaux n'a donc commis aucune faute dans la réalisation des valeurs mobilières du portefeuille de Monsieur Spiegel.

4.3. À titre subsidiaire, Monsieur Spiegel soutient que la SA Havaux a commis une faute quant au choix du moment de la vente, les valeurs mobilières ayant été réalisées “aux pires conditions du marché”. Il sollicite la condamnation de la SA Havaux à lui restituer la contre-valeur des titres réalisés, calculée au cours moyen de la quinzième journée suivant le prononcé du jugement à intervenir sous déduction du produit des ventes déjà réalisées.

Il y a lieu de relever que Monsieur Spiegel, malgré les demandes de la SA Havaux, n'a pas complété sa couverture par des liquidités, ce qui a conduit la SA Havaux à procéder à la réalisation de son portefeuille.

Pour déterminer que la vente est intervenue à un moment où les valeurs boursières étaient au plus bas, Monsieur Spiegel se base sur le cours au 15 juillet 2003, sans fournir d'explication sur la date de référence qu'il a retenue.

L'article 6 de la convention d'ouverture de compte précise que la liquidation, en tout ou en partie des engagements, se fait“aux frais et risque du titulaire”.

La SA Havaux n'a dès lors commis aucune faute en réalisant la vente du portefeuille en date du 10 octobre 2002.

5. Quant à la demande reconventionnelle

La SA Havaux réclame le paiement par Monsieur Spiegel du solde débiteur de son compte espèces, soit la somme de 3.957,85 EUR, à majorer des intérêts moratoires au taux de 10% l'an à dater du 12 juillet 2002.

Eu égard aux motifs développés précédemment, Monsieur Spiegel est redevable de ce montant.

6. Quant à la compétence du premier juge

Les parties n'étant pas liées par un crédit régi par la loi du 12 juin 1991, le premier juge s'est à tort déclaré compétent pour connaître de la demande qui ne relevait pas de sa compétence spéciale telle qu'elle est définie à l'article 591, 21° du Code judiciaire, mais relevait de la compétence générale du tribunal de première instance visée à l'article 568 du même code.

Par conséquent, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce que le premier juge s'est déclaré compétent et, par application de l'article 1070 du code, de statuer à charge d'appel, par voie de disposition nouvelle.

Par ces motifs,

Le tribunal,

Déclare l'appel principal recevable;

Dit que le juge de paix était incompétent pour connaître de la cause;

En conséquence;

Met à néant le jugement entrepris et, statuant par voie de disposition nouvelle et à charge d'appel,

Déclare la demande principale recevable mais non fondée;

Déclare la demande reconventionnelle recevable et fondée;

Condamne Monsieur Spiegel à payer à la SA Havaux la somme de 3.957,85 EUR, à majorer des intérêts moratoires au taux de 10% l'an à dater du 12 juillet 2002;