Article

Les Règles et Usances Uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires irrévocables, version 2007 – (RUU 600), R.D.C.-T.B.H., 2008/1, p. 3-17

Les Règles et Usances Uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires irrévocables, version 2007 - (RUU 600)

Martine Delierneux [1]

TABLE DES MATIERES

I. Les RUU 600, contexte, force obligatoire et champ d'application 1. Contexte général

2. Force obligatoire des RUU

3. Champ d'application des RUU

II. La nouvelle version des RUU 1. Mise à jour par rapport à la pratique et aux dérives parfois observées 1.1. L'irrévocabilité des crédits documentaires

1.2. L'examen des documents

1.3. L'évolution des technologies

2. Restructuration des Règles, allègement, suppression des redondances

3. Clarification du rôle des banques intervenant en diverses qualités

4. Les différents modes de réalisation du crédit documentaire

5. Points d'attention juridiques 5.1. L'abstraction du crédit documentaire

5.2. Les problèmes posés par les différés de paiement 5.2.a. Le risque d'avoir à effectuer un double paiement

5.2.b. Le risque de fraude

5.2.c. La découverte d'une fraude entre l'avance consentie et l'échéance du crédit

5.2.d. Les modifications introduites dans les RUU 600

III. Conclusion

RESUME
Depuis 1933 les usages relatifs aux crédits documentaires sont codifiés par la Chambre de Commerce Internationale.
La dernière révision des Règles et Usances Uniformes relatives aux crédits documentaires (RUU 600) est entrée en vigueur le 1er juillet 2007.
Après avoir rappelé brièvement la force obligatoire des RUU et circonscrit leur champ d'application, la présente étude passe en revue les principales modifications introduites dans les RUU 600.
L'essentiel de ces modifications consiste en une mise à jour par rapport aux évolutions de la pratique bancaire internationale, une restructuration des règles et une redéfinition des concepts de base. Le rôle des banques intervenantes et les différents modes de réalisation des crédits documentaires sont par ailleurs précisés.
Plus fondamentalement, les RUU 600 tentent de rencontrer les problèmes soulevés par les avances consenties dans le cadre des crédits documentaires à paiement différé. L'étude met plus particulièrement en exergue les enjeux de cette problématique et les controverses que soulèvent les nouvelles dispositions des règles dans la mesure où elles semblent vouloir infléchir la jurisprudence dominante en cas de fraude découverte entre l'avance consentie sur un crédit documentaire et l'échéance de celui-ci.
SAMENVATTING
Sinds 1933 zijn de gebruiken in verband met documentaire kredieten gecodificeerd door de Internationale Kamer van Koophandel.
De laatste versie van de Uniforme Regelen en Usances voor Documentaire Kredieten - (UCP 600) is op 1 juli 2007 in werking getreden.
Na een korte herinnering van de bindende kracht van de UCP en na hun toepassingsgebied te hebben bepaald, geeft deze studie een overzicht van de voornaamste wijzigingen die in de UCP 600 ingebracht werden.
De essentie van die wijzigingen bestaat in een modernisering met betrekking tot de ontwikkelingen van de internationale bankpraktijk, een herstructurering van de regelen en een herdefiniëring van de basisconcepten. De rol van de verschillende tussenkomende banken en de verschillende uitvoeringsvormen van documentaire kredieten zijn anderzijds gepreciseerd.
Meer fundamenteel proberen de UCP 600 de problemen in verband met voorschotten gegeven op documentaire kredieten met uitgestelde betaling op te lossen. De studie zet het belang uiteen van deze problematiek en van de controverses die de nieuwe bepalingen in het leven roepen, waar zij lijken de heersende rechtspraak te willen wijzigen betreffende het geval van fraude, ontdekt tussen het toegekende voorschot en de vervaldag van het documentaire krediet proberen te wijzigen.
I. Les RUU 600, contexte, force obligatoire et champ d'application
1. Contexte général

Le crédit documentaire irrévocable est l'engagement que prend un banquier de payer, un montant déterminé au bénéficiaire désigné dans sa lettre de crédit à la seule condition que soient présentés, pendant la durée de validité du crédit, des documents présentant une apparence formelle de conformité avec ceux énoncés dans la lettre de crédit et sans avoir égard par ailleurs, au déroulement effectif de l'opération commerciale sous-jacente [2].

Les crédits documentaires sont régulièrement utilisés comme instrument de paiement [3] dans les opérations de commerce international depuis plus de trois-quarts de siècle et ce dans tous les pays du monde.

Ils sont devenus au fil des ans une véritable institution qui présente la caractéristique d'être née spontanément des besoins de la pratique et d'être régie tant en ce qui concerne son principe que son fonctionnement “opérationnel” par les usages du commerce international auxquels les parties intéressées décident de se soumettre sans intervention des différents législateurs nationaux.

L'uniformisation des pratiques liées aux crédits documentaires a été grandement facilitée par les travaux de la Chambre de Commerce Internationale - CCI qui en a réalisé la codification.

Les premières Règles et Usances Uniformes (RUU) de la CCI [4] datent de 1933. Elles ont été, depuis, régulièrement mises à jour [5]. Elles sont aujourd'hui appliquées à la totalité des crédits documentaires émis de par le monde [6].

Cette reconnaissance universelle des RUU a enrichi les travaux de la CCI auxquels participent aujourd'hui des ressortissants d'un nombre toujours plus grand de pays. Ces travaux permettent ainsi de tendre vers une interprétation plus homogène des Règles et d'assurer leur adaptation à l'évolution de la pratique et des techniques des opérations bancaires internationales.

La CCI a adopté [7], en décembre 2006 une nouvelle version des “Uniform Customs and Practice for Documentary Credits” [8] - Les UCP/RUU 600 [9]. Cette nouvelle version des règles s'applique aux crédits documentaires émis à partir du 1 er juillet 2007 [10].

Même si la nouvelle version des règles ne contient pas de bouleversement juridique fondamental, elle fournit l'occasion de clarifier certains concepts. Quelques points nouveaux soulèvent par ailleurs des difficultés d'interprétation susceptibles de donner matière à contentieux dans les années à venir.

2. Force obligatoire des RUU

Avant d'aborder le contenu des nouvelles règles proprement dit, se pose tout d'abord la question de leur force obligatoire. Cette question a fait l'objet de certaines discussions en doctrine [11].

Les opposants à la reconnaissance des RUU en tant que règle de droit applicable même en dehors de toute adhésion par manifestation certaine de volonté des parties en cause soulignent notamment, l'absence de tout pouvoir normatif supranational reconnu à la Chambre de Commerce Internationale et le fait que lesdites règles n'ont fait l'objet d'aucune ratification de la part d'organismes officiels des différents pays concernés mais seulement d'adhésion par des associations bancaires voire des banques à titre particulier. Dès lors, si la soumission aux RUU des crédits émis par les banques adhérentes ne pose pas de difficulté, la force obligatoire - à tout le moins de certaines des règles - vis-à-vis des intervenants non bancaires (bénéficiaire ou donneur d'ordre) est selon cette partie de la doctrine, beaucoup moins évidente [12].

Les RUU quant à elles, semblent, au fil des différentes versions, hésiter à se prononcer elles-mêmes sur leur propre force contraignante: la version des Règles datant de 1974 prévoyait qu'elles s'appliquaient à tout crédit documentaire sauf s'il en était expressément convenu autrement. La version de 1983 constituait sur ce point un retour en arrière puisque l'application des Règles y était subordonnée à une référence expresse. La version de 1993 stipulait que les Règles s'appliquent à tous crédits documentaires dès lors qu'elles en font partie intégrante - ce qui n'était guère éclairant [13].

La version de 2007 revient à nouveau au texte de 1983 en prévoyant que les RUU 600 s'appliquent à tout crédit documentaire [14] dont le texte indique expressément qu'il est soumis auxdites règles - elles lient alors toutes les parties concernées sauf modification ou exclusion expressément indiquée dans le crédit [15].

En pratique, les banques prendront toujours la précaution de faire figurer une référence aux règles en vigueur dans l'accréditif ou dans la lettre de confirmation.

La volonté du donneur d'ordre de s'y soumettre résultera des instructions données par celui-ci à sa banque d'émettre le crédit documentaire - elle se manifestera le plus souvent par une référence expresse dans la demande d'émission du crédit.

Quant au bénéficiaire, dans la mesure où il ne peut exercer d'autres droits que ceux qui lui sont reconnus dans l'accréditif ou dans la lettre de confirmation, il sera tenu par la référence aux Règles contenue dans ces documents.

Si toutefois, par extraordinaire une référence expresse aux RUU venait à faire défaut, les partisans de leur force obligatoire en tant que coutume ayant force de loi, font valoir que celles-ci doivent être reconnues en tant que telles dans la mesure où elles suppléent utilement au vide juridique des droits nationaux et des traités existant et qu'elles constituent au minimum un usage supplétif, généralement suivi par les parties appartenant à un même secteur et applicable sauf stipulation contraire aux opérations liant ces parties [16].

Nées d'un catalogue privé de comportements ponctuels, les RUU ont au fil de révisions successives, permis en tout état de cause, la mise en évidence de principes suffisamment objectifs pour que l'on s'y réfère, indépendamment des circonstances d'espèce, de manière telle que l'on est passé insensiblement du simple usage à la coutume normative par “un élargissement progressif de la notoriété et de l'autorité de la norme considérée” [17].

Le fait même de la soumission systématique de tous les crédits documentaires aux RUU démontre mieux que tout raisonnement juridique, cette réalité.

En France, la Cour de cassation a dès 1981 [18], accueilli un moyen de cassation reposant sur la violation de l'article 3 des RUU au même titre que la violation de l'article 1134 du code civil [19].

3. Champ d'application des RUU

Par ailleurs il importe d'écarter tout malentendu: les RUU si elles fixent les principes - d'abstraction et de formalisme - qui sont à la base du mécanisme, en énumèrent les modes de réalisation, déterminent les rôles et responsabilités respectifs des banques intervenantes et arrêtent les normes applicables lors de l'examen des documents, ne règlent pas, loin s'en faut, toutes les questions juridiques qui peuvent se poser dans le cadre de l'émission ou la réalisation d'un crédit documentaire.

Ne sont pas réglées par exemple, les conséquences d'un usage abusif ou frauduleux du crédit, la saisissabilité de la créance née du crédit, la question de savoir si celui-ci peut être payé par compensation [20], ou si le banquier qui a payé le crédit documentaire peut être subrogé dans les droits qu'a le bénéficiaire vis-à-vis du donneur d'ordre dans le cadre du contrat commercial sous-jacent [21] ou encore l'application lors de l'exécution du crédit documentaire d'autres principes classiques du droit des obligations tels la monnaie de paiement, les intérêts moratoires, le paiement par cantonnement, etc. [22].

Les RUU sont par ailleurs muettes sur la question du droit applicable et celle des juridictions compétentes pour connaître des conflits éventuels [23].

La question du droit applicable est rarement réglée dans la lettre de crédit.

Les principes de droit international privé conduisent à l'application du droit de la banque ou, si celle-ci agit à l'intermédiaire de succursales établies dans un pays différent de celui du siège, au droit du pays d'établissement de la succursale [24]. Il convient de relever à cet égard, que lorsque le crédit est confirmé [25] dans un pays différent de celui d'émission, ce critère peut conduire à soumettre les rapports existant entre banque émettrice et confirmante [26] d'une part [27], entre banque confirmante et bénéficiaire d'autre part [28], à des droits différents, ce qui est logique compte tenu de l'indépendance juridique des engagements en cause mais ne va pas sans soulever des problèmes pratiques en cas de litige.

Les tribunaux compétents seront, à défaut de choix exprimé dans la lettre de crédit, déterminés sur base des règles de droit international privé et de procédure de l'état du for.

Il convient, ici, d'être particulièrement attentif au lieu d'exécution de la décision à intervenir: il ne sert à rien d'obtenir une décision judiciaire favorable dans un état déterminé si l'exécution de cette décision est impossible dans l'état sur le territoire duquel sont situés les biens du débiteur sur lesquels pourrait porter cette exécution.

On songe bien évidemment en premier lieu, à l'état du domicile ou de résidence du débiteur [29].

Si les biens du débiteur dont le créancier souhaite s'approprier le produit de réalisation se situent sur le territoire d'un état étranger autre que celui du débiteur, l'exécution forcée sur lesdits biens se heurtera par ailleurs également à l'application normale du droit et des procédures du pays en question [30].

La CCI propose aux parties intéressées d'une part un système d'arbitrage [31], d'autre part la possibilité de soumettre une éventuelle contestation à un avis d'experts [32] lequel avis sera confidentiel ou non et liera ou non les parties au litige suivant la volonté commune de celles-ci.

Le recours à l'une comme à l'autre de ces procédures suppose toutefois un accord préalable des parties au litige. Contrairement à ce que l'on croit parfois, la CCI n'est pas un tribunal international et ne dispose d'aucun moyen contraignant. En cas de refus d'exécution spontanée, la décision arbitrale intervenue devra être rendue exécutoire selon les règles en vigueur dans l'état où l'exécution en est demandée [33]. Quant à l'avis d'expert, il pourra tout au plus [34] être utilisé - à défaut pour la partie défaillante de s'y soumettre volontairement - pour étayer une procédure devant les tribunaux normalement compétents.

Enfin, il convient de relever ici que le juge des référés dispose en Belgique d'une compétence générale pour statuer en cas d'urgence sur toute mesure provisoire sollicitée dans le déroulement d'un crédit documentaire et ce nonobstant le fait que ce sont normalement des juridictions étrangères qui sont compétentes, en vertu des règles de conflit ou du choix exprimé par les parties [35]. Encore faudra-t-il cependant que la décision rendue, le cas échéant par le juge des référés soit exécutoire dans l'état où se situe la partie visée par la décision.

II. La nouvelle version des RUU

La version 2007 des Règles et Usances relatives aux Crédits documentaires contient essentiellement des modifications formelles par rapport à la version antérieure, sans y apporter de bouleversement majeur.

Nous reviendrons ci-après sur les points d'attention juridique que renferment les RUU 600.

Les modifications formelles visent essentiellement à une mise à jour par rapport à la pratique et aux dérives parfois observées, à un allègement des règles et à une clarification de certaines notions.

1. Mise à jour par rapport à la pratique et aux dérives parfois observées
1.1. L'irrévocabilité des crédits documentaires

Les versions antérieures des RUU prévoyaient la possibilité d'émettre des crédits documentaires irrévocables ou révocables [36]. Cette dernière possibilité n'étant, à notre connaissance, jamais utilisée en pratique.

Les RUU 600 suppriment cette possibilité et définissent dans l'article 2 le crédit documentaire comme un engagement irrévocable. L'article 3 stipule en outre qu'un crédit est irrévocable même si aucune précision n'est apportée à cet effet dans la lettre de crédit. Il est certes toujours possible de déroger aux Règles sur ce point comme sur d'autres, puisque la possibilité de modifier ou d'exclure certaines dispositions est expressément prévue à l'article 1 mais on ne saurait trop recommander dans ce cas aux parties intéressées de prévoir les modalités d'une éventuelle révocation [37]. Cette question apparaît cependant plutôt théorique.

1.2. L'examen des documents

Tout le mécanisme du crédit documentaire repose sur le soin apporté à l'examen des documents qui en conditionne le paiement. Le formalisme de cet examen constitue le pendant de l'abstraction du crédit par rapport à la transaction commerciale sous-jacente. La protection qu'offre le crédit documentaire aux importateurs de biens ou de services réside dans l'énumération et la précision des conditions documentaires qui en conditionnent le paiement et qui seront soigneusement vérifiées par les banques intervenantes. Il convient toutefois d'éviter qu'un excès de formalisme ne transforme le crédit documentaire en instrument de non-paiement [38].

Soucieuse de préserver cet équilibre, la CCI veille tout particulièrement à adapter les Règles à l'évolution des pratiques relatives aux documents d'assurance et de transport notamment et à élaborer des “pratiques bancaires standards pour l'examen des documents”.

Les RUU 600 intègrent les résultats de cette évolution, les lignes qui suivent en proposent quelques illustrations.

    • Ainsi, si l'article 14 rappelle que les banques intervenant dans l'exécution d'un crédit doivent décider sur base des seuls documents qui leur sont présentés si la présentation est en apparence conforme aux termes et conditions de la lettre de crédit, l'article 2 fournit quant à lui une définition de la présentation conforme qui inclut une référence aux pratiques bancaires internationales standard: “Complying presentation means a presentation that is in accordance with the terms and conditions of the credit, the applicable provisions of these rules and international standards banking practice” [39]. La hiérarchie des normes est ainsi arrêtée.
    • La notion quelque peu floue de “soin raisonnable” à apporter à l'examen des documents disparaît.
    • Le délai de vérification des documents est fixé à 5 jours bancaires ouvrables maximum après la date de remise des documents [40] à la banque concernée [41] (art. 14, b)) - il était de 7 jours dans la version antérieure.
    • L'article 35, alinéa 2 stipule expressément qu'une fois la présentation de documents jugée conforme par la banque désignée et les documents envoyés à la banque émettrice ou à la banque confirmante, celles-ci sont tenues d'exécuter le crédit - le cas échéant de rembourser la banque désignée - même si les documents sont égarés pendant leur transfert. Cette règle est logique dans son application à l'égard du bénéficiaire: si l'on considère que la banque désignée agit comme mandataire de la banque émettrice ou confirmante pour la vérification des documents, la vérification à laquelle elle a procédé engage le mandant. En revanche, elle prive le mandant en cas de perte des documents de la possibilité de contrôler la façon dont la banque désignée a accompli sa mission. Par ailleurs, la perte des documents peut mettre l'acheteur - donneur d'ordre du crédit documentaire - dans une situation délicate lorsque la délivrance des marchandises entre ses mains est subordonnée à la présentation des documents.

    Il s'agit néanmoins d'une conséquence cohérente de l'alinéa 1 de l'article 35 qui rappelle que les banques n'assurent aucune responsabilité pour la perte de documents lorsque, en expédiant ceux-ci elles ont agi conformément aux instructions reçues dans le cadre du crédit - ou lorsque à défaut de semblables instructions le choix du mode d'expédition des documents leur était laissé.

    Il ne saurait dès lors trop être recommandé de faire figurer dans les instructions relatives aux crédits documentaires le choix clairement identifié d'un mode d'envoi sécurisé des documents.

      • L'article 16 précise l'attitude à adopter en cas de présentation non conforme et le contenu de l'avis qui doit être adressé au présentateur. Cet avis doit clairement indiquer le refus d'exécuter ou de négocier le crédit documentaire, les divergences qui motivent ce refus et le sort réservé aux documents.
      • D'autres précisions encore sont apportées à propos de diverses mentions figurant tantôt dans le crédit tantôt dans les documents, quant à la notion de “document original”, quant aux personnes habilitées à signer des documents de transport ou d'assurance, etc. [42]
      1.3. L'évolution des technologies

      L'évolution des technologies et en particulier la possibilité d'avoir recours à des présentations électroniques en lieu et place de documents papier équivalent a également été prise en compte. La CCI consacre 12 articles spécifiques à cette hypothèse - les eUCP (electronic Uniform Customs and Practice for documentary credit). Ces articles sont présentés séparément, en supplément des RUU 600 qui restent par ailleurs d'application en cas de présentation électronique dans la mesure où elles ne sont pas impactées, précisément par le recours à cette technologie particulière.

      2. Restructuration des Règles, allègement, suppression des redondances

      Un des objectifs de la révision des RUU consistait à en faciliter la lecture et à minimiser autant que faire se peut les problèmes d'interprétation.

      La nouvelle version est ainsi considérablement allégée par rapport à la version antérieure (39 articles au lieu de 49). Des articles ont été regroupés, des redondances évitées: ainsi, les RUU 500 comportaient à 17 reprises, au fil des différents articles la formule “sauf si le crédit en dispose autrement”. Ces répétitions superfétatoires si l'on veut bien tenir compte de ce que le caractère facultatif des Règles est clairement affirmé à l'article 1 des Règles ont été supprimées.

      La référence à des notions floues telles “le soin raisonnable” ou “le délai raisonnable” est abolie.

      Les rédacteurs des RUU 600 ont par ailleurs opté pour une nouvelle structure

      Après le champ d'application des Règles défini à l'article 1, l'article 2 regroupe - et il s'agit là d'une innovation saluée unanimement par les praticiens - les principales définitions utiles. L'article 3 rassemble par ailleurs un certain nombre de règles d'interprétation.

      Le principe d'indépendance du crédit par rapport aux transactions sous-jacentes et le caractère strictement documentaire du contrôle effectué par les banques dans le cadre du crédit est souligné dans les articles 4 et 5 (voy. infra).

      Viennent ensuite les engagements des banques intervenant en différentes qualités (voy. infra).

      Puis, après diverses dispositions relatives aux communications échangées dans le cadre du crédit, aux amendements éventuels et aux modalités de remboursement des banques intervenantes, commencent (à partir de l'art. 14) les standards relatifs à l'examen des documents - règles générales d'abord, particulières à chaque type de documents ensuite.

      Enfin figurent certaines exclusions de responsabilité des banques, une disposition relative au transfert des crédits documentaires et une disposition relative à la cession du produit du crédit par le bénéficiaire.

      Comme indiqué ci-avant, les RUU ne contiennent aucune disposition relative au droit applicable ou aux juridictions compétentes.

      Les dispositions relatives aux présentations électroniques sont regroupées dans un “supplément” annexé aux RUU.

      3. Clarification du rôle des banques intervenant en diverses qualités

      Le rôle des différentes banques appelées à intervenir dans le déroulement d'un crédit documentaire et le contenu des engagements contractés en vertu de tel ou tel type d'intervention n'apparaît pas toujours très clairement aux parties non familiarisées avec la pratique de cet instrument. De même, une certaine confusion persiste parfois quant aux différents modes de réalisation du crédit documentaire.

      La nouvelle rédaction des RUU devrait contribuer à clarifier les choses.

      L'article 2 définit d'emblée les quatre rôles différents que peuvent jouer les banques dans le cadre d'un crédit documentaire. Ces définitions sont à compléter, chaque fois par un article qui décrit les engagements qui incombent à chaque banque en fonction du rôle tenu par celle-ci.

        • la banque émettrice est la banque qui émet le crédit documentaire à la demande d'un donneur d'ordre (débiteur de l'obligation de paiement sous-jacente). C'est la seule banque dont l'intervention est indispensable à l'existence d'un crédit documentaire. Par l'émission du crédit, la banque s'engage irrévocablement à réaliser le crédit documentaire en fonction des termes et conditions de celui-ci (voy. RUU 600, art. 7);
        • la banque confirmatrice (ou confirmante) est la banque qui, à la demande ou sous l'autorisation de la banque émettrice ajoute, le cas échéant, à l'engagement préalablement souscrit par cette dernière, son engagement personnel et irrévocable de réaliser le crédit documentaire (voy. RUU 600, art. 8). Cet engagement devra être respecté même en cas de défaillance de la banque émettrice;
        • la banque notificatrice est la banque qui à la demande de la banque émettrice avise le bénéficiaire du crédit de l'existence et du contenu de celui-ci. En tant que telle, la banque notificatrice ne contracte aucun engagement personnel de réaliser le crédit documentaire. Sa responsabilité se limite à contrôler l'authenticité apparente de l'avis d'émission ou de l'amendement qu'elle a reçu et à en informer le bénéficiaire en termes qui reflètent fidèlement les termes et conditions du crédit ou de l'amendement en question. La banque chargée d'informer le bénéficiaire de l'ouverture du crédit doit également être utilisée pour aviser le bénéficiaire des éventuels amendements dont le crédit fait l'objet (voy. RUU 600, art. 9);
        • enfin, Les RUU 600 définissent le concept de “banque désignée” [43]. Il s'agit de la banque désignée pour réaliser le crédit documentaire selon le mode de réalisation convenu (voy. RUU 600, art. 12). La lettre de crédit doit préciser auprès de quelle banque il est réalisable ou s'il est réalisable auprès de toute banque auquel cas le bénéficiaire a le choix de la banque à laquelle il s'adresse.

        La banque désignée, est mandatée pour recevoir, vérifier et transmettre les documents [44]. Rappelons qu'une fois la présentation de documents jugée conforme par la banque désignée et les documents envoyés à la banque émettrice ou à la banque confirmante, celles-ci sont tenues d'exécuter le crédit. Le fait qu'une banque soit désignée pour la réalisation d'un crédit n'empêche par ailleurs pas que le crédit soit également disponible auprès de la banque émettrice [45] mais la banque émettrice (de même que la banque confirmante [46]) n'est tenue de payer que si la banque désignée ne le fait pas [47].
        La banque désignée n'a, sur base de sa désignation, aucune obligation personnelle de réaliser le crédit - à moins bien entendu qu'elle ne soit également banque confirmante.

        Si la banque désignée décide néanmoins d'honorer [48] le crédit, elle le fait en qualité de mandataire de la banque émettrice. Le paiement éventuellement effectué par la banque désignée le sera souvent “sauf bonne fin” ce qui permettra à la banque de revenir sur ce paiement en cas de défaillance de la banque émettrice du crédit documentaire (et le cas échéant de la banque confirmante).

        Elle peut par ailleurs contracter un engagement personnel vis-à-vis du bénéficiaire mais il s'agit alors d'un engagement spécial qui n'est pas nécessairement attaché à sa désignation [49].

        4. Les différents modes de réalisation du crédit documentaire

        Un crédit documentaire peut être stipulé réalisable par paiement à vue, par paiement différé, par acceptation de traite ou par négociation. Le mode de réalisation sera précisé dans la lettre de crédit (RUU 600, art. 6, b)).

        Les trois premières possibilités sont regroupées à l'article 2 sous l'action d' “honorer” le crédit documentaire. Une définition spécifique est consacrée à la notion de négociation.

        Le paiement à vue est la parfaite conjugaison de la formule “documents contre paiement”: le bénéficiaire obtient le paiement du crédit contre présentation de documents conforme aux termes et conditions de la lettre de crédit.

        Dans le cas de crédit documentaire réalisable par acceptation ou par paiement différé par contre, le bénéficiaire n'obtient, contre présentation de documents conformes qu'un engagement de paiement lequel est, dans le cas du crédit réalisable par acceptation, représenté par une traite tirée par le bénéficiaire sur - et acceptée par - selon les cas, une banque désignée [50], la banque confirmante ou la banque émettrice.

        La traite tirée et acceptée dans le cadre d'un crédit documentaire réalisable par acceptation pourra être présentée à l'escompte par le bénéficiaire auprès de toute banque.

        Dans le cas d'un crédit documentaire à paiement différé par contre, le bénéficiaire du crédit documentaire n'obtient en “échange” d'une présentation de documents conforme aux stipulations de la lettre de crédit qu'une promesse de paiement à l'échéance prévue. Une telle promesse outre le fait de n'être que malaisément mobilisable expose le bénéficiaire aux tentatives que pourrait entreprendre le donneur d'ordre pour s'opposer au paiement s'il n'est pas satisfait de l'exécution du contrat de base, le délai de paiement rendant possible une appréciation de cette exécution par le donneur d'ordre du crédit.

        En vertu du principe d'indépendance du crédit documentaire par rapport à la transaction commerciale sous-jacente, semblable tentative sera toutefois en principe vouée à l'échec hormis l'hypothèse d'une fraude découverte avant le terme de paiement [51]. Toutefois, la notion de fraude associée aux crédits documentaires reste sujette à discussions et la jurisprudence n'apporte pas toujours en la matière des solutions uniformes offrant un degré suffisant de sécurité juridique. Nous y reviendrons ci-après.

        Quant à la négociation du crédit documentaire, elle consiste pour une banque désignée à acheter la créance du bénéficiaire en payant le montant du crédit [52] avant son échéance. La négociation suppose généralement - mais pas nécessairement - l'émission d'un ou plusieurs effets de commerce qui seront escomptés par la banque négociatrice mais l'escompte constitue ici le mode convenu de réalisation du crédit alors qu'en cas de crédit réalisable par acceptation, le mode de réalisation du crédit est l'acceptation d'une traite et le paiement de celle-ci à l'échéance, un escompte éventuel restant - en principe [53] - distinct de l'opération de crédit documentaire elle-même.

        Une banque désignée - si elle n'est pas banque confirmante - n'a jamais l'obligation de négocier à moins qu'elle n'en ait pris expressément et volontairement l'engagement vis-à-vis du bénéficiaire. Si elle décide de négocier, elle peut le faire avec ou sans recours contre le bénéficiaire en cas de non-paiement à l'échéance par la banque émettrice (et, le cas échéant, par la banque confirmante).

        La banque confirmatrice par contre doit, si c'est le mode de réalisation prévu, négocier le crédit sans recours contre le bénéficiaire.

        La banque émettrice elle est tenue purement et simplement de payer à l'échéance - une négociation par la banque émettrice d'une créance sur elle-même n'a pas de sens. C'est dès lors avec raison que l'article 15, a) des RUU 600 exclut la négociation des possibilités offertes à la banque émettrice en cas de présentation conforme.

        5. Points d'attention juridiques
        5.1. L'abstraction du crédit documentaire

        Les crédits sont, par leur nature, des transactions distinctes des ventes ou autre(s) contrat(s) qui peuvent en former la base [54].

        Tout le mécanisme du crédit documentaire repose sur l'abstraction du crédit par rapport à l'opération sous-jacente: le crédit devra être honoré - ou négocié - si les documents sont présentés en conformité avec les stipulations de la lettre de crédit. Seule la conformité formelle des documents sera vérifiée sans que les banques n'aient le devoir - ni la possibilité - de vérifier la réalité des faits évoqués dans les documents.

        Dans l'article 4 des RUU 500, il était stipulé que “Dans les opérations de crédit toutes les parties intéressées ont à considérer des documents à l'exclusion des marchandises, services et/ou autres prestations auxquels les documents peuvent se rapporter.”

        Cet article a été modifié dans les RUU 600 dans lesquelles les termes “toutes les parties intéressées” sont remplacés par les “banques”.

        Est-ce à dire que le principe d'abstraction ne s'applique plus - ou seulement dans une moindre mesure - au donneur d'ordre du crédit documentaire [55] et que l'obligation de s'en tenir aux seuls documents ne pèse plus désormais que sur les seules banques [56]?

        L'avenir nous dira si la modification de cette disposition est exploitée par les donneurs d'ordre dans le cadre des procédures en référé visant à faire interdire aux banques le paiement d'un crédit documentaire en présence de ce que le donneur d'ordre estime être un abus manifeste du bénéficiaire.

        En toute logique, la nouvelle rédaction des RUU à ce niveau ne devrait pas modifier l'attitude des juges de référé.

        Les contrats d'ouverture de crédits documentaires entre une banque et ses clients se réfèrent expressément aux RUU et précisent que les engagements de la banque s'inscrivent dans ce cadre uniquement. Le client donneur d'ordre sait ainsi parfaitement que la banque n'ira pas plus loin que la vérification de la conformité apparente des documents et qu'il sera tenu de la rembourser si elle agit conformément aux règles.

        Le principe d'abstraction du crédit documentaire est par ailleurs clairement rappelé à l'article 4 des RUU 600.

        Une interdiction de payer allant à l'encontre du principe d'abstraction des crédits documentaires ne nuit pas seulement à la banque qui voit sa signature internationale dévalorisée, elle nuit à l'institution même du crédit documentaire et à son acceptation comme instrument de paiement du commerce international. Mettre à mal cette institution c'est, en l'absence d'instrument comparable, compromettre les activités internationales dans leur globalité.

        Les juges l'ont en général bien compris et font preuve à cet égard de sagesse et de modération. Rien n'indique que la nouvelle rédaction des RUU modifiera leur comportement en la matière.

        5.2. Les problèmes posés par les différés de paiement

        Si le mécanisme du crédit documentaire repose par définition sur le principe du paiement contre document, deux modes de réalisation au moins [57] dérogent à cet équilibre: l'acceptation bancaire et le paiement différé.

        L'acceptation bancaire est un mécanisme classique, le recours au paiement différé s'est développé dans les années '50 en tant qu'escompte de créance future sans émission d'effet de commerce et par conséquent, sans les inconvénients liés aux acceptations bancaires [58].

        Cette modalité a été introduite en 1983 dans les RUU 400 et maintenue en 1993 dans les RUU 500 et en 2007 dans les RUU 600.

        Du point de vue de l'acheteur, donneur d'ordre du crédit documentaire, un paiement différé présente deux types d'avantages: le paiement est retardé jusqu'à l'échéance du terme et un certain contrôle peut être exercé sur le déroulement du contrat commercial de base lequel sera vraisemblablement exécuté avant le paiement [59].

        Le bénéficiaire du crédit documentaire par contre souhaitera vraisemblablement mobiliser sa créance pour disposer des fonds sans attendre l'échéance.

        Une telle requête pose néanmoins un double problème:

          • le premier - qui ne concerne pas l'escompte d'acceptation bancaire - expose le banquier, émetteur ou confirmateur du crédit documentaire consentant une avance sur paiement différé au risque d'avoir à payer deux fois;
          • le second concerne les conséquences de la découverte d'une fraude entre la date de présentation de documents présentant les apparences de conformité avec les stipulations de la lettre de crédit et le terme de paiement.
          5.2.a. Le risque d'avoir à effectuer un double paiement

          Le banquier qui escompte une traite acceptée devient créancier cambiaire. S'il est lui-même le tiré accepteur, il devient du fait de l'escompte créancier de sa propre acceptation et la dette s'éteint par confusion.

          Par contre, l'avance consentie dans le cadre d'un crédit documentaire à paiement différé n'a pas, en tant que telle, pour effet de rendre la banque qui consent l'avance titulaire de la créance née de l'émission - ou la confirmation du crédit documentaire.

          S'est posée la question de savoir si le banquier qui consent une avance paie le crédit documentaire lui-même ou si l'avance constitue un crédit distinct, la créance née du crédit documentaire subsistant par ailleurs jusqu'à son échéance.

          C'est la seconde interprétation qui l'emporte, tant en jurisprudence [60] qu'en doctrine [61].

          En effet dans le cas d'un crédit documentaire à paiement différé, le terme n'est pas une simple faculté laissée au débiteur. Il s'agit ici d'une modalité du crédit lui-même: la banque émettrice et, le cas échéant, la banque confirmante sont certes irrévocablement engagées mais leurs obligations doivent s'exécuter conformément aux RUU et aux modalités de la lettre de crédit or le respect de l'échéance figure précisément au nombre de ces modalités qui en particulier en raison du formalisme lié aux crédits documentaires doivent être respectées à la lettre.

          Il ne saurait donc trop être recommandé aux banques disposées à consentir une avance sur un crédit documentaire à paiement différé de procéder par voie d'escompte en se faisant céder la créance qu'a le bénéficiaire sur la banque débitrice du crédit documentaire ou en prenant cette créance en gage. À défaut, en cas de naissance d'un concours entre l'avance et l'échéance du crédit documentaire, le paiement de celui-ci pourrait être exigé comme l'exécution d'un engagement indépendant, autonome et abstrait alors que la créance du banquier ayant consenti l'avance risque de n'être payée - si elle ne bénéficie d'aucune sûreté particulière - qu'au marc le franc.

          5.2.b. Le risque de fraude

          Même si les cas de fraude avérée restent heureusement limités, la fraude demeure un motif régulièrement invoqué par les importateurs désireux d'empêcher le paiement d'un crédit documentaire ouvert à leur demande.

          On distingue classiquement, deux grandes catégories de fraude: lorsque les documents présentés sont eux-mêmes des faux - faux documents de transport ou d'assurance, documents émis par des personnes n'ayant pas qualité, contrefaçons de formulaires types existant… - on parle de fraude matérielle; lorsque, sur des documents par ailleurs parfaitement authentiques, figurent des mentions non conformes à la réalité, on parle de fraude intellectuelle [62].

          Différentes tendances s'affrontent sur cette question [63].

          Selon les uns, la fraude qui justifie le non-paiement d'un crédit documentaire doit comporter une manoeuvre frauduleuse qui va au-delà du fait de la simple mention non conforme à la vérité (laquelle relève de l'exécution du contrat de base et est, partant, étrangère au crédit documentaire) [64]. Seul le faux matériel peut dès lors faire obstacle à l'exécution du crédit documentaire.

          Pour d'autres, s'il est prouvé avant l'exécution du crédit documentaire que les mentions figurant dans les documents sont fausses - faux intellectuel -, le donneur d'ordre doit pouvoir s'opposer au paiement dans la mesure où les documents ne présentent pas dans ce cas, les conditions de sincérité requises [65].

          Il convient évidemment de n'appliquer cette conception qu'avec la plus extrême prudence car la frontière entre la fraude et l'inexécution du contrat de base est ici extrêmement ténue [66].

          Le recours à une structure impliquant l'intervention de plusieurs banques introduit, en outre, une dimension supplémentaire dans cette problématique: dans quelle mesure la fraude ou l'abus commis par le bénéficiaire du crédit documentaire aura-t-elle des conséquences sur la créance qu'a la banque qui a “honoré” le crédit sur la banque émettrice de celui-ci?

          En principe, le bénéficiaire est étranger au rapport “autonome” qui s'est établi entre les banques.

          Un premier courant [67] consiste donc à considérer que seule l'existence d'une collusion frauduleuse entre une banque désignée et son client bénéficiaire du crédit documentaire, pourrait être sanctionnée par un refus de paiement [68] de la part de la banque émettrice.

          On observera cependant que la preuve d'une telle collusion frauduleuse ne sera pas facile à établir en pratique.

          La jurisprudence apporte certaines nuances à ce niveau, en précisant que se rend complice de la fraude ou de l'abus commis par le bénéficiaire, le banquier qui exécute son propre engagement alors qu'il connaît ou aurait dû connaître en sa qualité de banquier normalement diligent et prudent l'existence d'une fraude [69].

          D'aucuns font par ailleurs prévaloir l'adage “fraus omnia corrumpit” et l'interdépendance économique des engagements en cause pour décider que l'existence d'une fraude ou d'un abus doit empêcher l'exécution du crédit documentaire sans considération de la bonne ou mauvaise foi du banquier qui a payé ledit crédit [70].

          On notera que cette problématique réintroduit le problème lié à l'existence de “lieux d'exécution” différents en fonction de la localisation des banques intervenantes: ce qui a été considéré comme une fraude par une juridiction située dans le pays du donneur d'ordre ne sera pas nécessairement considéré de la même manière dans le pays du bénéficiaire.

          5.2.c. La découverte d'une fraude entre l'avance consentie et l'échéance du crédit

          Lorsque le crédit est réalisable par acceptation ou par paiement différé, il est fréquent, en pratique, que la fraude soit invoquée avant le terme mais alors que le banquier désigné a, en fait, déjà payé le bénéficiaire.

          Faut-il dans ce cas faire supporter au banquier de bonne foi, qui par hypothèse n'aurait commis aucune faute ou imprudence au moment du paiement, les conséquences d'une fraude dont il n'est pas l'auteur et à propos de laquelle aucune complicité - même de “simple tolérance passive” ne peut lui être reprochée [71]?

          Les cours et tribunaux de différents pays ont eu à connaître de cette question [72].

          Hormis la décision de la Cour suprême de Corée [73], la jurisprudence considère généralement que la banque désignée pour réaliser un crédit documentaire à paiement différé agit, lorsqu'elle consent au bénéficiaire une avance sur ce paiement, en dehors du crédit documentaire proprement dit et à ses propres risques ce qui implique que le remboursement du crédit pourra lui être refusé si une fraude est établie avant la date du terme stipulé dans la lettre d'ouverture de crédit.

          Est ainsi écarté, à juste titre l'argument consistant à soutenir que le terme de paiement n'est qu'une modalité qui n'affecte pas le droit au remboursement lequel est irrévocablement acquis à la banque désignée dès l'instant où celle-ci lève des documents apparemment conformes aux conditions de la lettre de crédit.

          En effet et comme l'a correctement relevé la jurisprudence précitée, l'engagement de remboursement de la banque émettrice au profit de la banque désignée ne vaut que pour autant que cette dernière ait respecté à la lettre les instructions figurant dans l'accréditif. Or ces instructions sont précisément de payer à l'échéance et non d'anticiper le paiement.

          La jurisprudence française adopte une position identique que l'avance soit consentie dans le cadre d'un crédit documentaire à paiement différé ou dans celui d'un crédit documentaire réalisable par acceptation de traite dès lors que l'escompte est le fait d'une banque partie au crédit (banque émettrice, banque confirmante ou banque désignée) [74]. Ce point de vue a été critiqué [75]. On peut faire valoir en effet, que lorsqu'un tel mode de réalisation est prévu, c'est l'acceptation de la traite qui réalise le crédit documentaire [76]. Ce sont dès lors les règles du droit cambiaire qui sont seules d'application. Or le principe de l'inopposabilité des exceptions protège, en principe, le porteur de bonne foi - qu'il soit ou non partie au crédit.

          5.2.d. Les modifications introduites dans les RUU 600

          Compte tenu de la jurisprudence rappelée ci-dessus, certaines modifications introduites dans les RUU 600 suscitent des interrogations de la part des juristes praticiens des crédits documentaires.

          Il s'agit essentiellement de l'article 12, b) combiné avec les articles 7, c) et 8, c).

          En vertu de l'article 12, b), “en désignant une banque pour accepter une traite ou contracter un engagement de paiement différé, une banque émettrice autorise la banque désignée à prépayer ou à acheter une traite acceptée ou un engagement de paiement différé contracté par cette banque désignée.”

          Les articles 7, c) et 8, c) stipulent par ailleurs que le remboursement du montant d'un crédit réalisable par acceptation ou paiement différé est dû à l'échéance par la banque émettrice (art. 7, c)) ou confirmante (art. 8, c)) que la banque désignée ait ou non prépayé ou escompté avant l'échéance. Il est indiqué au surplus que l'engagement de remboursement de la banque émettrice ou confirmante vis-à-vis de la banque désignée est indépendant de l'engagement de ces banques vis-à-vis du bénéficiaire du crédit.

          Comment ces dispositions doivent-elles être interprétées?

          - Quelle est, dans le cadre de l'article 12, b), la portée de l'autorisation donnée par la banque émettrice à la banque désignée? Faut-il y voir un mandat exprès d'avancer les fonds - s'ajoutant à celui relatif à l'exécution du crédit documentaire proprement dit - de manière telle que la banque désignée, si elle accepte ce mandat est assurée d'obtenir le remboursement dans tous les cas en ce compris celui d'une fraude découverte avant l'échéance du crédit? Ou s'agit-il d'une simple faculté laissée à la banque désignée qui est libre d'en user à ses risques et périls?

          Les deux interprétations ont leurs partisans.

          Pour Georges Affaki [77], “La banque émettrice ou la banque confirmante prend (en vertu des art. 7 et 8 des RUU 600) à l'égard de la banque désignée un engagement de remboursement doté d'une super-autonomie à l'épreuve de la fraude” [78].

          Selon cet auteur, si cette règle prend à contre-pied la jurisprudence en la matière, c'est par souci de pragmatisme et pour écarter la menace que cette jurisprudence faisait peser sur le marché secondaire de l'escompte des engagements bancaires à usance [79].

          Les articles 7, c) et 8, c) des RUU 600 sont en outre en harmonie avec la dernière révision de l'article 5 de l'Uniform Commercial Code des États-Unis [80].

          Cette interprétation des articles 7 et 8 des RUU est néanmoins contestée et selon nous contestable.

          D'une part, comme le fait observer Dominique Doise [81], l'engagement de remboursement qu'a la banque émettrice ou confirmante vis-à-vis de la banque désignée ne vaut en vertu du libellé même des articles 7, c) et 8, c) que si la banque désignée“has honoured a complying presentation”. Or, la définition même du terme “honour” telle qu'elle est fournie par l'article 2 des RUU 600 vise l'hypothèse d'un paiement à l'échéance.

          Par ailleurs, force est bien de constater qu'il n'est fait nulle allusion dans les RUU 600 à l'hypothèse d'une fraude.

          Peut-on raisonnablement penser que sans même viser expressément une telle hypothèse, les RUU rendent inopposable à la banque désignée qui aurait escompté son engagement différé ou l'effet qu'elle a accepté, une fraude découverte postérieurement à cet escompte mais avant l'échéance du crédit [82]?

          Et si telle est bien la volonté de la Chambre de Commerce Internationale, quelle est la valeur d'une telle règle “audacieuse dans son arbitraire” [83] sachant que la CCI n'a pas de pouvoir normatif au sens strict du terme et que les RUU sont de nature contractuelle alors que l'adage “fraus omnia corrumpit” est généralement considéré comme d'ordre public c'est-à-dire comme constituant une règle à laquelle il ne peut être dérogé contractuellement.

          En réalité, il faut se garder de tout amalgame.

          Certes, une convention ayant pour objet l'organisation d'une fraude ou tendant à partager les profits résultant d'une fraude serait à l'évidence contraire à l'ordre public et comme telle nulle de nullité absolue.

          Mais ce qui est visé ici est tout différent: il s'agit, à défaut de pouvoir faire réparer le dommage résultant de la fraude par le fraudeur lui-même, de répartir entre parties par hypothèse innocentes (la banque désignée ayant prépayé le crédit, la banque émettrice ou le donneur d'ordre) la charge du risque de fraude commise par un tiers (le bénéficiaire du crédit). Ceci n'a, a priori, rien de choquant pour autant bien entendu que cette répartition soit clairement exprimée et effectivement acceptée par les parties concernées.

          Il faut dès lors, selon nous, aborder la question en deux temps: dans les relations entre banque émettrice et banque désignée d'une part et dans les relations de la banque émettrice avec le donneur d'ordre du crédit d'autre part.

          L'article 12, b) des RUU 600 fait expressément état de ce qu'en désignant une banque pour la réalisation du crédit, la banque émettrice autorise la banque désignée à effectuer, le cas échéant, un prépaiement.

          S'il ne s'agit que d'autoriser la banque désignée à consentir, si elle le souhaite et à ses risques et périls, un crédit au bénéficiaire, cette disposition n'a pas de sens dans la mesure où elle est totalement inutile: il va sans dire qu'une banque est toujours libre d'accorder un crédit à ses propres risques, elle n'a nul besoin d'autorisation de la banque émettrice pour cela.

          Ne faut-il dès lors pas voir plutôt dans l'article 12, b) - dans la mesure où la banque émettrice a accepté de se soumettre aux RUU et n'a pas écarté cette disposition particulière (comme elle aurait parfaitement pu le faire en vertu de l'art. 1) - une acceptation consciente et délibérée, par ladite banque émettrice de la charge du risque de fraude découverte entre le prépaiement par la banque désignée et l'échéance du crédit [84]?

          On peut supposer évidemment que confrontée à un cas concret de fraude avérée, une banque émettrice ne s'exécutera pas, le cas échéant, sans user de tous les moyens de défense à sa disposition.

          On songe notamment aux précautions imposées par les dispositions de lutte contre le blanchiment qui imposent aux banques - en l'occurrence ici à la banque désignée - de ne traiter des opérations qu'avec des clients connus et clairement identifiés (principe de “know your customer”). Il est difficilement imaginable, si le bénéficiaire se révèle être un fraudeur qu'il ne soit pas reproché à la banque désignée un manque de vigilance de sa part au moment de l'octroi de l'avance…

          L'attitude de la banque émettrice sera par ailleurs influencée en pratique par les possibilités qu'aura cette dernière, dans l'hypothèse où elle rembourserait la banque désignée de se retourner contre le donneur d'ordre.

          Se pose alors la question de savoir dans quelle mesure l'article 12, b) entraîne effectivement et sans contestation possible un transfert vers le donneur d'ordre, du risque de fraude - que la jurisprudence faisait jusqu'à ce jour peser sur la banque qui décidait - à ses risques et périls - de consentir une avance sur le terme de paiement du crédit documentaire.

          En faveur de cette solution, on fait observer que le donneur d'ordre a choisi son partenaire commercial mais il peut être répondu à cet argument que la banque qui a consenti une avance, c'est-à-dire un crédit au bénéficiaire a dû se livrer à sa propre analyse et qu'il serait contraire au comportement d'un banquier normalement diligent et prudent que d'agir sur la seule considération de l'engagement pris par la banque émettrice en vertu de l'article 12, b). Quelle que soit la portée de cet article, il n'emporte à l'évidence aucune obligation pour la banque désignée et il appartient à cette dernière de décider, sur base de sa connaissance du bénéficiaire si elle consent l'avance ou non - un partout!

          Se pose en fait surtout la question de l'opposabilité effective de l'article 12, b) au donneur d'ordre du crédit.

          Dans les cas visés, les instructions données par le donneur d'ordre à la banque émettrice sont clairement d'ouvrir un crédit documentaire à paiement différé. Le choix de ce mode de réalisation du crédit n'est pas neutre: il implique notamment - contrairement aux modes de réalisation prévoyant un paiement à vue lors de la présentation des documents - la possibilité laissée à l'acheteur, donneur d'ordre du crédit de recevoir livraison des marchandises avant la date de paiement.

          Certes, compte tenu du principe d'abstraction du crédit documentaire, il ne sera pas possible d'empêcher l'exécution du crédit en raison d'un simple défaut d'exécution du contrat sous-jacent mais le délai de paiement permet également, dans certains cas, la mise en évidence - au-delà d'une simple inexécution - d'une véritable fraude. En pareille hypothèse, la jurisprudence permet au donneur d'ordre de bloquer le paiement.

          Certes, en donnant à sa banque instruction d'ouvrir un crédit documentaire, le donneur d'ordre accepte la soumission de ce crédit documentaire aux RUU.

          Mais peut-on aller jusqu'à considérer qu'en acceptant cette référence le donneur d'ordre renonce en fait au bénéfice résultant du choix exprès d'un mode de paiement différé?

          Car c'est bien de cela qu'il s'agit: dans la mesure où par le jeu de l'article 12, b), tout risque de se jouer au moment de l'avance consentie par la banque désignée, l'exécution du crédit s'apparente singulièrement, du point de vue du risque mis à charge du donneur d'ordre à un paiement à vue…

          On rétorquera qu'après tout, il était loisible au donneur d'ordre d'exclure l'article 12, b) des termes du crédit et que s'il ne l'a pas fait, il doit en supporter les conséquences.

          Mais le débat ne risque-t-il pas de se reporter alors sur le terrain du devoir d'information du banquier? Ne sera-t-il pas reproché à la banque émettrice de ne pas avoir attiré l'attention de son client sur les conséquences que risque d'avoir à son niveau l'application d'un article des règles qui à première lecture peut lui être apparu comme concernant uniquement les relations entre banques?

          Compte tenu des questions qui subsistent, il ne saurait trop être conseillé aux banques émettrices de soit veiller à se ménager une preuve de ce que le donneur d'ordre à accepter le maintien de l'article 12, b) en parfaite connaissance de cause soit d'en écarter purement et simplement l'application.

          III. Conclusion

          La cuvée 2007 des Règles et Usances Uniformes de la CCI relative aux crédits documentaires sera-t-elle un grand cru?

          La systématisation des définitions, les adaptations aux évolutions de la pratique et la clarification du rôle des banques intervenantes sont certainement bienvenues.

          Quant aux tentatives d'infléchir la jurisprudence à propos des avances consenties sur les crédits documentaires à paiement différé, le dernier mot appartient à nos magistrats.

          [1] Juriste d'entreprise et Maître de conférences à l'ULB.
          [2] Consultez notamment, sur cette notion, J. Stoufflet, Le crédit documentaire, Librairies Techniques, 1957; F. Eiseman, “Le crédit documentaire”, in Le droit et la pratique, Éd. Delmas, 1963; F. Eiseman, Ch. Bontoux et M. Rowe, Le crédit documentaire dans le commerce extérieur, Éd. Jupiter, 1985; A. Boudinot, Pratique du crédit documentaire, Éd. Sirey, 1979; E. Caprioli, Le crédit documentaire: évolutions et perspectives, Litec, Paris, 1992; D. Doise, Crédit documentaire,Jurisclasseur commercial, fasc. 482; Lamy, Contrats internationaux, Div. 10, art. 552; J.-P. Mattout, Droit bancaire international, Paris, Banque, 3 e éd., Paris, 2004, pp. 259 et s.
          [3] À côté de sa fonction essentielle de paiement, le crédit documentaire a également une fonction non moins essentielle de sûreté: le bénéficiaire du crédit documentaire obtient en effet l'engagement irrévocable d'un tiers solvable - le banquier émetteur - de ce qu'il sera payé, indépendamment des événements pouvant affecter la solvabilité du débiteur principal, à la seule condition que soient produits les documents listés dans la lettre de crédit.
          [4] Il s'agit d'une initiative privée. La Chambre de commerce Internationale rassemble dans différentes commissions dont celle de “technique et pratique bancaire” des praticiens des différents secteurs du commerce international, banquiers, transporteurs, assureurs… qui ne représentent aucun État et n'ont aucun pouvoir d'engager les pays dont ils sont les ressortissants.
          [5] En 1951, 1962, 1974, 1983 et 1993.
          [6] La Chine a été le dernier pays à adhérer officiellement aux RUU, mais avant même cette adhésion officielle, tous les crédits documentaires émis par des banques chinoises y étaient déjà systématiquement soumis.
          [7] Sur l'historique des travaux et la méthode de travail adoptée, voy. J.-P. Mattout, “Les nouvelles règles et usances 600 de la CCI relatives aux crédits documentaires, Banque et droit 2007, n° 112, pp. 22 et s.; G. Affaki, “Le nouveau droit des crédits documentaires: les règles et usances 600”, Banque et droit 2007, n° 112, pp. 3 et s. et D. Doise, “La révision 2007 des règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires (RUU 600)”, R.D.A.I. 2007, n° 1, pp. 106 et s.
          [8] Seule la version anglaise des Règles est adoptée par la Commission de techniques et pratiques bancaires de la CCI. Des comités nationaux de la CCI se chargent de traduire les Règles en différentes langues. Toutefois, en cas de divergence, c'est la version anglaise qui fait foi.
          [9] Publication de la CCI janvier 2007.
          [10] Voy. notamment J.-P. Mattout, “Les nouvelles règles et usances 600 de la CCI relatives aux crédits documentaires, o.c., pp. 22 et s.; G. Affaki, “Le nouveau droit des crédits documentaires: les règles et usances 600”, o.c., pp. 3 et s. et D. Doise, “La révision 2007 des règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires (RUU 600), o.c., pp. 106 et s.
          [11] Consultez notamment S. Tevini du Pasquier, Le crédit documentaire en droit suisse, Thèse, Genève, 1990, pp. 27 à 46.
          [12] Cette même doctrine se refuse à voir dans les RUU une manifestation de la “Lex mercatoria” dont l'existence même en tant que concept est mise en doute et dont on fait remarquer, par ailleurs, que l'on en trouve en tous cas d'application que dans le domaine de l'arbitrage de manière telle qu'elle n'offre pas un encrage suffisant pour justifier l'application des RUU par les cours et tribunaux - voy. S. Tevini du Pasquier, o.c., p. 30.
          [13] Selon Thierry Bonneau (Droit bancaire, Montchrestien, 1999, p. 393) l'expression partie intégrante vise le champ contractuel, lequel est déterminé par la volonté des parties. Le progrès réalisé par la version 500 des RUU résiderait dans le fait que la soumission aux règles peut désormais résulter de la volonté explicite des parties.
          [14] Et aux lettres de crédit standby dans la mesure où les Règles peuvent leur être applicables.
          [15] RUU 600, art. 1.
          [16] Dans ce sens, Comm. Bruxelles 16 novembre 1978, Rev. Banq. 1980, p. 249.
          [17] J.-P. Buyle et A. Willems, “Les usages en droit bancaire”, DAOR 1990, pp. 76 et s. Et plus spécialement à propos des crédits documentaires, p. 81.
          [18] Cass. fr. 18 octobre 1981, Dall.1982, J. p. 301. Pour un exemple de référence directe aux RUU faite par une juridiction belge, voy. notamment Sais. Bruxelles 19 mars 2001, R.D.C. 2003, p. 31 et les obs. de J.-P. Buyle et M. Delierneux.
          [19] D'aucuns font cependant remarquer que c'est précisément par le biais du principe d'autonomie de la volonté que les RUU ont ainsi trouvé application, les parties ayant en l'espèce accepté de s'y soumettre.
          [20] La solution belge diffère à ce niveau de celle proposée par les juridictions suisses: comparez Bruxelles 13 juin 1991, - qui admet le paiement par compensation - Dall. 1992, sommaires commentés, p. 306 - obs. M. Vasseur et Genève 3 décembre 1987 - qui l'exclut - Dall. IR 1988, p. 184, note M. Vasseur.
          [21] La question se pose en termes similaires dans le cadre des garanties bancaires autonomes et elle est, sur base d'une interprétation différente d'un même article du Code civil résolue de façon diamétralement opposée en Belgique - où l'on refuse généralement au garant le bénéfice de la subrogation - et en France - où elle est reconnue à celui qui“s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle… s'il a, par son paiement, libéré envers leur créancier commun, celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette”. Consultez notamment en ce qui concerne la Belgique: les références citées au R.P.D.B., “Les garanties bancaires autonomes”, Compl., T. VII, Bruylant, 1991, n° 174 et M. Delierneux, “Chronique. Les garanties indépendantes, quinze ans de jurisprudence et de doctrine (de 1989 à 2003)”, Rev. banc. fin. 2003, pp. 358 et 359 et en ce qui concerne la France: Cass. civ. 4 avril 1984, R.T.D.C. 1985, p. 383, obs. J. Mestre; Cass. civ. 9 mai 1990, Bull. 1990, IV, n° 146 et R.T.D.C. 1990, p. 662, obs. J. Mestre; Cass. 7 novembre 1995, Dall. 1996, Som. p. 335, obs. D. Mazeaud et les nombreuses références citées; Cass. civ. 24 octobre 2000, dans Petites Affiches. Droit des assurances, 9 novembre 2001 n° 224, p. 13 avec la note de P. Casson et les nombreuses références citées.
          [22] La jurisprudence belge relative aux crédits documentaires est peu abondante sur ces questions mais il peut être intéressant de consulter, ici encore, les solutions qu'apporte la jurisprudence aux différents problèmes qui peuvent se poser, en termes similaires en matière de garantie à première demande: voy. notamment M. Delierneux, “Chronique. Les garanties indépendantes, quinze ans de jurisprudence et de doctrine (de 1989 à 2003)”, o.c.
          [23] Ces questions sont par contre tranchées, à défaut de volonté exprimée par les parties, par les art. 27 et 28 des Règles Uniformes de la CCI relatives aux garanties sur demande qui se prononcent en faveur de la compétence des tribunaux et de l'application du droit du pays d'établissement du garant ou, le cas échéant, de “l'instructing party”.
          [24] Ce rattachement est supporté notamment par le fait que la prestation de la banque émettrice - ou confirmante - constitue la “prestation caractéristique” de l'opération. Voy. notamment F. Bonelli, “La Convention de Rome du 19 juin 1980 applicable aux opérations bancaires”, R.D.A.I. 1985, pp. 389 et s.; E. Caprioli, “La loi applicable aux contrats de crédits documentaires, approche de droit comparé”, R.D.A.I. 1991, pp. 905 et s. et J.-P. Mattout, Droit bancaire international, o.c., p. 265 et pp. 27et s., en particulier p. 34 où d'autres motifs de rattachement au droit de la banque sont énoncés.
          [25] Voy. Infra.
          [26] Les termes “banque confirmatrice” sont indifféremment utilisés.
          [27] Ces rapports seront normalement soumis au droit du pays d'émission. Voy. E. Caprioli, “La loi applicable aux contrats de crédit documentaires, approche de droit comparé”, o.c., p. 905; J.-P. Mattout, Droit bancaire international, o.c.pp. 266 et 267 relève cependant que la soumission de la confirmation au droit de la banque confirmante pourrait se justifier par l'analyse économique de la confirmation en un crédit de la banque confirmante à la banque émettrice.
          [28] Rapports qui seront soumis au droit de la banque confirmante.
          [29] Loi du 16 juillet 2004 portant Code de droit international privé, art. 5.
          [30] Entre pays européens, la Convention du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale prévoit en son art. 31 que“les décisions rendues dans un état contractant et qui y sont exécutoires, sont mises à exécution dans un autre état contractant après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée”. Cette convention ne s'applique toutefois qu'aux décisions rendues dans un état contractant et qui doivent être exécutées dans un autre état contractant. En dehors du champ d'application de cette convention, et en l'absence de traité particulier entre l'état dans lequel la décision a été rendue et l'état où elle doit être exécutée, il y a fort à craindre que le créancier muni d'une décision qui lui est favorable rendue en dehors du pays où sont localisés les biens de son débiteur en sera quitte pour tout recommencer depuis le début!…
          [31] Règlement d'arbitrage de la CCI - Publication ICC 838, disponible sur le site http://iccwbo.org .
          [32] Mécanisme non contentieux de règlement des conflits: DOCDEX - Règlement d'expertise pour la résolution des différends en matière d'instruments documentaires - Publication CCI n° 811, approuvé en 1997 et révisé en 2002, disponible sur le site http://iccdocdex.org . Voy. J. Stoufflet et G. Affaki, Banque et droit 2003, n° 92, pp. 63 et s.
          [33] Sur les difficultés que soulèvent parfois la reconnaissance et l'exécution de sentences arbitrales à l'étranger, consultez G. Affaki, “Le banquier et l'arbitrage”, Banque et droit 2004, n° 93, p. 6.
          [34] Sauf s'il est protégé par la confidentialité.
          [35] Loi du 16 juillet 2004 portant Code de droit international privé, art. 10. Pour une application de ce principe généralement admis, voy. Comm. Hasselt 2 octobre 1998, R.D.C. 1999, p. 723 et les obs. de J.-P. Buyle et M. Delierneux, p. 727.
          [36] Voy. art. 6 des RUU 500 (1993).
          [37] Jean-Pierre Mattout se demande dans son article sur “Les nouvelles règles et usances 600 de la CCI relatives aux crédits documentaires”, o.c., p. 23 si les dispositions qui dans les RUU 500 fixaient les modalités de la révocation ne pourraient pas continuer à s'appliquer à défaut de stipulations particulières au titre d'usage.
          [38] G. Affaki, “Le nouveau droit des crédits documentaires: les règles et usances 600”, o.c., p. 4, n° 6 fait état d'un taux de rejet de documents en augmentation croissante allant jusqu'au rejet de quatre présentations sur cinq pour non-conformité.
          [39] Cette référence aux pratiques bancaires internationales standards apparaît également à l'art. 14, d) qui se réfère au contexte dans lequel doit s'intégrer l'examen des documents.
          [40] La cour d'appel de Paris a précisé dans un arrêt du 24 avril 1997 que le document à prendre en compte pour faire courir le délai de vérification est, le cas échéant, l'original qui doit être présenté comme condition de paiement du crédit documentaire et non une photocopie de ce document, Paris 24 avril 1997, Juris-Data, n 020755.
          [41] Chacune des banques intervenantes dispose de ce même délai.
          [42] Voy. pour plus de détails, G. Affaki, “Le nouveau droit des crédits documentaires: les règles et usances 600”, Banque et droit 2007, nos 69 et s. et D. Doise, “La révision 2007 des règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires (RUU 600)”, in R.D.A.I. 2007, n° 1, pp. 121 et s.
          [43] Ce terme apparaissait déjà à l'art. 10 de la version précédente des RUU mais le rôle de la banque notificatrice et celui de la banque désignée étaient fréquemment confondus.
          [44] L'art. 14, a), nouveau exclut la banque simplement notificatrice de la liste des banques tenues de vérifier les documents. Seule la banque émettrice, la banque confirmatrice et la banque désignée sont tenues d'apprécier si la présentation est conforme aux termes et conditions du crédit.
          [45] RUU 600, art. 6.
          [46] RUU 600, art. 8, a.i, b),c),d) et e).
          [47] RUU 600, art. 7, a.ii, iii, iv et v.
          [48] Voy. Infra.
          [49] Il arrive fréquemment, en pratique, que le bénéficiaire du crédit documentaire contacte directement la banque désignée pour lui demander de s'engager personnellement à honorer le crédit documentaire. Dans la mesure où l'engagement que contracte, le cas échéant, la banque n'est pas consécutif à la demande de la banque émettrice, on parle alors de “confirmation silencieuse”. Jusqu'à ce jour, une telle confirmation silencieuse se faisait en dehors du crédit documentaire lui-même. Aujourd'hui, cette possibilité est expressément envisagée par l'art. 12, a) des RUU 600.
          [50] Laquelle n'a, du fait de sa désignation aucune obligation de procéder à l'acceptation sauf si elle s'y est personnellement engagée vis-à-vis du bénéficiaire.
          [51] À noter que la découverte d'une fraude n'est pas non plus nécessairement indifférente lorsqu'une traite a été émise et acceptée - voy. infra.
          [52] Ou en s'engageant à le payer.
          [53] Voy. cependant infra les controverses relatives à la portée de l'art. 12, b) des RUU 600.
          [54] RUU 500, art. 3 et RUU 600, art. 4.
          [55] En ce qui concerne le bénéficiaire, il va sans dire que l'abstraction du crédit documentaire ne doit pas l'inciter à présentee des documents qui ne reflètent pas la réalité de l'opération sous-jacente.
          [56] Voy. sur ce point D. Doise, “La révision 2007 des règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires (RUU 600)”, o.c., p. 114, n° 3.1.
          [57] Le principe de la simultanéité du paiement et de la présentation des documents est parfaitement respecté lorsque le crédit documentaire se réalise par un paiement à vue. Dans le crédit documentaire réalisable par négociation, la concomitance est respectée entre la présentation des documents et l'achat de la créance par la banque désignée, que le paiement de cet achat soit ou non différé.
          [58] Commissions d'acceptation et droits de timbre éventuels, limites réglementaires imposées dans certains pays… Voy. G. Affaki, “Le nouveau droit des crédits documentaires: les règles et usances 600”, o.c., n° 30.
          [59] Dans certains domaines et notamment le commerce de matières premières, on observe des différés de paiement de 180 jours et plus. Voy. G. Affaki, “Le nouveau droit des crédits documentaires: les règles et usances 600”, o.c., n° 30.
          [60] Paris 28 mai 1985, Rev. Banq.1986, p. 41 suivi de la note de J. Berckmans: Documentair krediet met uitgestelde betaling: “Bedenkingen van een practicus bij een recent vonnis van het hof van beroep te Parijs” et Dall. 1986, p. 195 avec la note de J. Stoufflet. Voy. également les références citées par G. Affaki, “Le nouveau droit des crédits documentaires: les règles et usances 600”, o.c., n° 35.
          [61] J.-P. Mattout, Droit bancaire international, Paris, Banque, 3e éd., Paris 2004, n° 302 p. 300; G. Affaki, “Le nouveau droit des crédits documentaires: les règles et usances 6000”, o.c., n° 35.

          M. Delierneux, “Chronique. Le crédit documentaire”, DAOR 1988, p. 48.
          [62] J.-P. Mattout, Droit bancaire international, o.c., pp. 244 et 245.
          [63] Voy. notamment C. Martin, “Le crédit documentaire, la fraude et la révision 1983 des RUU”, R.D.A.I. 1985, p. 371.
          [64] C. Martin, “Le crédit documentaire, la fraude et la révision 1983 des RUU”, o.c., p. 371.
          [65] Références citées par J.-P. Mattout, Droit bancaire international, o.c., p. 245, n° 300.
          [66] J.-P. Mattout, Droit bancaire international, o.c., p. 245, n° 300 prône dans ce cas une application restrictive de la notion de fraude.
          [67] Dans ce sens, Trib. gr. inst. Montluçon 9 janvier 1981, Dall. 1981, p. 390, note M. Vasseur; Cass. fr. 12 décembre 1984, Dall. 1985, p. 269, note M. Vasseur; Cass. fr. 11 décembre 1985, J.C.P. 1986, II, p. 20593, note J. Stoufflet; Comm. Bruxelles 30 janvier 1990, R.P.D.B., Compl. “Les garanties bancaires autonomes”, o.c., nos 168 à 172.
          [68] Spontané ou imposé par une décision judiciaire.
          [69] Voy., en matière de garantie, Bruxelles (réf.) 26 mai 1988, J.T. 1988, p. 460.
          [70] En ce sens, J.-L. Rives-Lange, note après Cass. fr. 10 juin 1985, Banque 1986, p. 712; Cour de justice de Genève 12 septembre 1985, arrêt Miranos, J.C.P. 1985, p. 609.
          [71] Tout est cependant une question d'espèce. Ainsi, un banquier confirmateur d'un crédit documentaire “à paiement différé” qui consent une avance à son client pour la durée du terme, le fait “à ses risques et péril” et s'expose, si une fraude est mise en évidence avant l'échéance du paiement différé au risque de ne jamais obtenir le remboursement.
          [72] En France: Cass. comm. 7 avril 1987, Crédit Général/Banque Nationale de Paris et SA Jeux et images du 21 e siècle, Rev. Banq.1987, p. 625, obs. J.-L. Rives-Lange, J.C.P. E 1987, II, 14973, obs. J. Stoufflet, Dall. 1987, J. p. 399, obs. M. Vasseur. Également: J.-P. Mattout et A. Prüm: “Mise en oeuvre de l'adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme”, D.P.C.I. 1988, p. 107. Voy. aussi à propos d'un crédit réalisable par acceptation: Cass. comm. 11 octobre 2005, Crédit Lyonnais/Canara Bank International Division, Dall. 2005, J, p. 2802, obs. D­elpech, J.C.P. E 2005, p. 1677, obs. J. Stoufflet cité également dans la Chronique de droit bancaire international de J. Stoufflet et G. Affaki, Banque et droit 2006, n° 105, p. 71.

          Au Royaume-Uni: High Court of Justice London, Queen's Bench division 9 juin 1999, Banco Santander/Paribas, RDBF 2000, p. 22, obs. J.-P. M­attout, confirmé par la Court of Appeal le 25 février 2000, R.D.B.F. 2000, p. 84, obs. J.-P. Mattout.

          En Corée: Cour suprême de Corée (2e ch.) 24 janvier 2003, Industrial Bank of Corea/ BNP Paribas, cité par J. Stoufflet et G. Affaki dans leur “Chronique de droit bancaire international”, Banque et droit 2003, n° 91, p. 85.

          En Suisse: Tribunal fédéral suisse (1e cour civ.) 1er juin 2004, Emirates Bank International PJSC/Crédit Lyonnais Suisse, Banque et droit 2005, n° 99, p. 80 et J. Stoufflet et G. Affaki,“Chronique de droit bancaire international”, Banque et droit 2005, n° 99, p. 80.
          [73] Cour suprême de Corée (2e ch.) 24 janvier 2003,  Industrial Bank of Corea/BNP Paribas, cité par J. Stoufflet et G. Affaki dans leur “Chronique de droit bancaire international”, Banque et droit 2003, n° 91, p. 85. La jurisprudence suisse (décision du tribunal fédéral de 1974 citée par N. de G­ottrau: Le crédit documentaire et la fraude, Faculté de droit de Genève, Bruylant, 1999, p. 277, note 667) avait dans un premier temps adopté la même position. Voy. J. Stoufflet et G. Affaki, “Chronique de droit bancaire international”, Banque et droit 2005, n° 99, p. 80. Par sa décision du 1er juin 2004 (citée ci-dessous, note 71), le tribunal fédéral a cependant effectué un revirement et rejoint ainsi la jurisprudence majoritaire.
          [74] Cass. comm. 11 octobre 2005, Crédit Lyonnais/Canara Bank International Division, Dall. 2005, J, p. 2802, obs. Delpech, J.C.P. E 2005, p. 1677, obs. J. Stoufflet cité également dans la “Chronique de droit bancaire international” de J. Stoufflet et G. Affaki, Banque et droit 2006, n° 105, p. 71.
          [75] Voy. notamment J. Stoufflet et G. Affaki, o.c., Banque et droit 2006, n° 105, p. 71.
          [76] D. Doise, o.c., R.D.A.I. 2007, n° 1, p. 116.
          [77] Monsieur Affaki est vice-président de la Commission bancaire de la Chambre de Commerce Internationale
          [78] G. Affaki, o.c., Banque et droit 2007, n° 112, p. 11, n° 45.
          [79] G. Affaki, o.c., Banque et droit 2007, n° 112, p. 10, n° 39.
          [80] G. Affaki, o.c., Banque et droit 2007, n° 112, p. 11, n° 46.
          [81] D. Doise, o.c., R.D.A.I. 2007, n° 1, p. 117.
          [82] En ce sens, G. Affaki, o.c., Banque et droit 2007, n° 112, p. 10, n° 39.
          [83] L'expression est de Monsieur Affaki, o.c., Banque et droit 2007, n° 112, p. 11, n° 46.
          [84] D'aucuns trouvent un renforcement de cette interprétation dans les art. 7, c) et 8, c) des RUU 600 (voy. G. Affaki, o.c., Banque et droit 2007, n° 112, p. 11, nos 44 et 45). Ces articles expriment sans nul doute l'indépendance de l'engagement souscrit par la banque émettrice ou confirmante vis-à-vis de la banque désignée par rapport à l'engagement souscrit par ces mêmes banques vis-à-vis du bénéficiaire du crédit. Cette indépendance n'est toutefois pas un phénomène unique, on la rencontre également dans les garanties bancaires “autonomes”, “abstraites”, “à première demande” et cependant personne ne conteste que la fraude fait obstacle à l'exécution de tels engagements.