Cour de cassation 18 juin 2007
DROIT COMMERCIAL GÉNÉRAL
Entreprises publiques autonomes - Actes de commerce - Registre du commerce - Irrecevabilité
Aux termes de l'article 8 alinéa 1er de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, les actes des entreprises publiques autonomes sont réputés commerciaux. Avec cette disposition, le législateur a entendu soumettre les entreprises publiques autonomes au même régime juridique que celui des sociétés commerciales privées. Dès lors, tous les actes d'une entreprise publique autonome sont régis par les règles du droit commercial, bien que l'entreprise elle-même n'acquière pas la qualité de commerçant. Il s'ensuit que les dispositions des lois relatives au registre du commerce, coordonnées le 20 juillet 1964, sont applicables à l'activité qu'exerce une entreprise publique autonome. L'action d'une entreprise publique autonome est irrecevable si celle-ci n'était pas inscrite au registre du commerce au moment de l'intentement de l'action.
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ALGEMEEN HANDELSRECHT
Autonome overheidsbedrijven - Daden van koophandel - Handelsregister - Onontvankelijkheid
Overeenkomstig artikel 8 lid 1 van de wet van 21 maart 1991 betreffende de hervorming van sommige economische overheidsbedrijven worden de handelingen van autonome overheidsbedrijven geacht daden van koophandel te zijn. Met deze bepaling heeft de wetgever de autonome overheidsbedrijven aan hetzelfde juridisch regime willen onderwerpen als de private handelsvennootschappen. Bijgevolg worden alle handelingen van autonome overheidsbedrijven beheerst door de voorschriften van het handelsrecht, zonder dat het overheidsbedrijf daarbij zelf de hoedanigheid van handelaar verwerft. Om die reden zijn ook de bepalingen van de gecoördineerde wetten van 20 juli 1964 betreffende het handelsregister op de activiteiten van autonome overheidsbedrijven van toepassing. De vordering die door een autonoom overheidsbedrijf wordt ingesteld zonder dat deze op dat ogenblik over een inschrijving in het handelsregister beschikt, is dan ook onontvankelijk.
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SNCB Holding SA / Association liégeoise du gaz SC
Siég.: Ch. Storck (président de section), D. Plas, Ch. Matray, S. Velu et Ph. Gosseries (conseillers) |
M.P.: Th. Werquin (avocat général) |
Pl.: Me L. De Gryse |
Conclusions de Monsieur l'avocat général Th. Werquin
Le moyen, en sa première branche.
1. La loi du 21 mars 1991 vise à introduire dans la législation belge un nouveau régime applicable aux organismes d'intérêt public qui exercent des activités industrielles ou commerciales, comme la SNCB (Exposé des motifs, Projet de loi portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, Doc. parl. Chambre, sess. ord. 1989-90, 1287/1-89/90, p. 1.).
2. La soustraction des entreprises qui exploitent un service public à caractère industriel ou commercial au droit commercial serait en contradiction avec les renvois nombreux qui sont faits au droit commercial par leurs lois organiques ou par leurs statuts, soit en réputant commerciaux les actes que ces entreprises accomplissent, soit en leur prescrivant d'appliquer à l'exploitation de leur objet d'intérêt général les méthodes industrielles et commerciales (Dieux, “Les entreprises publiques et le droit commercial”, in Les entreprises publiques autonomes, 1992, U.L.B., p. 104.).
Ces emprunts au droit commercial, particulièrement en tant que les obligations ou les actes de ces entreprises sont réputés commerciaux, justifient, “ratione materiae” en quelque sorte, l'application aux opérations qu'elles accomplissent des règles propres que le droit commercial consacre à des actes de même nature et ce, même si l'esprit qui les anime n'est pas lucratif ou à tout le moins ne peut l'être exclusivement, eu égard à la mission d'intérêt public dont l'organisme en cause doit s'acquitter (Dieux, o.c., p. 105. Voy. aussi concl. de M. le procureur général Cornil précédant Cass. 8 février 1952, Pas., I, p. 322.: L'article 1er des statuts de la SNCB, établis par l'arrêté royal du 7 août 1926, en exécution de la loi du 23 juillet 1926, portant expressément que “ses engagements sont réputés commerciaux”, la soumettent ainsi de manière générale à la juridiction des tribunaux de commerce.).
3. La présomption de commercialité que la loi attache ainsi aux actes des services publics à caractère industriel et commercial, n'entraîne toutefois aucune vocation du droit commercial, ou du droit privé, à les régir ad generalia (Dieux, o.c., p. 108.).
Les entreprises concernées par la loi précitée ne cessent pas d'être considérées comme “publiques”. Tout en étant gérées de manière autonome, elles demeurent redevables de servitudes de service public. L'une des clefs de voûte de la loi est la distinction opérée entre missions de service public et activités à caractère concurrentiel. Les activités en concurrence visent à assurer la compétitivité des entreprises publiques, tandis que les missions de service public resteront soumises à des conditions de mise en oeuvre qui devront notamment respecter trois principes fondamentaux: l'universalité, la continuité et l'adaptation constante aux besoins des usagers (Quertainmont, “Les entreprises publiques autonomes. Un bilan de l'application de la loi du 21 mars 1991”, R.D.C. 1996, p. 501.).
En outre, le législateur étend parfois expressément à ces services le bénéfice de prérogatives ou la charge de contraintes auxquelles les pouvoirs publics sont normalement soumis.
Mais pareille éviction doit demeurer limitée à celles des règles du droit privé ou commercial avec lesquelles le droit administratif apparaît de la sorte en conflit (Dieux, o.c., p. 108-109; Exposé des motifs, Projet de loi portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, Doc. parl. Chambre, sess. ord. 1989-90, 1287/1-89/90, p. 16: Les entreprises publiques autonomes sont exclues de l'application du Livre III du Code de commerce, qui règle le régime de la faillite. En outre, elles bénéficient d'une immunité limitée d'exécution. Ces deux exceptions permettent de garantir la continuité de la prestation de ces services.).
Les lois propres au droit commercial par lesquelles tel ou tel type d'opérations se trouve spécifiquement réglementé ainsi que les règles que le droit commercial consacre en matière de contrats commerciaux s'appliquent aux entreprises publiques autonomes toutes les fois qu'il n'y est pas dérogé par les textes particuliers qui les régissent. De même, le droit commun des obligations contractuelles est applicable aux entreprises publiques dont les actes sont réputés commerciaux, dans la mesure prévue par l'article 1107 aliéna 2 du Code civil (Dieux, o.c., p. 106-107.).
4. Peut-on affirmer que les règles propres au droit commercial qui ne sont applicables qu'aux personnes auxquelles la qualité de commerçant est reconnue, ne sont pas d'application aux entreprises publiques, l'attribution de cette qualité heurtant ceux qui sont restés marqués par le credo classique en un lien naturel et indissoluble entre cette qualité et l'esprit de lucre?
Suivant le droit commun, une personne morale est commerçante lorsque son objet consiste dans l'exploitation d'activités commerciales au sens des articles 1er, 2 et 3 du Code de commerce (Dieux, o.c., p. 110-111.).
Dans une perspective traditionnelle, la commercialité quant aux actes s'apprécie d'abord par référence à une liste d'actes isolés ou d'entreprises. Mais il ne suffit pas qu'une activité ou un acte isolé corresponde à l'une des hypothèses visées par les articles 2 et 3 du Code de commerce (Thirion, Les privatisations d'entreprises publiques dans une économie sociale de marché: aspects juridiques, 2002, p. 36.).
Outre ces cas, la loi confère la commercialité à certains actes en raison de leur forme. Enfin la loi répute commerciaux, jusqu'à preuve du contraire, tous les actes posés par des commerçants, ceux-ci étant définis comme “ceux qui exercent des actes qualifiés commerciaux par la loi et qui en font leur profession habituelle” (Déom, Le statut juridique des entreprises publiques, 1991, p. 141.).
Tiraillée entre les conceptions objective et subjective de commercialité, la jurisprudence traduit une forme d'instillation de l'appréciation subjective de la commercialité (fonction de la personne) dans sa dimension objective (fonction des actes): en effet, l'intention poursuivie par la personne rejaillit sur la qualification même de l'acte (Dans un arrêt du 25 février 1935 (Pas. 1935, I, p. 170), la Cour a considéré que l'esprit de lucre ou de spéculation est de l'essence des actes de commerce et, par conséquent de toute exploitation “commerciale”.).
Il en résulte que l'énumération des articles 2 et 3 du Code de commerce ne constitue qu'une présomption juris tantum de commercialité des actes, qui peut être renversée par la preuve contraire d'une absence d'esprit de lucre ou de spéculation dans leur accomplissement. À défaut d'intention spéculative, l'acte n'est d'une certaine manière commercial que d'apparence: pas d'esprit de lucre, pas d'acte ou d'activité commerciale (Thirion, o.c., p. 38.).
Dans un arrêt du 19 janvier 1973, la Cour a considéré que si, aux termes de l'article 2 du Code de commerce certains actes sont réputés par la loi actes de commerce, c'est parce que le législateur présume que ceux-ci sont accomplis dans un esprit de lucre (Pas., I, p. 493.).
Cette attitude constante de la jurisprudence a attiré de vives critiques d'une partie importante de la doctrine. Divers arguments sont avancés à l'encontre d'une telle conception, notamment l'absence de tout fondement textuel, l'imprécision, et le caractère peu praticable d'un critère aussi subjectif, l'inexactitude de la corrélation systématique entre but de lucre et commercialité (Déom, o.c., p. 143; Van Ryn et Heenen, “Esprit de lucre et droit commercial”, R.C.J.B. 1974, p. 321.).
Il est, à cet égard, difficile d'admettre que des personnes morales de droit public qui visent à satisfaire un intérêt collectif, puissent nourrir une intention spéculative. Ce n'est manifestement pas la perspective d'un enrichissement qui inspirent les interventions publiques dans ces entreprises (Thirion, o.c., p. 39.).
Sans doute, les pouvoirs publics n'agissent-ils pas dans la préoccupation prédominante du profit, mais ils peuvent escompter d'une activité une certaine rentabilité, permettant au moins son autofinancement. Si l'on définit le but de lucre non comme la volonté de s'enrichir, mais comme la recherche de la rentabilité économique, on pourrait donc estimer que les entreprises publiques s'intègrent dans le champ de la commercialité (Déom, o.c., p. 145.).
En réalité, quel que soit le but poursuivi par les pouvoirs publics, c'est, fondamentalement, le fait qu'ils investissent un champ d'activités traditionnellement occupé par les personnes privées - à savoir la production ou la distribution de biens ou de services sur un marché -, qui doit retenir l'attention (Thirion, o.c., p. 41.).
Le législateur a considéré que des services publics comme les Postes, les Chemins de fer et les Télégraphes et Téléphones sont voués au rendement, à l'efficacité et à la rentabilité et ne peuvent être isolés du marché; la rentabilité est souhaitable pour les diverses entreprises monopolistiques qui gèrent un service public dans un marché concurrentiel (Quertainmont, o.c., p. 501.).
Entrant sur le terrain économique, les pouvoirs publics doivent se plier à la discipline spécifique qui le régit. Un lien intrinsèque et nécessaire est alors établi, par le truchement des concepts de la science économique, entre l'exercice d'une activité économique et le respect des cadres légaux de celle-ci en droit commun. Cependant, agissant selon un processus d'emprunt ou de renvoi, l'autorité publique peut moduler l'application du droit commercial en fonction des finalités poursuivies et se borner à des références partielles (Déom, o.c., p. 494-495.).
La circonstance qu'une personne morale revêt un caractère de droit public, parce qu'elle a été créée et qu'elle est contrôlée par les pouvoirs publics, fût-ce même par des moyens qui relèvent du droit administratif est indifférente pour la réponse à la question de savoir si le droit commercial doit régir les actes qu'elle accomplit.
La mission d'intérêt public qui est confiée à la personne morale de droit public ne fait pas en soi davantage obstacle à l'application des dispositions du droit commercial, si sa loi organique répute ses activités commerciales, alors même que l'esprit de lucre leur serait étranger (Dieux, o.c., p. 111.).
Une note signée W.G., publiée au Bulletin sous l'arrêt du 19 février 1973 de la Cour (P. 494.), relève que la doctrine qui fait du but de lucre et donc de profit ou de spéculation l'élément nécessaire de l'acte de commerce ne paraît plus pouvoir être défendue de manière absolue, aujourd'hui où les pouvoirs publics interviennent dans l'exploitation d'entreprises de nature économique, à l'intervention d'organismes d'économie mixte dépendant d'eux ou placé sous leur contrôle. Les organismes mixtes, qui participent à la vie économique du pays, poursuivent un but d'intérêt général et les actes de certains d'entre eux qui font l'objet d'un statut légal propre, bien que qualifiés actes de commerce, ne sont pas accomplis dans un esprit de lucre. Ces actes, considérés lorsque la loi qui institue ces organismes et règle leur statut le prévoit, comme des actes de commerce, sont régis par le droit commercial. Leurs engagements sont réputés commerciaux.
Lorsque la législation organique d'une entreprise publique répute ses engagements commerciaux, nombre de dispositions du droit commercial deviennent dès lors applicables sans ambages, comme celles qui règlent spécifiquement l'activité exercée.
Toutefois, il est généralement admis que ce type de présomption légale de commercialité n'a pas pour effet de conférer à l'entreprise publique elle-même la qualité de commerçant.
Si, en rigueur des termes, l'entreprise publique non commerçante échappe aux dispositions dont l'application se définit ratione personae, il faut cependant apprécier les problèmes posés en fonction de leur contexte et de l'intention du législateur (Déom, o.c., p.429.).
L'article 8 de la loi du 21 mars 1991, qui confirme l'existence dans notre droit de la notion de service public à caractère commercial et industriel, dispose que les actes et les engagements des entreprises publiques autonomes sont réputés commerciaux. Les entreprises publiques autonomes sont dès lors soumises aux dispositions légales et réglementaires applicables aux commerçants. De cette façon, elles sont soumises au même régime juridique que celui des sociétés commerciales privées (Exposé des motifs, Projet de loi portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, Doc. parl. Chambre, sess. ord. 1989-90, 1287/1-89/90, p. 16.).
Cette disposition s'applique aussi bien aux actes accomplis dans le cadre des missions et tâches de service public que le contrat de gestion doit définir, qu'aux autres activités que les entreprises autonomes sont libres de développer pourvu qu'elles soient compatibles avec leur objet social (Dieux, o.c., p. 106.).
Dès lors que, suivant la loi du 21 mars 1991, les actes des entreprises autonomes sont réputés commerciaux, - qu'ils ressortissent aux missions de service public définies par le contrat de gestion, ou aux autres activités que de telles entreprises seront libres d'exploiter conformément à l'article 7 -, les règles du droit commercial dont le champ ratione personae est réservé aux commerçants ou aux opérations accomplies par eux leur sont applicables (Dieux, o.c., p. 112.).
En conséquence, eu égard à la volonté du législateur exprimée dans l'Exposé des motifs, les lois coordonnées du 20 juillet 1964 relatives au registre de commerce sont applicables aux entreprises publiques autonomes régies par la loi du 21 mars 1991, partant, l'obligation d'immatriculation au registre de commerce (Olivier, “L'entreprise publique et le droit commercial”, J.T. 1976, p. 538. Contra: Déom, o.c., p. 429.).
Il se déduit de ce qui précède que, lorsque le législateur répute commerciaux les actes accomplis par une entreprise publique autonome qui exerce des missions de service public, il signifie par là que, même si une telle entreprise n'exerce pas son activité dans un esprit de lucre et n'est pas un commerçant, les règles de droit commercial applicables aux commerçants, qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du contrat de gestion et la notion de “contraintes de service public”, doivent leur être appliquées.
5. L'arrêt attaqué relève que la demanderesse tend à obtenir la condamnation de la défenderesse à lui payer le montant d'une facture du chef de déplacement de ses câbles nécessité par les travaux d'aménagement de la ligne ferroviaire Liège-Bruxelles, et que le litige met en jeu l'exercice d'une mission de service public de la demanderesse.
L'arrêt attaqué considère qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 21 mars 1991, les actes des entreprises publiques autonomes sont réputés commerciaux, qu'il s'agisse des actes accomplis dans le cadre des missions de service public que le contrat de gestion définit, ou des autres activités que ces entreprises sont libres de développer pourvu qu'elles soient compatibles avec leur objet social.
L'arrêt attaqué qui relève qu'il n'est justifié d'aucun principe supérieur de droit public ni d'aucune disposition organique ou statutaire de nature à évincer l'application des lois coordonnées relatives au registre de commerce et donc, à affranchir la demanderesse de l'obligation de s'immatriculer au registre de commerce pour l'exercice de ses activités que la loi a toutes réputées commerciales sans distinction justifie ainsi légalement sa décision que l'action de la demanderesse doit être déclarée d'office non recevable dès lors qu'au moment de son intentement celle-ci ne disposait pas d'une inscription au registre du commerce.
Les autres considérations de l'arrêt attaqué que le moyen, en cette branche, critique, sont surabondantes.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Pour le surplus, dès lors que la qualité de commerçant n'est pas requise pour justifier l'obligation pour une entreprise publique autonome dans le cadre de sa mission de service public de s'immatriculer au registre du commerce, il n'y a pas lieu de poser à la Cour d'arbitrage la question préjudicielle proposée par la demanderesse.
…
Conclusion: rejet du pourvoi.
Arrêt
I. | La procédure devant la Cour |
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 mai 2005 par la cour d'appel de Liège.
Par ordonnance du 8 mai 2007, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Christine Matray a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. | Le moyen de cassation |
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées |
- articles 10 et 11 de la Constitution;
- articles 1er, 2 et 3 du Code de commerce;
- articles 4, 6, 40, 41 et, pour autant que de besoin, 42 des lois relatives au registre du commerce coordonnées le 20 juillet 1964, avant leur abrogation par l'article 72, 2° de la loi du 16 janvier 2003 portant création d'une banque-carrefour des entreprises, modernisation du registre du commerce, création de guichets-entreprises agréés et portant diverses dispositions;
- article 8 de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques.
Décisions et motifs critiqués |
L'arrêt confirme le jugement entrepris en ce qu'il déclarait l'action de la demanderesse contre la défenderesse irrecevable. Il se fonde sur les motifs suivants:
“Qu'alors que la [demanderesse] réclame à la [défenderesse], par citation du 8 novembre 2000, le paiement de 372.926 francs facturés le
17 novembre 1997 du chef du déplacement de ses câbles à Ans, rue Branche Planchard, nécessité par les travaux d'aménagement de la ligne ferroviaire n° 36 Liège-Bruxelles, [la défenderesse] lui oppose in limine litis la nullité de la citation au motif que celle-ci ne mentionne pas le numéro d'inscription au registre du commerce de la [demanderesse] et l'irrecevabilité de l'action 'à défaut de mention du numéro d'immatriculation au registre du commerce dans l'exploit d'ajournement et sauf justification de cette inscription à la date de l'intentement de l'action dans le délai imparti par le tribunal' (art. 41 des lois sur le registre du commerce);
Que le jugement entrepris a retenu l'exception et dit la demande irrecevable en application des articles 40 et 41 de ces lois;
Que la [demanderesse] revendique le fait qu'elle n'était pas immatriculée au registre du commerce à la date d'intentement de l'action; qu'elle estime qu'elle n'avait pas à l'être dès lors qu'elle 'est une personne morale de droit public' et que 'la législation sur le registre du commerce ne s'applique pas aux personnes morales de droit public', même si la loi du
1er août 1960 a réputé ses engagements commerciaux;
Que depuis la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, le statut de la [demanderesse] n'est plus aussi simple qu'elle veut le présenter;
Qu'ainsi, si 'ne peuvent en principe être commerciales (...) les personnes [morales] de droit public: État, provinces, communes, agglomérations, fédérations de communes, cette affirmation doit cependant être nuancée; il existe des organismes hybrides qui, tout en étant créés dans l'intérêt public, poursuivent une activité commerciale; ils relèvent pour partie du droit administratif et pour partie du droit commercial (...); citons (...) des établissements publics de nature commerciale: (...) la SNCB' (T.P.D.C., T. I, p. 37);
Qu'en effet, à la suite de la distinction opérée par la loi du 21 mars 1991 entre les missions de service public et les activités à caractère concurrentiel de ces entreprises publiques autonomes, celles-ci ont acquis 'un statut - “semi-privé” diront d'aucuns, “semi-public” diront d'autres - qui constitue un moyen terme entre la logique administrative et la logique du marché. Alors qu'antérieurement l'une des caractéristiques du fonctionnement des entreprises publiques à vocation industrielle ou commerciale était l'escamotage du marché, l'un des aspects importants du nouveau statut conféré aux quatre entreprises précitées (Régie des télégraphes et des téléphones devenue Belgacom, Régie des Postes devenue La Poste, SNCB et Régie des voies aériennes transformée en S.N.V.A.) est leur insertion dans un marché concurrentiel' (P. Quertainmont, “Les entreprises publiques autonomes. Un bilan de l'application de la loi du 21 mars 1991”, R.D.C. 1996, p. 507);
Qu'ainsi, si aux termes de l'article 156 de la loi, 'le transport intérieur de voyageurs en service ordinaire fait partie des missions de service public [de la demanderesse], ainsi que la mise en service éventuelle de trains supplémentaires pour les services réguliers (périodes de vacances, manifestations sportives)', 'en revanche, les trains spéciaux mis en service à la demande de tiers ou le TGV, qui a une vocation quasi exclusivement internationale, ne font pas partie des missions de service public' (Doc. parl. Chambre, n° 1287/10-89/90, p. 400), pas plus que le transport par rail des marchandises;
Que si ces 'autres activités de transport font bien partie de l'objet social (transport international de marchandises par trains ou wagons complets, de colis, transport combiné,...), il s'indique d'en laisser l'initiative à la [demanderesse] dans le cadre de son autonomie et de les affranchir des règles spécifiques attachées aux missions de service public';
Que 'la deuxième mission de service public réside dans la mise en état d'une infrastructure de transport qui est considérée, en tant que telle, comme d'intérêt national quelles que soient la nature et l'importance du trafic qui y circule. Il est en effet souhaitable de conserver à l'autorité publique la responsabilité de l'infrastructure ferrée, comme c'est le cas des infrastructures routières ou des voies navigables, non seulement pour garantir le respect de certaines règles de concurrence entre modes, mais également parce qu'elle constitue la condition sine qua non d'une politique de mobilité à long ou moyen terme' (ibid., p. 80);
Que dans ces conditions, 'le risque existe de voir soulever des difficultés en ce qui concerne les règles juridiques, sensiblement différentes, applicables aux deux types d'activités. (...) On pourrait ainsi voir le juge, amené à trancher un litige relatif à une entreprise publique, ne pas appliquer le droit commercial, dans l'hypothèse où c'est l'exercice d'une mission de service public qui est en jeu, ou l'appliquer dans l'hypothèse contraire'
(P. Quertainmont, o.c., p. 508);
Que le litige en cause met en jeu l'exercice d'une mission de service public de la [demanderesse];
Que toutefois, le fait que soit en cause ici l'exercice d'une mission de service public de la [demanderesse] n'implique pas que le litige doive être tranché ipso facto par application des règles du droit administratif, à l'exclusion de celles du droit commercial;
Qu'en effet, aux termes de l'article 8 de la loi du 21 mars 1991, les actes des entreprises publiques autonomes sont réputés commerciaux, qu'il s'agisse des actes accomplis dans le cadre des missions de service public que le contrat de gestion définit, ou des autres activités que ces entreprises sont libres de développer pourvu qu'elles soient compatibles avec leur objet social;
Que 'cette affirmation de principe justifie l'application aux entreprises publiques, et aux entreprises publiques autonomes spécialement, toutes les fois qu'il n'y est pas dérogé par les textes particuliers qui les régissent, des lois propres au droit commercial (...). La présomption de commercialité que la loi attache ainsi aux actes des services publics à caractère industriel et commercial n'entraîne toutefois aucune vocation du droit commercial, ou du droit privé, à les régir ad generalia. La doctrine observe en effet que, toutes industrielles ou commerciales que soient les activités des entreprises publiques économiques, leur exploitation doit demeurer dictée par le service ou l'intérêt publics pour la satisfaction desquels elles ont été créées. Leurs lois organiques ou leurs statuts le leur rappellent; pour les entreprises régies par la loi du 21 mars 1991, c'est le contrat de gestion relatif aux missions et tâches d'intérêt public qui joue ce rôle. Il en résulte une première entrave à l'application généralisée des règles du droit privé. D'autre part, le législateur étend parfois expressément aux services publics à caractère industriel et commercial le bénéfice de prérogatives ou la charge de contraintes auxquelles les pouvoirs publics sont normalement soumis. De plus, certains principes généraux que le droit administratif s'est forgés en considération d'impératifs inhérents à l'idée de service public doivent être étendus aux entreprises publiques, suivant une opinion très généralement admise: il s'agit, comme on le sait, du principe de la continuité des services publics, de l'égalité d'accès à ceux-ci et de la loi du changement. Le droit privé peut s'en trouver écarté ou aménagé lorsqu'il apparaît incompatible avec ces règles ou principes du droit administratif (...). Mais pareille éviction doit demeurer limitée à celle des règles du droit privé ou commercial avec lesquelles le droit administratif apparaît de la sorte en conflit' (X. Dieux, “Les entreprises publiques et le droit commercial”, in Les entreprises publiques autonomes. La nouvelle loi du 21 mars 1991, Bruxelles, Bruylant, 1992, pp. 106 à 109);
Qu'une autre prévention à l'encontre de l'application du droit commercial aux entreprises publiques est liée au fait qu'un nombre important de règles propres à ce droit ne sont applicables qu'aux personnes auxquelles la qualité de commerçant est reconnue. (...) Suivant le droit commun, une personne morale est commerçante lorsque son objet consiste dans l'exploitation d'activités commerciales au sens des articles 1er, 2 et 3 du Code de commerce. Cette qualité est indépendante de celle des personnes qui la contrôlent le cas échéant (...). La circonstance qu'une personne morale revêt un caractère de droit public parce qu'elle a été créée et qu'elle est contrôlée par les pouvoirs publics fût-ce même par des moyens qui relèvent du droit administratif, est donc indifférente pour la réponse qu'il convient de donner à la question de savoir si la qualité de commerçant peut lui être reconnue. La mission d'intérêt public qui lui est confiée ne fait pas en soi davantage obstacle à la reconnaissance de cette qualité si la loi organique répute ses activités commerciales, alors même que l'esprit de lucre leur serait étranger. A fortiori en va-t-il de même encore si l'on adopte de la commercialité des entreprises une conception fondée sur le critère objectif de la recherche d'un excédent des recettes sur les dépenses. Le système consacré par la loi du 21 mars 1991 nous paraît apporter un appui supplémentaire à la conception ci-dessus esquissée, dès lors que les actes des entreprises autonomes sont réputés commerciaux, qu'ils ressortissent aux missions de service public définies par le contrat de gestion, ou aux autres activités que de telles entreprises seront libres d'exploiter conformément à l'article 7 (...). Mais il va de soi que (...) les règles du droit commercial dont le champ est, ratione personae, réservé aux commerçants ou aux opérations accomplies par eux (...) sont, elles aussi, susceptibles de céder devant des principes supérieurs de droit public' (X. Dieux, o.c., pp. 110 à 112);
Qu'en l'occurrence, il n'est justifié d'aucun principe supérieur de droit public ni même d'aucune disposition organique ou statutaire de nature à évincer l'application des lois coordonnées relatives au registre du commerce et, donc, à affranchir la [demanderesse] de l'obligation de s'immatriculer au registre du commerce pour l'exercice de ses activités que la loi a toutes réputées commerciales sans distinction;
Que la circonstance que 'la plupart des informations' appelées à figurer au registre du commerce sont déjà portées à la connaissance du public par la publication au Moniteur belge des divers lois et arrêtés royaux concernant la [demanderesse] ne génère nulle incompatibilité qui y ferait obstacle, d'autant que les sociétés commerciales de droit privé sont aussi astreintes à des formalités de publicité dans les annexes du Moniteur belge;
Que si [la demanderesse] mentionne aujourd'hui son numéro d'enregistrement à la Banque-carrefour des entreprises créée par la loi du 16 janvier 2003 et si, en vertu de ladite loi, le numéro d'entreprise fait fonction de numéro de registre du commerce, il reste qu'en application de l'article 14 de la même loi, l'action doit être déclarée d'office non recevable dès lors qu'au moment de son intentement, l'entreprise commerciale demanderesse ne disposait pas d'une inscription; que la communication du numéro d'entreprise ne peut donc relever [la demanderesse] de l'irrecevabilité de sa demande.”
Griefs |
Première branche |
En vertu de l'article 1er du Code de commerce, sont commerçants “ceux qui exercent des actes qualifiés de commerciaux par la loi et qui en font leur profession habituelle, soit à titre principal, soit à titre d'appoint”. Les articles 2 et 3 du Code de commerce réputent une série d'actes comme étant des “actes de commerce”, parmi lesquels “toute entreprise de transports par terre” (art. 2).
Les actes énoncés aux articles 2 et 3 du Code de commerce sont réputés commerciaux parce que le législateur présume qu'ils sont accomplis dans un but de lucre. Il s'agit toutefois d'une présomption réfragable: la preuve de l'absence de but de lucre fait obstacle à la qualification d'acte de commerce.
Les personnes morales de droit public, parmi lesquelles les entreprises publiques autonomes notamment lorsqu'elles assument une mission de service public, ne sont pas des commerçants au sens de ces articles. Si elles accomplissent des actes qualifiés de commerciaux, ce n'est qu'accessoirement à leur mission d'intérêt général. Ces activités sont attirées dans l'orbite de leur activité de service public et y perdent leurs caractéristiques commerciales: les avantages retirés n'ont pas pour objet leur enrichissement personnel (but de lucre), mais le bien commun.
Le fait que les actes de la personne morale de droit public soient, le cas échéant, réputés commerciaux par la loi - en ce qui concerne les actes des entreprises publiques autonomes, par l'article 8 de la loi du 21 mars 1991 - n'emporte pas de commercialité dans son chef. Admettre le contraire reviendrait, en effet, à attribuer un caractère irréfragable à la présomption que les actes de cette personne sont accomplis dans un but de lucre, ce qui serait contraire aux articles 1er, 2 et 3 du Code de commerce.
Par ailleurs, il résulte des articles 40 et 41 et, pour autant que de besoin, 42 des lois relatives au registre du commerce coordonnées le 20 juillet 1964 que l'action du demandeur est irrecevable à défaut d'immatriculation au registre du commerce, telle qu'elle est visée aux articles 4 et 6 desdites lois, lorsque le demandeur est commerçant et que son action trouve sa cause dans un acte de commerce. Les qualités de “commerçant” et d'“acte de commerce” s'interprètent à la lumière des articles 1er, 2 et 3 précités du Code de commerce et sont donc exclus dans le chef d'une entreprise publique autonome, à tout le moins lorsqu'elle assume une mission de service public.
En l'espèce, l'arrêt attaqué constate que l'ancienne SNCB, qui est une entreprise publique autonome [et aux droits de laquelle succède la demanderesse], exerce une mission de service public.
Dès lors, de la constatation que les actes des entreprises publiques autonomes - en ce compris les actes accomplis dans le cadre des missions de service public - sont réputés commerciaux par l'article 8 de la loi du 21 mars 1991, l'arrêt ne pouvait pas légalement déduire que les lois relatives au registre du commerce, en ce compris donc les articles 4, 6, 40, 41 et 42 desdites lois, s'appliquaient au motif qu'il n'était justifié d'aucun principe supérieur de droit public ni même d'aucune disposition organique ou statutaire de nature à évincer l'application des lois précitées.
L'arrêt ne pouvait donc pas davantage légalement en conclure que la demande introduite par l'ancienne SNCB qualifiée par lui d' “entreprise commerciale” contre la défenderesse était irrecevable, au motif que, lors de l'intentement de son action, l'ancienne SNCB n'était pas inscrite au registre du commerce.
Partant, l'arrêt viole les articles 1er, 2 et 3 du Code de commerce, 4, 6, 40, 41 et, pour autant que de besoin, 42 des lois relatives au registre du commerce coordonnées le 20 juillet 1964 et 8 de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques.
À titre subsidiaire, si les articles 4, 6, 40, 41 et 42 des lois relatives au registre du commerce coordonnées le 20 juillet 1964, combinés aux articles 1er, 2 et 3 du Code de commerce, doivent être interprétés en ce sens qu'une entreprise publique autonome, dans le cadre de sa mission de service public, est un commerçant, est de ce chef soumise aux règles relatives au registre du commerce et doit être inscrite au registre du commerce lors de l'intentement de son action, ces dispositions ainsi interprétées violeraient les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'elles traitent de la même manière, d'une part, les personnes morales de droit privé qui accomplissent des actes dans un but de lucre et, d'autre part, les entreprises publiques autonomes accomplissant des actes dans le cadre de leur mission de service public, ces entreprises ayant pour but la sauvegarde de l'intérêt général et leurs tâches de service public étant organisées par le contrat de gestion et étant destinées à servir l'intérêt général.
Par conséquent, la demanderesse sollicite dans ce cas de la Cour, en application de l'article 26 § 2 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, de poser la question préjudicielle suivante à la Cour d'arbitrage:
“Les articles 4, 6, 40, 41 et 42 des lois relatives au registre du commerce coordonnées le 20 juillet 1964, combinés aux articles 1er, 2 et 3 du Code de commerce, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant que, lorsqu'ils subordonnent la recevabilité de l'action d'un commerçant trouvant sa cause dans un acte de commerce à son immatriculation au registre du commerce lors de l'intentement de ladite action, ils traitent de manière identique, d'une part, les personnes morales ou physiques de droit privé qui sont commerçants et dont l'action se rapporte à des actes de commerce et, d'autre part, les entreprises publiques autonomes dont l'action se rapporte à des actes accomplis dans le cadre de leur mission de service public?”.
Seconde branche |
Il résulte des articles 40, 41 et, pour autant que de besoin, 42 des lois relatives au registre du commerce coordonnées le 20 juillet 1964 que l'action du demandeur est irrecevable à défaut d'immatriculation au registre du commerce telle qu'elle est visée aux articles 4 et 6 desdites lois, lorsque le demandeur est commerçant et que sa demande trouve sa cause dans un acte de commerce. Les qualités de “commerçant” et d'“acte de commerce” s'interprètent à la lumière des articles 1er, 2 et 3 précités du Code de commerce.
Toutefois, l'immatriculation au registre du commerce n'est pas requise - et la sanction d'irrecevabilité du chef de défaut d'immatriculation lors de l'intentement de l'action ne s'applique dès lors pas - lorsque les informations destinées à figurer au registre du commerce ou, à tout le moins, la plupart de celles-ci, ont fait l'objet d'une autre forme de publicité, telle la publication de divers lois et arrêtés royaux au Moniteur belge.
Dès lors, l'arrêt, en constatant que “la plupart des informations appelées à figurer au registre du commerce sont déjà portées à la connaissance du public par la publication au Moniteur belge des divers lois et arrêtés royaux concernant la [demanderesse]”, ne pouvait légalement décider que l'ancienne SNCB avait quand même l'obligation de s'inscrire au registre du commerce lors de l'intentement de son action et que, ne l'ayant pas fait, son action était irrecevable.
Il viole, par conséquent, les articles 4, 6, 40, 41 et, pour autant que de besoin, 42 des lois relatives au registre du commerce coordonnées le 20 juillet 1964.
III. | La décision de la Cour |
Quant à la première branche |
En vertu de l'article 3 § 1er de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, les règles et conditions spéciales suivant lesquelles une entreprise publique autonome exerce les missions de service public qui lui sont confiées par la loi sont arrêtées dans un contrat de gestion conclu entre l'État et cette entreprise.
L'article 7 de la même loi dispose que les entreprises publiques autonomes sont libres de développer, dans les limites de cette loi, toutes les activités qui sont compatibles avec leur objet social.
Aux termes de l'article 8 alinéa 1er de ladite loi, les actes des entreprises publiques autonomes sont réputés commerciaux.
Le second alinéa de cet article prévoit que ces entreprises ne sont toutefois pas soumises aux dispositions du livre III du Code de commerce et bénéficient de l'immunité d'exécution pour les biens entièrement ou partiellement affectés à la mise en oeuvre de leurs tâches de service public.
Il ressort des travaux préparatoires qu'en réputant commerciaux les actes des entreprises publiques autonomes, le législateur a entendu soumettre ces entreprises au même régime juridique que celui des sociétés commerciales privées.
Tous les actes d'une entreprise publique autonome, même ceux qu'elle accomplit sans esprit de lucre dans l'exercice de sa mission de service public, sont, bien que l'entreprise elle-même n'acquière pas la qualité de commerçant, régis par les règles du droit commercial, à l'exception des règles dont la loi elle-même exclut l'application et de celles qui sont incompatibles avec les stipulations du contrat de gestion ou avec les dispositions qui régissent cette mission de service public.
Il s'ensuit que les dispositions des articles visés au moyen des lois relatives au registre du commerce, coordonnées le 20 juillet 1964, sont applicables à l'activité qu'exerce une entreprise publique autonome.
L'arrêt constate que le litige, qui a pour objet une demande de la demanderesse en paiement d'une facture relative au déplacement de câbles, appartenant à la défenderesse, nécessité par les travaux d'aménagement d'une ligne ferroviaire, concerne l'exercice d'une mission de service public incombant à la demanderesse.
En considérant “qu'en l'occurrence, il n'est justifié d'aucun principe supérieur de droit public ni même d'aucune disposition organique ou statutaire de nature à évincer l'application [desdites] lois coordonnées et donc à affranchir la [demanderesse] de l'obligation de s'immatriculer au registre du commerce pour l'exercice de ses activités que la loi a toutes réputées commerciales sans distinction”, l'arrêt justifie légalement sa décision de dire l'action de la demanderesse irrecevable dès lors qu'au moment de son intentement, la demanderesse n'était pas inscrite à ce registre.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Dès lors que la qualité de commerçant est étrangère à l'application à l'action de la demanderesse des dispositions des lois relatives au registre du commerce que vise le moyen, en cette branche, la question préjudicielle proposée à l'appui du grief qui y est développé ne doit pas être posée à la Cour constitutionnelle.
Quant à la seconde branche |
La circonstance que les informations destinées à figurer au registre du commerce, ou la plupart de celles-ci, aient fait l'objet d'une autre forme de publicité, quelle qu'elle soit, ne dispense pas la personne assujettie aux lois relatives au registre du commerce de se conformer aux obligations prescrites par ces lois.
Le moyen, en cette branche, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi;
(...)