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Les autorités de régulation de la concurrence, R.D.C.-T.B.H., 2007/6, p. 527-546

Les autorités de régulation de la concurrence

Tarik Hennen [1] et Nicolas Petit [2]

TABLE DES MATIERES

Introduction

I. Panorama institutionnel des autorités de régulation de la concurrence A. Observations liminaires sur l'organisation des autorités de régulation

B. Présentation des autorités de régulation de la concurrence Tableau I. Autorités fédérales de régulation de la concurrence

1. L'autorité générale de concurrence - le Conseil de la concurrence et le Service de la concurrence 1.1. Origines et compétences

1.2. Organisation institutionnelle

2. L'autorité sectorielle de régulation des postes et télécommunications - l'IBPT

3. L'autorité sectorielle de régulation de l'énergie - La CREG 3.1. Origine et compétences

3.2. Organisation institutionnelle

II. Paramètres institutionnels de la régulation de la concurrence en Belgique A. Indépendance des autorités de régulation de la concurrence 1. Position du problème

2. Le Conseil de la concurrence et l'Auditorat

3. Les autorités sectorielles de régulation (IBPT et CREG) 3.1. L'IBPT

3.2. La CREG

B. Ressources des autorités de régulation de la concurrence 1. Position du problème

2. Le “cas” du Conseil de la concurrence Tableau II. Comparaison internationale des ressources de diverses ANC

C. Les conflits de compétences 1. Les relations entre autorités générales de concurrence et autorités sectorielles de régulation

2. Le partage des compétences entre plusieurs niveaux de pouvoir

3. Le partage des compétences entre autorités de régulation et juridictions de l'ordre judiciaire 3.1. Les relations entre autorités de concurrence et juge judiciaire

3.2. Les relations entre autorités sectorielles de régulation et juge judiciaire

D. Le contrôle des autorités de régulation de la concurrence 1. Le contrôle de l'effectivité des autorités de régulation de la concurrence

2. Le contrôle juridictionnel des interventions des autorités de régulation de la concurrence 2.1. Unification progressive de la compétence en matière de recours

2.2. La portée du contrôle juridictionnel de la cour d'appel de Bruxelles

Conclusions

RESUME
Tout comme le droit qu'elles sont censées appliquer, nos autorités de régulation de la concurrence seraient-elles des institutions “floues, molles et gazeuses”? La formule, volontairement excessive, abrite la question à laquelle la présente étude entend répondre: celle de l'effectivité des autorités de régulation instituées par les pouvoirs publics du Royaume sous l'impulsion des politiques européennes de concurrence et de libéralisation des industries de réseaux. Pour ce faire, les principales autorités fédérales de régulation de la concurrence (plus spécifiquement, l'autorité de concurrence et les autorités sectorielles de régulation compétentes en matière de télécommunications et d'énergie) sont décrites puis évaluées à l'aune de quatre thématiques que sont (i) l'indépendance, (ii) les ressources, (iii) la résolution des conflits de compétences et (iv) la question du contrôle des autorités de régulation. Dans l'ensemble, il ressort que les marges de progression demeurent considérables, spécialement en ce qui concerne le Conseil de la concurrence dont le manque d'effectivité est flagrant.
SAMENVATTING
Zouden onze regelgevende mededingingsinstanties, net zoals het recht dat zij geacht worden toe te passen, vage, zwakke en vluchtige instanties zijn? In deze opzettelijk overdreven formulering schuilt de vraag waarop deze studie een antwoord probeert te vinden, namelijk die van de efficiëntie van de regelgevende instanties die door de Belgische overheid werden ingericht onder impuls van Europese politieke beleidslijnen voor de mededinging en de vrijmaking van de netwerkindustrieën. Daartoe worden de belangrijkste regelgevende mededingingsautoriteiten (in het bijzonder de mededingingsautoriteit en de sectoriële regulatoren voor telecommunicatie en energie) beschreven en geëvalueerd naar de maatstaf van de volgende thema's: (i) onafhankelijkheid, (ii) mogelijkheden, (iii) oplossingen bij mededingingsconflicten en (iv) de controle van de regulerende instanties. Over het geheel genomen blijkt dat zij nog een aanzienlijke progressiemarge hebben, in het bijzonder dan in het geval van de Raad voor de Mededinging die gekenmerkt is door een overduidelijk gebrek aan efficiëntie.
Introduction

N'en déplaise aux faiseurs d'idées reçues, la mise en oeuvre de réformes d'inspiration libérale s'accompagne parfois d'une montée en puissance significative de l'action publique: le bourgeonnement de nouvelles institutions dites “autorités de régulation” au cours des années '90 en est la meilleure preuve. L'on s'en convainc d'abord aisément en s'intéressant aux “autorités de concurrence”. La sensibilisation aux mérites des politiques de concurrence au cours de la seconde moitié du XXème siècle conjuguée à l'inadaptation des voies juridictionnelles ordinaires pour l'administration de telles règles (pouvoir d'investigation limité des juridictions, sous-développement de l'action privée, importance de l'analyse économique, etc.) conduisent les pouvoirs publics du Royaume à instituer en 1993, un Conseil de la concurrence [3] doté de pouvoirs d'investigation et d'auto-saisine.

L'on s'en persuade encore en revenant sur l'apparition en Belgique d'“autorités de réglementation nationales”. Au début des années '90, les institutions européennes cherchent à ouvrir à la concurrence des marchés où le modèle du monopole naturel s'est imposé [4]. Elles adoptent à cette fin d'ambitieuses politiques publiques de “libéralisation des industries de réseaux” (télécommunication, énergie, rail, etc.). La stratégie mise en oeuvre repose d'une part sur l'élimination des droits exclusifs et spéciaux et, d'autre part, sur le contrôle du pouvoir de marché des opérateurs historiques, qui jouissent toujours de positions dominantes. Des directives sont adoptées. Elles exigent des États membres qu'ils instaurent des mécanismes institutionnels de contrôle et de stimulation de la concurrence [5]. Leur entrée en vigueur conduit rapidement à une prolifération d'autorités dites de régulation au sein de l'Union européenne. La dynamique n'épargne pas la Belgique qui se dote, comme les autres États, de ces nouvelles autorités [6].

C'est à ces décideurs publics d'un genre nouveau, les autorités belges de régulation de la concurrence, que notre étude est consacrée. Les quelques années qui nous séparent aujourd'hui de leur apparition offrent le recul nécessaire à la formulation d'un premier bilan. Pour ce faire, nous esquissons d'abord le panorama institutionnel des autorités belges de régulation (I), Nous nous inspirons ensuite d'un échantillon de paramètres institutionnels retenus par la doctrine économico-juridique spécialisée pour procéder à l'évaluation de ces autorités (II) [7].

I. Panorama institutionnel des autorités de régulation de la concurrence
A. Observations liminaires sur l'organisation des autorités de régulation

L'organisation du paysage institutionnel de la régulation en Belgique repose sur une logique économique élémentaire qu'il nous faut rappeler, avant de développer plus avant notre propos. L'action libre des agents économiques fait parfois apparaître des “défaillances de marché”, c'est-à-dire des situations dans lesquelles le jeu de l'offre et de la demande ne parvient pas à assurer une allocation optimale des ressources dans la société. Le monopole naturel (en cas d'économies d'échelle ou de rendements croissants), la non-fourniture de “biens publics” (des biens - ou services - dont la consommation ne doit être ni exclusive, ni rivale), l'abus de pouvoir de marché et autres pratiques anticoncurrentielles en constituent les exemples les plus notoires [8]. L'identification d'une défaillance du marché justifie en principe la substitution de la décision publique collective au jeu du marché afin d'éliminer/corriger l'inefficience constatée [9]. Cette intervention peut passer par l'adoption de règles de droit (comme, p. ex., les règles de concurrence ou des réglementations spécifiques dans certains secteurs) [10], mais aussi par la création de nouvelles institutions. Et, ce qui nous intéresse ici, c'est que les formes institutionnelles de cette intervention peuvent être calibrées en fonction des spécificités sectorielles - ou non - des défaillances de marché en cause.

En Belgique, l'institution d'autorités de régulation a suivi tantôt une logique sectorielle, tantôt une logique transversale. En premier lieu, une logique sectorielle s'est imposée dans le domaine des “industries de réseaux”. Le législateur belge a choisi d'élaborer des régimes juridiques spécifiques en matière de, télécommunications, services postaux, audiovisuel, énergie (gaz et électricité) et transports (aériens et ferroviaires) [11]. Chacun de ces secteurs présentant des caractéristiques propres au regard des défaillances de marché en cause, le législateur a choisi d'instituer des autorités spécialisées chargées de la régulation de ces marchés spécifiques [12]. Ainsi, dans le domaine énergétique, les risques créés par la sécurité des approvisionnements ont plaidé pour l'adoption d'une institution spécifique. C'est bien encore de cette logique sectorielle que proviennent les régulateurs mis en place dans des domaines autres que les industries de réseaux, comme les services financiers et d'assurances, ou le secteur alimentaire [13].

Bien que solidement justifiée économiquement, on peut questionner le choix, pour un pays de taille modeste comme la Belgique, d'une structure institutionnelle de régulation aussi morcelée. L'ambition du législateur a peut-être dépassé les moyens administratifs du pays. Empiriquement, nous verrons dans les développements qui suivent que l'effectivité des autorités en place est douteuse.

En second lieu, une logique transversale a été retenue pour remédier aux défaillances de marché générales, c'est-à-dire celles qui ne sont pas directement liées aux caractéristiques d'un secteur donné. Les pouvoirs publics ont ainsi institué une autorité “générale” de régulation en matière de concurrence économique: les abus de pouvoir de marché et pratiques collusives n'étant pas - sensu stricto - l'apanage de certains secteurs, une approche institutionnelle transversale s'est imposée.

B. Présentation des autorités de régulation de la concurrence

Une présentation exhaustive de l'ensemble des autorités belges de régulation dépasserait largement l'ambition de la présente étude [14]. Nous avons donc choisi de limiter notre examen d'une part, à l'autorité générale de concurrence belge (le Conseil de la concurrence et le Service de la concurrence) [15] (1) et, d'autre part, aux deux autorités sectorielles de régulation que sont l'Institut Belge des Services Postaux et de Télécommunications (2) et la Commission de Régulation de l'Électricité et du Gaz (3) [16].

Tableau I. Autorités fédérales de régulation de la concurrence


Autorité générale de concurrence
Conseil de la concurrence
Date de création Secteurs supervisés Texte fondateur
1993 Tous Loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 1er juillet 1999
Autorités sectorielles de régulation
IBPT
Date de création Secteurs supervisés Texte fondateur
1991 Postes et télécommunications Loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques
CREG
Date de création Secteurs supervisés Texte fondateur
1999 Électricité et gaz Loi relative au marché de l'électricité du 29 avril 1999
1. L'autorité générale de concurrence - le Conseil de la concurrence et le Service de la concurrence
1.1. Origines et compétences

L'autorité belge de concurrence se compose du Conseil de la concurrence et du Service de la concurrence [17]. Successeur du “Conseil du contentieux économique”, le Conseil de la concurrence (ci-après, “le Conseil”) est une juridiction administrative créée en 1993 pour mettre en oeuvre les dispositions de la loi sur la protection de la concurrence économique du 21 mars 1991. Longtemps seule “autorité de concurrence” en tant que telle, le Conseil a récemment fait l'objet d'une profonde réforme avec l'adoption le 10 juin 2006 d'une nouvelle loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée par un arrêté royal (ci-après, “LPCE”) [18]. Cette réforme adosse au Conseil le Service de la concurrence (ci-après, “le Service”), un corps de fonctionnaires du Service public Fédéral de l'Économie, soumis à l'autorité du ministre des Affaires économiques.

Sans préjudice de la compétence générale des cours et tribunaux ordinaires, l'autorité de concurrence est compétente pour sanctionner (i) le respect de l'interdiction des accords restrictifs de concurrence (art. 2 LPCE) et (ii) l'exploitation abusive, par une ou plusieurs entreprises, d'une position dominante sur le marché belge (art. 3 LPCE).

Elle jouit parallèlement d'une compétence exclusive de contrôle préalable des opérations de concentration entre entreprises (i) dont le chiffre d'affaires cumulé en Belgique excède 100 millions d'euros; (ii) lorsqu'au moins deux des entreprises concernées réalisent chacune en Belgique un chiffre d'affaires d'au moins 40 millions d'euros [19].

Depuis l'adoption du Règlement 1/2003, l'autorité belge de concurrence est enfin pleinement compétente pour appliquer les règles européennes de concurrence, à savoir les articles 81(1), 81(3) et 82 du Traité CE [20].

1.2. Organisation institutionnelle

Le législateur a fait le choix d'une architecture institutionnelle dissociant les compétences d'instruction et d'exécution, désormais confiées à l'Auditorat (organe faisant partie intégrante du Conseil de concurrence mais distinct de la chambre décisionnelle du Conseil) [21] et au Service de la concurrence (a), des fonctions de décision, attribuées au Conseil de la concurrence (b). Cette organisation permet d'éviter les critiques traditionnellement formulées à l'égard du système institutionnel communautaire, dans lequel la Commission européenne cumule les mandats, en jouant à la fois le rôle de “policier”, “procureur” et “juge” [22]. Le système belge est ainsi plus respectueux des droits de la défense et du droit à un procès équitable prévu à l'article 6 de la CEDH.

a) Organes d'instruction et d'exécution - Auditorat et Service de la concurrence

L'Auditorat et le Service de la concurrence interviennent à la fois en amont et en aval de la procédure. En amont tout d'abord, le Service de la concurrence exerce - sous l'autorité de l'Auditorat - une mission d'instruction des affaires [23]. La LPCE investit l'Auditorat des missions (i) de recevoir les plaintes et de statuer sur leur recevabilité et leur bien-fondé, (ii) de délivrer les ordres de mission aux agents du Service, (iii) de diriger et d'organiser l'instruction des affaires et; (iv) d'établir et de présenter le rapport d'instruction au Conseil de la concurrence [24].

L'Auditorat peut procéder à des mesures d'instruction soit d'office, soit sur saisine du ministre ou du Conseil de la concurrence, soit encore sur plainte d'une personne physique ou morale fournissant démontrant un intérêt direct et actuel [25]. La cour d'appel de Bruxelles peut également demander des mesures d'instructions complémentaires [26].

Par ailleurs, “l'Auditorat peut, d'office ou à la demande du ministre ou du ministre compétent selon le secteur concerné, procéder ou faire procéder à des enquêtes générales ou sectorielles s'il y a des indices sérieux de l'existence de pratiques prohibées par les articles 3 § 1er et 4 et les articles 81 et 82 du Traité CE” [27].

Dans l'accomplissement de leur mission d'instruction, les auditeurs et les fonctionnaires du Service de la concurrence recueillent les renseignements et témoignages nécessaires [28]. La loi leur attribue le pouvoir de dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire. Ils peuvent également procéder à des perquisitions et recourir le cas échéant à la force publique [29]. Enfin, les auditeurs peuvent commettre des experts pour éclairer, notamment en matière économique, certains aspects des affaires instruites [30].

En aval, ensuite, le Service et l'Auditorat sont investis de la mission de veiller à la bonne exécution des décisions du Conseil [31]. En cas de non-respect d'une de celles-ci, l'Auditorat peut demander au Conseil d'infliger aux entreprises concernées, des astreintes à concurrence de 5% de leur chiffre d'affaires journalier moyen [32]. À toutes fins d'exhaustivité, il nous faut signaler que l'autorité de concurrence dispose accessoirement de compétences consultatives et normatives. La LPCE confie au Service la charge “de préparer, d'exécuter et d'évaluer la politique de la concurrence économique en Belgique” [33], ainsi que de “préparer la législation et la réglementation belges relatives à la concurrence économique” [34], [35].

Enfin, on précisera que les auditeurs bénéficient de certaines compétences décisionnelles. Ainsi, peuvent-ils se prononcer sur le bien-fondé ou la recevabilité des plaintes et sur la confidentialité des pièces communiquées [36]. L'Auditorat n'en devient pas pour autant un organe de décision à proprement parler. Ses compétences décisionnelles ne sont que l'accessoire nécessaire de sa mission d'instruction.

b) L'organe de décision - Le Conseil de la concurrence

Le Conseil de la concurrence est une juridiction administrative “de haut niveau” dont la mission principale est de trancher au fond les affaires transmises par l'Auditorat. À cette fin, le Conseil jouit - comme d'autres autorités de concurrence de l'UE - d'un quadruple pouvoir décisionnel. Il dispose en premier lieu d'un pouvoir d'injonction qui s'exerce envers les entreprises coupables de violations de la LPCE. Son objet est d'obtenir de ces dernières qu'elles mettent fin - pour l'avenir - aux pratiques anticoncurrentielles constatées.

Il possède en second lieu un pouvoir d'infliction de sanctions: le Conseil peut infliger aux entreprises qui enfreignent la LPCE des amendes s'élevant jusqu'à 10% de leur chiffre d'affaires [37]. L'adoption de la LPCE marque à ce sujet une évolution notable: la loi reconnaît désormais formellement la pratique administrative de clémence jusqu'alors développée par le Conseil. Sous certaines conditions, une entreprise qui dénonce et permet d'établir la preuve d'une pratique prohibée par l'article 2 LPCE peut se trouver intégralement exonérée des sanctions pécuniaires dont elle devrait en principe être frappée [38].

En troisième lieu, le président du Conseil peut ordonner la suspension provisoire de pratiques restrictives de concurrence lorsqu'il apparaît urgent d'éviter une situation susceptible de provoquer un préjudice “grave, imminent et irréparable” [39].

Enfin, depuis la réforme de 2006, le Conseil jouit de la faculté de clôturer la procédure en infraction par une décision rendant contraignants des engagements pris par les parties [40]. Cette innovation juridique n'est pas une singularité belge. Elle s'inspire des aménagements institutionnels adoptés en 2004 à l'échelon européen et, avant cela, des célèbres “settlements” du droit américain [41]. Les engagements, qu'ils soient comportementaux (ils altèrent alors le comportement des entreprises sur le marché) ou structurels (ils altèrent alors la structure des entreprises concernées) doivent être de nature à répondre aux préoccupations du Conseil [42].

2. L'autorité sectorielle de régulation des postes et télécommunications - l'IBPT

Instauré par la loi du 21 mars 1991 [43], l'IBPT a succédé à la Régie des Télégraphes et des Téléphones (RTT), qui exerçait jusqu'alors des fonctions réglementaires sur le secteur monopolistique des télécommunications [44]. Initialement, l'IBPT a été créé pour assister le gouvernement dans la préparation et la mise en oeuvre des réglementations européennes imposant l'ouverture complète à la concurrence du marché des télécommunications en janvier 1998 [45].

Sous l'effet de la révision du cadre réglementaire européen des télécommunications [46], les compétences de l'IBPT ont fait l'objet de profondes modifications. Une loi “statut” de 2003 lui a tout d'abord attribué quatre nouveaux types de compétences: (i) la formulation d'avis, (ii) l'adoption de décisions administratives portant notamment sur l'imposition d'obligations spécifiques aux entreprises disposant d'une puissance significative de marché, (iii) le contrôle du respect de la réglementation en matière de télécommunications et, (iv) un rôle de conciliateur (ou de règlement des différends) en cas de litige entre fournisseurs de réseaux, de services ou d'équipements.

Dans le même temps, la loi “statut” a supprimé la compétence réglementaire de l'IBPT [47]. Le rôle de ce dernier est donc dorénavant recentré sur ses attributions décisionnelles [48]. La mission de préparation, d'exécution et d'évaluation de la politique relative aux télécommunications est confiée au Service public fédéral de programmation Télécommunications, sous l'autorité du ministre “qui a les télécommunications dans ses attributions” [49].

Pour mener à bien ses missions, l'IBPT jouit d'une série de pouvoirs, dont des pouvoirs (i) d'organisation d'enquêtes et/ou de consultations publiques afin de prendre connaissance de la situation précise du secteur et, (ii) de décision. Dans l'exercice de ces pouvoirs, l'IBPT est appelé à collaborer avec la Commission européenne, les autorités belges et étrangères de concurrence ainsi que les autorités de régulation de domaines “périphériques”, comme par exemple l'audiovisuel ou la protection des consommateurs [50].

En matière postale, c'est un arrêté royal du 9 juin 1999 qui a formellement fait de l'IBPT le “régulateur” du secteur [51]. Longtemps, les compétences de l'Institut se sont limitées à émettre des avis sur certains litiges entre opérateurs et à superviser la fourniture du service postal universel (calcul du coût du service, évaluation et enquêtes de qualité, vérification de la facture transmise par la Poste à l'État belge, émission d'avis précisant l'étendue du service universel, etc.). Ce n'est que récemment que les pouvoirs de régulation de l'autorité ont été étoffés avec l'adoption - tardive - d'arrêtés d'exécution en janvier 2006 [52]. L'Institut est désormais chargé de l'octroi de licences pour les prestataires de service postal universel non réservé selon des procédures définies par l'arrêté royal. Malgré cela, les compétences postales de l'IBPT restent limitées en raison (i) du stade encore embryonnaire de la libéralisation des services postaux et, (ii) des lourds retards de publication des arrêtés de transposition des règles européennes [53].

3. L'autorité sectorielle de régulation de l'énergie - La CREG
3.1. Origine et compétences

La CREG est l'autorité fédérale de régulation du secteur de l'énergie (électricité et gaz), instaurée par la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité. Elle était initialement investie d'une double mission. D'une part, elle exerçait une mission de conseil des pouvoirs publics au sujet de l'organisation et du fonctionnement du marché de l'électricité. D'autre part, elle assurait la surveillance et le contrôle de l'application des lois et règlements y relatifs.

La réforme du secteur belge de l'énergie de 2005 a opéré un recentrage des fonctions de la CREG sur sa mission de surveillance et de contrôle [54]. En conséquence, sa compétence de “proposition” a été supprimée pour ne laisser subsister qu'une simple compétence d'avis [55]. Les compétences en matière de préparation de la politique et de sécurité d'approvisionnement relèvent, quant à elles, de l'administration de l'énergie du ministère fédéral des Affaires économiques (la direction générale de l'énergie) [56].

Les missions de contrôle et de surveillance les plus importantes de la CREG concernent en premier lieu la tarification de la fourniture d'électricité. La Commission veille à ce que “les tarifications [...] soient orientées dans le sens de l'intérêt général et s'intègrent dans la politique énergétique globale et, le cas échéant, contrôle les prix maximaux” [57]. En deuxième lieu, la CREG s'assure du respect des obligations de service public et définit les méthodes de calcul des coûts et des pertes afférentes à ces obligations. En troisième lieu, la Commission contrôle les comptes des entreprises du secteur de l'électricité pour vérifier notamment l'absence de subventions croisées. Enfin, l'autorité rend des avis et décisions sur une série de questions annexes (comme p. ex., les demandes de construction de nouvelles installations de production d'électricité, le contrôle du respect des dispositions imposées au gestionnaire du réseau, l'application du règlement technique, etc.).

Pour mener à bien les missions qui lui sont assignées, la CREG émet des demandes d'informations: elle peut requérir toutes les informations nécessaires auprès du gestionnaire du réseau et des gestionnaires des réseaux de distribution ainsi que des producteurs, distributeurs (fournisseurs) et intermédiaires intervenant sur le marché belge [58]. Elle peut encore procéder à des contrôles sur pièces et sur place de leurs comptes. Enfin et surtout, la CREG dispose d'un pouvoir d'injonction: elle peut exiger de toute personne physique ou morale établie en Belgique qu'elle se conforme à certaines dispositions déterminées par les lois en matière d'énergie. À défaut d'exécution à l'expiration du délai, l'autorité de régulation peut, après avoir convoqué et entendu la personne concernée, lui infliger une amende administrative [59]. Notons toutefois que l'instruction (c'est-à-dire la recherche et la constatation des infractions aux législations en matière d'énergie) ne revient pas à la CREG. Elle relève des attributions des fonctionnaires appartenant au Service public fédéral Économie, P.M.E., Classes moyennes et Énergie, ainsi qu'aux officiers de police judiciaire [60].

3.2. Organisation institutionnelle

La CREG se compose de deux organes. Le “Comité de direction” assure la gestion opérationnelle de la CREG et accomplit les actes nécessaires aux missions prévues par la loi [61]. Le “Conseil général” supervise quant à lui le Comité de direction. Il réunit en son sein des représentants du gouvernement fédéral, des organisations représentatives de travailleurs, des employeurs, des classes moyennes, des associations environnementales, des producteurs, du gestionnaire du réseau de transport, des intermédiaires, des fournisseurs et des consommateurs [62].

À ces deux organes, est adossé un “service de médiation” qui est compétent pour connaître des différends entre un client final et un producteur, distributeur ou intermédiaire.

II. Paramètres institutionnels de la régulation de la concurrence en Belgique
A. Indépendance des autorités de régulation de la concurrence
1. Position du problème

Le positionnement institutionnel d'une autorité de régulation est une question complexe. Trop proche des pouvoirs publics, l'autorité de régulation est exposée à un risque de détournement “politique” de ses prérogatives (à des fins électoralistes, etc.) [63]. Trop proche des entités économiques régulées, l'autorité de régulation est menacée de capture par des intérêts industriels particuliers [64].

Pour limiter ces risques, le droit européen exige des États membres qu'ils garantissent l'indépendance des autorités administratives. Plusieurs conceptions juridiques de l'indépendance se sont historiquement succédées. Une première conception, caractéristique des premières directives européennes en matière de télécommunications, insistait sur l'indépendance des autorités de régulation vis-à-vis des opérateurs économiques privés offrant des biens et services [65]. Face au risque de capture, seul l'État semblait alors offrir toutes les garanties de préservation de l'intérêt général et d'application impartiale des réglementations.

Cependant, le processus de libéralisation des monopoles étatiques initié par la Commission européenne à la fin des années '90 a mis en lumière l'importance d'une nouvelle forme d'indépendance. Le fait que certaines entreprises publiques aient conservé des activités sur ces marchés nouvellement ouverts à la concurrence a révélé un conflit d'intérêt inédit: celui entre l'État actionnaire et l'État régulateur [66].

Partant de ce constat, la nécessité d'instaurer des autorités indépendantes de l'État “opérateur” s'est vite imposée [67]. Dans le sillage ouvert par la jurisprudence de la Cour de justice [68], le droit dérivé a consacré un principe de séparation structurelle effective des fonctions de réglementation d'une part, et des activités inhérentes à la propriété ou la direction d'entreprises du secteur concerné, d'autre part [69].

Sous l'impulsion du droit européen, le législateur belge s'est engagé, à l'occasion des réformes successives engagées ces quinze dernières années, dans un processus d'amélioration graduelle de l'indépendance des diverses autorités nationales de régulation. C'est à ces mesures que nous nous intéressons ici. Nous empruntons la classification consacrée en doctrine, qui distingue les critères d'indépendance “organique” (ceux touchant essentiellement au mode de nomination des membres de l'autorité, ainsi que leur statut et celui de l'institution elle-même) des critères d'indépendance “fonctionnelle” (ceux dont la caractéristique essentielle est l'absence de toute tutelle ou de pouvoir hiérarchique de l'exécutif) [70].

2. Le Conseil de la concurrence et l'Auditorat

Le législateur s'est employé de façon notable à garantir l'indépendance organique du Conseil de la concurrence et de l'Auditorat. De nombreuses règles relatives à la composition, à la rémunération ou au budget ont ainsi été adoptées afin de garantir la neutralité de l'autorité. Au regard de la composition du Conseil, la loi ancienne organisait un système - aujourd'hui abrogé - de détachement de magistrats indépendants de l'ordre judiciaire qui, à l'évidence, garantissait un haut niveau d'indépendance [71]. Aujourd'hui les membres du Conseil sont nommés par arrêté royal pour un mandat d'une durée appréciable (6 ans, renouvelable) qui les met à l'abri de pressions politiques de court terme [72]. La nomination de magistrats au Conseil reste toutefois possible [73]. Enfin, la loi circonscrit les motifs graves (incapacité physique ou mentale, élection à un mandat public, incompatibilité) pour lesquels le Roi peut procéder au remplacement d'un membre du Conseil de la concurrence [74]. Des observations similaires valent pour les auditeurs, qui sont nommés par le Roi pour un terme renouvelable de 6 ans [75].

Les règles relatives à la rémunération des membres du Conseil et de l'Auditorat reflètent également le souci d'indépendance qui habite le législateur. Elles sont fixées par la loi et ne peuvent faire l'objet d'aucun amendement par le pouvoir exécutif [76]. Soulignons, à cet égard que, dans le but de renforcer davantage l'indépendance des membres du Conseil et d'attirer un personnel hautement qualifié, les rémunérations ont été revues à la hausse lors de la récente réforme [77].

Enfin, en ce qui concerne les ressources financières de l'institution, il convient d'observer que le Conseil (en ce compris l'Auditorat) dispose d'un budget propre: il jouit ainsi d'une autonomie de fonctionnement totale dans l'exercice quotidien de ses activités. En revanche, le Service de la concurrence dépend des moyens mis à sa disposition par le Service public fédéral Économie, P.M.E., Classes moyennes et Énergie, qui apporte son aide logistique et matérielle au Conseil de la concurrence [78].

En ce qui concerne l'indépendance fonctionnelle du Conseil, son statut de juridiction administrative la prémunit - presque entièrement - de toute interférence du pouvoir exécutif. Certes, dans certaines circonstances exceptionnelles, l'exécutif peut renverser une décision du Conseil de la concurrence. Ainsi, dans le domaine des concentrations, le Conseil des ministres peut “autoriser la réalisation d'une concentration pour des raisons d'intérêt général qui l'emportent sur le risque d'atteinte à la concurrence constaté par le Conseil de la concurrence” [79]. Bien que cette prérogative n'ait, à ce jour, jamais été utilisée, sa seule existence paraît intrinsèquement incompatible avec le principe d'indépendance du Conseil dans sa fonction juridictionnelle [80]. La section législation du Conseil d'État et la doctrine ont d'ailleurs émis des doutes quant à la constitutionnalité de cette faculté, qui - disent-elles - s'apparentent à une “tutelle inavouée” de l'exécutif [81].

On remarque enfin qu'à la différence de la Commission européenne qui exerce un pouvoir décisionnel mais qui est aussi responsable de l'orientation de la “politique de concurrence”, le législateur belge réserve cette dernière prérogative au Service de la concurrence [82].

3. Les autorités sectorielles de régulation (IBPT et CREG)
3.1. L'IBPT

La loi prévoit une série de dispositions visant à garantir l'indépendance organique de l'IBPT [83]. Pour ne citer que les plus importantes, les membres du Conseil de l'IBPT sont nommés pour un mandat renouvelable de six ans et leur statut, devoirs et rémunération sont fixés par arrêté royal [84]. Des mesures d'incompatibilité sont prévues: les membres du Conseil et du personnel ne peuvent avoir d'intérêts dans les entreprises actives sur les marchés des télécommunications et/ou des postes, ni y exercer de fonctions ou encore prester des services à leur avantage [85]. Enfin, il est remarquable (i) que cette incompatibilité se prolonge deux ans après expiration du mandat et, (ii) que les membres de l'IBPT bénéficient d'une indemnité de réintégration et soient réaffectés à une fonction équivalente à celle occupée avant leur désignation [86]. Ces mesures sont judicieuses. Elles permettent d'éviter les pratiques bien connues de “revolving doors”, par lesquelles des fonctionnaires en place peuvent être influencés par les entités régulées au moyen de promesses d'embauche à court-moyen terme [87].

Sur le plan de l'indépendance fonctionnelle, de nombreuses critiques ont été formulées à l'égard du lien hiérarchique existant entre le ministre des Télécommunications et L'IBPT. Ce lien posait problème car le ministre des Télécommunications était parallèlement responsable de la participation de l'État dans l'opérateur historique dominant (Belgacom) [88]. Il a fallu attendre la libéralisation totale du secteur par les lois de 2003 pour que soit modifié le statut de l'IBPT, transformant celui-ci en un nouvel organisme d'intérêt public sui generis, dégagé de l'autorité du ministre [89]. Malgré la rupture formelle du lien hiérarchique, plusieurs observateurs soulignent que certaines dispositions perpétuent un certain rapport de soumission au Gouvernement [90]. Ainsi, le Conseil des ministres jouit de la faculté de suspendre l'exécution de certains actes de l'IBPT qui iraient à l'encontre de l'intérêt général [91].

3.2. La CREG

À de nombreux égards, les garanties d'indépendance posées pour la CREG sont faibles en comparaison de celles d'autres autorités de régulation. Si les membres du Comité de direction sont nommés par arrêté royal pour un mandat de six ans renouvelable, le législateur se contente sans plus de précisions de déléguer au Roi la définition des incompatibilités et des règles applicables en matière de conflits d'intérêts. Une même imprécision entoure les rémunérations du Comité de direction qui, à la différence de ce qui est prévu pour les autres autorités examinées, ne sont pas définies par la loi (cette prérogative revient également au Roi). Enfin, le personnel de la CREG est employé au moyen de simples contrats de travail [92]. La formule, si elle garantit une grande flexibilité de recrutement, demeure moins protectrice qu'un statut ad hoc.

B. Ressources des autorités de régulation de la concurrence
1. Position du problème

En règle générale, les ressources des autorités sectorielles de régulation proviennent principalement de sources propres de financement. Les autorités peuvent ainsi mener à bien leur mission dans une relative autonomie budgétaire vis-à-vis des pouvoirs publics. Pour l'IBPT, des redevances sont perçues auprès des entreprises régulées lors de l'attribution des licences d'utilisation de fréquences, en matière de plans de numérotation, de l'octroi de licences et des déclarations de réseaux et service de télécommunications ainsi qu'aux déclarations d'exploitation d'autres services [93]. En ce qui concerne la CREG, une “cotisation fédérale” prélevée sur les entités régulées nourrit une bonne partie de son budget de fonctionnement [94].

Ces aménagements budgétaires sont possibles en raison du caractère permanent et régulier de l'activité de régulation, qui écarte tout risque que les sources de revenus des autorités ne tarissent soudainement. En revanche, le financement des autorités de concurrence - dont l'activité est ponctuelle et affecte de façon aléatoire des secteurs très divers de l'économie - ne peut que marginalement reposer sur un système de financement budgétaire “par le marché” [95]. On pourrait bien imaginer un système dans lequel les autorités de concurrence financeraient leur budget de fonctionnement au moyen des amendes infligées aux firmes coupables de violations de la législation. Mais un sérieux risque de dérive décisionnelle et de distorsion des incitations des fonctionnaires apparaîtrait alors [96]. Ainsi s'explique que les autorités de concurrence soient principalement financées par des crédits inscrits au budget de l'État [97].

2. Le “cas” du Conseil de la concurrence

Lorsque l'on s'intéresse à l'autorité de concurrence belge, le caractère ambitieux de la législation contraste avec le manque flagrant d'effectivité de l'autorité de concurrence [98]: depuis sa création en 1993, le Conseil n'a rendu que 58 décisions (au 31 décembre 2005), dont une seule constate et sanctionne une pratique restrictive [99].

Deux principales causes sont généralement avancées pour expliquer cette situation. La première, figurant systématiquement dans les rapports successifs du Conseil, est le manque de personnel. La seconde - liée - réside dans le fait que les maigres ressources du Conseil ont été pour l'essentiel consacrées à l'examen des nombreuses concentrations notifiées (qui s'explique à son tour par le niveau peu élevé des seuils de déclenchement de la procédure de contrôle).

Cette analyse a été relayée par diverses institutions comme l'OCDE qui, malgré les efforts consentis par les pouvoirs publics belges ces dernières années [100], considère que les ressources en personnel du Conseil demeurent faibles en comparaison des autorités d'autres pays [101]. Le tableau suivant permet de se convaincre (i) du faible effectif dont dispose l'autorité de concurrence belge et, (ii) du caractère dérisoire de son budget de fonctionnement.

Tableau II. Comparaison internationale des ressources de diverses ANC


2005 Finlande [102] Danemark [103] Hongrie [104] Pays-Bas [105] Belgique [106]
Population
Habitants 5.265.926 5.427.459 10.076.581 16.334.378 10.419.000
Budget 5.070.000 12.000.000 5.800.000 39.000.000 2.535.000
Effectif
Économistes 20 31 28 NC 9
Juristes 19 21 49 NC 19
Autres 11 8 18 NC 9
Soutien 15 9 - NC 4
Total 65 65 116 367 41
Décisions - Pratiques restrictives de concurrence NC 31 77 20 12

La piètre effectivité du Conseil a récemment fait l'objet d'un rapport accablant de la Cour des comptes [107]. Le rapport démontre même que l'activité réelle du Conseil est surestimée: le volume des activités est certainement “inférieur aux statistiques publiées dans les rapports annuels” [108] car le nombre de dossiers ouverts et comptabilisés recouvre en réalité des dossiers “prescrits ou en attente de l'être” [109]. En outre, la Cour estime que le caractère prétendument insuffisant des ressources en personnel est une justification spécieuse: si l'on prend en considération les seuls dossiers actifs, au 31 décembre 2005, le nombre de dossiers ne dépasserait pas le nombre d'instructeurs... [110].

En réalité, le rapport de la Cour des comptes vient faire écho à une critique émise de longue date par les praticiens du droit de la concurrence en Belgique: les spécialistes déplorent fréquemment le manque de soutien politique à adoption d'un dispositif de contrôle efficace des pratiques de concurrence. Les multiples réformes législatives entreprises en la matière n'ont jamais été accompagnées de moyens budgétaires crédibles (comment soutenir la comparaison avec les ressources 15 fois supérieures allouées à l'autorité néerlandaise de concurrence?). L'indifférence (la réticence?) dont a fait montre le ministre de l'Économie Marc Verwilghen lors de la réception du rapport de la Cour en est pour le moins révélatrice [111]. L'espoir est néanmoins permis. Les travaux parlementaires de la nouvelle loi, relayés par la presse, indiquent que le ministre aurait obtenu - après d'âpres négociations - une augmentation du budget à trois millions d'euros par an [112].

C. Les conflits de compétences
1. Les relations entre autorités générales de concurrence et autorités sectorielles de régulation

Les compétences de l'autorité générale de concurrence et des autorités sectorielles de régulation ne sont généralement pas exclusives l'une de l'autre. Cette situation soulève parfois des questions complexes.

En principe, les finalités distinctes des deux corps de règles fondant la compétence des autorités générales de concurrence et des autorités sectorielles de régulation écartent tout risque de conflit de compétences. D'une part, les règles de concurrence visent à protéger la structure concurrentielle des marchés de pratiques ponctuelles qu'adoptent les entreprises pour (i) exclure leurs concurrentes (pratiques d'exclusion), (ii) coopérer entre elles afin d'extraire de leurs clients des profits supra-concurrentiels (pratiques d'exploitation) ou, (iii) augmenter le degré de consolidation d'une industrie (opérations de concentration). De l'autre, les réglementations sectorielles cherchent à faire migrer des structures de marché intrinsèquement infra-concurrentielles (les situations de monopoles naturels) vers des structures concurrentielles durables en ouvrant le marché à de nouveaux opérateurs (par l'imposition d'obligations dites d'accès, de contrôle des prix d'accès, etc.) [113].

En pratique cependant, certaines situations de fait peuvent être aussi bien traitées sur la base de l'un ou de l'autre de ces corps de règles [114]. Le meilleur exemple est celui du refus d'accès qu'oppose un opérateur détenant une infrastructure essentielle en amont à ses concurrents en aval. Un tel comportement peut être appréhendé par les règles relatives à l'abus de domination sur le fondement du droit de la concurrence, ou par les principes spécifiques d'accès prévus par la réglementation sectorielle. Dans ce cas de figure, le système de compétences non exclusives des autorités générales de concurrence et des autorités sectorielles (auquel il faut ajouter la compétence des cours et tribunaux et celle du juge des cessations) expose les opérateurs à un triple risque. Un premier risque est que l'intervention du régulateur sectoriel, souvent louée pour sa rapidité, se trouve neutralisée par des problèmes de litispendance. Un deuxième risque est que l'autorité générale et l'autorité sectorielle adoptent des décisions incompatibles, paralysant de facto toute possibilité d'action dans le secteur en cause. Enfin, un troisième risque est d'imposer des sujétions disproportionnées aux entités régulées par la superposition de décisions certes compatibles, mais de remèdes distincts.

Conscients de ces risques, les autorités et le législateur belge ont tenté de dégager des mécanismes assurant une articulation harmonieuse de leurs compétences. D'abord, le Conseil de la concurrence a formulé à plusieurs reprises des déclarations informelles d'autolimitation dessinant les frontières de son intervention dans les secteurs régulés. Ainsi a-t-il par exemple considéré que son rôle dans le secteur de l'énergie se limitait à quelques problèmes spécifiques de concurrence, à savoir les questions de délimitation des marchés pertinents ou les mesures requises pour contrer d'éventuels renforcement(s) de position(s) dominante(s). Le Conseil estime qu'il ne lui revient pas “d'organiser l'ouverture du marché” de l'électricité [115].

Ensuite, le législateur belge a organisé des mécanismes horizontaux de collaboration institutionnelle assurant la coopération des deux types d'autorités dans l'exercice de leurs pouvoirs décisionnels. Dans le secteur des télécommunications par exemple, les litiges entre opérateurs (relatifs aux questions d'interconnexion, de lignes louées, d'accès spécial, d'accès dégroupé à la boucle locale et d'utilisation de chambres partagées) relevaient en principe de la compétence d'une chambre spécialisée auprès de l'IBPT, mais pouvaient aussi tomber dans le champ des compétences du Conseil. Désormais, il est prévu que le Conseil de la concurrence est compétent en la matière [116]. Fait notable toutefois, le Conseil est aujourd'hui assisté par un fonctionnaire de l'IBPT, qui participe à l'instruction [117].

Enfin, le législateur tend de façon croissante à organiser des mécanismes verticaux de hiérarchisation institutionnelle qui érigent le Conseil de la concurrence au rang de chambre d'appel des décisions des autorités sectorielles.

Il y a là, nous semble-t-il, une évolution positive à plusieurs égards [118]. D'abord, ces aménagements permettent de réduire les risques de litispendance, de conflits de décisions, ou de disproportion dans les remèdes imposés aux entreprises régulées. Ensuite, ils assurent que le Conseil de la concurrence ne statue qu'après avoir pris connaissance de la position de l'autorité sectorielle, exprimée dans la décision rendue en premier ressort ou par le fonctionnaire de l'IBPT lors de l'instruction.

En toute hypothèse, les problèmes de conflits de compétence devraient à long terme s'estomper à mesure de la disparition de la réglementation sectorielle au profit de l'application du droit de la concurrence. La réglementation sectorielle n'a - il faut le rappeler - qu'un caractère transitoire: une fois que des structures de marché concurrentielles seront apparues dans les secteurs régulés, la législation de concurrence est appelée à s'y substituer intégralement. À court et moyen termes cependant, des mesures optimisant l'articulation des compétences entre autorités restent plus que jamais impérieuses, dans le contexte actuel de décentralisation du droit de la concurrence.

2. Le partage des compétences entre plusieurs niveaux de pouvoir

En Belgique, les contraintes constitutionnelles résultant de l'organisation fédérale du Royaume créent des difficultés spécifiques. Dans le secteur de l'énergie par exemple, les principes européens d'ouverture du marché à la concurrence prévoient des règles communes pour les trois segments du marché de l'énergie que sont (i) la production, (ii) le transport et, (iii) la fourniture au consommateur. En Belgique cependant, l'État fédéral est compétent pour ce qui relève de la production, du transport et des tarifs, tandis que la distribution et la fourniture relèvent de la compétence des Régions [119].

L'organisation fédérale du Royaume a en conséquence abouti à la création d'une multitude d'autorités de régulation (chacune compétente sur son territoire). Juridiquement irréprochable, cette situation complique pourtant sensiblement les activités d'entreprises actives en Belgique. Les firmes désirant opérer sur l'ensemble du territoire encourent des coûts d'information considérables et les consommateurs ne profitent pas d'un marché réellement intégré.

Bien heureusement, l'éclatement institutionnel du Royaume ne concerne que les autorités sectorielles de régulation. La protection de la concurrence économique relève en effet exclusivement de la compétence fédérale. Elle échappe dès lors à cette inutile complexité juridique et institutionnelle.

3. Le partage des compétences entre autorités de régulation et juridictions de l'ordre judiciaire

Des conflits de compétence peuvent encore survenir entre les autorités de régulation, d'une part, et les juridictions de l'ordre judiciaire, d'autre part [120]. Ces conflits n'affectent pas de la même façon l'autorité générale de concurrence (3.1.) et les autorités spécifiques de régulation (3.2.).

3.1. Les relations entre autorités de concurrence et juge judiciaire

Le Conseil de la concurrence est - nous l'avons déjà dit - une juridiction administrative. Il jouit en conséquence d'une grande autonomie à l'égard de l'ordre judiciaire. Un principe général du droit garantit en effet l'indépendance des juridictions administratives par rapport aux cours et tribunaux de l'ordre judiciaire. Pour bien comprendre la portée de ce principe, il faut rappeler que les compétences du Conseil de la concurrence et de son président d'une part, et celles des tribunaux de l'ordre judiciaire d'autre part, se rattachent à deux systèmes de contrôle juridictionnels distincts. Le Conseil et son président ne tranchent pas un droit mais suspendent une pratique restrictive de concurrence en raison du préjudice qu'elle fait courir à l'intérêt général [121]. On se situe dès lors dans le cadre d'un contentieux objectif de la légalité et non d'un contentieux subjectif tranchant des litiges entre personnes privées. Les décisions du Conseil de la concurrence, dans la mesure où elles protègent l'“intérêt public”, produisent un effet erga omnes et en conséquence priment les jugements inter partes des cours et tribunaux (qui ne jouissent que de l'autorité relative de chose jugée) [122].

Ceci explique notamment les limites à l'intervention du juge des référés lorsque le Conseil est appelé à connaître de pratiques anticoncurrentielles. Dans un jugement du 6 décembre 1995, le président du tribunal de première instance de Bruxelles a ainsi rappelé qu'existe:

“un principe général garantissant l'indépendance du juge administratif et ce principe serait, sans aucun doute, mis à mal par une action du juge des référés judiciaires enjoignant au juge administratif de s'abstenir de juger, voire même de surseoir à statuer pendant un temps déterminé.”

Dans la même veine, le simple fait qu'une procédure en référé, introduite devant le président d'une juridiction ordinaire, ait été rejetée, n'empêche nullement le président du Conseil d'imposer des mesures provisoires [123].

3.2. Les relations entre autorités sectorielles de régulation et juge judiciaire

Les rapports entre les autorités sectorielles de régulation et l'ordre judiciaire sont en revanche nettement moins bien définis. Les autorités sectorielles sont de simples organes sui generis, et non des juridictions administratives comme le Conseil de la concurrence. Dans ces conditions, l'immixtion du juge judiciaire dans les affaires traitées par les autorités sectorielles de régulation ne peut être exclue. En résulte une insécurité juridique importante, que la doctrine n'a pas manqué de critiquer [124].

D. Le contrôle des autorités de régulation de la concurrence
1. Le contrôle de l'effectivité des autorités de régulation de la concurrence

Pour nécessaire qu'elle soit, l'indépendance des autorités de régulation de la concurrence ne soustrait pas ces dernières à tout contrôle des pouvoirs publics, européens comme nationaux. En effet, il est traditionnellement admis que l'indépendance doit être conciliée avec des mécanismes de responsabilité (on parle en anglais de mécanismes d'“accountability”), seuls susceptibles de garantir que les autorités s'acquittent effectivement des missions qui leur sont imparties [125].

Les mécanismes permettant d'assurer la responsabilité des autorités se localisent à deux étages distinct. Premièrement, à l'échelon communautaire, l'État belge est garant de l'effectivité des autorités sectorielles de régulation qu'imposent les directives européennes [126]. L'obligation de transposition des directives, combinée aux principes généraux de coopération loyale (art. 10 Traité CE) et d'effet utile du droit européen placent un impératif d'effectivité sur les pouvoirs publics nationaux. Le cas échéant, ces derniers peuvent faire l'objet de recours contentieux en manquement (sur le fondement notamment de l'art. 226 Traité CE) devant le juge de Luxembourg.

Deuxièmement, à l'échelon national, le législateur belge considère que l'autonomie des autorités de régulation ne les soustrait pas à tout contrôle. Bien au contraire, puisque des missions intéressant l'ordre public économique sont en cause, le législateur est venu ériger des garde-fous contre le risque de dérive en matière de gouvernance. Le Conseil de la concurrence [127], l'IBPT et la CREG [128] doivent ainsi publier régulièrement des rapports d'activités. Les autorités sont également soumises à des évaluations périodiques de leur “performance”: pour l'IBPT, un arrêté royal prévoit par exemple un dispositif biennal d'évaluation du président et des membres du Conseil [129].

En pratique cependant, l'efficacité des mécanismes européens et nationaux de responsabilité est pour le moins douteuse. À l'échelon communautaire, la Commission a certes dénoncé à maintes reprises l'ineffectivité des régulateurs nationaux. Elle s'est cependant bien gardée d'introduire des recours en manquement pour remédier aux problèmes constatés [130]. Au niveau national, les autorités ne se sont que partiellement acquittées des obligations imposées par la législation. P. ex., le Conseil de la concurrence n'a pas publié de rapports d'activités entre les années 1995 et 2000. De plus, les rapports sont fréquemment publiés tardivement, et rien ne garantit l'objectivité des évaluations qu'ils contiennent [131].

Un recours plus systématique aux pratiques d'enquêtes de satisfaction auprès des consommateurs et opérateurs, de “benchmarking” ou d'évaluation externes par des institutions publiques indépendantes (par exemple, la Cour des comptes, l'OCDE, etc.) ou privées (par exemple, les firmes de consultance, d'audit [132], ou les associations de consommateurs [133]) pourraient constituer des pistes d'amélioration du contrôle d'effectivité des autorités belges de régulation [134].

2. Le contrôle juridictionnel des interventions des autorités de régulation de la concurrence

Lorsque les autorités nationales de concurrence font application des règles prévues aux articles 81 et 82 du Traité CE, le droit européen impose de façon générale aux États membres d'organiser des voies de recours garantissant son effectivité. Dans le domaine des industries de réseaux, une exigence similaire a été spécifiquement instaurée par la législation dérivée: les États membres doivent permettre à tout utilisateur et à toute entreprise de pouvoir introduire un recours devant un tribunal disposant des compétences appropriées [135].

Le “principe du droit” au contrôle juridictionnel des décisions des autorités de régulation de la concurrence est donc solidement installé en droit européen. Il est au demeurant renforcé par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme qui impose l'organisation d'un recours juridictionnel effectif pour les droits couverts par le texte (respect des droits de la défense, du principe du contradictoire, etc.).

Les modalités concrètes d'organisation des recours à l'encontre des décisions des autorités de régulation relèvent par contre de la compétence des États. En Belgique, le législateur a modifié à plusieurs reprises les règles applicables en la matière. Les propos qui suivent rendent compte de l'unification de la compétence en matière de recours (2.1) et de la portée du contrôle juridictionnel de la cour d'appel de Bruxelles (2.2.) [136].

2.1. Unification progressive de la compétence en matière de recours

Tandis qu'en matière de protection de la concurrence, la loi prévoit depuis 1991 un système de recours auprès de la cour d'appel de Bruxelles contre les décisions du Conseil de la concurrence et de celles de son président [137], les recours contre les décisions des différents régulateurs spécifiques pouvaient être portés devant des institutions diverses, tantôt une juridiction administrative, tantôt une juridiction ordinaire, tantôt encore une autorité administrative spécialisée.

En sus de l'excessive hétérogénéité des voies de recours, des difficultés pratiques sont apparues lorsque la procédure d'appel débouchait sur la saisine du Conseil d'État. Dans le secteur des télécommunications notamment, les recours introduits contre les décisions de l'IBPT se sont révélés ineffectifs à plusieurs égards. Premièrement, la longueur des délais de procédure devant la juridiction administrative privait les recours de tout effet utile [138]. Deuxièmement, le recours devant le Conseil d'État ne permettait pas d'obtenir une décision au fond, la compétence de ce dernier étant limitée à l'annulation d'actes administratifs en cas de violation des formes (soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité), d'excès ou de détournement de pouvoir [139]. Enfin, la Haute juridiction administrative n'était pas la mieux équipée pour connaître de matières aussi techniques [140]. Des critiques analogues valaient aussi pour le secteur de l'énergie où, en l'absence d'un dispositif législatif spécifique organisant l'appel des décisions de la CREG, celles-ci relevaient aussi de la compétence du Conseil d'État.

En 2003, une loi dite “recours” a mis un terme au système d'appel des décisions de l'IBPT devant le Conseil d'État. S'inspirant du système prévu en matière de concurrence, le législateur a transféré cette compétence à la cour d'appel de Bruxelles [141]. À la différence de la situation qui prévalait jusqu'alors, la modification législative permet désormais d'obtenir une décision en appel au fond [142], dans un délai en principe raisonnable (grâce notamment aux formes du référé) [143].

Dans le secteur de l'énergie, un système d'appel plus complexe a été institué en 2005 pour répondre au manque d'efficacité des mécanismes d'appel [144]. Trois types de recours sont aujourd'hui ouverts à l'encontre des décisions de la CREG [145]: (i) un recours, au fond et de pleine juridiction, devant la cour d'appel de Bruxelles [146], (ii) un recours en suspension de certaines décisions (essentiellement tarifaires) devant le Conseil des ministres [147], et (iii) un recours devant le Conseil de la concurrence à l'encontre de décisions concernant la protection de la concurrence économique sur les marchés de l'électricité et du gaz [148].

Récemment, le législateur a défini le régime procédural applicable à ceux des recours contre les décisions des autorités sectorielles de régulation que la loi attribue au Conseil de la concurrence [149]. Certains y ont précipitamment décelé une volonté du législateur d'attribuer une compétence générale d'appel au Conseil de la concurrence. Nous ne sommes pas convaincus par cette interprétation, le texte limitant expressément cette compétence aux “cas déterminés par la loi” [150]. Cela étant, il est remarquable que la nouvelle loi ait exclu la compétence de la cour d'appel de Bruxelles à statuer sur les décisions du Conseil rendues en appel des décisions des régulateurs sectoriels. Cette solution remédie de façon opportune au risque de double appel auparavant apparu dans le domaine de l'énergie [151]. Elle a au demeurant le mérite de simplifier l'organisation des voies de recours. Reste à voir cependant si les avancées qui en résultent ne se trouveront pas compromises par l'ineffectivité déjà évoquée du Conseil [152].

2.2. La portée du contrôle juridictionnel de la cour d'appel de Bruxelles
a) Position du problème

Pour l'heure, c'est donc bien la cour d'appel de Bruxelles qui est généralement compétente pour connaître des recours contre les décisions des autorités de régulation de la concurrence. Les lois organisant ces recours prévoient depuis la récente réforme que la cour d'appel de Bruxelles dispose d'une compétence de “pleine juridiction”, sans pour autant en définir le contenu. Or, au plan des principes, la notion de “pleine juridiction” [153] varie considérablement en fonction des systèmes juridiques et juridictions concernées [154]. Généralement, la compétence de pleine juridiction permet au juge d'appel d'annuler une décision, en prenant connaissance de toutes les questions de droit et de fait qui lui sont soumises. Dans une interprétation plus étendue, la notion de pleine juridiction abrite également le pouvoir de réformation de la décision attaquée [155].

Il faut donc se tourner vers la jurisprudence et la doctrine pour cerner la nature exacte du contrôle que la cour d'appel exerce sur les décisions des autorités de régulation de la concurrence. Le domaine du droit financier et, plus particulièrement, la question du contrôle des décisions de la Commission bancaire et financière pourrait bien servir d'aiguillon à notre étude. En la matière, les travaux parlementaires de la loi sur les voies de recours tendent en effet à indiquer l'existence d'un pouvoir de réformation dans le chef de la cour d'appel [156]. En doctrine cependant, un courant emmené par Xavier Taton s'est vivement opposé à l'exercice d'un contrôle de pleine juridiction dans ce domaine, et a plaidé pour limiter ses pouvoirs à un simple contrôle de légalité [157]. La possibilité pour la cour de réformer les décisions de la CBFA pour des motifs d'opportunité “reviendrait à placer une tutelle permanente et générale de la cour d'appel” [158]. En outre, une telle interprétation du pouvoir de la cour viderait de toute substance la disposition de la loi de réforme financière conférant à la CBFA la compétence exclusive de veiller à l'application de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 [159]. Enfin, le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs s'opposerait à tout contrôle d'opportunité du juge sur les décisions pour lesquelles l'administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire [160].

Ce courant doctrinal admet cependant l'exercice d'un pouvoir de réformation lorsque la cour d'appel de Bruxelles se prononce sur les astreintes et les amendes administratives infligées par la CBFA. S'agissant d'une matière relevant de l'article 6 CEDH, un contrôle de pleine juridiction est ici admis. Dans ce cas, le recours aux articles 10 et 11 de la Constitution ainsi qu'aux articles 14 CEDH et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques permettrait d'écarter l'application du principe de séparation des pouvoirs.

En jurisprudence, la cour a recémment eu l'occasion de se prononcer sur la portée de son contrôle. Saisie d'un litige en matière d'approbation de prospectus d'OPA, elle confirme d'abord le principe du contrôle de pleine juridiction:

“le pouvoir de réformation, qui est un type de pouvoir dévolu au juge plein contentieux, permet à la cour de substituer sa décision à celle de la CBFA et que la cour dispose d'un pouvoir plus étendu [que celui d'un contrôle de légalité]” [161].

À première vue, la cour semble donc prendre le contre-pied de la doctrine. Pourtant, la juridiction nuance substantiellement son propos dans la suite de son arrêt. Elle précise qu':

“Il résulte (…) de la nature du contentieux que l'étendue du pouvoir de pleine juridiction dont la cour est investie doit être déterminée cas par cas, ce que les travaux préparatoires confirment puisque le législateur s'en est remis 'à la sagesse de la cour d'appel de Bruxelles qui, dans l'exercice de ses nouvelles compétences exclusives, pourra (...) préciser et nuancer les limites de son contrôle, selon le type de recours qu'elle est appelée à connaître' (Exposé des motifs, o.c., p. 132). Il va sans dire que la cour exerce sa juridiction dans les limites des compétences de la CBFA et dans le respect de la nature des pouvoirs confiés à cette autorité. Par ailleurs, le pouvoir de réformation ne signifie pas que la cour puisse, dans tous les cas, substituer sa décision à celle de la CBFA (…).” [162].

Et la cour d'ajouter que:

“La possibilité d'exercer un pouvoir de réformation et la latitude d'appréciation dont la cour dispose doivent s'apprécier, cas par cas, en fonction des modalités procédurales et des formalités auxquelles la CBFA est assujettie pour prendre sa décision et des garanties qui y sont liées et en tenant compte de l'étendue des moyens requis pour procéder aux contrôles nécessaires pour opérer des choix.” [163].

L'arrêt laisse perplexe. La cour prend d'abord position quant à l'interprétation de la portée de sa pleine juridiction et admet la possibilité de réformer la décision attaquée. Toutefois, elle paraît ensuite vider ce principe de toute substance en se réservant le pouvoir de limiter l'étendue de son pouvoir juridictionnel au gré des cas qui lui sont déférés [164]. En réalité, la retenue de la cour semble s'expliquer par la volonté de ne pas vouloir empiéter sur les compétences exclusives de la CBFA. Elle trouve à son tour son origine dans le respect du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, qui limite l'intervention du juge judiciaire sur les décisions d'opportunité de l'administration.

b) Éléments d'appréciation

C'est à l'aune de ces développements qu'il convient de se tourner vers la question du contrôle juridictionnel exercé par la cour d'appel de Bruxelles lors de recours contre les décisions des autorités de régulation.

Dans le passé, la cour d'appel a généralement fait prévaloir - tant dans le domaine de la concurrence économique que dans celui de la réglementation sectorielle - une forme similaire de modération jurisprudentielle, n'employant qu'avec parcimonie les pouvoirs reçus du législateur [165]. Cela se constate nettement dans le domaine des concentrations entre entreprises. Un arrêt du 15 septembre 2005 - rendu sous l'empire de l'ancienne loi - illustre l'étendue du contrôle juridictionnel de la cour d'appel (au sujet d'une décision approuvant une opération de concentration) [166]. Contrairement à la volonté du législateur, la cour a limité son examen à un contrôle restreint:

“un contrôle de la décision portant sur le respect des règles de procédures et de motivation, l'exactitude matérielle des faits, l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir”.

Les réticences de la cour à l'exercice d'un contrôle plus étendu semblent s'expliquer par le fait que le contrôle préalable des concentrations implique l'exercice d'un certain pouvoir discrétionnaire dans la mise en oeuvre de normes à caractère économique. Or, la cour ne prétend ni détenir ce pouvoir, ni l'exercer en substituant sa propre analyse à celle du Conseil sur la base d'une appréciation des faits qui serait souveraine [167].

On constate une même tendance à la modération en matière de recours contre les décisions des autorités de régulation sectorielles, où un standard de contrôle juridictionnel proche prévaut. Dans une série d'arrêts concernant des décisions et actes de l'IBPT, la cour d'appel de Bruxelles s'est bornée à exercer un simple contrôle de légalité [168]. Dans un premier arrêt, elle a considéré qu'elle ne pouvait priver l'IBPT de sa marge d'appréciation en se substituant à lui [169]. Dans un deuxième arrêt, elle s'est notamment fondée sur le fait que l'acte attaqué était un règlement. Elle a donc considéré ne pas pouvoir le réformer, au risque d'exercer un pouvoir réglementaire que le législateur ne pouvait lui avoir confié [170].

A la lumière de ce bref survol de la jurisprudence, on comprend dès lors bien que la cour exerce un contrôle juridictionnel moindre que celui entrevu dans les travaux préparatoires des diverses lois. Synthétiquement, trois principes semblent bien inspirer la position de la juridiction: (i) le respect du “pouvoir discrétionnaire” dont jouissent les autorités de régulation, (ii) le refus d'outrepasser son pouvoir juridictionnel en exerçant un pouvoir de nature règlementaire et, (iii) le refus de réformer en cas d'impossibilité juridique ou pratique d'ordonner des mesures d'instruction ou de prendre position [171].

Les choses pourraient cependant changer. Les attributions conférées à la cour par la nouvelle loi sur la protection de la concurrence rendent bien compte de l'intention du législateur d'octroyer un pouvoir de réformation à la juridiction. Pour rappel, la LPCE permet dorénavant à la cour de demander une instruction à l'Auditorat [172]. Elle lui donne expressément la possibilité de “prendre en considération les développements survenus depuis la décision attaquée du Conseil” [173]. Enfin, elle précise qu'à l'instar du Conseil, la cour peut “imposer des amendes et des astreintes” [174].

Rien ne permet d'exclure cependant que la cour refuse de jouer la partition composée par le législateur. Elle pourrait notamment appliquer, mutatis mutandis, sa jurisprudence développée dans le domaine financier. Malgré les nouveaux moyens que lui reconnaît le législateur, la cour renoncerait alors à substituer sa propre appréciation à celle du Conseil [175].

Un arrêt récent de la cour du 27 novembre 2006 relatif une décision de la CREG contestée par l'Association Liégeoise du Gaz (“ALG”) dévoile déjà les premiers signes de la persistance de la politique de modération jurisprudentielle de la cour d'appel de Bruxelles [176]. De substantiels développements traitent des limites de son intervention. D'une part, elle se penche sur l'influence du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Au terme d'une longue analyse de l'interprétation donnée à la notion de pleine juridiction en divers domaines de régulation, elle admet que le législateur lui attribue expressément une compétence de pleine juridiction (allant au-delà du simple contrôle de légalité). Elle fait cependant appel à la technique de l'interprétation conciliante pour limiter ses pouvoirs. Ainsi juge-t-elle que le principe de séparation des pouvoirs implique qu'elle ne dispose pas du pouvoir de contrôler l'opportunité des décisions prises discrétionnairement par la CREG et précise, ici encore, que l'appréciation des décisions de l'autorité de régulation se fait au cas par cas [177].

D'autre part, la cour aborde la question de l'objet du contrôle. S'agissant d'une matière particulièrement “technique”, l'ALG a soutenu que le contrôle juridictionnel devait être limité à la sanction des illégalités manifestes. La cour constate qu'elle ne dispose pas des moyens d'une autorité de régulation. Elle en déduit que le législateur n'a pu souhaiter qu'elle “refasse” les analyses menées par la CREG depuis plusieurs années et en dérive donc que “[p]ar la force des choses, son contrôle doit rester marginal” [178].

En somme, le législateur et la cour d'appel de Bruxelles semblent vouloir poursuivre un étrange dialogue de sourds. L'avenir du contentieux - notamment dans le domaine du droit de la concurrence - demeure bien incertain.

Conclusions

Notre examen souligne que, jusqu'à présent, la question de l'indépendance des autorités est la seule à avoir connu des améliorations constantes. En revanche, notre analyse des autres paramètres institutionnels que sont les conflits de compétence, le contrôle de l'effectivité ou le contrôle juridictionnel révèle que les marges de progression sont encore considérables. Le pire n'est toutefois pas là. Le caractère proprement dérisoire des ressources budgétaires du Conseil de la concurrence - qui tient, rappelons-le, à un manque de volonté politique - compromet lourdement l'effectivité de la régulation de la concurrence.

On en convient, ce constat est bien désenchanteur pour qui serait convaincu par les mérites des politiques de régulation de la concurrence. Il ne surprend pourtant guère. D'un genre nouveau, les autorités de régulation inquiètent, dérangent, interpellent. Les entreprises et leurs conseils redoutent que la concentration de pouvoirs étendus dans les mains d'une poignée de fonctionnaires ne mène à des risques de décisions arbitraires et de mépris des droits de la défense [179]. Les pouvoirs publics se trouvent - bon gré mal gré - amputés d'une partie de leurs compétences au profit d'entités nouvelles sur lequel leur emprise ne s'étend plus. Les citoyens sont interpellés par l'apparition d'institutions “expertes” impénétrables, chevilles ouvrières de politiques d'orientation libérale souvent impopulaires.

C'est donc dans un contexte bien défavorable que sont condamnées à opérer les autorités de régulation. Au risque de donner à nos conclusions une tonalité négative, il faut se résoudre, pensons-nous, à ne pas nourrir d'illusions quant aux progrès législatifs et réglementaires à venir dans ce domaine.

[1] Collaborateur scientifique, Institut d'Études Juridiques Européennes (IEJE), Faculté de droit, Université de Liège, Tarikhennen@yahoo.com.
[2] Docteur en sciences juridiques, Maître de conférences, Institut d'Études Juridiques Européennes (IEJE), Faculté de droit, Université de Liège, Nicolas.Petit@ulg.ac.be.

Les auteurs tiennent à remercier François Reyntens, Christine Schurmans et Xavier Taton pour leurs utiles commentaires et restent seuls responsables des erreurs ou omissions qui pourraient subsister dans cet article.
[3] Loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique (Mon. b. 11 octobre 1991). Récemment, la dynamique de décentralisation du droit européen de la concurrence inaugurée par le Règlement 1/2003 a souligné la contribution cruciale de ces autorités à l'action publique européenne.
[4] Voy. D. Geradin, “Institutional Aspects of EU Regulatory Reforms in the Telecommunications Sector: An Analysis of the Role of National Regulatory Authorities”, (2000) 1, Journal of Network Industries, p. 5.
[5] Voy. D. Geradin, “L'ouverture à la concurrence des entreprises de réseau: analyse des principaux débats du processus de libéralisation”, Cah. dr. eur. 1999, 1-2, pp. 13-48 et N. Petit, “The Proliferation of National Regulatory Authorities alongside Competition Authorities: A Source of Jurisdictional Confusion?”, in D. Geradin, R. Munoz et N. Petit (eds.), Regulation through Agencies - A new Paradigm of European Governance, Cheltentham, Edward Elgar, 2005, pp. 180-211.
[6] Voy sur l'origine des autorités de régulation D. Geradin, “Hiérarchie des normes et hiérarchie des pouvoirs”, in Les régulations économiques: légitimité et efficacité, Dalloz, 2004, pp. 19-25, p. 20.
[7] Voy. pour une description complète de ces paramètres, les contributions in D. Geradin et al. Voy. aussi D. Geradin et N. Petit, “The Development of Agencies at EU and National Levels: Conceptual Analysis and Proposals for Reform”, in T. Tridimas et P. Eeckhout (eds.), 23, Yearbook of European Law 2004, p. 137.
[8] Voy. N. G. Mankiw, Principles of Economics, Forth Worth, The Dryden Press 1998, p. 10. La main invisible qui guide le marché ne fonctionne pas de façon optimale. Les externalités, asymétries d'information (situations d'information imparfaite), coûts de transaction, etc. sont d'autres hypothèses de défaillance du marché.
[9] Idem. L'intervention publique est justifiée pour promouvoir l'efficience et éradiquer les défaillances de marché menant à des situations d'équilibres “sous-parétiens”. Outre l'objectif de promotion de l'efficience, la science économique enseigne que le second objectif de l'intervention des gouvernements dans l'économie est un objectif d'équité ou de redistribution (via des politiques fiscales, p. ex.). Autrement dit, “la libre initiative des acteurs économiques doit être balisée au nom de considérations d'intérêt général”. Voy. D. De Roy et R. Queck, “De la téléphonie vocale aux offres publiques d'acquisition. Vers un 'droit de la régulation'”,  J.T. 2003, p. 553 qui distinguent selon les activités de réseaux, qualifiées de “hauts lieux” de régulation et les secteurs balisés par l'intérêt général, qualifiés d'“autres lieux” de régulation.
[10] Comme p. ex., dans les secteurs des industries de réseaux, (i) où le jeu du marché seul n'aurait pas permis, post-libéralisation, d'empêcher l'apparition de défaillances de marché et (ii) où le droit de la concurrence, certes nécessaire, n'était pas en mesure de corriger seul ces défaillances.
[11] Voy. M.-A. Frison-Roche, o.c., p. 14, pour une comparaison avec l'approche de législateurs étrangers ayant choisi d'élaborer des lois-cadres sur les systèmes de régulation, dans le but d'établir des règles communes à toutes les autorités de régulation, avant de décliner les règles particulières secteur par secteur.
[12] Voy. G. Block, “La libéralisation du transport ferroviaire en Belgique”, in L'Europe des transports. Régulation, dérégulation, impact du passage à l'euro, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp. 147-175; P. ex., dans le secteur ferroviaire, ce sont la densité du réseau ferré belge (l'une des plus élevées du monde) et le trafic intense généré par le positionnement géographique du pays qui génèrent des impératifs d'entretien du réseau particulièrement lourds, ayant probablement conduit à l'instauration d'un régulateur spécifique.
[13] Sous la supervision de l'Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire. Ici encore, les défaillances de marché spécifiques sont à l'origine de l'approche sectorielle du législateur (risque systémique prudentiel en matière d'assurances ou sécurité alimentaire pour le consommateur).
[14] En ce qui concerne le domaine financier et des assurances, nous nous limiterons à mentionner le rôle de la Commission bancaire et financière (CBFA). Nous renvoyons, pour plus de détails, à la doctrine spécialisée. Voy. X. Dieux (éd.), Les autorités de contrôle des marchés financiers des assurances et de la concurrence: bilan et perspectives, Actes du colloque de Bruxelles, 25 mai 2000, Bruxelles, Bruylant; P. Lambrecht et J.-F. Tossens, “La réforme de la surveillance du secteur financier - article de synthèse de la loi du 2 août 2002”, Rev. prat. soc. 2002, p. 156; E. Ponnet, “Réforme de la surveillance financière. Loi du 2 août 2002”, R.D.C. 2002, pp. 766 et s.; H.-P. Lemaître, “La Commission bancaire et financière après les lois du 2 août 2002: structures et compétences”, J.T. 2003, pp. 456 et s.
[15] Notons ici que, malgré les importantes prérogatives de la cour d'appel de Bruxelles en matière de concurrence économique et, plus spécifiquement, son rôle d'organe de recours contre les décisions du Conseil, nous ne l'incluons pas dans la notion d'autorité de régulation de la concurrence. Tant du point de vue organique (composition, recrutement, etc.) que du point de vue fonctionnel (compétences, missions, modes opératoires, etc.), le fait que le législateur ait décidé d'ériger cette juridiction en organe d'appel des décisions de l'autorité de concurrence ne justifie pas selon nous de conclure que la cour d'appel ferait dès lors corps avec cette autorité de concurrence ou de la ranger parmi les autorités administratives.
[16] Nous nous limiterons à mentionner l'existence d'autorités régionales en la matière, comme la Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteit ou “VREG” (Région flamande) et la Commission Wallonne pour l'Énergie ou “CWaPE” (Région wallonne) et l'Institut Bruxellois pour la Gestion de l'Environnement ou “IBGE-BIM” (Région Bruxelles-Capitale).
[17] Art. 1 LPCE.
[18] Loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 15 septembre 2006 (Mon. b. 29 septembre 2006), consolidant les lois du 10 juin 2006 instituant un Conseil de la concurrence et du 10 juin 2006 sur la protection de la concurrence économique (Mon. b. 28 juin 2006).
[19] Art. 7 LPCE. Les seuils de chiffres d'affaires avaient été rehaussés par un arrêté royal du 3 juillet 2005 (Mon. b. 19 juillet 2005).
[20] Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux art. 81 et 82 du traité, J.O. L. 1 du 4 janvier 2003, pp. 1-25.
[21] Art. 11 LPCE. La nouvelle loi a instauré un Auditorat et supprimé le Corps des rapporteurs. La création de ce dernier par la loi de 1999 visait à opérer une meilleure répartition entre les compétences respectives des organes d'instruction (le Service de la concurrence et le Corps des rapporteurs) et de décision (le Conseil de la concurrence et son président). Pour la composition et les missions de l'Auditorat, voy. art. 25 et s. LPCE.
[22] Voy. F. Louis et S. Dierckens, “L'effet dévolutif du recours contre des décisions du Conseil de la concurrence en matière de concentrations”, Revue de la concurrence belge 2006/1, pp. 131-145; F. Montag, “The Case for a Radical Reform of the Infringement Procedure”, E.C.L.R. 1996, p. 428.
[23] Art. 44 LPCE.
[24] Art. 29 LPCE.
[25] Art. 44 § 1 LPCE. L'Auditorat peut en outre instruire “sur demande du ministre des Classes moyennes, d'un organisme public ou d'une autre institution publique spécifique, chargés du contrôle ou de la surveillance d'un secteur économique”.
[26] Art. 75 LPCE.
[27] Art. 47 LPCE.
[28] Art. 44 § 3 LPCE.
[29] Ils sont néanmoins soumis à la surveillance du procureur général.
[30] Art. 44 § 3 LPCE.
[31] Art. 29 LPCE.
[32] Art. 63 LPCE.
[33] Cette compétence dérive du Règlement 1/2003 en ce qui concerne l'application des art. 81 et 82 du Traité CE. Le législateur belge a cependant étendu cette faculté aux cas relevant exclusivement du droit belge de la concurrence. Art. 34 LPCE.
[34] Idem. La LPCE confie par ailleurs une compétence d'avis sur toutes les questions générales de politique de concurrence à une commission paritaire instituée au sein du Conseil central de l'économie, dénommée Commission de la concurrence (art. 42 LPCE). Le Roi détermine la composition et le fonctionnement de la Commission de la concurrence (art. 43 LPCE). Il en va de même pour la nomination et les allocations de ses membres.
[35] Le Roi peut déclarer par arrêté que l'art. 2 § 1 n'est pas applicable à certaines catégories d'accords. Pour ce faire, il doit consulter l'assemblée générale du Conseil, laquelle dispose également de la faculté de demander l'adoption d'un tel règlement (le cas échéant sur proposition motivée de l'Auditorat). Voy. art. 52 LPCE. Il est prévu que le Roi doit également consulter la Commission de la concurrence. Voy. art. 50 LPCE.
[36] Art. 45 et 29 § 1, 6° LPCE.
[37] Ainsi que des astreintes (nous les avons déjà évoquées) à concurrence de 5% du chiffre d'affaires journalier moyen. Voy. art. 63 LPCE. Le Conseil a également le pouvoir d'imposer des amendes supplémentaires lorsque des parties ne collaborent pas lors de la procédure.
[38] Art. 49 LPCE. Avant la réforme, le Conseil de la concurrence et l'ancien Corps des rapporteurs se sont dotés d'une communication conjointe sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires d'ententes. Voy. Communication conjointe du Conseil de la concurrence et du Corps des rapporteurs sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (Mon. b. 30 mars 2004).
[39] Art. 62 LPCE.
[40] Art. 53 LPCE.
[41] Art. 5 du Règlement 1/2003, précité.
[42] Art. 53 LPCE. La loi précise par ailleurs qu'une telle décision “est sans préjudice de la faculté des juridictions nationales de constater l'existence de pratiques restrictives pour le passé et n'implique aucune reconnaissance préjudiciable de la part de l'entreprise concernée”.
[43] Loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques (Mon. b. 27 mars 1991).
[44] F. Dehousse et T. Zgajewski, “Les nouveaux développements de la réglementation des télécommunications en Belgique (1999-2003)”, J.T. 2003, pp. 425-433 .
[45] Loi du 19 décembre 1997 modifiant la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques afin d'adapter le cadre réglementaire aux obligations en matière de libre concurrence et d'harmonisation sur le marché des télécommunications découlant des décisions de l'Union européenne (Mon. b. 30 décembre 1997). Nous verrons que c'est seulement en 2005 que la Belgique s'est dotée d'une loi transposant le nouveau cadre réglementaire en matière de “communications électroniques”. Loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques (Mon. b. 20 juin 2005).
[46] Voy. Directive 2002/21 du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (Directive-cadre), J.O.C.E. L. 108 du 4 avril 2002, pp. 33-50; Directive 2002/20 du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (Directive-autorisation), J.O.C.E. L. 108 du 24 avril 2002, pp. 21-32; Directive 2002/19 du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (Directive-accès) J.O.C.E. L. 108 du 24 avril 2002, pp.7-20.
[47] Voy. P-Y. Potelle, o.c., p. 88.
[48] Voy. P.-Y. Potelle, o.c., qui souligne que l'IBPT conserve cependant une compétence d'avis et de proposition dans certaines matières: p. ex., l'art. 87 de la loi de 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques prévoit que la fixation du cahier des charges applicable au service de téléphonie vocale est opérée par voie d'arrêté royal sur proposition de l'IBPT.
[49] Arrêté royal du 25 février 2002 portant création du Service public fédéral de programmation Télécommunications (Mon. b. 5 mars 2002).
[50] Voy. P.-Y. Potelle, o.c., p. 89.
[51] Arrêté royal transposant les obligations découlant de la Directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service (Mon. b. 18 août 1999).
[52] Arrêté royal du 11 janvier 2006 fixant les modalités de la déclaration et le transfert de services postaux non compris dans le service universel et mettant en application les art. 144quater § 3, 148sexies § 1er, 1° et 148septies de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques (Mon. b. 17 janvier 2006).
[53] Voy. IBPT, Rapport annuel 2004, p. 49. Ce texte fait valoir qu'en l'attente de la publication d'arrêtés d'exécution, l'intervention de l'IBPT dans le secteur portal est restée marginale.
[54] Loi du 1er juin 2005 portant modification de la loi relative au marché de l'électricité du 29 avril 1999 (transposant la Directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003), (Mon. b. 24 juin 2006); la loi du 1er juin 2005 portant modification de la loi du 12 avril 1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations (Mon. b. 24 juin 2006); la loi-programme du 20 juillet 2005 et la loi du 27 juillet 2005 organisant les voies de recours contre les décisions prises par la Commission de régulation de l'électricité et du gaz. Voy. G. Block et al., o.c.
[55] Voy. à ce sujet G. Block et al. rapportant que “le transfert des compétences de la CREG a été considéré par le Conseil général de la CREG, organe consultatif regroupant les principaux intervenants dans le marché de l'électricité et du gaz, comme ne respectant pas les Directives 2003/54/CE et 2003/55/CE (voy. Conseil général, avis CG171104-017 du 17 novembre 2004, sur http://www.creg.be )”.
[56] Voy. G. Block et al., o.c.
[57] Art. 23 § 2 de la loi électricité.
[58] Pour autant qu'elle motive sa demande. Art. 26 § 1 de la loi électricité. Des pouvoirs identiques sont prévus dans la loi gaz.
[59] Art. 31 de la loi électricité et 20/2 de la loi gaz.
[60] Art. 30bis de la loi électricité. On aperçoit ici que la CREG dispose de pouvoirs moins étendus que l'IBPT, dont certains membres ont la qualité d'officiers de police judiciaire.
[61] Art. 24 § 2 de la loi du 29 avril 1999, modifiée par la loi du 1er juin 2005.
[62] Art. 24 § 3 de la loi du 29 avril 1999, modifiée par la loi du 1er juin 2005.
[63] Voy. les travaux de la théorie du “choix public”: J. M. Buchanan, The Limits of Liberty, (1975) Chicago University Press; W. D. Nordhaus, “The Political Business Cycle”, Review of Economic Studies 1975, 42, pp. 169-190.
[64] Voy. notamment les travaux du prix Nobel d'économie G. Stigler, “The Theory of Economic Regulation”, Bell Journal of Economics 1971, 2, pp. 3-21.
[65] Directive 88/301/CEE de la Commission du 16 mai 1988 relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunication et Directive 90/388/CEE de la Commission du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunication.
[66] Voy. B. Lassere, “L'autorité de régulation des télécommunications (ART)”, 20 mars 1997, L'actualité juridique - Droit administratif, n° 3.
[67] Voy. D. Geradin et N. Petit, o.c., p. 137.
[68] Voy. C.J.C.E. 16 novembre 1977, aff. 13-77, SA G.B.-INNO-B.M./Association des détaillants en tabac (ATAB), Rec., p. 2115, § 31.
[69] Voy. en matière de télécommunications, l'art. 3 § 2 de la Directive-“cadre” 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002, J.O. L. 108, 24 avril 2002, p. 33.
[70] Voy. P. Van Ommeslaghe, “Exposé introductif”, in Les autorités de contrôle des marchés financiers des assurances et de la concurrence: bilan et perspectives, Actes du Colloque de Bruxelles, 25 mai 2000, sous la direction de X. Dieux, Bruxelles, Bruylant, p. 1.
[71] La LPCE prévoit désormais que “Nul ne peut être nommé conseiller s'il n'est porteur d'un diplôme de master” (art. 14). Elle comprend également une série d'exigences linguistiques (art. 15) et des modalités de vérification de celles-ci (art. 16).
[72] Art. 13 LPCE.
[73] Art. 15 § 2 LPCE.
[74] Art. 18 § 3 LPCE. Notons aussi, qu'en cours de procédure, les parties peuvent se prévaloir des causes de récusation de droit commun à l'encontre des membres du Conseil de la concurrence appelés à rendre une décision. “Les conseillers peuvent être récusés pour les causes énoncées à l'art. 828 du Code judiciaire. Tout conseiller qui sait cause de récusation en sa personne s'abstient.” Art. 18 § 2 LPCE.
[75] Art. 26 LPCE. Il est néanmoins précisé que les auditeurs sont nommés parmi les auditeurs adjoints qui comptent six ans de fonction à l'Auditorat. Par ailleurs, la nomination se fait sur avis de l'assemblée générale du Conseil.
[76] Art. 17 LPCE.
[77] Les rémunérations des conseillers sont alignées à concurrence de 90% sur celles des membres du Conseil d'État (art. 17). Les rémunérations des auditeurs sont alignées sur celles des auditeurs du Conseil d'État (art. 28).
[78] Art. 35 LPCE.
[79] Art. 60 LPCE.
[80] Art. 60 LPCE. Il faut néanmoins concéder que l'occasion de faire usage de cette faculté ne s'est pas encore réellement présentée.
[81] Voy. avis 27.220/1 - 27.221/1 du 23 avril 1998 cité dans l'avis 38.503/1 de la section de législation du Conseil d'État, Doc. parl. Ch. repr., sess. 2005-06, n° 2180/001, p. 130; et P. Boucquey et P.-O. De Broux, Les recours juridictionnels contre les décisions des autorités de régulation, Colloque sur la protection juridique du citoyen face à l'administration, Facultés Universitaires Saint-Louis, 29 septembre 2006, point 68.
[82] Art. 34, 3° LPCE. L'art. 29 § 1, 8° LPCE prévoit par ailleurs que les réunions qui ont pour objet la détermination des priorités de la politique de mise en oeuvre de la loi et la fixation de l'ordre de traitement des dossiers sont présidées par le fonctionnaire dirigeant du Service de la concurrence.
[83] Voy. D. De Roy et R. Queck, o.c. De manière générale, la qualité de régulateur de l'IBPT lui interdit l'exercice de toute activité commerciale. Art. 13 de la loi “statut” du 17 janvier 2003.
[84] Arrêté royal du 11 mai 2003 fixant le statut, la rémunération et les devoirs du président et des membres du Conseil de l'Institut Belge des Services Postaux et des Télécommunications (Mon. b. 6 juin 2003).
[85] Art. 17 § 3 et 27 de la loi “statut” du 17 janvier 2003.
[86] Art. 16 et 17 de l'arrêté royal du 11 mai 2003 fixant le statut, la rémunération et les devoirs du président et des membres du Conseil de l'Institut Belge des Services Postaux et des Télécommunications (Mon. b. 6 juin 2003).
[87] Vuy. D. Geradin et N. Petit, o.c.
[88] Voy. D. Geradin, “Institutional Aspects of EU Regulatory Reforms in the Telecommunications Sector: An Analysis of the Role of National Regulatory Authorities”, Journal of Network Industries 2000/1, p. 14; P.-Y. Potelle, o.c. et B. Lassere, o.c.
[89] Voy. P.-Y. Potelle, “Un nouveau statut pour le régulateur des télécommunications dans un secteur en pleine mutation”, Revue ubiquité - Droit des technologies de l'information 2003, n° 16.
[90] Voy. P.-Y. Potelle, p. 93.
[91] L'IBPT doit s'y conformer dans un délai de quinze jours.
[92] Art. 25 § 2 de la loi du 29 avril 1999 modifiée par la loi du 1er juin 2005.
[93] Voy. notamment Chapitre V de la loi de 2005, relatif aux redevances administratives.
[94] Art. 25 de la loi du 29 avril 1999 modifiée par la loi du 24 juin 2005.
[95] Voy. OECD Global Forum on Competition, Optimal Design of a Competition Agency, note du secrétariat, CCNM/GF/COMP(2003) 2, 3 février 2003, à § 6, expliquant que moins d'un cinquième des autorités de concurrence dans le monde connaissent le financement par amendes ou redevances.
[96] Idem. au § 39: “Few if any public authorities feel free of budget constraints. Letting the Competition Authority retain part of fines or fees related to competition cases is sometimes seen as a way to find new sources of funding in a situation when the general State budget is insufficient. Fines and fees also have the advantage of being linked to the overall workload of the Authority. However, such sources of funding may at the same time create risks for sub-optimal priorities for the Competition Authority's work, for instance focussing on the number of cases rather than their anti-competitive effects. As for fees, they may be set at a level corresponding to the average costs of the authority handling a particular category of matter. In such a case, the risks of distorting effects on the authority's priorities may be limited. On the other hand, fines have no relation to the costs of the Competition Authority, and there are more obvious risks of giving wrong incentives to an authority that may add fees to its budget, especially if the Competition Authority de facto has a high degree of influence on the amount.” (nous accentuons).
[97] Idem. Pour une exception notable, voir les autorités américaines de concurrence (FTC et Antitrust Division du Department of Justice) qui sont financées par une redevance perçue lors de la notification d'une opération de concentration. Cependant, le rythme de ces opérations variant au gré des époques, cette source de financement est loin d'être constante.
[98] Le manque de moyens humains est une réclamation apparaissant systématiquement dans les rapports annuels du Conseil de la concurrence.
[99] Voy. Cour des comptes, Vers un contrôle efficace des pratiques restrictives de concurrence, Rapport de la Cour des comptes transmis à la Chambre des représentants, Bruxelles, juin 2006, p. 18.
[100] Pour faire face aux problèmes du système en place, des réformes engagées en 1999 et poursuivies en 2006 ont tracé deux principaux axes d'améliorations: (i) l'allégement des procédures en matières de contrôle des concentrations par la mise en oeuvre d'un formulaire de notification simplifié et le rehaussement des seuils et, (ii) l'augmentation du personnel affecté à temps plein au Conseil de la concurrence.
[101] OCDE, O.E.C.D. Economic Surveys 2005 - Belgium, p. 160. Le rapport indique que: “The increase in staffing from 23 persons to 39 is unlikely to be sufficient to carry out these responsibilities adequately - such staffing levels are very low by international comparison.” (nous soulignons).
[102] OCDE, Annual Report on Competition Policy Developments Finland - 2005.
[103] OCDE, Annual Report on Competition Policy Developments Denmark - 2005.
[104] GVH, Rapport annuel 2005.
[105] NMA, Rapport annuel 2005.
[106] Chiffre extrait de Cour des comptes, Vers un contrôle efficace des pratiques restrictives de concurrence, Rapport de la Cour des comptes transmis à la Chambre des représentants, Bruxelles, juin 2006. Ce chiffre inclut les ressources du Service et du Corps des rapporteurs. Si l'on s'en tient au seul Conseil, le chiffre tombe à 175.000 d'euros. Voy. OCDE, Annual Report on Competition Policy Developments Belgium - 2005 (disponible sur http://www.ocde.org).
[107] Voy. Rapport de la Cour des comptes, o.c.
[108] Idem, p. 14.
[109] Ibid.
[110] Ibid.
[111] Voy. lettre du ministre Marc Verwilghen adressée au premier président de la Cour des comptes (annexée au rapport de cette dernière).
[112] Doc. parl. Chambre, Doc. n° 51 2180/004, p. 65. Voy. également La Libre Belgique du 15 septembre 2006 “Lois sur la concurrence toutes neuves”. Ce montant pourrait s'élever jusqu'à 4,2 millions d'euros sur une base annuelle.
[113] Les autorités administrent à cette fin des “remèdes”. L'expertise spécifique et la surveillance permanente du marché requises ne peuvent être mises en oeuvre par les autorités de concurrence. Il faut encore tenir compte du fait que la réglementation sectorielle intègre parfois des objectifs de nature non économique comme l'aménagement du territoire ou la protection de l'environnement (les règles régissant le déploiement des réseaux de télécommunications en sont un exemple), le respect d'obligations de service universel, le respect de règles et de spécifications techniques, etc.
[114] Voy. N. Petit, o.c., p. 6.
[115] Rapport du Conseil de la concurrence, 2003, p. 30.
[116] Le Conseil de la concurrence vient de rendre sa première décision dans le cadre de cette procédure. Voy. Conseil de la concurrence, 1er septembre 2006, n° 2006-K/P-14, The Phone Company/Belgacom Mobile, Revue trimestrielle de jurisprudence 2006/03, (disponible sur http://www.concurrence.be ).
[117] Voy. P-Y. Potelle, o.c., p. 92.
[118] Voy. contra Ch. Schurmans, “Les recours juridictionnels contre les décisions des autorités de régulation dans le secteur des communications électroniques en Belgique”, à paraître dans la R.D.I.
[119] Voy. la loi spéciale répartitrice de compétences du 8 août 1980. De façon similaire, la frontière ténue entre les télécommunications (qui relèvent des compétences fédérales) et l'audiovisuel (qui relève du pouvoir des Communautés) a alimenté un flot important de contentieux devant la Cour d'arbitrage. Les arrêts rendus prévoient qu'un accord de coopération doit toujours être conclu entre le pouvoir fédéral et les communautés. Ph. Gérard, R. Queck, P. Valcke et D. Stevens, “Le nouveau cadre réglementaire européen des réseaux et services de communications électroniques - Enjeux pour la Belgique fédérale”, AM 2002, vol. 3, pp. 257-272, p. 265.
[120] Voy. sur ce sujet, N. Petit, o.c.
[121] Voy. Rapport annuel du Conseil de la concurrence 2000, p. 35.
[122] Voy. décision du Conseil de la concurrence n° 2002-V/M-43 du 13 juin 2002, revue trimestrielle de jurisprudence 2002/02.
[123] Voy. Décision du Conseil de la concurrence n° 2003-V/M-43 du 15 mai 2003, Codenet, Colt Telecom, Versatel et WorldCom/Belgacom.
[124] Voy. P. Van Ommeslaghe, o.c., p. 29. Dans cette matière, l'auteur observe qu'“il faut absolument arriver à concilier la prescription fondamentale de l'article 144 de la Constitution, réservant aux cours et tribunaux les contestations ayant pour objet les droits civils, avec les impératifs de la sécurité juridique”.
[125] Voy. D. Geradin, o.c., p. 14.
[126] Voy. P. Van Ommeslaghe, o.c.
[127] Art. 11 § 4 LPCE.
[128] Art. 23 § 3 de la loi du 29 avril 1999 modifiée par la loi du 1er juin 2005.
[129] La procédure et les modalités de cette évaluation sont également définies. Voy. arrêté royal du 11 mai 2003 fixant le statut, la rémunération et les devoirs du président et des membres du Conseil de l'Institut Belge des Services Postaux et des Télécommunications (Mon. b. 6 juin 2003). Le principe de cette évaluation a également fait l'objet d'une convention collective de travail conclue par l'IBPT et les organisations représentatives. Rapport de l'IBPT 2003, disponible sur http://www.ibpt.be (consulté pour la dernière fois le 20 juin 2006). Seul le principe de l'évaluation est mentionné, sans qu'il apparaisse que les évaluations prévues par l'arrêté royal du 11 mai 2003 n'aient effectivement eu lieu.
[130] Voy. N. Petit, o.c.
[131] Au troisième trimestre 2006, la version française du Rapport 2005 du Conseil n'est toujours pas publiée.
[132] Voy. notamment Structure and Functioning of the Electricity Market in Belgium in a European Perspective d'octobre 2004 élaboré par London Economics. Voy. également l'étude de la CREG relative à ce rapport sur http://www.creg.be .
[133] Relayant le Rapport de la Cour des comptes précité, l'association de défense des consommateurs Test-Achats vient d'adresser une lettre ouverte au gouvernement fédéral pour dénoncer le manque d'effectivité du Conseil de la concurrence, qualifié de “gendarmes trop discrets” (voy. Budget et Droits N° 190, janvier 2007).
[134] Voy. les autorités danoises qui se livrent à des enquêtes de satisfaction détaillées et dont les résultats sont diffusés largement.
[135] Voy. dans le secteur des télécommunications, art. 4 de la Directive-“cadre”. Il est prévu que lorsque l'organisme de recours n'est pas d'ordre juridictionnel, il est néanmoins tenu de motiver ses décisions par écrit et celles-ci doivent pouvoir être réexaminées par une juridiction au sens de l'art. 234 du traité. Dans le secteur de l'énergie, les directives communautaires n'imposent pas l'existence d'une voie de recours. Elles se contentent d'indiquer que les activités des autorités sont sans préjudice des voies de recours prévues par le droit communautaire et national. Voy. art. 23(11) de la Directive 2003/54.
[136] La matière soulève une multitude de questions (d'ordre procédural, constitutionnel, etc.) qui ne seront cependant pas abordées ici.
[137] Par dérogation au droit commun, ces recours sont néanmoins dépourvus d'effet suspensif (art. 76 § 4 LPCE). Sous des conditions strictes, la cour d'appel peut, sur demande de l'intéressé, ordonner la suspension en tout ou partie de la décision du Conseil. La cour peut même ordonner la restitution des amendes et des astreintes.
[138] Voy. P.-Y. Potelle, p. 91.
[139] Art. 14 des lois coordonnées du 12 janvier 1993 sur le Conseil d'État.
[140] Voy. G. Block et al., o.c.
[141] Loi du 17 janvier 2003 concernant les recours et le traitement des litiges à l'occasion de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des postes et télécommunications belges (Mon. b. 24 janvier 2003).
[142] L'art. 2 prévoit un recours de “pleine juridiction”.
[143] Voy. P.-Y. Potelle, o.c., p. 91. Par ailleurs, il convient de noter que le Conseil des ministres peut “suspendre l'exécution de certaines décisions, dont le Roi détermine la liste par arrêté délibéré en Conseil des ministres, par lesquels l'Institut viole la loi ou blesse l'intérêt général”. Art. 15 § 1 loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des postes et télécommunications belges (Mon. b. 24 janvier 2003).
[144] Loi-programme du 20 juillet 2005 et loi du 27 juillet 2005.
[145] Voy. G. Block et al., observant que ce système est inspiré des réformes opérées en droit financier par la loi du 2 août 2002 et dans le domaine des postes et télécommunications avec les lois du 17 janvier 2003.
[146] Voy. décisions énumérées aux art. 29bis nouveau de la loi électricité et 15/20 de la loi gaz.
[147] Art. 26sexies nouveau de la loi électricité et art. 15/23 nouveau de la loi gaz. L'on peut penser que l'attribution d'un tel pouvoir est en contradiction avec la volonté d'instituer un régulateur indépendant.
[148] Art. 29ter nouveau de la loi électricité et art. 15/20bis nouveau de la loi gaz (art. 2 et 6 de la loi du 27 juillet 2005). Enfin, les décisions de la CREG non visées par ce système de recours relèvent de la compétence générale du Conseil d'État. Voy. G. Block et al., o.c., point 54, citant par exemple les décisions prises sur la base de l'art. 23, 16° et non visées par l'art. 29bis.
[149] Art. 79 LPCE.
[150] Idem.
[151] L'ouverture d'un recours devant le Conseil de la concurrence à l'encontre de décisions dans le secteur de l'énergie aurait pu poser un problème de cumul excessif de recours: les décisions du Conseil de la concurrence étant, à leur tour, susceptibles de recours devant la cour d'appel de Bruxelles (au terme de la LPCE), deux recours successifs (devant le Conseil, puis la cour) étaient en réalité ouverts à l'encontre de certaines décisions de la CREG. Ce système générait une forte insécurité juridique et ouvrait la voie à des manoeuvres dilatoires.
[152] On relève enfin que si les régulateurs sectoriels peuvent défendre la décision attaquée devant la cour d'appel de Bruxelles, le législateur n'a pas estimé nécessaire de leur ouvrir ce droit en ce qui concerne les recours devant le Conseil de la concurrence.
[153] Le droit européen prévoit p. ex., en l'art. 229 du Traité CE, que: “Les règlements arrêtés conjointement par le Parlement européen et le Conseil, et par le Conseil, en vertu des dispositions du présent traité peuvent attribuer à la Cour de justice une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions prévues dans ces règlements.” (nous soulignons).
[154] Cette observation se vérifie également en ce qui concerne l'art. 6 de la CEDH.
[155] Cette interprétation ressort p. ex. de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, selon laquelle “parmi les caractéristiques d'un organe judiciaire de pleine juridiction figure le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise, rendue par l'organe inférieur”. Cour eur. D.H., arrêt du 13 février 2003, Chevrol/France, § 77.
[156] Exposé des motifs, Doc. parl. Chambre, sess. ord. 2001-02, nos 1.842/1 et 1.843/1, pp. 131 et 132.
[157] Voy. l'art. de X. Taton, “La nature des nouvelles compétences de la cour d'appel de Bruxelles en matière d'offres publiques d'acquisition”, R.D.C.-T.B.H. 2003/10, pp. 811-822, p. 817 notamment. L'auteur plaide pour le recours à la technique d'interprétation conciliante afin de limiter la compétence de la CBFA.
[158] Voy. X. Taton, o.c., p. 817.
[159] Arrêté royal du 8 novembre 1989 relatif aux offres publiques d'acquisition et aux modifications du contrôle des sociétés ; X. Taton, o.c., p. 817.
[160] Contra, P.-A. Foriers, “Le référé en droit des sociétés et des offres publiques”, in Le référé judiciaire, Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles, 2003, pp. 231 et s., spéc. pp. 252 à 256.
[161] Bruxelles 10 février 2006, Lendit SA et Lendit Louise SA/CBFA, Dr. banc. fin. 2006/IV, note M. Fyon, point 47.
[162] Idem.
[163] Idem.
[164] La cour se limite à préciser que cette approche suppose que sa peine juridiction peut être limitée par: (1) le type de recours lui étant soumis et (2) la possibilité de respecter ou non les modalités procédurales et formalités incombant à l'autorité administrative. Notons que les critiques de la doctrine spécialisée subsistent. Voy. M. Fyon, note sous Bruxelles 10 février 2006, précité.
[165] On emploie en anglais l'expression bien connue de “judicial restraint”. Notons ici que tel ne fut pas toujours le cas. Voy. J.-Fr. Bellis et M. Favart, “Le contrôle juridictionnel sur les décisions d'admissibilité d'une concentration par le Conseil de la concurrence après l'arrêt Editeco”, J.T. 2005, pp. 765-770 . Les auteurs indiquent que la décision de la cour d'appel opère en réalité un revirement de jurisprudence par rapport aux arrêts: Bruxelles 15 janvier 1998, Callebaut II (Mon. b. 12 février 1998, p. 4.095) et Bruxelles 29 septembre 1999, IMS Health (Mon. b. 7 octobre 1999, p. 38.007).
[166] Bruxelles (9ème ch. bis) 15 septembre 2005, SA I.PM., SA Rossel & Cie, SA de Persgroep et SA Editeco, AM 2006/1, pp. 81-97.
[167] La cour considère que le Conseil jouit en effet d'une marge d'appréciation inhérente à sa mission. Par ailleurs, la cour estime que la volonté du législateur d'organiser un réexamen des décisions du Conseil en matière de concentrations ne peut justifier à elle seule l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire et de lui faire supporter la charge de la preuve (alors qu'à l'époque, elle ne disposait pas de la possibilité de mener une nouvelle instruction et que la loi ne précise pas par ailleurs si elle pouvait prendre en considération les faits survenus depuis la décision du Conseil).
[168] Bruxelles (9ème ch.) 18 juin 2004; Bruxelles (9ème ch.) 14 octobre 2004; Bruxelles (9ème ch.) 15 octobre 2005. Pour un commentaire avisé sur les enseignements à tirer de ces arrêts, voy. X. Taton, “Les recours objectifs de pleine juridiction et les pouvoirs limités du juge judiciaire”, R.D.C.-T.B.H. 2005, p. 807 . L'auteur fait remarquer qu'en matière de concurrence, où le recours est formé à l'encontre d'une décision juridictionnelle (décision du Conseil de la concurrence), il s'agit bien d'un appel au sens processuel du terme. En revanche, s'agissant de décisions des autorités sectorielles de régulation, la cour d'appel se prononce en réalité sur la validité d'un acte, si bien que l'on ne peut à proprement parler d'un appel.
[169] Bruxelles 18 juin 2004, R.G. 2003/AR/2249, nos 63-64. D'autre part, des mécanismes de coopération prévus par les directives européennes devaient être respectés avant l'adoption d'une telle décision. Voy. X. Taton, o.c.
[170] X. Taton, o.c., p. 802. La cour a encore nuancé la portée de son pouvoir dans un autre arrêt où elle a estimé qu'il lui appartient “de déterminer, pour chacun des griefs […] pris séparément si elle doit se limiter à un contrôle de légalité de la décision attaquée ou si elle est habilitée à substituer son appréciation à l'IBPT”, Bruxelles (9ème ch.) 12 mai 2006 (R.G. 2004/AR/174).
[171] Peut être y va-t-il là également d'une certaine opposition de principe de la cour à se voir infliger le fardeau de la preuve (en l'occurrence, de l'admissibilité ou non d'une concentration).
[172] Art. 44 § 1, 5° LPCE.
[173] Art. 75 LPCE.
[174] Idem.
[175] Ce risque est particulièrement probable dans le domaine des concentrations. Le Conseil jouit en effet de la compétence exclusive d'effectuer un contrôle préalable des concentrations dans le marché belge. Il n'est donc pas exclu que la cour refuse à nouveau de substituer son analyse à celle du Conseil (une question intéressante à cet égard est actuellement débattue en doctrine. Il s'agit de savoir si le Conseil de la concurrence dispose d'une compétence liée ou discrétionnaire d'admettre ou de refuser une concentration. Voy. F. Louis et S. Dierckens, o.c., plaidant dans le sens d'un compétence liée: “le Conseil de la concurrence ne disposerait que d'une compétence liée pour admettre les concentrations, selon qu'elle entrave significativement ou non la concurrence”. Contra: P. Boucquey et P.-O. De Broux, o.c., point 70, selon qui “les possibilités (et non obligations) pour celui-ci [le Conseil] d'assortir sa décision de conditions et/ou charges proposées à titre d'engagements par les parties, ou d'ordonner toute mesure appropriée en cas d'inadmissibilité, démontre pourtant déjà l'existence d'un certain pouvoir discrétionnaire en son chef”. Un autre auteur remet en cause la pertinence de la dichotomie compétente liée/discrétionnaire en matière de concurrence. Selon celui-ci “quand il ne s'agit pas de discrétion mais d'appréciation (à cet égard la notion de compétence liée peut apparaît réductrice et trompeuse) en matière d'admissibilité d'une concentration, justice d'un prix ou de la proportionnalité d'une sanction -, la difficulté conceptuelle ne se présente pas et le juge peut pleinement juger du bien jugé ou bien décidé.” (nous soulignons). Voy. Ph. Malherbe, “Les compétences directes de la cour d'appel: concurrence, finance, énergie, communications, télécommunications”, in Le tribunal de commerce: procédures particulières et recherche d'efficacité, Bruxelles, Éd. du Jeune Barreau, 2006, pp. 243-283. En revanche, le risque semble moins probable dans le domaine des pratiques restrictives. Dans cette matière, il n'est pas question de compétence exclusive dans le chef du Conseil. Depuis la mise en application du Règlement 1/2003 et la mise en conformité de la loi belge à l'égard de celui-ci, les cours et tribunaux ordinaires sont pleinement compétents pour appliquer les dispositions de concurrence en matière de pratiques restrictives. Dans le même sens, observons qu'une même pratique restrictive peut désormais indifféremment faire l'objet d'un examen par le Conseil ou devant une juridiction ordinaire; cela dépend aujourd'hui largement de l'initiative du demandeur. N'y aurait-il pas violation du principe d'égalité dans la mesure où un défendeur pourrait être privé d'un appel effectif devant la cour d'appel selon que le Conseil aient été saisi ou non en première instance?
[176] Bruxelles (9ème ch.) 27 octobre 2006, R.G. 2006/AR/543 et 2006/AR/1056. Cette décision mériterait assurément un commentaire approfondi mais celui-ci dépasserait les limites de notre contribution. Nous nous limiterons donc à en reprendre les points essentiels à notre étude.
[177] L'appréciation des décisions de l'autorité de régulation relevant d'un pouvoir discrétionnaire se fait au cas par cas.
[178] Bruxelles (9ème ch.) 27 octobre 2006, point 34 in fine, (nous soulignons). Il est intéressant que la cour, dans un obiter dictum, compare sa situation, mutatis mutandis, à celle de la Cour de justice des Communautés européennes.
[179] Les opérateurs et leurs conseils critiquent également l'empilement de nouveaux étages de “bureaucratie”. Notre expérience suggère que la défiance des opérateurs à l'endroit des autorités s'exerce de façon plus nette contre les autorités de concurrence que contre les autorités sectorielles de régulation, dont la spécialisation/expertise et la fréquence de l'intervention contribuent au développement d'une communauté épistémique avec les entités régulées (mais peut être aussi à l'origine de problèmes de “capture”).