Tribunal de première instance (président) de Bruxelles 13 février 2007
DROITS INTELLECTUELS
Droit d'auteur - Bases de données - Protection - Responsabilité moteur de recherche Internet - Hyperliens profonds - Fonction cache - Limites aux droits de reproduction et de communication au public
L'activité de copier et/ou de faire des résumés automatiques d'articles de presse publiés sur différents sites web de journaux, vers et/ou sur un autre site web sous la forme d'hyperliens profonds, et l'utilisation d'une fonction cache dans les résultats de recherche d'un moteur de recherche Internet, violent la loi sur le droit d'auteur.
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INTELLECTUELE RECHTEN
Auteursrechten - Databanken - Bescherming - Aansprakelijkheid Internet-zoekmotor - Deep links - Cache functie - Beperkingen op reproductie- en publiek mededelingsrecht
Het kopiëren en/of automatisch samenvatten van persartikelen, gepubliceerd op verschillende krantenwebsites, naar en/of op een andere website onder de vorm van deep links, en het gebruik van een cache functie in de zoekresultaten van een Internet-zoekmotor, schenden de auteurswet.
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Google Inc. / SCRL Copiepresse
SCRL SOFAM / Google Inc.
SAJ, SCAM et Assucopie / Google Inc.
SA Pressbanking / Google Inc.
Siég.: Magerman (juge) |
Pl.: Mes E. Valgaeren, A. Stevenart et B. Magrez et Carneroli, A. Berenboom et C. Doutrelepont |
(...)
En cette cause, il est conclu et plaidé en français à l'audience publique du 24 novembre 2006;
Après délibéré le président du tribunal de première instance rend l'ordonnance suivante:
Vu:
- l'ordonnance en référé rendue le 22 septembre 2006, ainsi que les antécédents de la procédure qui y sont visés;
- la requête en intervention volontaire de la SOFAM déposée au greffe le 6 octobre 2006;
- la requête en intervention volontaire de la SAJ, de la SCAM et de la SCRL “Assucopie” déposée au greffe le 10 octobre 2006;
- la requête en intervention volontaire de la société anonyme Pressbanking déposée le 17 novembre 2006;
- les conclusions de la partie Google Inc. déposées au greffe le 30 octobre 2006 et ses conclusions additionnelles et de synthèse y déposées le 22 novembre 2006;
- les conclusions de la SCRL Copiepresse déposées au greffe le 9 octobre 2006 et ses conclusions additionnelles et de synthèse y déposées le 14 novembre 2006;
- les conclusions de la SAJ déposées au greffe les 13 novembre 2006, 14 novembre 2006 et 24 novembre 2006;
- les conclusions de la SOFAM déposées au greffe le 6 octobre 2006, ses conclusions additionnelles et de synthèse y déposées le 13 novembre 2006 et ses conclusions de désistement d'instance déposées à l'audience du 24 novembre 2006;
- les conclusions de désistement d'instance de la SCAM déposées à l'audience du 24 novembre 2006;
Entendu en leurs plaidoiries les conseils des parties.
Antécédents |
La demande originaire mue par la société Copiepresse et introduite par citation du 3 août 2006 selon les formes du référé par application des articles 587, 7° du Code judiciaire et 87 de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins tendait à entendre:
- constater que les activités de Google News et l'utilisation du “cache” de Google violent notamment les lois relatives aux droits d'auteur et aux droits voisins (1994) et sur les bases de données (1998);
- condamner la société Google à retirer de tous ses sites (Google News et “cache” Google sous quelque dénomination que ce soit), tous les articles, photographies et représentations graphiques des éditeurs belges de presse quotidienne, francophone et germanophone représentés par la société Copiepresse à dater de la signification de l'ordonnance sous peine d'une astreinte de € 2.000.000 par jour de retard;
- condamner, en outre, la société Google à publier, de manière visible, claire et sans commentaire de sa part sur la homepage de “google.be” et de “news.google.be” pendant une durée ininterrompue de 20 jours l'intégralité du jugement à intervenir à dater de la signification de l'ordonnance sous peine d'une astreinte de € 2.000.000 par jour de retard.
Par ordonnance du 5 septembre 2006, prononcée par défaut à l'égard de la société Google, le juge des référés a déclaré la demande recevable et fondée sous réserve d'aménagements quant aux modalités des mesures à ordonner; que la société Google a ainsi été condamnée à:
- retirer de tous ses sites (Google News et “cache” Google sous quelque dénomination que ce soit), tous les articles, photographies et représentations graphiques des éditeurs belges de presse quotidienne, francophone et germanophone représentés par la société Copiepresse dans les 10 jours de la signification de l'ordonnance sous peine d'une astreinte de € 1.000.000 par jour de retard;
- publier, de manière visible, claire et sans commentaire de sa part sur la homepage de “google.be” et de “news.google.be” pendant une durée ininterrompue de 5 jours l'intégralité du jugement à intervenir dans les 10 jours de la signification de l'ordonnance sous peine d'une astreinte de € 500.000 par jour de retard.
Cette ordonnance a été signifiée à la société Google en date du 8 septembre 2006.
Par citation du 19 septembre 2006, la société Google a fait opposition à l'ordonnance prononcée le 5 septembre 2006, sollicitant:
- À titre principal, d'entendre:
* rétracter le jugement dont opposition en toutes ses dispositions;
* déclarer la demande originaire non fondée et en débouter la demanderesse;
- À titre subsidiaire, d'entendre:
* réformer l'ordonnance dont opposition en ce qu'elle condamne Google à publier sur la homepage de “google.be” et de “news.google.be” pendant une durée ininterrompue de 5 jours l'intégralité du jugement à intervenir dans les 10 jours de la signification de l'ordonnance à intervenir sous peine d'une astreinte de € 500.000 par jour de retard;
* dire pour droit que cette publication n'a pas lieu d'être;
* à titre infiniment subsidiaire, modifier les modalités de la publication en limitant à la publication de l'intégralité de la décision sur les pages de résultat que Google ne peut plus afficher en exécution de l'obligation de retirer de tous ses sites (Google News et “cache” Google sous quelque dénomination que ce soit) tous les articles, photographies et représentations graphiques des éditeurs belges de presse quotidienne francophone et germanophone représentés par Copiepresse et dire pour droit que cette publication ne devra intervenir que dans 30 jours à dater du jour où la décision sera coulée en force de chose jugée;
- Dès l'audience d'introduction, le cas échéant par application des articles 19 alinéa 2 du Code judiciaire et/ou 735 du Code judiciaire, suspendre l'exécution de l'injonction de la publication jusqu'à ce qu'une décision soit rendue contradictoirement et soit coulée en force de chose jugée.
Par ordonnance prononcée le 22 septembre 2006, le juge des référés a dit qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de la société Google tendant à voir suspendre l'exécution de l'injonction de publication et a réservé à statuer sur le surplus.
Interventions volontaires |
Par requête en intervention volontaire déposée le 6 octobre 2006, la SCRL Société Multimédia des Auteurs et Arts Visuels (SOFAM) a sollicité d'être reçue comme partie intervenante volontaire dans l'instance existante entre la SCRL Copiepresse et la société Google aux fins de:
(...)
Par requête en intervention volontaire déposée le 10 octobre 2006, les sociétés “Société de droit d'auteur des journalistes” (SAJ), “Société civile des Auteurs Multimédias” (SCAM) et “Assucopie” ont sollicité d'être reçues comme parties intervenantes volontaires dans l'instance existante entre la SCRL Copiepresse et la société Google et ont sollicité d'entendre:
- constater que Google ne peut se prévaloir d'aucune exception prévue par les lois relatives au droit d'auteur (1994) et aux droits voisins (1998);
- constater que les activités de Google News et l'utilisation du “cache” de Google violent notamment les lois relatives au droit d'auteur (1994) et aux droits voisins (1998);
- condamner Google à retirer de tous ses sites (notamment Google News et “cache” Google sous quelque dénomination que ce soit) tous les articles, photographies et représentations graphiques des intervenantes volontaires à dater de la signification de l'ordonnance, sous peine d'une astreinte d'un million d'euros par jour de retard;
- condamner, en outre, Google, à publier de manière visible claire et sans commentaire de sa part sur la homepage de Google et de news.google pendant une durée ininterrompue de 20 jours l'intégralité du jugement à intervenir à dater de la signification de l'ordonnance sous peine d'une astreinte de € 500.000 par jour de retard.
Par requête en intervention volontaire déposée le 17 novembre 2004, la SA Pressbanking sollicite d'entendre déclarer son intervention volontaire recevable et fondée et, par voie de conséquence d'entendre:
(...)
Demandes actualisées de Google et Copiepresse |
Aux termes de ses conclusions déposées le 22 novembre 2006, la société Google a modifié sa demande et sollicite actuellement:
- En ce qui concerne la demande de la société Copiepresse, d'entendre:
* en ordre principal, déclarer la demande originaire non recevable ou à tout le moins non fondée, en débouter la société Copiepresse;
* en ordre subsidiaire:
- limiter l'ordre de cessation à l'obligation pour Google de retirer du moteur de recherche du site www.google.be les seuls liens en cache visible (hyperlien accessible par la mention “en cache”) aux pages des éditeurs de journaux membres de Copiepresse que le jugement identifiera précisément par leur nom et les sites sur lesquels ils sont accessibles, ainsi que le cas échéant, à l'obligation pour Google de retirer du site news.google.be les titres et extraits d'articles de presse des éditeurs de journaux membres de Copiepresse que le jugement identifiera précisément par leur nom et les sites sur lesquels ils sont accessibles;
- constater au surplus que la mesure de publication ordonnée par le jugement dont opposition n'a plus de d'objet, ladite publication ayant été faite;
- rejeter comme non recevables ou non fondées toutes autres demandes de Copiepresse;
- En ce qui concerne les demandes des intervenantes volontaires:
À titre principal: déclarer leurs demandes non recevables et, à tout le moins non fondées;
À titre subsidiaire: limiter le ou les éventuels ordres de cessation à l'obligation pour Google de retirer du moteur de recherche du site www.google.be les seuls liens en cache visible (hyperlien accessible par la mention “en cache”) aux pages ou documents des auteurs dont les demandeurs en interventions volontaires justifieront qu'elles détiennent les droits ou qu'elles ont qualité pour agir en cessation d'une atteinte à ces droits et que le jugement à intervenir identifiera explicitement.
Par conclusions déposées les 9 octobre et 14 novembre 2006, la société Copiepresse sollicite la confirmation de la décision dont opposition et forme, par ailleurs, une demande reconventionnelle tendant à entendre condamner Google à publier de manière visible, claire et sans commentaire en haut (soit avant la fenêtre d'interrogation) de toutes les “homepages” de tous les sites francophones de Google et Google News pendant une durée ininterrompue de 20 jours l'intégralité de l'ordonnance à intervenir et ce, dans les 10 jours de la signification de ladite ordonnance, sous peine d'une astreinte de 2 millions d'euros par jour de retard.
Situation du litige |
Copiepresse est la société de gestion des droits des éditeurs belges de presse quotidienne francophone et germanophone autorisée par les arrêtés ministériels des 14 février 2000 et 20 juin 2003 à exercer ses activités sur le territoire national. Elle a pour objet la défense des droits d'auteur de ses membres (droits propres aux éditeurs et droits acquis auprès des journalistes) et le contrôle de l'usage par des tiers des oeuvres protégées de ses membres.
Les parties intervenantes volontaires, à l'exception de la SA Pressbanking, sont également des sociétés de gestion des droits d'auteurs reconnues par arrêtés ministériels, regroupant, pour la SOFAM essentiellement des photographes et artistes plasticiens, pour la SAJ, des journalistes, pour Assucopie, des auteurs scolaires, scientifiques et universitaires tandis que la SCAM est une société française de gestion de droit d'auteur.
La SA Pressbanking est, pour sa part, une société de “pressclipping” qui rediffuse électroniquement les articles de presse à ses clients selon les demandes de ces derniers.
La société Google est une société américaine, créée en 1998, dont l'activité principale consiste dans le développement et la mise à disposition des internautes d'un moteur de recherche sur Internet soit d'un outil de référencement automatisé d'informations disponibles sur le web.
Google précise que son moteur de recherche est constitué de logiciels ou “robots” d'indexation (dénommés “Googlebots”) qui parcourent les sites web en passant de page en page, à intervalles réguliers et de façon entièrement automatique pour répertorier dans un index l'ensemble des pages web accessibles au public ainsi que pour chacune l'adresse informatique correspondante (appelée adresse URL). Les internautes peuvent interroger l'index par des mots clés saisis sur la barre de recherche, le moteur de recherche se chargeant d'afficher ensuite des listes de références de pages disponibles comportant les mots clés recherchés en procédant à un classement automatisé de pertinence.
Parallèlement à cette activité principale de moteur de recherche sur le web, Google a, au fil des ans, développé d'autres services. Elle a notamment développé en 2002 un service dénommé “Google News” qualifié par elle de moteur de recherche spécialisé reposant sur l'indexation d'articles de presse diffusés sur le net. Ce service est disponible en Belgique, sous le nom de “Google Actualités” depuis janvier 2006.
La SCRL Copiepresse a rapidement réagi suite à l'arrivée sur le marché belge du service “Google Actualités”, estimant que cette activité allait au-delà d'un “simple” service de moteur de recherche mais agissait comme “portail de la presse écrite”, Google reproduisant et agençant à sa guise une partie significative du texte des articles et ce, sans avoir recueilli l'accord notamment des sites d'éditeurs de journaux dont elle défend les intérêts.
Elle a, par conséquent, déposé, le 9 février 2006, devant le juge des saisies du tribunal de première instance de Bruxelles, une requête en saisie description;
Par ordonnance du 27 mars 2006, le juge des saisies a fait droit à cette demande et a désigné l'expert Golvers avec pour mission de:
- “décrire la manière dont sont présentés les articles de presse et l'interactivité entre le visiteur et le site web de Google News;
- décrire le système d'alerte installé sur Google et Google News;
- déterminer si des articles qui ne sont plus disponibles sur l'un des sites web des membres de la requérante sont encore visibles sur Google et Google News et s'il est possible d'encore les consulter et par quel procédé;
- déterminer ou tenter de déterminer la durée de conservation des articles dans le cache mémoire de Google et Google News;
- réaliser une liste des articles présents sur Google et Google News permettant d'identifier l'auteur de l'article, le journal et sa date de parution;
- expliquer comment Google et Google News ont pu obtenir une copie des articles;
- identifier et décrire le chemin parcouru par un visiteur qui suit les liens contenus sur le site de Google et Google News et le comparer à celui d'un visiteur qui consulte normalement le site web de l'éditeur de l'article de presse en question;
- déterminer l'incidence des différences éventuellement constatées au point précédent;
- déterminer s'il est encore possible d'accéder à des articles de presse belge en ne passant plus par Google.be mais par Google.com ou Google.fr;
- déterminer l'identité de l'exploitant du DNS Google.be, Google.fr et Google.com;
- déterminer s'il est possible à DNS.be de supprimer ou de rendre indisponible l'accès à Google.be et - dans l'affirmative - préciser comment ou encore s'il est possible de renvoyer le visiteur vers une page hébergée sur un autre site web;
- déterminer s'il est possible de faire de même avec Google.com et déterminer quel est l'opérateur capable de réaliser ces opérations.”
Cette ordonnance a été signifiée à la société Google en date du 27 avril 2006.
L'expert Golvers a déposé son rapport en date du 6 juillet 2006.
Par lettre du 13 juillet 2006 le conseil de la société Copiepresse a mis en demeure la société Google de supprimer immédiatement les articles de presse quotidienne belge (dont la liste est reprise dans la requête en saisie description) qui se trouvent dans Google News et dans le cache de Google.
La société Google n'a réservé aucune suite à ce courrier.
Procédure |
1. | Requête en intervention volontaire déposée par la SA Pressbanking le 17 novembre 2006 |
Attendu qu'en conclusions Google a sollicité que la demande formée par la SA Pressbanking par requête en intervention volontaire du 17 novembre 2006 soit déclarée irrecevable ou, à tout le moins que son examen soit reporté à une audience ultérieure et ce, afin de ne pas retarder le jugement de la cause principale.
Attendu qu'à l'audience du 24 novembre 2006, les parties ont accepté que la demande formulée par la SA Pressbanking soit examinée ultérieurement;
Qu'il convient donc de disjoindre ladite demande.
2. | Désistement d'instance des parties SOFAM et SCAM |
Attendu qu'à l'audience du 24 novembre 2006, la SCRL Société Multimédia des Auteurs des Arts Visuels (SOFAM) ainsi que la société de droit français “société civile des auteurs multimédias” (SCAM) ont déclaré se désister de leur instance;
Que la société Google a déclaré accepter ces désistements.
Discussion |
1. | Qualité et intérêt à agir en cessation |
Attendu que la demande est fondée sur l'article 87 de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins;
Attendu que Google insiste, à titre préalable sur le fait que le président du tribunal de première instance n'est, dans le cadre de la présente procédure, compétent que pour constater l'existence d'une atteinte particulière au droit d'auteur lui-même et en ordonner cessation et non pour constater une quelconque violation de la loi sur le droit d'auteur;
Qu'il souligne, par ailleurs, qu'aucun auteur ne figure parmi les demandeurs et qu'il appartient donc à ceux-ci de justifier de leur intérêt à agir;
Attendu que le premier grief porte sur l'objet même de la demande; que celle-ci doit être lue dans son ensemble; que si la demande tendant à entendre constater l'atteinte au droit d'auteur peut paraître incomplète (bien qu'elle précise les comportements incriminés soit activités de Google News et utilisation du cache), l'ordre de cessation, telle qu'il est rédigé, permet de déterminer les oeuvres sur lesquelles portent la contrefaçon prétendue (soit en ce qui concerne la demande originaire: les articles, photographies et représentations graphiques des éditeurs belges de presse quotidienne, francophone et germanophone représentés par la société Copiepresse);
Attendu qu'en ce qui concerne l'intérêt à agir de la société Copiepresse ainsi que des intervenantes volontaires SAJ et Assucopie, celles-ci sont des sociétés de gestion des droits d'auteurs autorisées par arrêté ministériel à exercer leurs activités sur le territoire national;
Qu'en vertu de l'article 73 de la loi du 30 juin 1994, elles ont qualité à agir en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge, qu'il s'agisse des droits collectifs des affiliés ou de leurs droits individuels; qu'elles disposent, si leurs statuts le prévoient, de la possibilité d'agir en justice dans l'intérêt général de la ou des catégories d'ayants droit visés aux statuts (F. De Visscher et B. Michaux, Précis du droit d'auteur et des droits voisins, Bruylant, 2000, p. 419 et p. 512);
Que la société Copiepresse est la société de gestion de droit des éditeurs belges de presse quotidienne francophone et germanophone autorisée par les arrêtés ministériels des 14 février 2000 et 20 juin 2003 à exercer ses activités sur le territoire national; qu'elle a pour objet la défense des droits d'auteur de ses membres et le contrôle de l'usage par des tiers des oeuvres protégées de ses membres; qu'elle représente les éditeurs qui publient notamment La Dernière Heure/Les Sports, L'Echo, La Libre Belgique, Le Soir (pour une liste complète voir notamment la requête en saisie description du 9 février 2006);
Que la SAJ a pour objet, dans le cadre d'une gestion collective, de défendre - notamment dans le cadre de procédures judiciaires et/ou administratives -, d'exploiter, d'administrer et de gérer les intérêts matériels et moraux des journalistes relatifs à leurs oeuvres;
Que la SCRL Assucopie a pour objet d'exploiter, d'administrer et de gérer, dans le sens le plus large, les droits de reprographie des auteurs scolaires, scientifiques et universitaires; Qu'elle peut agir en justice pour la défense des intérêts de ses associés, mandants ou associés correspondant et pour la défense des droits dont la loi lui confie la gestion;
Que l'action en cessation organisée par l'article 87 de la loi du 30 juin 1994 pouvant être formée à la demande de tout intéressé, ces sociétés de gestion ne doivent pas prouver avoir un mandat particulier (A. Beerenboom, “Chronique de jurisprudence. Le droit d'auteur”, J.T. 2002, p. 685 , n° 42);
Que la demanderesse originaire ainsi que les intervenantes volontaires ont donc, au vu de ce qui précède, qualité et intérêt pour agir en cessation sur pied de l'article 87 de la loi du 30 juin 1994;
Que par contre et comme le relève à bon droit Google, la loi du 10 août 1998 transposant en droit belge la directive du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données n'ouvre pas l'action à “tout intéressé”, ni à une société de gestion ni à un groupement professionnel mais est réservée aux seuls titulaires du droit “sui generis” soit les producteurs de base de données (B. Michaux, Droit des bases de données, Kluwer, 2005, p. 166); que la demande en ce qu'elle est fondée sur cette base doit, par conséquent, être déclarée irrecevable.
2. | Quant à l'existence d'oeuvres protégées par le droit d'auteur |
Attendu que Google fait grief à la demanderesse et aux intervenantes volontaires de ne pas préciser et, a fortiori d'établir, une seule atteinte concrète aux droits d'auteur dont ils seraient titulaires relevant qu'elles ne précisent d'ailleurs même pas les auteurs dont elles revendiquent les droits, pas plus que les oeuvres auxquelles l'activité de Google porterait atteinte;
Attendu que cette affirmation apparaît inexacte;
Qu'en effet, dans son rapport, l'expert Golvers précise avoir effectué des recherches sur les titres des éditeurs représentés par Copiepresse, précisant avoir retrouvé, sur Google News, en ce qui concerne:
- Le Soir en Ligne: 1.670 articles;
- DH Net: 2.240 articles;
- L'Echo: 2.010 articles;
- La Libre Belgique: 2.360 articles;
Qu'il résulte de ce constat que les articles de ces journaux sont effectivement recensés par le service Google News et ce, même si l'expert précise qu'il y a des résultats qu'il qualifie de “faux positifs” pour L'Echo et La Libre Belgique (voir p. 101 du rapport d'expertise);
Qu'il peut être relevé en ce qui concerne la SAJ, que celle-ci précise gérer les droits d'auteurs de nombreux créateurs collaborant avec les sociétés éditrices; qu'elle dépose la liste de ses membres de l'examen de laquelle il ressort qu'elle compte parmi ses membres des journalistes de L'Echo, de La Dernière Heure/Les Sports, de La Libre Belgique, du Soir, du Vif-L'Express,..., soit des journaux dont le recensement dans Google News a été constaté par l'expert;
Que par ailleurs, il est admis que l'article 18 alinéa 2 du Code judiciaire est d'application en matière d'action en cessation, cette action ayant un caractère essentiellement préventif (De Visscher et Michaux, o.c., p. 510);
Qu'eu égard à la manière de procéder de Google: le moteur de recherche de Google Web explorant le web dans son ensemble (cf. ci-après développements relatifs à la mémoire cache) et Google Actualités précisant explorer 500 sources d'informations de la presse francophone, il apparaît peu contestable qu'il existe un risque réel d'atteinte aux droits défendus par Copiepresse, la SAJ et Assucopie (en ce qui concerne ces derniers uniquement dans le cadre de la page “en cache”);
Que la loi ne s'oppose pas à ce que le juge de la cessation prononce pour l'avenir un ordre qui vise d'autres oeuvres ou prestations que celles auxquelles il a effectivement été porté atteinte jusque là (F. De Visscher et B. Michaux, o.c., p. 510);
Qu'en effet, le but de la cessation est plutôt de mettre fin à un genre de pratique dont l'infraction constatée est une espèce (Prés. Trib. civ. Bruxelles 16 octobre 1996, AM 1996, p. 426);
Que le grief formulé par Google ne paraît, par conséquent, pas fondé.
3. | Quant au respect de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme |
Attendu que Google estime que le service Google News est légitimé par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit la liberté d'expression; qu'elle insiste sur le fait que la liberté d'expression protège les différents aspects du processus de communication dont la liberté de recevoir et de communiquer des informations;
Que si Google reconnaît que la liberté de recevoir et communiquer des informations peut être limitée pour la protection des droits d'autrui, dont le droit d'auteur, elle estime toutefois qu'en l'espèce, la restriction au droit de la liberté d'expression sollicitée par la demanderesse originaire et les intervenantes volontaires n'est ni pertinente ni proportionnée, Google News étant un outil gratuit d'accès à l'information qui ne ferait rien de plus qu'assurer une fonction de poteau indicateur dans la recherche d'informations sur Internet;
Attendu que la liberté d'expression qui rencontre effectivement la liberté de recevoir et de communiquer des informations n'est pas absolue, l'alinéa 2 de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme précisant que “L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certains formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité du territoire ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire.”;
Qu'au vu de cette disposition, la liberté d'expression peut être limitée par le droit d'auteur (limitation prévue par la loi pour protéger les droits d'autrui);
Que cela a été rappelé par la Cour de cassation dans son arrêt du 25 septembre 2003 qui a considéré que le droit à la liberté d'expression garantit par la Convention européenne des droits de l'homme ne faisait pas obstacle à la protection de l'originalité suivant laquelle l'auteur d'une oeuvre littéraire ou artistique exprime ses idées et concepts (Cass. 23 septembre 2003, C.030026.N, disponible sur le site www.cass.be );
Attendu que si en vertu de l'article 10 alinéa 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, le droit à la liberté d'expression peut subir des restrictions en vue de garantir le droit d'auteur, il ne s'agit, bien évidemment pas pour autant de mettre le droit d'auteur sur un piédestal, que c'est notamment pour ce motif que la loi prévoit un régime d'exception;
Que comme rappelé dans la directive 2001/29 du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société d'information, le droit d'auteur repose sur un équilibre entre d'une part la reconnaissance des intérêts légitimes des auteurs et, d'autre part celles des intérêts, tout aussi légitimes du public et de la société en général (M. Buydens, “La nouvelle directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société d'information: le régime des exceptions”, AM 2001, p. 430);
Que certaines exceptions au droit pour l'auteur de s'opposer à la reproduction ou à la communication de son oeuvre au public reposent sur la liberté d'expression, tel notamment la citation (M. Buydens, o.c., p. 431); qu'il sera examiné ci-après si Google peut se prévaloir de cette exception;
Que par ailleurs, Copiepresse s'interroge, de façon pertinente, sur la question de savoir si on peut, en l'espèce parler d'exercice de son droit d'expression dans le chef de Google dans la mesure où le système mis en place par Google News n'a rien d'humain, que Google n'emploie aucun rédacteur en chef en vue de la sélection des articles et se vante de “faire confiance au jugement des rédacteurs des agences d'information pour déterminer les articles qui méritent le plus d'être inclus et mis en évidence sur la page d'accueil de Google Actualités”;
Que Google ne peut donc se limiter à invoquer l'article 10 de la Convention européenne pour justifier les activités incriminées, qu'il convient donc d'examiner in concreto s'il y a atteinte aux droits d'auteur et si Google peut se prévaloir d'une exception.
4. | Quant à la violation des droits d'auteur |
a. Atteinte aux droits patrimoniaux |
Attendu que Copiepresse ainsi que les intervenantes volontaires estiment que par deux “activités” (soit la mémoire “cache” de son site Google.be et le service Google News), Google procède à la reproduction et/ou à la communication au public d'oeuvres (ou de fragments d'oeuvres) protégées par le droit d'auteur sans disposer de l'autorisation de l'auteur ou de ses ayants droit;
Qu'en conclusions Copiepresse incrimine également le service Google News Archive Search insistant sur le fait que ce service conserve et stocke les archives de la presse depuis de nombreuses années; qu'elle ne développe cependant pas son argumentation à l'égard de ce service qui n'existe, selon Google, que dans la version américaine du service Googles News; Que dans ce contexte et, à défaut d'élément complémentaire, ce service, nullement décrit dans le rapport de l'expert Golvers, ne sera pas examiné dans le cadre du présent débat;
Attendu qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur, l'auteur a seul le droit de reproduire ou d'autoriser la reproduction de son oeuvre “de quelque manière et sous quelque forme que ce soit”;
Que l'article 1er de la loi du 30 juin 1994 (tel que modifié par la loi du 22 mai 2005) précise également que l'auteur d'une oeuvre a seul le droit de la communiquer au public “par un procédé quelconque y compris par la mise à disposition au public d'une manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement”;
Qu'il convient au vu de ces dispositions d'examiner si en l'espèce, Google reproduit et communique au public des oeuvres protégées par le droit d'auteur et ce, dans le cadre de l'utilisation du “cache” sur Google.be, d'une part et dans le cadre de Google News, d'autre part.
1. Google et cache |
Attendu que Google décrit le fonctionnement du “cache” comme suit (voir rapport de l'expert Golvers, p. 68 et 69):
- “Lorsque Google explore le web, il crée une copie de chaque page examinée et la stocke dans une mémoire cache, ce qui permet de consulter cette copie à tout moment, et en particulier dans le cas où la page originale (ou Internet) serait inaccessible. Lorsque vous cliquez sur le lien 'copie cachée' d'une page web, Google affiche celle-ci dans l'état où elle se trouvait lors de son indexation la plus récente. Par ailleurs, le contenu caché est celui sur lequel se base Google pour déterminer si une page est pertinente pour vos requêtes.
Lorsqu'une page cachée est affichée, elle est précédée d'un entête encadré qui rappelle qu'il s'agit de la copie cachée de la page et non de la page originale et qui cite les termes de la requête ayant entraîné son inclusion dans les résultats de recherche.(...)” (extrait du site http://www.google.be/int/fr/help/features.html#cached );
- “Pour indexer des millions de pages tous les jours, Google utilise une 'armée' de robots d'indexation, appelés Googlebots (lire l'étude sur Googlebot pour en savoir plus). À chaque fois qu'un des robots visite une page, il la récupère et la stocke sur un des serveurs de Google. Cette version du document est appelée la version cache.”
- “À quoi sert le cache Google? Pour la plupart des internautes cela ne sert à rien! Ils ne savent d'ailleurs pas que cela existe, ni comment y accéder. Néanmoins cela peut s'avérer utile dans différents cas de figures:
* pour un internaute: une page est inaccessible ou introuvable (erreur 404). Si Google a indexé cette page, il est possible de la consulter en demandant sa version en cache;
* pour un webmaster: la version cache correspond à ce que Googlebot a obtenu lorsqu'il est venu l'indexer. Cela permet par exemple de voir de quand date le document (en supposant que cette page est souvent mise à jour); cela permet aussi en cas de redirections de voir quelles pages Googlebot a vues;
* comme preuve: si vous avez trouvé un site qui vous a plagié mais qui a retiré sa page, vous pouvez éventuellement utiliser la fonction de cache de Google pour le prouver (même si la valeur de cette preuve est toute relative.”;
- “Obtenir la version en cache d'un document: la manière la plus simple d'obtenir la version en cache d'un document est de cliquer sur 'copie cachée' à côté d'un résultat lors d'une recherche sur Google.” (extraits du site http://www.webrankinfo.com/google/cache.php );
Que dans leur rapport, établi à la demande de Google, les professeurs Tiberghien et Viseur définissent, quant à eux, la mémoire cache comme suit: “une mémoire cache, ou plus concisément une 'cache' est une mémoire dans laquelle une copie d'un document est conservée temporairement afin de faciliter ou d'accélérer l'accès à ce document pendant son traitement.”; qu'ils précisent: “... lorsqu'un robot entreprend l'exploration d'un site, il commence par faire une copie des codes HTML des pages utiles dans sa propre mémoire. Il fait cela pour pouvoir travailler sur une image figée du site et pour éviter d'imposer un trafic exagéré. Seul le code HTML des pages qui contiennent des mots et des liens vers d'autres pages est copié. Le code HTML des pages qui ne contiennent que des images, des sons ou des programmes exécutables n'est pas copié puisque celui-ci ne contribue pas à l'élaboration du dictionnaire.
Les caches des moteurs de recherche ne sont pas seulement indispensables à l'indexation mais peuvent aussi être utiles pour accéder à des pages en provenance de serveurs temporairement indisponibles et pour accélérer l'accès aux pages provenant de sites peu accessibles ou surchargés. (...)”;
Qu'en ce qui concerne l'emploi des caches chez Google, Messieurs Tiberghien et Viseur indiquent: “Le moteur de recherche Google Web permet de visiter la version conservée dans la cache des pages indexées par le moteur de recherche si cet accès au public a été permis par leur propriétaire. Google News, par contre, ne donne jamais accès à ces pages en cache.
Il convient de remarquer que la consultation d'une page via le cache n'est pas le mode encouragé de consultation. L'ergonomie de Google incite en effet à cliquer sur le titre de chaque résultat (qui aboutit à la page présente sur le site de l'éditeur) plutôt que sur le lien En cache ou (cached en anglais) (qui aboutit à la page présente en cache), de taille plus réduite, moins intuitif et au contraste moins fort. (...)
Le cache de Google Web permet l'accès à des pages dont le lien serait brisé, en particulier dans le cas où le serveur web affichant la page est indisponible. Il permet d'autres usages, comme le fait d'acter facilement un cas de plagiat ou de voir sur base de quels mots clé une page a été sélectionnée par le moteur de recherche. Il s'agit dès lors d'une fonctionnalité utile et appréciée par les utilisateurs du moteur de recherche Google Web.” (rapport Tiberghien-Viseur, p. 19 et 20);
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que lorsqu'ils indexent les pages web, les “robots” de Google effectuent une copie de chaque page examinée, copie qui est stockée dans la mémoire de Google; qu'il est loisible à l'internaute d'avoir accès à cette copie en cliquant sur le lien “en cache”; que dans cette hypothèse, l'internaute n'est pas renvoyé via un “hyperlien” au site d'origine mais consulte la copie de la page stockée dans la mémoire de Google (en restant donc sur le site de Google);
Qu'il y a donc bien reproduction matérielle de l'oeuvre et communication de celle-ci au public au sens de l'article 1er de la loi sur le droit d'auteur;
Que Google insiste cependant sur le fait qu'il ne copie que le code HTML de la page (code qui ne contient que des éléments de texte et aucune image); qu'il soutient, par ailleurs, que ce n'est pas lui mais l'internaute qui crée une copie de l'oeuvre de telle sorte que seul celui-ci serait l'auteur de l'éventuelle reproduction ou de la communication au public, le seul acte posé par Google étant la fourniture d'installations destinées à permettre ou à réaliser une communication au public par les internautes;
Attendu que cette analyse ne paraît pas exacte;
Qu'il ressort, en effet, des développements qui précèdent que Google stocke dans sa mémoire une copie des pages web, la circonstance que cette copie porte sur le code HTML desdites pages - soit qu'elle soit convertie en langage informatique - apparaît sans incidence;
Qu'il y a, en effet, dans le domaine numérique reproduction dès le moment où il y a fixation ou “stockage” des signaux sur une mémoire quelconque (F. De Visscher et B. Michaux, o.c., p. 71), ce qui est le cas en l'espèce;
Que Google est dès lors bien l'auteur de la reproduction;
Que c'est cette reproduction que Google met, sur son propre site, à disposition du public, reproduction accessible via le lien “En cache”; qu'en effet, contrairement aux hyperliens renvoyant au site d'origine, en consultant le lien “en cache”, l'internaute consulte le document sur le site de Google;
Que le rôle de Google ne se limite donc pas, comme soutenu en conclusions, à une simple fourniture d'installations destinées à permettre ou réaliser une communication au public;
Qu'il y a dès lors bien reproduction et mise à disposition du public par Google de la copie du document original stockée dans sa propre mémoire;
Que si cette reproduction fait partie intégrante du procédé technique de l'indexation des pages, il ne s'agit toutefois pas de sa seule finalité; qu'en effet, il résulte des développements qui précèdent qu'elle a également pour finalité de permettre à l'internaute de consulter, directement sur le site de Google, un document qui n'est plus consultable sur le site d'origine (soit que le lien ait été brisé, soit encore que le site ait été modifié);
Qu'ainsi, en ce qui concerne les articles de presse, il résulte du rapport établi par l'expert Golvers qu'un article qui se trouvait sur la page d'entrée du site du journal Le Soir du 9 février 2006 et qui n'est, le lendemain, plus consultable, à tout le moins gratuitement, à partir de ce site reste consultable via le lien “en cache” du site Google.be (voir rapport de l'expert Golvers, p. 35 à 38);
Que Google ne conteste pas le fait que les articles de presse sont protégés par le droit d'auteur (voir notamment Prés. Trib. Bruxelles 16 octobre 1996, AM 1996, p. 426);
Que la pratique de Google consistant à enregistrer dans sa mémoire dite “cache” des oeuvres protégées par le droit d'auteur et à permettre aux internautes d'y accéder au sein même de ladite mémoire (sans être renvoyés sur le site d'origine) constitue donc un acte de reproduction et de communication au public.
2. Google News |
Attendu que Copiepresse et les intervenantes volontaires considèrent que le service “Google Actualités” ou “Google News” offre plus qu'un “simple” service de moteur de recherche (comme l'est le service “Google.be”) et doit être qualifié de “portail d'information”; qu'ils soulignent, en effet, que “Google Actualités” propose, sans recherche préalable, un contenu aux internautes;
Qu'ils reprochent à Google de puiser ce contenu directement dans leurs sites, en recopiant les titres des articles ainsi que les accroches, sans avoir obtenu leur accord préalable, ce qui est, selon eux, contraire à l'article 1er de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins;
Attendu que Google conteste le fait que le service “Google Actualités” puisse être qualifié de portail d'information insistant sur le fait qu'il s'agit, à l'instar du service offert par Google Web, d'un moteur de recherche qui est toutefois spécialisé dans l'actualité et qui permet aux internautes d'identifier facilement les articles de presse susceptibles de les intéresser parmi les titres publiés sur Internet durant les 30 derniers jours et de les consulter, à la source, en se rendant en un seul “clic” sur les sites des éditeurs diffusant lesdits articles;
Que Google insiste sur le fait que ce service repose, tout comme le moteur de recherche Google Web, sur l'indexation automatisée par le robot Googlebot des articles de presse diffusés sur Internet; que Google estime donc que “Google Actualités” n'est pas un site diffusant de l'actualité mais un moteur de recherche, par mots clés, permettant de rechercher l'ensemble des articles référencés contenant certains mots clés;
Que Google conteste reproduire et communiquer au public des oeuvres protégées, l'internaute étant renvoyé, via un hyperlien, sur le site d'origine en vue de consulter l'article, Google se limitant à rendre ledit article plus accessible, grâce à l'hyperlien;
Que Google conteste, par ailleurs, le fait que les éléments repris sur la page d'accueil de son site “Google Actualités”, soit le titre des articles et les ou la première(s) phrase(s) desdits articles, puissent être considérés comme des éléments originaux bénéficiant de la protection de la loi sur le droit d'auteur;
Qu'en toute hypothèse, Google estime pouvoir se prévaloir des exceptions prévues par la loi sur le droit d'auteur, soit l'exception de citation et l'exception de compte rendu d'actualités;
Attendu qu'il convient, à titre préalable, d'examiner le fonctionnement de Google News;
Que dans son rapport, l'expert Golvers précise, en ce qui concerne le service “Google Actualités” que “L'utilisateur ne doit rien faire d'autre que de se rendre sur l'adresse URL. Il ne doit effectuer aucune recherche ni sélection. Une page telle que celle reproduite à l'annexe 2 lui est présentée (voir annexe 2 du rapport). Le contenu de cette page évolue, bien entendu, constamment au gré de l'actualité. L'utilisateur découvre les articles sans poser aucune action et n'est pas obligé de lancer une recherche précise.”; que l'expert en déduit: “Le site de Google News est donc un site portail d'informations puisées dans la presse. Les informations sont présentées à l'utilisateur, sans que celui-ci ne doive rien faire d'autre que de consulter le site. Toutefois, ainsi qu'on le verra plus loin, l'utilisateur peut adapter et personnaliser cette page en y faisant apparaître des informations en fonction de ses souhaits et de ses intérêts particuliers.
En ce qui concerne les informations affichées, on constate les éléments suivants:
1. Les articles sont affichés sous forme:
- d'un titre en caractères bleus et gras;
- suivi d'une ligne qui indique en gris la source (par ex. RTBF, DH Net etc.) et en caractères noirs la fraîcheur de l'information sous la forme “publié depuis 1 heure”, “il y a 3 heures”, etc.;
- suivi de quelques lignes extraites du début de l'article tel qu'il se trouve sur le site de l'éditeur originel de l'information.
2. Les titres en bleu sont des hyperliens qui pointent vers la page du site de l'éditeur originel de l'information. En cliquant sur le titre de l'article dans la page de Google News, on se retrouve sur le site de l'éditeur.”; (voir p. 5 et 6 du rapport de l'expert Golvers);
Que l'expert a effectué divers essais desquels il dresse le constat suivant en ce qui concerne Google News (voir p. 98 du rapport):
“Google News (news.google.be) mémorise, pour les articles que ses moteurs de recherche sélectionnent, au moins les éléments suivants:
- le titre de l'article;
- le texte des premières lignes de l'article;
- l'adresse de la page (hyperlien profond) où l'article se trouvait lorsqu'il a été sélectionné par le moteur de recherche;
- le cas échéant, une photo associée à l'article.
Autrement dit, Google News ne mémorise pas dans ses bases de données le contenu des pages avec les articles des éditeurs de presse belge mais uniquement les hyperliens profonds, que Google News mémorise après avoir effectué ses recherches sur les sites des éditeurs de presse.”;
Attendu que dans leur rapport, les professeurs Tiberghien et Viseur contestent, pour leur part la qualification de “portail d'information” du service de Google News; qu'ils estiment que Google News doit être qualifié de “moteur de recherche” dans la mesure où “ces outils restent centrés sur leur fonctionnalité première de recherche de pages web et leur fonctionnement technique correspond bien à celui d'un moteur de recherche (exploration, indexation, recherche par mots clefs.)” (p. 27 du rapport);
Qu'ils poursuivent en précisant qu' “outre une fonction de recherche classique par mot clef, Google News regroupe les actualités sur la page d'accueil par thème et par sujet.
Par exemple Google News est capable de regrouper entre eux l'ensemble des articles référencés sur le web traitant des réactions des autorités américaines aux essais nucléaires de la Corée du Nord.
Les actualités sont par ailleurs réparties entre thèmes 'International', 'Belgique', 'France', 'Économie', 'science et technologies', etc.
Cette classification est réalisée de manière automatique, sans intervention humaine. Le logiciel de classification s'appuie sur les données collectées automatiquement par le robot de Google News qui fonctionne de manière similaire au robot de Google Web.”;
Qu'en ce qui concerne la “reproduction des articles”, ils indiquent: “Il a déjà été précisé... que Google News ne donne jamais accès aux articles conservés dans son cache.
Ainsi, un visiteur de Google News ne peut voir que le titre, souvent une courte description de l'article et parfois une vignette photographique à faible résolution (...). Cliquer sur le titre ou la vignette conduit systématiquement l'utilisateur sur le site de l'éditeur de cet article ou de cette vignette.”;
Qu'en ce qui concerne le dernier passage, il convient de préciser que le texte suivant le titre de l'article ne présente pas, comme écrit par Messieurs Tiberghien et Viseur, une “courte description de l'article” mais constitue une reprise littérale des premières lignes de celui-ci, tel qu'il se retrouve sur le site d'origine (voir pour une illustration rapport expert Golvers p. 7, 8 et 9: articles: “Charleroi: le PS tente de remettre de l'ordre”, extrait de DH Net et “Les illégaux le resteront”, extrait du Soir en ligne);
Attendu qu'il découle de ce qui précède qu'on retrouve sur la page d'accueil du site de Google News, s'affichant automatiquement par la seule consultation du site, outre une fenêtre permettant d'insérer des mots clés, une série de titres d'articles, le premier titre présenté étant suivi d'un court extrait de l'article même, regroupés par thème; que lesdits titres constituent des hyperliens renvoyant l'internaute sur le site de l'éditeur où l'article peut être consulté en son ensemble;
Attendu qu'en l'espèce, ce n'est pas l'hyperlien vers le site d'origine qui est mis en cause par Copiepresse et les intervenantes volontaires mais la reproduction sur le site de Google News même, de titres d'articles de presse ainsi que d'extraits d'articles de presse;
Qu'en conséquence, les développements de Google quant au fait qu'il serait admis tant par la doctrine que par la jurisprudence belge et étrangère qu'un hyperlien renvoyant vers une oeuvre protégée par le droit d'auteur ne constitue pas une reproduction et que si reproduction il y a, elle est le fait de l'internaute (voir p. 67 et s. des conclusions additionnelles et de synthèse déposées par Google), apparaissent sans pertinence dans le cadre du présent litige;
Qu'il résulte par contre, sans ambiguïté, des développements qui précèdent que Google News reproduit (l'expert Golvers précisant que ces éléments sont mémorisés par Google) et communique au public sur la page d'accueil de son site (ces éléments étant accessibles sur le site même de Google News par la seule consultation de ce site), le titre d'articles de presse ainsi qu'un extrait de certains de ces articles;
Attendu que Google estime cependant que ces éléments ne constituent pas des oeuvres protégées par le droit d'auteur;
Attendu que pour bénéficier de la protection de la loi sur le droit d'auteur, une création doit être exprimée dans une certaine forme (les idées en tant que telles n'étant pas protégeables) et être originale c'est-à-dire qu'elle doit être marquée par la personnalité, l'empreinte de son auteur (A. Beerenboom, Le nouveau droit d'auteur et les droits voisins, Bruxelles, Larcier, 1997, p. 49; F. De Visscher et B. Michaux, Précis de droit d'auteur et des droits voisins, Bruylant, 2000, p. 15);
Que la longueur d'une oeuvre importe peu, un titre étant susceptible de protection s'il répond, bien entendu à l'exigence d'originalité (A. Beerenboom, o.c., nos 38 et 48; F. De Visscher et B. Michaux, o.c., p. 30);
Que Google estime qu'en l'espèce, les titres des articles de presse ne seraient nullement originaux, car simplement issus du langage courant, citant à titre exemplatif “Le Roi visite la Suède” ou encore “Tom Boonen champion du Monde”;
Attendu que si tous les titres d'articles de journaux ne peuvent être considérés comme originaux - certains paraissant effectivement purement descriptifs et ne révélant, dès lors, pas l'empreinte de leur auteur - il ne peut toutefois être estimé qu'aucun titre d'articles de presse ne présenterait une originalité suffisante pour pouvoir bénéficier de la protection de la loi sur le droit d'auteur;
Qu'ainsi, la lecture du rapport dressé par l'expert Golvers laisse apparaître que le titre de certains articles figurant dans ledit rapport ne paraissent pas originaux (ex. “Philippe Eloy a assassiné l'ami de sa femme”, “Les déserts menacés par le réchauffement”, “Aérien: la Sowear a été dissoute”) tandis que d'autres bien (ex. “Les illégaux le resteront” (p. 7), “La rage détaxatoire de Didier Reynders” (p. 89), “La musique ça rend l'école cool” (p. 102); “Monaco entre Casino et Stratego”) (p. 113);
Que de même il n'est pas contesté que les articles des journalistes peuvent, d'une manière générale, revendiquer la protection par le droit d'auteur dans la mesure où on y retrouve la marque de la personnalité de son auteur (voir notamment Prés. Trib. Bruxelles 16 octobre 1996, AM 1996, 426);
Que s'il est exact que ne sont reprises sur la page d'accueil du site “Google News” que les premières lignes desdits articles, cela n'exclut pas nécessairement la protection par le droit d'auteur;
Qu'en effet, pour tomber sous le coup du droit exclusif de l'auteur, la reproduction ne doit pas être totale et peut n'être que partielle pour autant qu'il y ait “emprunt” à ce qui fait l'originalité, en tout ou en partie, de l'oeuvre (F. De Visscher et B. Michaux, o.c., p. 65);
Que dans un arrêt du 25 septembre 2003, la Cour de cassation a ainsi estimé que “l'auteur peut exprimer ses idées sous forme d'un texte publié dans une revue ou mis sur support électronique; que la reproduction d'éléments constitutifs de l'originalité de ce texte dans un résumé bénéficie de la protection des droits d'auteur; que ni la longueur du résumé ni l'obligation pour l'utilisateur ou le lecteur des résumés de consulter le texte original résumé après lecture ne sont déterminantes pour l'appréciation de la violation des droits d'auteur; (...); que toute reproduction même partielle peut suffire à la constatation de l'infraction lorsqu'elle contient les éléments originaux” (Cass. 25 septembre 2003, C.030026.N, consultable sur le site www.cass.be );
Qu'il n'apparaît, en conséquence, pas exclu que l'empreinte de l'auteur puisse se marquer dans un court fragment du texte, d'autant qu'en l'espèce, il s'agit des premières phrases de l'article, phrases “d'accroche” de celui-ci;
Qu'ainsi, en reprenant le rapport de l'expert Golvers, tel paraît être le cas des extraits suivants “Coup d'envoi des débats sur le projet Dewael à la chambre. Les sans-papiers espèrent que l'heure de la régularisation a sonné. Patrick Dewael dit ne pas avoir le même agenda.” (p. 7); “En pleine polémique sur le 'Da Vinci Code' le Pape a profité de sa visite en Pologne pour rappeler aux fidèles qu'il leur faut résister 'aux tentations du relativisme'” (rapport p. 7);
Qu'il résulte de ce qui précède qu'en reproduisant sur son site Google News, des titres d'articles ainsi que de courts extraits d'articles, Google reproduit et communique au public des oeuvres protégées par le droit d'auteur.
b. Exception de citation et de compte-rendu d'actualités |
Attendu que Google estime pouvoir se prévaloir des exceptions légales de citation et de compte-rendu d'actualités;
1. Exception de citation |
Attendu qu'en vertu de l'article 21 § 1er de la loi du 30 juin 1994 (tel que modifié par la loi du 22 mai 2005): “Les citations, tirées d'une oeuvre licitement publiée, effectuée dans un but de critique, de polémique, de revue, d'enseignement ou dans des travaux scientifiques, conformément aux usages honnêtes de la profession et dans la mesure justifiée par le but poursuivi, ne portent pas atteinte au droit d'auteur.
Les citations visées à l'alinéa précédent devront faire mention de la source et du nom de l'auteur à moins que cela ne s'avère impossible.”;
Attendu que les conditions posées par la loi doivent être satisfaites cumulativement (F. De Visscher et B. Michaux, o.c., p. 104);
Que s'agissant d'une exception, elle doit être, contrairement à ce que soutient Google, interprétée restrictivement;
Qu'il peut d'ailleurs être relevé que l'article de doctrine sur lequel se base Google pour considérer que le droit à l'accès à l'information et la transmission du savoir peuvent fonder l'extension de l'interprétation des exceptions, relève que la tendance actuelle semble à la réduction de la portée des exceptions du droit d'auteur dans le monde numérique et souligne qu'il est généralement admis que compte tenu de leur nature même les exceptions sont nécessairement d'interprétation restrictive (S. Dussolier, Y. Poullet et M. Buydens, “Droit d'auteur et accès à l'information dans l'environnement numérique”, Bulletin du droit d'auteur, vol. XXXIV, n° 4, 2000, p. 10 et 14);
Que comme relevé ci-avant (cf. p. 15) c'est notamment afin d'opérer une balance entre le droit d'auteur et d'autres droits (tel le droit à l'information invoqué par Google) que des exceptions ont été prévues;
Que l'article 5.5. de la directive 2001/29/CE, prévoit que l'utilisation des exceptions au droit d'auteur doit se faire en conformité avec les obligations en vigueur au niveau international et que les exceptions et limitation ne sont applicables que dans certains cas spéciaux, qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit (test à trois étapes), ce qui paraît être de nature à confirmer le caractère restrictif des exceptions (voir notamment considérant 44 de la directive cité par la SAJ et Assucopie dans leurs conclusions de synthèse, p. 44);
Que s'il est exact que ce test n'a pas été intégré dans la loi du 22 mai 2005, ce n'est pas que le législateur ait estimé qu'il n'était pas applicable mais parce qu'il a considéré que ce précepte était connu et était avant tout adressé au législateur, étant précisé que cela ne signifie pas que ce triple test ne peut pas également servir d'orientation pour les cours et tribunaux dans l'application de la loi (F. Brison et B. Michaux, “La nouvelle loi du 22 mai 2005 adapte le droit d'auteur au numérique”, AM 2005, p. 216);
Attendu que ceci étant précisé, il convient d'examiner si, en l'espèce, la reproduction des titres d'articles ainsi que de fragments de ceux-ci sur le site de Google News répond aux différentes conditions légales de l'exception de citation.
1° Citations tirées d'oeuvres licitement publiées |
Attendu que cette première condition est remplie en l'espèce, Google News tirant les extraits d'articles de journaux publiés sur le site des éditeurs;
Que la circonstance que ces articles ne seraient, après un certain délai, plus accessibles qu'aux abonnés, est sans incidence dans la mesure où le terme “oeuvre licitement publiée” porte plutôt sur le droit de divulgation de l'auteur (Doc. parl. Ch. 2003-04, n° 51-1137/10, p. 2);
Que la publication de l'oeuvre sur Internet épuise le droit de divulgation, l'auteur ayant fait choix de rendre son oeuvre accessible sur Internet (A. Beerenboom, Le nouveau droit d'auteur et les droits voisins, Bruxelles, De Boeck & Larcier, 2005, p. 181) et la modification des modalités de publication de l'oeuvre n'énervant en rien l'extinction de ce droit (F. De Visscher et B. Michaux, o.c., p. 107).
2° Citation dans un but de critique, de polémique, d'enseignement, de revue, ou dans des travaux scientifiques et dans la mesure justifiée par le but poursuivi |
Attendu que Google estime que le site de Google News opère une revue de presse et que la citation de titres de journaux et d'extraits d'articles répond au but de revue et se justifie au regard dudit but;
Que Copiepresse et les intervenants volontaires insistent, quant à elles, sur le fait que contrairement à la France, le législateur belge n'a pas entendu créer une exception autonome de “revue” mais que cette exception est soumise au régime de la citation de telle sorte que les articles cités doivent l'être dans le cadre d'un commentaire cohérent dont ils ne constituent que l'illustration, la revue devant comporter d'autres éléments;
Qu'ils estiment donc que la seule juxtaposition au hasard (tel que pratiquée par Google de façon automatique) de fragments d'articles n'est pas une citation, celle-ci, étant par définition accessoire et devant être utilisée dans les limites de la démonstration poursuivie;
Attendu que Google News est exclusivement composé d'extraits d'articles de journaux regroupés par thèmes; que le référencement est entièrement automatisé;
Que Google précise que le service Google News repose sur l'indexation automatisée par un robot similaire à celui du moteur de recherche Google Web des articles de presse diffusés sur Internet; que la classification des articles par thème est réalisée de manière automatique, sans intervention humaine;
Que le site Google News ne fait donc qu'incorporer les “citations” et ne doit donc sa substance qu'aux extraits d'oeuvres reproduites, ce qui est contraire à l'esprit même de l'institution du droit de citation (T. Verbiest, “Entre bonnes et mauvaises références. À propos des outils de recherche sur Internet”, AM 1999, p. 42);
Qu'en effet, la citation est, en principe, utilisée pour illustrer un propos, défendre une opinion;
Qu'il ne semble, par ailleurs, pas que le recensement d'articles effectués par Google News puisse être qualifié de “revue de presse”;
Que la citation à finalité de revue a été introduite par la loi du 22 mai 2005;
Que le Larousse définit la revue comme “Action d'examiner avec soin et de façon méthodique un ensemble d'éléments” tandis que la “revue de presse” est définie comme suit: “Compte rendu comparatif des principaux articles de journaux sur le même sujet”;
Que cette définition se voit confirmée par le terme néerlandais de la loi “recensie” ou “recension” en français définie par le Larousse comme: “analyse et compte rendu critique d'un ouvrage ou d'une revue”;
Que l'objet de la finalité de revue n'apparaît donc pas être la collection d'éléments destinée à donner un aperçu général sur un thème mais le commentaire d'une oeuvre (B. Michaux, Droit des bases de données, Kluwer, 2005, p. 27);
Qu'en l'espèce, Google se limite à recenser les articles et à les classer et ce, de façon automatique; que Google News n'effectue aucun travail d'analyse, de comparaison ou de critique de ces articles qui ne sont nullement commentés;
Que cette condition n'est par conséquent pas satisfaite en l'espèce; qu'il s'en déduit que Google ne peut se prévaloir de l'exception de citation sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les autres conditions légales sont remplies.
3. Exception de compte rendu d'actualité |
Attendu qu'en vertu de l'article 22 § 1 de la loi du 30 juin 1994 “Lorsque l'oeuvre a été licitement publiée, l'auteur ne peut interdire:
1° La reproduction au public, dans un but d'information, de courts fragments d'oeuvres ou d'oeuvres plastiques dans leur intégralité à l'occasion de compte rendu d'événements de l'actualité.”;
Que le § 2 de ladite disposition précise: “La reproduction et la communication au public de l'oeuvre à l'occasion de compte rendu d'événements de l'actualité conformément au § 1er, 1°, doivent être justifiées par le but d'information poursuivi, et la source, y compris le nom de l'auteur, doit être mentionnée à moins que cela ne s'avère impossible.”;
Attendu que Google estime que le service de Google News s'inscrit dans un cadre d'information et offre un compte rendu de l'actualité de telle sorte que l'auteur ne peut s'opposer à la reproduction de courts fragments d'articles;
Attendu que cette argumentation de Google paraît être en contradiction avec celle présentée précédemment dans le cadre de la description du service de Google News, Google présentant son activité comme un service de moteur de recherche spécialisé et nullement comme un portail d'information;
Que ceci étant, si l'on peut considérer que l'activité de Google News s'inscrit notamment dans un cadre d'information, il n'apparaît par contre pas que Google News en recensant divers titres d'articles regroupés autour de différents thèmes offre un compte-rendu de l'actualité;
Que comme relevé ci-avant, aucun commentaire sur l'actualité ne se retrouve, en effet, sur le site de Google News qui se limite à reproduire des extraits d'articles regroupés par thème;
Qu'en outre, et tout comme la citation, il semble que les oeuvres protégées ne peuvent constituer que l'accessoire du reportage et non son objet principal (en ce sens, A. Beerenboom, o.c., p. 131; T. Verbiest, “Entre bonnes et mauvaises références. À propos des outils de recherche sur Internet”, AM 1999, p. 42; S. Hoebeke et B. Mouffe, Le droit de la presse, Bruylant, 2000, p. 191);
Attendu qu'il convient, enfin, d'être attentif à la justification de cette exception; que comme relevé par Google en termes de conclusions, le but de cette exception est de permettre aux médias de réagir rapidement aux événements d'actualités, la rapidité avec laquelle les informations doivent être rapportées ne leur permettant pas de solliciter le consentement préalable de l'auteur (A. Beerenboom, o.c., p. 131; S. Hoebeke et B. Mouffe, o.c., p. 190; J.P. Liège (1er canton) 30 mai 1997, AM 1997, p. 300);
Que telle n'est pas la situation dans laquelle se trouve Google; qu'il serait, en effet, loisible à Google - dont la démarche est de recenser, auprès de 500 sources d'informations en français, les informations en les mettant à jour toutes les 15 minutes - d'obtenir, au préalable, l'accord des éditeurs de sites sur lesquels sont collectées lesdites informations;
Que Google ne peut donc se prévaloir de l'exception de compte rendu de l'actualité.
c. Atteinte aux droits moraux |
Attendu que la SAJ ainsi qu'Assucopie soutiennent que Google porte également atteinte au droit moral de l'auteur dans la mesure où Google divulguerait des oeuvres protégées sans l'autorisation de l'auteur, porterait atteinte à leur intégrité et omettrait de mentionner le nom des auteurs des oeuvres exploitées;
Que Google estime que ces sociétés ne peuvent se prévaloir d'atteinte aux droits moraux ceux-ci étant inaliénables;
Attendu que la circonstance que les droits moraux soient inaliénables n'empêche pas les sociétés de gestion d'agir en cessation pour faire cesser une atteinte au droit moral (voir Prés. Trib. civ. Bruxelles 16 octobre 1996, AM 1996, p. 426 confirmé par Bruxelles 28 octobre 1997);
Qu'en effet et comme précisé ci-avant, les sociétés de gestion ont, conformément à l'article 73 de la loi sur le droit d'auteur, le droit d'ester en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge; qu'il n'est donc pas exigé que les droits dont elles assurent la défense leur aient été cédés (F. De Visscher et B. Michaux, o.c., p. 512);
Attendu que le droit de divulgation porte sur le droit de l'auteur de décider, quand et sous quelle forme l'oeuvre sera portée à la connaissance du public; qu'une fois exercé, ce droit s'éteint (F. De Visscher et B. Michaux, o.c., p. 152);
Attendu qu'en l'espèce, Google ne reproduit et ne communique que des oeuvres se trouvant déjà sur les pages web, soit des oeuvres déjà divulguées;
Que l'on se trouve dès lors dans une situation différente de celle ayant donné lieu à la jurisprudence “Central Station” (Prés. Trib. civ. Bruxelles 16 octobre 1996, AM 1996, p. 426 confirmé par Bruxelles 28 octobre 1997);
Qu'il n'y a donc pas d'atteinte au droit de divulgation;
Attendu que l'auteur dispose du droit de respect de son oeuvre lui permettant de s'opposer à toute modification de celle-ci; que ce droit n'est pas subordonné dans son exercice à la condition d'un préjudice dans le chef de l'auteur; que la modification peut ne pas concerner l'oeuvre telle quelle mais son environnement, son titre, son classement, sa césure,... (F. De Visscher et B. Michaux, o.c., p. 157);
Attendu qu'en l'espèce, seul un extrait de l'oeuvre est reproduit, de telle sorte qu'il y a effectivement modification de l'oeuvre;
Que Google ne conteste pas “l'amputation” des oeuvres en tant que telle (soit leur modification) mais estime ne pas porter atteinte “à l'intégrité de l'oeuvre en ce que la citation d'un texte se trouve avec un autre texte cité ou des photos illustrant un compte rendu d'actualité d'un autre organisme de presse” dans la mesure où “l'internaute sait très bien qu'il s'agit d'une citation et voit le texte originaire à chaque fois en cliquant sur l'hyperlien dans son contexte originaire”;
Attendu que la circonstance que l'internaute n'ignore pas qu'il s'agit uniquement d'un fragment de l'oeuvre apparaît sans incidence quant à l'appréciation du respect de l'intégrité de l'oeuvre;
Que Google opère, par ailleurs, un regroupement thématique de différents extraits d'articles pouvant venir de n'importe quelle source de telle sorte que la ligne éditoriale ou philosophique à laquelle l'auteur a adhéré peut être altérée (voir T. Verbiest, “Entre bonnes et mauvaises références. À propos des outils de recherche sur Internet”, AM 1999, 40; voir également Bruxelles 28 octobre 1997);
Attendu qu'il convient enfin de constater que le nom de l'auteur de l'oeuvre n'est pas mentionné sur le site de Google News (Prés. Trib. civ. Bruxelles 16 octobre 1996, AM 1996, p. 426) de telle sorte qu'il y a également atteinte au droit de paternité de l'oeuvre.
5. | Quant à l'autorisation des éditeurs de sites |
Attendu que Google estime que s'il devait être considéré qu'elle effectue des copies d'oeuvres protégées par le droit d'auteur et/ou qu'elle les communique au public, il convient de constater que cela se fait de l'accord explicite, ou à tout le moins implicite des éditeurs des sites concernés;
Que Google relève que certains éditeurs de presse étaient en contact avec elle et ont, dans ce cadre, consenti au référencement de leur site;
Attendu que Google dépose effectivement des pièces attestant de ce que L'Echo a directement pris contact avec ses services en vue d'être référencé sur le site Google News (voir pièces 1 et 2);
Qu'aucun autre éditeur représenté par Copiepresse ne paraît avoir fait une démarche similaire, la circonstance que des partenariats aient été conclus avec Google et certains sites (celui de la Dernière Heure et de La Libre Belgique) en vue d'une intégration sur leurs pages des modules du service “AdSense” (en vue d'afficher des annonces pour le site sur les pages de Google) ou encore que plusieurs sites (notamment ceux du Soir, de La Libre Belgique, de la Dernière Heure,...) fassent usage du service Google Analytics (en vue d'analyser l'audience de leurs sites web) étant, à cet égard, sans incidence, dans la mesure où il s'agit de service distinct du service Google News;
Qu'il peut, par ailleurs, être constaté que Google News a fait son apparition en Belgique en janvier 2006 et que dès le 9 février 2006, Copiepresse a déposé une requête en saisie-description tandis qu'elle a signifié à Google l'ordonnance faisant droit à cette demande en avril 2006; qu'on ne peut donc raisonnablement soutenir que l'ensemble des sites référencés par Google News n'ont jamais émis de réserves ou la moindre réclamation concernant leur inclusion dans ce service;
Que mis à part pour L'Echo, Google n'établit donc pas que les éditeurs de presse ont explicitement consenti au référencement de leurs sites;
Attendu que Google insiste, par ailleurs, sur le fait que les éditeurs disposent de la possibilité de paramétrer leurs sites et d'autoriser ou non certaines actions au moteur de recherche;
Que Google estime que dans la mesure où les éditeurs n'ont pas mis en oeuvre ces moyens techniques, ils ont, explicitement (dans la mesure où il est fait usage sur leurs sites de fichiers-robots) ou, à tout le moins implicitement, consenti que les pages de leurs sites soient indexés et accessibles via des liens en cache; que Google insiste à cet égard sur le caractère standard et mondialement répandu du paramétrage de sites par les métatags et les fichiers robots.txt;
Attendu que comme souligné dans les conclusions déposées par la SOFAM, le droit d'auteur n'est pas un droit d'opposition mais un droit d'autorisation préalable; que cela signifie que l'autorisation doit être obtenue de manière certaine, préalablement à l'utilisation envisagée;
Qu'il ne peut être soutenu que l'utilisation sur les sites de fichiers-robots implique de façon certaine et explicite l'accord des éditeurs de site pour une utilisation des oeuvres reprises sur le site tel qu'effectuée in concreto par Google News (d'autant que ce service n'est arrivé sur le marché belge qu'en janvier 2006 soit, semble-t-il, à une époque où ces fichiers-robots étaient déjà intégrés);
Que de même il ne peut être déduit de l'absence de protections techniques une autorisation inconditionnelle de référencement (C. Morlière, “Les articles de presse à l'ère numérique. Le cas de Google Actualités”, I.R. D.I. 2004, p. 9 et jurisprudence citée);
Qu'il paraît en être d'autant plus le cas ici, que Google Actualités ne se limite pas au référencement des articles mais en reproduit le titre ainsi qu'un extrait;
Qu'il convient, par ailleurs, de relever qu'en l'espèce Copiepresse a, comme relevé ci-avant, réagi, dès l'apparition sur le marché belge du service Google News (la requête en saisie-description ayant été déposée un mois seulement après l'arrivée du service), ce qui paraît être de nature à démontrer tout consentement dans son chef;
Que c'est par conséquent, à tort, que Google estime pouvoir se prévaloir de l'accord des éditeurs de site en l'espèce.
6. | Abus de droits |
Attendu que Google estime que dans la mesure où il est démontré qu'il est aisé d'éviter, pour les sociétés qui le souhaitent, tant d'apparaître dans le système de cache de Google que d'apparaître dans le service Google News tandis qu'il n'est pas possible pour Google de prendre contact avec toutes les personnes référencées par le moteur de recherche, Copiepresse et les intervenantes volontaires commettent, en poursuivant la présente procédure, un abus de droit;
Attendu que Google souligne qu'en exerçant ses droits, l'auteur se doit de respecter un code de bonne conduite, basé notamment sur le caractère légitime de l'intérêt qu'il entend protéger et sur le caractère raisonnable de la demande qu'il formule;
Attendu qu'il convient, à titre préalable de constater le caractère légitime des prétentions de Copiepresse ainsi que des intervenantes volontaires dans la mesure où il découle des développements qui précèdent que les comportements de Google qu'ils incriminent portent effectivement atteinte aux intérêts qu'ils défendent (soit le droit d'auteur de leurs membres);
Que par ailleurs, l'appréciation de l'attitude éventuellement abusive de Copiepresse et des intervenantes volontaires doit s'apprécier, non pas au regard des démarches que devrait effectuer Google pour obtenir l'autorisation préalable des auteurs mais au regard des mesures que devrait prendre Google pour faire cesser l'atteinte litigieuse;
Que Google ne conteste pas être à même, moyennant certaines précisions (voir ci-après) de mettre en oeuvre les mesures sollicitées, ce qu'elle paraît d'ailleurs avoir fait en exécution de l'ordonnance rendue par défaut;
Que l'abus de droit n'est, par conséquent, pas démontré.
7. | Violation du droit de la concurrence |
Attendu que Google soutient que l'action collective de Copiepresse n'est pas compatible avec l'interdiction des ententes prévues à l'article 2 § 1 de la loi sur la protection de la concurrence économique et l'article 81 § 1 du traité CE qui visent les décisions d'association d'entreprises ayant pour objet de restreindre la concurrence;
Attendu qu'il convient, à titre préalable, de relever que l'action en vue de la défense d'intérêts collectifs est expressément reconnue par la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur;
Attendu qu'il résulte, par ailleurs, des développements qui précèdent qu'il y a, en l'espèce, effectivement violation du droit d'auteur par Google et donc matière à cessation;
Que le fait que d'autres intérêts pourraient être en jeu et bénéficier des mesures qui seraient ordonnées dans le cadre de la présente instance, n'entraîne pas nécessairement détournement du droit à d'autres fins que celles à laquelle il a été prévu;
Que Google ne démontre notamment pas que Copiepresse prend, comme elle le soutient, les services de Google News et le cache de Google Web comme prétexte afin de tenter de freiner d'autres activités de Google (activités non précisées);
Que ce grief n'apparaît, par conséquent, pas fondé.
8. | Activités de Google et la directive européenne sur le commerce électronique |
Attendu qu'en l'espèce, c'est le comportement même de Google qui est incriminé et non le contenu des sites auxquels Google permet l'accès;
Que les références à cette directive ne sont, par conséquent, pas pertinentes dans le cadre de l'appréciation de la violation par Google des droits d'auteurs de Copiepresse et des intervenantes volontaires;
Que par ailleurs, en ce qui concerne le “caching”, ce qui est mis en cause ce n'est pas le stockage temporaire de la page en cache, stockage nécessaire à l'indexation de cette page, mais son accessibilité (voir ci-avant, p. 17 et s.);
9. | Quant aux mesures a ordonner |
Ordre de cessation |
Attendu que Google estime que le jugement dont opposition manque de clarté dans le libellé des condamnations prononcées dans la mesure notamment où il ne décrit pas quelles activités de Google News et quelle utilisation du “cache de Google” violeraient le droit d'auteur (Google insiste à cet égard sur le fait que seul le lien en cache visible accessible à l'internaute peut être concerné par une mesure d'interdiction de référencement);
Que Google estime également que, la mesure ayant pour effet de supprimer le référencement des sites des journaux concernés, il convient de préciser la dénomination de ces sites afin de pouvoir lui permettre d'exécuter la décision;
Que Google fait, par ailleurs, valoir que la mesure doit être limitée aux sites belges de Google, à savoir www.google.be et news.google.be, dès lors, que la compétence du tribunal est limitée au territoire national;
Qu'au vu de ces remarques, Google propose, à titre subsidiaire, de limiter les éventuels ordres de cessation à l'obligation pour Google:
* de retirer du moteur de recherche du site www.google.be les seuls liens en cache visible (hyperlien accessible par la mention “en cache”):
- aux pages des éditeurs de journaux membres de Copiepresse que le jugement identifiera précisément par leur nom et les sites sur lesquels ils sont accessibles;
- de retirer du site news.google.be les titres et extraits d'articles de presse des éditeurs de journaux membres de Copiepresse que le jugement identifiera précisément par leur nom et les sites sur lesquels ils sont accessibles;
Attendu que la décision dont opposition a constaté que les activités de Google News et l'utilisation du cache de Google violent notamment les lois relatives au droit d'auteur et droits voisins (1994) et sur les bases de données;
Que la décision doit être confirmée en ce qu'elle constate l'atteinte, par ces activités, à la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins; qu'il convient par contre de réformer la décision en ce qu'elle constate l'atteinte à la loi sur les bases de données (Copiepresse n'étant pas recevable à agir sur cette base);
Qu'il ne convient pas de compléter le constat effectué, les motifs de la présente décision précisant de manière suffisante les activités incriminées;
Attendu qu'en ce qui concerne l'ordre de cessation le jugement ordonne que soient retirés de tous les sites (Google News et “cache Google” sous quelque dénomination que ce soit) tous les articles, photographies et représentations graphiques des éditeurs belges de presse quotidienne francophone et germanophone représentés par Copiepresse;
Que par retirer du “cache” Google, il convient d'entendre retirer les liens en cache visible (hyperlien accessible par la mention “en cache”);
Que contrairement à ce que soutient Google lesdits éditeurs sont aisément identifiables Copiepresse ayant repris en pages 1 et 2 de la requête en saisie-description les éditeurs qu'elle représente;
Qu'en page 33 de ses conclusions de synthèse, Google précise d'ailleurs avoir supprimé tous les résultats de recherche existants renvoyant vers lesdits sites que Google énumère;
Que l'ordonnance peut donc être confirmée sur ce point;
Attendu qu'en ce qui concerne la limitation de l'ordre de cessation aux seuls sites belges de Google, soit Google.be et Google.news.be, Copiepresse relève que les articles de presse litigieux ne sont pas exclusivement accessibles sur Google.be, mais également sur google.fr et google.com; que cela est confirmé par le rapport de l'expert Golvers (p. 122 et 123 du rapport);
Qu'il ressort des conclusions de Google que pour exécuter l'ordonnance, Google précise n'avoir eu d'autres choix que d'opérer un “déréférencement” total des sites litigieux; que Google précise que pour des raisons techniques le “déréférencement” de ces sites du moteur Google News vaut pour l'ensemble des versions géographiques du site, c'est-à-dire non seulement pour le site news.google.be mais également pour tous les autres sites “news.google” sous d'autres domaines (“.fr”, “.com”, “.it”,...) (voir p. 34 des conclusions additionnelles et de synthèse de Google);
Qu'en conséquence, la précision que Google souhaiterait voir apporter à la décision apparaît sans intérêt.
Publication |
Attendu qu'il convient de constater que Google ne sollicite plus la réformation de l'ordonnance dont opposition en ce qu'elle ordonnait une mesure de publication;
Que Google sollicite uniquement qu'il soit constaté que cette mesure n'a plus d'objet en ce que ladite publication a déjà été faite;
Qu'il ne nous appartient toutefois pas, dans le cadre de cette procédure en opposition, d'apprécier les mesures prises en vue d'exécuter l'ordonnance dont opposition;
Attendu que Copiepresse a, par demande reconventionnelle, sollicité la publication de la présente ordonnance;
Que Google s'oppose à cette demande, faisant valoir qu'il n'est pas justifié d'ordonner une mesure additionnelle de publicité;
Attendu que la mesure de publication dans le cadre de l'action en cessation doit réellement contribuer à la cessation et ne peut uniquement constituer une mesure de réparation (F. De Visscher et B. Michaux, o.c., p. 508);
Qu'en l'espèce, l'ordre de cessation apparaît suffisant pour faire cesser l'atteinte;
Qu'il convient également de relever que l'ordonnance rendue par défaut a déjà fait l'objet d'une publication;
Qu'au vu de ces éléments et compte tenu également de la médiatisation qui a été donnée à la présente affaire, il ne se justifie pas d'ordonner la publication de la présente décision.
Astreintes |
Attendu que Google estime que le montant des astreintes est disproportionné;
Attendu que si les astreintes doivent être dissuasives, leur montant doit toutefois demeurer raisonnable;
Qu'il convient de réduire le montant des astreintes tel que précisé au dispositif du présent jugement.
En ce qui concerne les intervenantes volontaires |
Attendu qu'en ce qui concerne la demande formulée par la SAJ et Assucopie, celles-ci sollicitent la condamnation de Google de retirer de tous ses sites “tous les articles, photographies et représentations graphiques des requérantes”, sans autre précision;
Attendu que Google estime que leur demande doit être limitée aux oeuvres et auteurs clairement identifiés et à la seule interdiction de référencement dans les liens “en cache” visible, accessible au public, de www.google.be et au référencement sur le site news.google.be;
Que Google propose donc, à titre subsidiaire de limiter l'ordre de cessation à l'obligation de retirer du moteur de recherche du site www.google.be les seuls liens en cache visible (hyperlien accessible par la mention “en cache”) aux pages ou documents des auteurs dont les demanderesses en intervention volontaire justifieront qu'elles détiennent les droits ou qu'elles ont qualité pour agir en cessation d'une atteinte à ces droits;
Attendu qu'il convient effectivement de relever que la SAJ et Assucopie restent en défaut d'établir une liste précise de leurs membres; que si elles déposent des pièces quant à ce, il ressort notamment de la liste des membres d'Assucopie que celle-ci n'est pas exhaustive; qu'il est, par ailleurs, malaisé de se retrouver dans les listes des membres de la SAJ;
Qu'il peut par ailleurs être constaté que dans leurs conclusions, la SAJ et Assucopie ne font la démonstration d'aucune atteinte concrète au droit d'auteur d'un de leurs membres (ce qui comme relevé ci-avant ne les empêche pas d'agir);
Qu'il convient, enfin, de relever que leur répertoire est fluctuant;
Que dans ce contexte, la précision sollicitée par Google selon laquelle l'ordre de cessation doit être limité aux pages ou documents des auteurs dont les demanderesses en intervention justifieront qu'elles détiennent les droits se justifie;
Qu'il convient d'accompagner cette précision d'un système de notification au terme duquel il appartiendra aux intervenantes volontaires de communiquer à Google, par voie d'e-mail à l'adresse qui sera indiquée par Google, l'identification de l'oeuvre en cause avec la preuve qu'elle appartient à son répertoire à charge pour Google de retirer cette oeuvre dans les 24 heures de cette notification sous peine d'astreinte;
Qu'il appartiendra donc à Google de communiquer dans les 8 jours de la signification de la présente ordonnance l'adresse e-mail à laquelle devront être adressés ces notifications.
Par ces motifs,
Nous, Magerman, juge désigné pour remplacer le président du tribunal de première instance de Bruxelles;
assisté de Wansart, greffier adjoint délégué;
Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;
Statuant contradictoirement;
Rejetant toutes conclusions autres plus amples ou contraires;
Disons qu'il y a lieu de disjoindre de la présente cause la demande formulée par la SA Pressbanking,
Réservons à statuer quant à cette demande;
Statuant sur l'imposition:
Déclarer l'opposition recevable et partiellement fondée;
En conséquence, confirmons l'ordonnance dont opposition sous les seules émendations:
1. de ce qu'elle constate que les activités de Google News et l'utilisation du “cache de Google” violent les lois sur les bases de données;
Déclarons que la demande originaire de Copiepresse en ce qu'elle est fondée sur les lois sur les bases de données est irrecevable;
2. de ce que le montant des astreintes est fixé à € 1.000.000 par jour de retard en ce qui concerne la condamnation de Google à retirer de tous ses sites (Google News et “cache” Google sous quelque dénomination que ce soit) tous les articles, photographies et représentations graphiques et à € 500.000 en ce qui concerne la condamnation portant sur la publication du jugement;
Fixons le montant desdites astreintes au montant de € 25.000 par jour de retard.
Statuant sur les demandes formulées par les intervenants volontaires:
Donnons acte à la SCRL Société Multimédia des Auteurs des Arts Visuels (SOFAM) de ce qu'elle se désiste de son instance;
Donnons acte à la société de droit français “Société civile des Auteurs Multimédia” (SCAM) de ce qu'elle se désiste de son instance;
Donnons acte à la société Google de ce qu'elle accepte le désistement d'instance de la SCRL Société Multimédia des Auteurs des Arts Visuels (SOFAM) ainsi que de la société de droit français “Société civile des Auteurs Multimédia” (SCAM);
Déclarons la demande de la société SAJ et d'Assucopie irrecevable en ce qu'elle est fondée sur les lois sur les bases de données;
Statuant sur le surplus des demandes formulées par la société SAJ et Assucopie:
Déclarons les demandes recevables et fondées dans les limites précisées ci-après:
- constatons que Google ne peut se prévaloir d'aucune exception prévue par la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins;
- constatons que les activités de Google News (soit la reproduction et la communication au public de titres d'articles ainsi que de courts extraits d'articles) et l'utilisation du “cache” de Google (soit l'enregistrement accessible au public dans sa mémoire dite “cache” d'articles et documents) violent la loi relative au droit d'auteur;
- condamnons Google à retirer de tous ses sites (et plus particulièrement de Google News ainsi qu'en ce qui concerne le moteur de recherche Google web des liens en cache visible) tous les articles, photographies et représentations graphiques des auteurs dont les demanderesses en intervention justifieront qu'elles détiennent les droits;
- disons qu'il appartiendra à cet égard aux demanderesses en intervention de communiquer à Google, par voie d'e-mail à l'adresse qui sera indiquée par Google, l'identification de l'oeuvre en cause avec la preuve qu'elle appartient à son répertoire à charge pour Google de retirer cette oeuvre dans les 24 heures de la notification sous peine d'une astreinte de € 1.000 par jour de retard;
- disons qu'il appartient à Google de communiquer, dans les 8 jours de la signification de la présente ordonnance, l'adresse e-mail à laquelle les demanderesses en intervention devront adresser ces notifications;
Condamnons la demanderesse en opposition aux dépens liquidés pour la SCRL Copiepresse au montant de € 121,47, pour la SOFAM, au montant de € 121,47, pour la SAJ, la SCAM et Assucopie, ensemble au montant de € 121,47 et pour elle-même à la somme de € 295,47 + € 121,47;
Réservons les dépens de la SA Pressbanking.
(...)