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Tribunal de première instance Bruxelles, 29/04/2005, R.D.C.-T.B.H., 2007/1, p. 69-71

Tribunal de première instance de Bruxelles
29 avril 2005

DROIT FINANCIER
Intermédiaires financiers - Gestionnaires de fortune et conseils en placement - Responsabilité - Gestion de patrimoine - Avis de réception signés par le client - Portée
La banque qui procède à un achat de titres sans recueillir la signature de son client assure une véritable gestion de patrimoine dans le cadre de laquelle elle engage sa responsabilité.
Un tel acte est contraire au mécanisme du conseil en placements qui exclut tout acte de disposition des avoirs du client accomplis par la banque.
La signature par le client d'avis de réception lors de sa prise de possession des titres ne peut être considérée comme une approbation de l'opération d'achat ni comme déchargeant la banque de sa responsabilité.
FINANCIEEL RECHT
Financiële tussenpersonen - Vermogensbeheerders en beleggingsadviseurs - Aansprakelijkheid - Beleggingsadviezen - Vermogensbeheer - Ontvangstberichten ondertekend door de cliënt - Draagwijdte
De bank die tot een aankoop van effecten overgaat zonder de handtekening van haar cliënt te ontvangen, verzekert een echt vermogensbeheer in het kader waarvan zij haar aansprakelijkheid moet opnemen.
Dergelijke handeling is in strijd met het mechanisme van het beleggingsadvies dat alle beschikkingshandelingen over het vermogen van de cliënt door de bank uitsluit.
De ondertekening van ontvangstberichten door de cliënt, wanneer hij de effecten in bezit neemt, kan niet beschouwd worden als een goedkeuring van de aankoopverrichting, noch als een ontslaan van de bank van haar aansprakelijkheid.

G.E. Chaperon du Larret / ING Belgique SA

Siég.: M. Scheufele (juge unique)
Pl.: Mes D. Philippe et S. Davidson loco B. Hanotiau, S. Ryelandt

(...)

Vu les pièces de la procédure et notamment:

- la citation introductive d'instance signifiée le 15 mai 1997 par exploit de Me Thierry Van Diest, huissier de justice suppléant Emmanuel Leroy, huissier de justice de résidence à Etterbeek;

- l'ordonnance sur pied de l'article 750 § 2 prononcée le 18 octobre 2001;

- les conclusions de la partie demanderesse déposées au greffe le 14 septembre 2001 et le 21 janvier 2002;

- les conclusions de la partie défenderesse déposées au greffe le 12 janvier 1998;

- les conclusions additionnelles de la partie défenderesse déposées au greffe le 18 septembre 1998;

- les conclusions de synthèse de la partie défenderesse déposées au greffe le 21 décembre 2000;

- les conclusions de synthèse (2ème version) de la partie défenderesse déposées au greffe le 15 avril 2002;

Entendu les conseils des parties à l'audience publique du 10 février 2005.

I. Objet de l'action

Attendu que l'action tend à la condamnation de la défenderesse au paiement de € 34.903,90 (1.408.020 FB) à majorer des intérêts compensatoires depuis le 8 septembre 1989.

II. Les faits

Attendu qu'à la fin de l'année 1989, le demandeur prit contact avec la défenderesse en vue de placer une somme d'environ 12.000.000 FB;

Que le demandeur fut mis en contact avec Melle Verbist;

Que d'après le rapport de contact établi par Melle Verbist le 8 septembre 1989, celle-ci remit au demandeur une proposition de répartition des investissements comme suit:

- 5% de certificats immobiliers;

- 25% d'actions;

- 45% d'obligations (sicav obligataires), soit 20% en Renta Fund dollars et 25% en Renta Fund international,

- 5% or;

- le solde en capital cash (sicav de trésorerie);

Que le montant précité fut investi le 8 septembre 1989;

Que le rapport de contact précise que, hormis le pourcentage en capital cash, tous les titres devaient être remis à disposition du demandeur;

Que le 13 septembre 1989, 186 actions Renta Fund USD furent achetées sur instruction de Melle Verbist, sans que l'agence de la défenderesse ne recueille la signature du demandeur sur ledit ordre;

Qu'un extrait bancaire reprenant ces titres fut établi le 14 septembre 1989 de même qu'une quittance récapitulative le 6 octobre 1989;

Que les titres furent remis au demandeur en même temps que d'autres titres achetés;

Que le 27 octobre 1989, le demandeur signa un ordre d'achat pour 69 actions Renta Fund USD;

Que les nouveaux titres furent remis au demandeur le 21 décembre 1989;

Qu'à compter du mois de mars 1990, le demandeur multiplia les démarches auprès de l'agence et les courriers à la banque faisant état de ses doléances concernant essentiellement ses investissements en dollars;

Que le 14 mars 1992, le demandeur réclama une compensation pour les pertes accusées par ses investissements;

Que par courrier du 6 avril 1992, la défenderesse fit une proposition au demandeur consistant notamment en un prêt à des conditions avantageuses et la conversion de ses obligations en dollars à un taux de change favorable;

Qu'une seconde proposition fut formulée par la défenderesse le 22 mai 1992 dans les termes suivants:

“Après examen de votre demande de compensation, nous sommes au regret de ne pouvoir lui réserver une suite favorable, puisque vous avez été tenu informé de chacune des opérations au fur et à mesure de sa réalisation.

Cependant, compte tenu de ces placements infructueux, nous restons disposés à vous réserver des conditions préférentielles si vous souhaitez, comme vous en aviez exprimé le désir lors de notre dernière rencontre, emprunter auprès de la BBL en vue de réaliser des travaux de transformation dans l'immeuble que vous comptez occuper. Par ailleurs, si vous décidiez de recourir aux services d'un gestionnaire attitré, pour passer d'une gestion passive à une gestion active de vos avoirs mobiliers, nous marquerons certainement notre accord pour que le recours à ce service soit gratuit pendant une durée de trois ans (ni droits de garde, ni frais de gestion)”;

Que le demandeur refusa cette proposition et s'adressa à M. S. Van Nuland, ombudsman de l'association belge des banques, lui expliquant le différend qui l'opposait à la défenderesse;

Que M. Van Nuland considéra que la banque n'avait pas commis de faute, mais qu'en revanche, le demandeur avait fait preuve de négligence, outre le fait qu'il avait été victime des aléas normaux du marché;

Que le 16 mars 1993, la défenderesse mit fin à ses relations d'affaires avec le demandeur.

III. Discussion

Attendu que le demandeur reproche essentiellement à la défenderesse d'avoir commis des fautes dans la gestion de son patrimoine consistant essentiellement dans des placements spéculatifs en dollars américains;

Que la défenderesse objecte qu'aucun contrat de gestion n'a été signé entre la défenderesse et le demandeur; que selon elle, son rôle s'est limité à une intervention de conseil avant l'achat, sans aucune obligation de suivi;

Que cependant, l'on peut considérer que la banque a assuré une véritable gestion de patrimoine en décidant elle-même de l'achat de titres sans en avertir le demandeur, et en tous cas sans recueillir sa signature;

Que cette omission est reconnue par la défenderesse dans ses courriers et dans ses conclusions;

Qu'un tel agissement est dès lors contraire au mécanisme du conseil en placement, qui exclut tous les actes de disposition accomplis par l'intermédiaire et s'exerçant sur les avoirs du client, sans l'accord explicite et exprès du client (B. Feron, La responsabilité du gestionnaire de fortune et du conseiller en placement);

Que le demandeur ne peut être considéré comme ayant acquiescé à l'opération d'achat des 186 actions Renta Fund réalisée sans sa signature le 13 septembre 1989 en prenant possession des titres;

Que la signature des avis de réception ne peut être considérée comme une approbation des ordres, ni comme déchargeant la banque de sa responsabilité;

Qu'il est clair que si la banque peut se retrancher derrière son obligation de moyen pour les autres ordres de placement dûment approuvés par le demandeur, sa responsabilité est engagée pour les pertes accusées par l'opération d'achat des 186 actions Renta Fund USD du 13 septembre 1989;

Qu'à défaut de précision suffisante sur le montant de cette perte, le tribunal souhaite réentendre les parties sur ce point;

Qu'il convient dès lors de rouvrir les débats;

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL,

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;

Statuant contradictoirement;

Ordonne la réouverture des débats aux fins ci-dessus indiquées;

Fixe la cause en prosécution à l'audience du 16 juin 2005 de la 74ème chambre (14h00).

Réserve les dépens;

(...)