Article

Cour d'appel Bruxelles, 06/01/2006, R.D.C.-T.B.H., 2007/10, p. 1010-1012

Cour d'appel de Bruxelles 6 janvier 2006

INTERMÉDIAIRES COMMERCIAUX
Concession - Concession de vente exclusive - Conditions
Il n'y a pas de concession de vente, au sens de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions exclusives de vente à durée indéterminée, lorsque notamment le prétendu concessionnaire n'a pas la liberté de fixer le prix de vente, reçoit une commission sur les affaires conclues et n'accepte de commande de ses clients qu'après un accord avec le commettant sur le montant de la commission, ne dispose pas d'un stock de produits, ne supporte aucun risque de mévente ou de variation du prix de revient du matériel, qu'il n'y a aucune concertation entre les parties sur des questions tel que le prix, la publicité, la promotion de la marque du commettant ou la manière dont il organisait ses activités.
Malgré une relation commerciale de plus de 10 ans au moment de la rupture, la succession d'achats/ventes de lingerie féminine ne saurait être soumise à l'application de ladite loi, lorsque, en l'absence d'un contrat écrit, il ne ressort du dossier aucune donnée permettant d'apprécier ces éléments de principe, il ne ressort d'aucune correspondance que l'une des parties ait invoqué l'application des conditions générales du fournisseur imposant un certain nombre de contraintes quant à l'organisation de la vente au détail (maintien d'un assortiment, chiffre d'affaires minimal, salon d'essayage,…), le revendeur ne réalisait aucune publicité autrement que l'utilisation du matériel mis à sa disposition par le fournisseur, le détaillant vendait des produits d'autres marques et le territoire revendiqué, non conventionnellement fixé, est particulièrement limité (d'autres détaillants étant situés à moins d'une dizaine de kilomètres).
TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Concessie - Exclusieve verkoopconcessie - Voorwaarden
Er is geen sprake van een verkoopconcessie in de zin van de wet van 27 juli 1961 betreffende de eenzijdige beëindiging van de voor onbepaalde tijd verleende concessies van alleenverkoop, wanneer de vermeende concessiehouder niet de vrijheid heeft om de verkoopprijs te bepalen, wanneer hij een commissie ontvangt voor de afgesloten zaken, en hij de bestellingen van zijn klanten pas aanvaardt nadat hij met de principaal een commissieloon is overeengekomen, wanneer hij niet over een voorraad producten beschikt, wanneer hij geen risico's draagt in geval van verkoop met verlies of van wijzigingen in de kostprijs van het materiaal, wanneer er geen enkel overleg is tussen partijen omtrent prijzen, publiciteit, promotie van het merk van de principaal of de manier waarop zijn activiteiten georganiseerd worden.
Ondanks het bestaan van een handelsrelatie van meer dan 10 jaar op het ogenblik van de verbreking, zou de opvolging van de koop/verkoop van vrouwelijke lingerie niet van toepassing kunnen zijn op voornoemde wet als, bij gebrek aan een geschreven overeenkomst, in het dossier geen enkel element voorhanden is dat toelaat deze principiële elementen te beoordelen, als uit geen enkele briefwisseling blijkt dat één van de partijen de toepassing van de algemene voorwaarden van de leverancier heeft ingeroepen, waarbij een zeker a­antal beperkingen worden opgelegd voor wat betreft de organisatie van de detailverkoop (handhaving van het assortiment, minimum zakencijfer, paskamer,…), als de detailhandelaar buiten het gebruik van het materiaal dat hem door de leverancier ter beschikking werd gesteld, geen enkel andere publiciteit heeft gevoerd, als de kleinhandelaar producten van andere merken verkocht en als het opgeëiste territorium, dat niet bij overeenkomst werd vastgelegd, bijzonder beperkt is (waarbij andere detailhandelaars op minder dan tien kilometer gevestigd zijn).

SA Donatex-Warnaco / SCRL Expressions

Siég.: Ch.-Ph. Vermylen (président), A. Bouché et M. Salmon (conseillers)
Pl.: Mes B. Wittamer loco P.-P. Wittamer et V. Luise loco Ph. Herman

(...)

Faits et antécédents de la cause

La SCRL Expressions, faisant le commerce sous la dénomination Malizia, a exploité un siège à La Louvière et a vendu au détail notamment de la lingerie féminine de luxe de la marque Lejaby et des maillots de bain de la marque Rasurel, marques dont Donatex-Warnaco est l'importateur en Belgique. Donatex-Warnaco dit disposer d'un réseau qui se compose actuellement de plus de 4.000 distributeurs non exclusifs sur toute la Belgique.

Selon les conditions de vente de Donatex-Warnaco, toute firme ou client auquel sont vendus ou confiés pour la revente les articles des marques Lejaby et Rasurel, doit posséder en permanence un assortiment complet par point de vente, à peine de ne plus être considéré comme client. Donatex-Warnaco se réserve, partant, de ne plus lui vendre ses articles. C'est également le cas si le chiffre d'affaires réalisé avec elle demeure ou devient anormalement bas.

Toujours selon les conditions de vente, ces articles ne pourront être vendus que dans les magasins équipés d'un salon d'essayage, où la vente est assurée par des vendeuses spécialisées et où des retoucheuses effectuent les réparations et la mise à la taille des articles. Elle se réserve le droit de ne pas vendre aux maisons fabriquant des articles similaires et tout le matériel publicitaire confié aux clients reste la propriété de Donatex-Warnaco.

En septembre 2001, Malizia éprouvait des difficultés pour honorer le paiement des factures de Donatex-Warnaco.

En novembre, elle annonçait l'envoi de chèques qu'elle n'avait pas encore fait parvenir et, en outre, son intention de clôturer ses comptes à la fin de l'année.

Le 4 décembre 2001, la gérante de Malizia s'est plainte auprès de Donatex-Warnaco par télécopie de ce qu'elle avait découvert, dans un toute-boîte local une publicité pour l'enseigne “Maryse” à Houdeng-Goegnies, vendant notamment de la lingerie fine Lejaby et indiquant que ce concurrent achète de la marchandise uniquement sur commande après présentation à son domicile privé, sans avoir pignon sur rue, comme s'il vendait des articles ménagers Tupperware, alors que “nous sommes nous obligés de commander, de stocker six mois à l'avance et ensuite d'être harcelés (souligné dans le texte) par vos services contentieux”.

Elle l'a rappelé par fax du 12 décembre 2001 annonçant l'envoi de deux chèques, en précisant qu'au 31 décembre 2001, elle soldera ses comptes.

Le 10 décembre 2001, Donatex-Warnaco a répondu que l'enseigne Maryse concerne le client Cespites, avec qui elle travaille depuis trois ans, qu'elle maintiendra ses bonnes relations commerciales avec celui-ci et qu'il n'y a pas eu de plainte à son sujet.

Le 10 janvier 2002, la SCRL Expressions met fin à la collaboration avec Donatex-Warnaco en réaction à la lettre du 10 décembre 2001, en renvoyant un certain nombre d'articles et souhaitant solder les comptes dès la réception de la note de crédit s'y rapportant.

Le 31 janvier 2002, Donatex-Warnaco répond qu'elle ne comprend pas cette attitude, conteste le retour de marchandises et la demande d'une note de crédit pour un montant de € 3.481,09. Elle rappelle le solde créditeur en ses livres de € 6.597,56 et invite la SCRL Expressions à régler ce solde.

Suivent trois correspondances entre avocats et la citation du 25 mars 2002, dans laquelle Donatex-Warnaco réclame le paiement des factures en souffrance, la somme de € 7.377,68 à majorer des intérêts de retard au taux de 12% l'an sur la somme de € 6.597,56 à dater du 18 février 2002 jusqu'au jour du dernier paiement, et conteste toute prétention de la société Expressions à une indemnité pour rupture de concession exclusive, qu'elle conteste formellement.

Par voie reconventionnelle, la SCRL Expressions demande de dire pour droit que les relations entre parties étaient régies par un contrat de vente exclusive, rompu le 10 janvier 2002 à raison de la faute grave commise par Donatex-Warnaco et postule le paiement d'une indemnité de € 12.500, sur la base d'un chiffre d'affaires qui s'élevait annuellement au cours des trois dernières années de € 16.000 à € 23.000 l'an, ainsi que sa condamnation à reprendre le stock existant au jour de la rupture (réduisant ainsi la demande principale d'autant), et € 5.000 à titre de dommages et intérêts.

Le premier juge fit droit aux deux demandes et admit la compensation entre la somme de € 7.349,95 de la demande principale et celle de € 15.981,09 qu'il alloua au profit de la SCRL Expressions dans le cadre de sa demande reconventionnelle.

(...)

Discussion
1. L'appel principal

La loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée est relativement restrictive puisque seule une concession exclusive, quasi-exclusive ou entraînant pour le concessionnaire des obligations importantes peut donner lieu à protection, à condition de surcroît que cette concession ait été donnée pour une durée indéterminée ou considérée comme telle (P. Kileste et P. Hollander, “Examen de jurisprudence. La loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée (1997-2002)”, R.D.C. 2003, p. 412, n° 3).

Il n'y a pas de concession de vente, au sens de cette loi, lorsque notamment le prétendu concessionnaire n'a pas la liberté de fixer le prix de vente, reçoit une commission sur les affaires conclues et n'accepte de commande de ses clients qu'après un accord avec le commettant sur le montant de la commission, ne dispose pas d'un stock de produits, ne supporte aucun risque de mévente ou de variation du prix de revient du matériel, qu'il n'y a aucune concertation entre les parties sur des questions telles que le prix, la publicité, la promotion de la marque du commettant ou la manière dont il organisait ses activités (Bruxelles 21 décembre 2000, R.D.C. 2002, p. 107).

Le dossier de la société Expressions est bien ténu. Il n'en ressort aucune donnée permettant d'apprécier ces éléments de principe.

S'il n'est pas contesté que les parties ont une relation commerciale depuis dix ans au moment de la rupture, cette relation n'a fait l'objet d'aucun contrat écrit. La relation se limitait à une succession d'achats/ventes, certes sous l'application des conditions générales précitées, mais il ne ressort d'aucune correspondance entre parties que l'une ou l'autre ait, à un moment ou un autre, obligé ou revendiqué l'application de ces conditions.

Il semble bien que la société Expressions vendait d'autres produits que les vêtements de Lejaby ou les maillots de Rasurel, car si le chiffre d'affaires est relativement important pour ces produits, la société ne saurait être rentable, avec le paiement des vendeuses qualifiées, sur la base de la vente de ces seuls articles.

Il n'est pas démontré comment les commandes se réalisaient, ni que la société Expressions avait la liberté de fixer le prix des marchandises. Il n'existait, au vu de la description faite par les parties de leurs relations, aucune concertation sur des questions de prix. La SCRL Expressions ne réalisait aucune publicité de nature à promouvoir la marque, autrement que par l'utilisation de matériel publicitaire mis à disposition par Donatex-Warnaco.

Il ne peut être considéré que la relation d'affaires entraînait pour SCRL Expressions des obligations importantes. Le salon d'essayage servait nécessairement également pour la vente d'autres produits et la société Expressions ne démontre pas que suite à l'arrêt des relations entre parties, elle aurait été amenée à devoir congédier du personnel spécialisé.

Enfin le territoire revendiqué pour la concession prétendue exclusive, non conventionnellement fixé, est particulièrement limité puisqu'il n'est pas contesté que d'autres revendeurs des marques Lejaby et Rasurel étaient situés à une dizaine de kilomètres de Malizia, au maximum.

Dans ces circonstances, il ne saurait être fait application de la loi du 27 juillet 1961.

(...)

Par ces motifs

LA COUR, statuant contradictoirement,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935;

Reçoit les appels principal et incident, les déclare fondés comme suit;

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a reçu les demandes principale et reconventionnelle et liquidé les dépens.

Émendant pour le surplus, dit la demande principale fondée comme suit:

Condamne la SCRL Expressions à payer à la SA Donatex-Warnaco la somme de € 7.264,52, à augmenter des intérêts moratoires sur € 6.595,56 au taux de 12% l'an depuis la date d'échéance des factures concernées jusqu'au jour du parfait paiement.

Condamne la SCRL Expressions aux dépens des deux instances.

Dépens d'appel, liquidés à € 186 + € 475,96 pour la SA Donatex-Warnaco.

(...)