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La demande d'injonction de ne pas introduire ou de ne pas poursuivre une procédure à l'étranger (anti-suit injonction) est-elle admissible en Belgique?, R.D.C.-T.B.H., 2006/9, p. 973-983

DROIT JUDICIAIRE INTERNATIONAL
Compétence internationale - Mesures provisoires et conservatoires - Anti-suit injunction - Arrêt d'une procédure de discovery aux États-Unis - Compétence internationale de principe du juge des référés belge - Absence d'urgence
Le juge des référés belge est territorialement compétent pour ordonner des mesures provisoires ou conservatoires si les juridictions belges sont compétentes pour connaître du fond de l'affaire. Il suffit que la mesure conservatoire s'i­nscrive dans le cadre de la procédure au fond.
En l'espèce, l'urgence qui doit s'apprécier au vu du pré­judice que l'exécution de la procédure en “discovery” aux États-Unis pourrait causer aux appelants, n'est pas établie.
INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Internationale bevoegdheid - Voorlopige en bewarende maatregelen - Anti-suit injunction - Stopzetting van een discovery-procedure in de Verenigde Staten - Principiële internationale bevoegdheid van de Belgische rechter in kort geding - Gebrek aan hoogdringendheid
De Belgische rechter in kort geding is territoriaal bevoegd voor voorlopige en bewarende maatregelen indien de Belgische rechtbanken bevoegd zijn om kennis te nemen van de grond van de zaak. Het volstaat dat de bewarende maatregel kadert in de procedure ten gronde.
In casu wordt de hoogdringendheid die moet worden beoordeeld in het licht van de schade die door de uitvoering van de “discovery”-procedure in de Verenigde Staten aan de appellanten zou worden berokkend, niet aangetoond.
La demande d'injonction de ne pas introduire ou de ne pas poursuivre une procédure à l'étranger (anti-suit injonction) est-elle admissible en Belgique?
Jacques Englebert [1]

Après avoir critiqué l'arrêt annoté en ce que la cour se déclare territorialement compétente pour connaître de la demande et après avoir souligné qu'en définitive la demande est rejetée uniquement en raison du défaut d'urgence, l'auteur analyse les raisons qui justifient que soit déclarée non fondée une demande d'injonction de ne pas poursuivre une procédure à l'étranger (anti-suit injonction) introduite devant un juge belge. L'auteur montre par ailleurs que dans le cas d'espèce, même s'il fallait admettre la théorie de la “sérieuse injustice” pour justifier une telle injonction, celle-ci aurait néanmoins dû être refusée par le juge des référés. Enfin, l'auteur procède à une comparaison entre la procédure américaine en discovery et les pouvoirs du juge belge en matière de preuve pour conclure qu'en toute hypothèse, la procédure en discovery ne procure pas au plaideur un avantage exorbitant ni illicite.

I. Les faits de la cause

1.Les faits ayant donné lieu à l'arrêt annoté [2] peuvent être succinctement résumés. Monsieur Zepter, homme d'affaire et investisseur international, ainsi que deux sociétés faisant partie de son groupe, ont introduit en Belgique une action au fond, en responsabilité civile, contre l'association internationale sans but lucratif de droit belge, International Crisis Group (ICG), pour diffusion d'informations diffamatoires.

Parallèlement à cette action, les mêmes demandeurs ont introduit une action en discovery [3] à New York contre la branche américaine de ICG, en vue d'obtenir la production de documents et de témoignages d'employés de ICG et de tiers (donateurs), dans le but, ensuite, de produire ces témoignages à l'appui de leur demande devant le tribunal saisi du fond de l'affaire à Bruxelles [4].

Pour tenter de contrer les effets de la procédure de discovery, ICG [5] a introduit une action en référé, à Bruxelles, en vue de contraindre Zepter et ses sociétés à se désister de leur action en discovery aux États-Unis ou, à tout le moins, à la suspendre jusqu'à l'issue de la procédure au fond en Belgique. Ce type de demande est communément appelé dans les pays anglo-saxons: anti-suit injonction (injonction de ne pas poursuivre).

La justification de cette demande reposait sur l'affirmation que l'action en discovery introduite aux États-Unis relevait du harcèlement procédural et n'avait d'autre but que de nuire à la réputation d'ICG. Les demandeurs en anti-suit injonction estimaient par ailleurs que par le biais de cette procédure américaine, leurs adversaires tentaient de “bénéficier d'un avantage procédural déloyal” dès lors qu'il serait certain, toujours selon ICG, que les défendeurs “ne pourraient (pas) (…) au vu du droit belge, obtenir les documents et informations qu'ils cherchent à se faire attribuer via les procédures” de discovery et qu'en conséquence, ces procédures “octroieraient aux (défendeurs) un avantage exorbitant dans le cadre de la procédure au fond” [6].

2.La cour d'appel de Bruxelles, saisie de cette affaire était ainsi conduite à aborder la délicate question de l'admissibilité, en droit belge, des demandes d'injonction de ne pas introduire ou de ne pas poursuivre une procédure à l'étranger. L'arrêt qu'elle a prononcé, en appel de référé, le 21 octobre 2005, ne tranche toutefois pas la question de savoir si un juge belge peut ordonner une telle mesure, dès lors que la cour rejette la demande pour une raison propre à la procédure en référé: le défaut d'urgence. Cette décision est toutefois l'occasion de s'interroger sur la question de savoir si le juge belge a, ou non, le pouvoir de prononcer une telle injonction.

Avant d'émettre quelques considérations sur cette question (IV et V) et de confronter la procédure en discovery aux pouvoirs du juge belge en matière de preuves (VI), il me semble utile - afin d'éviter tout malentendu - de souligner les autres points qui étaient en discussion et qui, eux, ont bien été tranchés par la cour (II et III).

II. La compétence ratione loci (internationale) du juge des référés belge

3.Les parties défenderesses (intimées devant la cour) contestaient, préalablement à toute discussion quant au pouvoir du juge à ordonner une anti-suit injonction, la compétence territoriale du juge belge [7].

Les appelants, demandeurs originaires, estimaient que dès lors que le juge saisi du fond de la demande était le tribunal de première instance de Bruxelles (action au fond en dommages et intérêts), le juge des référés de Bruxelles était territorialement compétent.

Les intimés soutenaient, au contraire, qu'en l'espèce, le juge “du fond” n'était pas le juge saisi de l'action en responsabilité contre ICG, l'anti-suit injonction sollicitée par les appelants étant sans rapport avec cette action, mais bien le juge américain saisi de la demande en discovery.

La question se compliquait dès lors que le premier défendeur (intimé) était domicilié à Monaco et que les deux sociétés défenderesses avaient leur siège, l'une aux Pays-Bas, l'autre en Suisse.

Invoquant l'arrêt Van Uden de la Cour de justice du 17 novembre 1998 [8], la cour d'appel de Bruxelles considère qu'une juridiction compétente pour connaître du fond d'une affaire, conformément aux dispositions de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 [9], “reste compétente pour ordonner les mesures provisoires ou conservatoires qui s'avèrent nécessaires” [10]. La cour décide ensuite que c'est à bon droit que les appelants considèrent que leur demande est “l'accessoire de la procédure au fond pendante devant le tribunal de première instance de Bruxelles”. Selon la cour, les appelants [11] “réclament le gel de la situation actuelle des parties, en ce qui concerne les preuves dont elles disposent, jusqu'à ce que le tribunal de Bruxelles ait statué. Le maintien de la situation de fait et de droit qu'ils souhaitent s'inscrit donc dans le cadre de la procédure au fond actuellement pendante devant le tribunal de première instance de Bruxelles”.

En conséquence, la cour confirme que le juge des référés de Bruxelles était “internationalement compétent” pour statuer sur la demande qui lui était soumise.

4.Ce faisant, la cour ne tranche qu'une question de compétence territoriale internationale. Il serait hasardeux d'en déduire, comme pourrait le laisser penser le sommaire récemment publié avant l'arrêt annoté au J.T. [12], que la cour a déclaré que le juge des référés avait le pouvoir, en droit belge, de faire droit à une demande d'injonction de ne pas poursuivre une procédure à l'étranger.

5.C'est, à mon sens, à tort que le juge des référés et ensuite, la cour d'appel, ont admis leur propre compétence internationale pour connaître de la demande d'injonction.

Cette reconnaissance repose sur le postulat - erroné - que les juridictions belges étaient territorialement compétentes pour connaître du fond de la demande en référé. Le premier juge a retenu l'argument selon lequel la procédure de discovery n'avait été introduite par les intimés que pour les besoins de leur demande de dommages et intérêts devant le tribunal de première instance de Bruxelles. Il en avait déduit qu'il n'y avait dès lors pas lieu d'exiger la vérification de conditions particulières relatives à la localisation territoriale de la mesure sollicitée. La cour d'appel a, pour sa part, estimé qu'il s'agissait d'une demande de mesures provisoires ou conservatoires qui étaient l'accessoire de la procédure pendante au fond en Belgique dès lors que les mesures sollicitées s'inscrivaient “dans le cadre” de la procédure au fond pendante en Belgique.

Or, il ne suffit pas de constater que l'action initiale mue au fond, en réparation d'actes prétendument dommageables, a “entraîné” la procédure de discovery aux États-Unis, puis indirectement la procédure en référé en Belgique, pour justifier la compétence internationale des juridictions belges.

6.Les règles de compétence internationale distinguent deux situations. Soit le juge belge est compétent internationalement pour connaître de la demande au fond et, dans ce cas, il est également compétent pour connaître de toutes mesures provisoires liées à cette demande. Soit le juge n'est pas compétent internationalement pour connaître de la demande au fond et, dans ce cas, il ne peut se déclarer compétent pour connaître d'une demande de mesures provisoires que moyennant le respect de certaines conditions particulières dont on peut douter qu'elles étaient réunies en l'espèce.

La première vérification que la cour d'appel devait faire, était de s'assurer qu'elle était, le cas échéant, compétente internationalement pour connaître, au fond, de la demande des appelantes, c'est-à-dire la demande d'injonction anti-suit et non pas de n'importe quelle autre demande au fond, reliée de près ou de loin à la demande de mesures provisoires, telle la demande de dommages et intérêts introduites devant le juge belge par les intimés.

En décider autrement revient, me semble-t-il, à donner une extension beaucoup trop large à la compétence internationale du juge belge pour connaître des demandes de mesures provisoires.

7.Il faut clairement garder à l'esprit que l'action originaire des appelants, en référé, consistait à demander au juge des référés de se prononcer au provisoire sur des droits subjectifs reconnus aux intimés par le droit étranger et exercés devant un tribunal étranger, à savoir le droit de poursuivre une procédure de discovery. Le fond de cette action se t­rouvait donc bien dans la procédure de discovery pendante aux États-Unis et non dans la procédure en indemnisation pendante devant le tribunal de première instance de Bruxelles [13].

D'autre part, l'objectif des appelants était, en introduisant leur demande d'injonction, d'empêcher les intimés à rechercher des preuves aux États-Unis, et non en Belgique. En d'autres termes, ils ne réclamaient aucune mesure provisoire ou conservatoire visant à organiser temporairement la situation des parties dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal de première instance de Bruxelles.

S'il est vrai que la procédure de discovery poursuivait l'objectif de soutenir l'action en dommages et intérêts introduite en Belgique, néanmoins c'est uniquement en raison de l'introduction de cette procédure de discovery que les appelants ont formé leur action en référé. En définitive, les appelants ne cherchaient qu'à empêcher les intimés à bénéficier d'une faculté que leur offrait le droit américain et nullement à organiser provisoirement la situation des parties dans le cadre de l'action au fond introduite à Bruxelles.

8.Tant l'article 635 du Code judiciaire, applicable au premier intimé [14], que l'article 31 du règlement 44/2001 (applicable à l'intimé ayant son siège aux Pays-Bas) et l'article 24 de la Convention de Lugano (applicable à l'intimé ayant son siège en Suisse), distinguent deux types de situations: celle où l'action au provisoire et l'action au fond sont introduites devant la même juridiction et celle où elles sont, au contraire, introduites devant des juridictions d'États différents.

Cette distinction a une raison d'être et il y a lieu de respecter la volonté des législateurs belge et européen à cet égard. Cette volonté est de permettre aux justiciables de s'adresser au juge du provisoire (même lorsqu'il n'est pas compétent au fond) lorsque cela s'avère effectivement nécessaire et utile, tout en évitant le forum shopping et en garantissant la sécurité juridique [15]. Faisant fi de ces impératifs, la cour a admis que les appelants pouvaient agir au provisoire devant un juge belge pour faire interdire aux intimés d'ester en justice aux États-Unis. La cour aurait dû vérifier si les conditions particulières relatives à la nature de la mesure sollicitée et à sa localisation territoriale, telles que définies par la Cour de justice des Communautés européennes, étaient remplies [16].

En l'espèce, on peut raisonnablement douter que la mesure sollicitée par les appelantes réponde à la notion légale de mesures provisoires et conservatoires [17]. D'autre part, on ne peut que constater qu'elle n'était aucunement susceptible d'être exécutée en Belgique. En effet une telle injonction destine tous ses effets à l'ordre juridique étranger (américain, en l'occurrence) [18] et ne peut recevoir aucune exécution, même partielle, en Belgique, aucun des intimés n'étant domicilié ou établi en Belgique. Le juge belge était donc le plus mal placé pour “apprécier les circonstances qui peuvent amener à octroyer ou à refuser les mesures sollicitées ou à prescrire des modalités et des conditions que le requérant devra respecter afin de garantir le caractère provisoire et conservatoire des mesures autorisées” [19].

III. L'urgence

9.C'est après avoir constaté le défaut d'urgence, condition générale du référé, que la cour a en définitive rejeté la demande d'anti-suit injonction.

Pour la cour, “l'urgence doit s'apprécier au vu du préjudice que l'exécution de la 'discovery' pourrait causer aux appelantes”. À cet égard, la cour relève que la procédure en discovery est tout à fait courante aux États-Unis et qu'en outre elle avait, en l'espèce, déjà été en partie exécutée.

10.On notera toutefois que la cour souligne encore, d'une part, que les appelants ne soutiennent pas que “les juridictions américaines n'auraient pas respecté les règles de la procédure, auraient manifestement mal jugé au regard du droit des États-Unis ou n'auraient pas pris les mesures nécessaires pour garantir la sécurité” des personnes appelées à témoigner dans le cadre de la discovery et, d'autre part, qu'il n'est nullement démontré que le but des intimés, en introduisant leur procédure en discovery, aurait été de porter préjudice à ICG.

Ces critères, pour intéressants qu'ils soient, ne sont relevés par la cour que pour déterminer s'il y avait, ou non, urgence justifiant le recours à la procédure en référé. Si, contrairement à ce que la cour constate, les éléments qu'elle relève avaient été établis, encore ne pourrait-on rien en déduire sur la position qu'aurait adoptée la cour quant au fondement de la demande d'injonction de ne pas poursuivre la procédure aux États-Unis.

IV. L'absence de pouvoir des juridictions belges à faire droit à une demande d'injonction de ne pas introduire ou de ne pas poursuivre une procédure à l'étranger

11.On peut s'interroger sur la possibilité pour le juge belge d'ordonner une telle mesure. En outre, si cette procédure est essentiellement analysée dans le cadre de litiges transfrontaliers, rien ne permet a priori d'écarter l'hypothèse d'une telle action dans le cadre d'un litige belgo-belge [20].

12.Il est généralement considéré qu'une demande d'injonction de ne pas poursuivre une procédure à l'étranger constitue une atteinte à la souveraineté des États étrangers et “représente une intrusion intolérable dans le fonctionnement de la justice étrangère” [21]. Selon A. Nuyts, “il n'appartient pas à l'autorité juridictionnelle d'un État de s'immiscer dans le service public de la justice d'un autre État, en adressant une injonction à ses tribunaux” [22].

À cet égard, la distinction faite par certains auteurs et par la jurisprudence de Common law, selon laquelle l'injonction n'est pas faite à l'État étranger mais seulement à une partie, n'est pas pertinente. Selon H. Van Houtte, si “techniquement l'injonction concerne un individu et non un tribunal étranger, néanmoins il est évident qu'une injonction anti-suit affecte le contrôle du tribunal étranger sur sa propre procédure. C'est pourquoi ces injonctions peuvent être considérées par les tribunaux étrangers comme une atteinte à la souveraineté de leur État” [23].

13.À ma connaissance, deux décisions de juridictions belges ayant eu à se prononcer sur cette question ont été publiées à ce jour.

Une ordonnance rendue sur requête unilatérale par le juge des référés de Bruxelles, le 18 décembre 1989, a refusé de reconnaître les effets d'une injonction anti-suit obtenue aux États-Unis mais a, en plus, ordonné, sous peine d'astreintes, au plaideur américain de renoncer à poursuivre à l'étranger toute procédure de nature à empêcher le fonctionnement des juridictions belges [24].

Dans sa seconde composante, cette décision a pu être interprétée comme s'inscrivant dans un courant favorable aux injonctions de ne pas poursuivre une procédure puisqu'elle comporte elle-même une telle injonction à l'égard du plaideur américain. Il convient toutefois de considérer cette injonction comme l'accessoire de la mesure principale, à savoir l'interdiction de poursuivre, en Belgique, une mesure d'anti-suit injonction obtenue à l'étranger.

Le président du tribunal de commerce de Dendermonde a également refusé de faire droit à une demande en cessation tendant à ce qu'il soit mis fin, sous peine d'astreintes, à une procédure en discovery, ordonnée aux États-Unis, dont il était soutenu qu'elle était abusive et contraire à l'article 93 de la loi sur les pratiques du commerce. Le président du tribunal a rejeté cette demande notamment au motif que les tribunaux belges étaient sans pouvoir de juridiction pour prendre des mesures visant à paralyser une décision prise par une autorité publique étrangère [25]. Dans son commentaire de cette décision, A. Nuyts souligne que “la procédure en discovery ne menaçait nullement la juridiction des tribunaux belges” [26].

14.La demande d'injonction de ne pas poursuivre une procédure à l'étranger a également été jugée contraire aux règles mises en place par la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.

La doctrine et la jurisprudence européenne continentale avaient depuis longtemps souligné le caractère incompatible des anti-suit injonctions avec les règles de la Convention de Bruxelles de 1968.

La Cour de justice des Communautés européennes avait été récemment saisie d'une question préjudicielle d'interprétation du traité par la House of Lords. Dans ses conclusions, l'avocat général Colomer soulignait le caractère incompatible de ce type de procédures avec les règles de la Convention de Bruxelles, en des termes très clairs [27]. Dans l'arrêt Turner [28], la Cour a suivi l'avis de son avocat général et a déclaré la demande d'injonction de ne pas poursuivre une procédure à l'étranger, incompatible avec les termes de la Convention de Bruxelles. Sa décision se fonde essentiellement sur la confiance réciproque que les États contractants doivent s'accorder mutuellement à leurs systèmes juridiques et à leurs institutions judiciaires [29].

15.Certes, en l'espèce, le problème visait à faire interdiction à une partie de poursuivre une procédure aux États-Unis et non dans un pays signataire de la Convention de Bruxelles. Cet élément ne me semble toutefois par pertinent pour justifier une solution contraire. Plusieurs commentateurs de l'arrêt Turner [30] insistent sur le fait que la solution retenue par la Cour de justice des Communautés européennes se fonde (notamment) sur le “principe de confiance mutuelle” et de “l'interdiction de toute ingérence dans la compétence du tribunal d'un autre État contractant”.

Cette idée peut se transposer en l'espèce dès lors qu'il convient d'admettre, à mon sens, que les juridictions belges peuvent avoir “confiance” dans les juridictions civiles des États-Unis, notamment lorsqu'elles instruisent des procédures de discovery.

16.A. Nuyts souligne que “la Cour précise que l'ingérence dans la compétence étrangère existe même si l'injonction vise à empêcher un abus de procédure, car la vérification de l'existence d'un abus 'implique une appréciation du caractère pertinent de l'introduction d'une action devant une juridiction d'un autre État-membre'. (…) les tribunaux anglais devaient faire confiance aux tribunaux espagnols non seulement pour appliquer correctement la Convention de Bruxelles, mais aussi et surtout pour sanctionner un éventuel harcèlement procédural. Cette approche large du principe de confiance mutuelle doit être approuvée” [31].

L'auteur précise encore que “l'injonction anti-suit repose nécessairement sur la conviction du juge qui l'ordonne (…) que les moyens de droit disponibles à l'étranger sont (…) insuffisants pour qu'il soit mis fin à ce qu'il estime être une saisie irrégulière ou abusive. Une injonction anti-suit est donc, que son auteur le revendique ou non, l'expression judiciaire d'une certaine méfiance à l'égard de la justice étrangère” [32].

Il me semble que rien ne justifiait que le juge belge puisse, en l'espèce, avoir une méfiance particulière à l'égard de la justice civile des États-Unis. De façon plus générale, la même solution devrait être retenue à l'égard de l'ensemble des juridictions de tous les États démocratiques.

17.À mon estime, une demande d'injonction de ne pas introduire ou de ne pas poursuivre une procédure à l'étranger (ou en Belgique) est contraire au principe général de libre accès aux cours et tribunaux, reconnu à toute personne bénéficiant de la personnalité juridique. Comme le souligne A. Fettweis, “l'accès à la justice est l'exercice d'une liberté publique, contrepartie de l'interdiction de se faire justice à soi-même” [33].

Pour R. Perrot, “l'accès à la justice est une prérogative d'ordre public” [34]. L'éminent auteur en déduit qu'une partie ne pourrait pas valablement renoncer d'avance à exercer une action en justice.

On peut légitimement se demander sur quelle base un juge pourrait lui en faire l'interdiction à titre préventif.

Pour G. de Leval aussi, une telle mesure serait purement et simplement “inadmissible” et violerait l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme [35].

18.À ce jour, en Belgique, seul l'abus du droit d'agir en justice, dûment constaté par un juge, à l'issue de la procédure, peut justifier la condamnation à des dommages et intérêts en cas de faute du demandeur [36]. Il n'existe par contre pas d'exemple d'action préventive ayant été introduite et reçue par laquelle un justiciable demanderait préventivement à un juge de faire interdiction à une partie d'agir en justice contre lui, devant une juridiction nationale ou étrangère, au motif que la saisine des tribunaux serait constitutive d'un abus.

C'est la position qu'avait retenue le juge des référés de Bruxelles, dans l'ordonnance soumise, en l'espèce, à la censure de la cour. Au vu de la demande, le premier juge avait en effet estimé qu'il fallait “s'interroger sur la possibilité pour le juge des référés de priver une personne (…) du droit d'ester en justice” [37]. Répondant par la négative à cette interrogation, le juge des référés a estimé, pour déclarer la demande originaire non fondée, que “des trois pouvoirs que compte l'État moderne, le judiciaire est certainement celui qui a le plus vocation à garantir le respect des droits individuels; que l'accès à la justice est souvent une préoccupation des gouvernements soucieux du respect des droits de l'homme; que même dans l'hypothèse où certains justiciables abusent de leur droit à l'occasion d'une procédure, le Code judiciaire ne prévoit que des sanctions, prononcées a posteriori et dans le respect des droits de la défense, plutôt que des interdictions de procéder qui surviendraient a priori; qu'il ne nous appartient donc pas d'aller à l'encontre d'un droit aussi fondamental que celui-là” [38].

19.J'approuve sans réserve cette décision. Rappelons qu'en Belgique, le juge de la demande principale est spécialement compétent pour connaître d'une demande de dommages et intérêts pour abus de procédure (art. 563 al. 3 C. jud.). Cette règle m'apparaît pleine de bon sens. N'est-ce pas le juge qui aura effectivement dû trancher la demande qui lui était soumise qui est le mieux placer pour décider, ensuite, si cette demande présentait un caractère fautif (abusif) devant être sanctionné.

L'importance de cette règle se déduit de son caractère tout à fait général. Elle s'applique même si, normalement, ce juge est incompétent pour statuer au fond. Ainsi, exceptionnellement, le juge des référés, le juge de la cessation [39] et le juge des saisies sont compétents pour statuer, au fond et à titre non provisoire (en ce qui concerne le juge des référés) sur une demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour action en référés, en cessation ou saisies téméraires et vexatoires. Plus encore, même la Cour de cassation s'est, à de nombreuses reprises, déclarée compétente pour condamner au fond une partie à des dommages et intérêts pour pourvoi téméraire et vexatoire [40].

Récemment, la cour d'appel de Bruxelles a confirmé la portée générale de cette règle en admettant sa compétence à statuer sur une demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire alors même qu'elle statuait dans le cadre d'une compétence spéciale [41] et que la loi prévoit expressément qu'elle ne pouvait, dans ce cadre, connaître d'aucune autre demande et qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer les règles du Code judiciaire relatives à la connexité et aux demandes reconventionnelles [42].

20.Ainsi, il paraît contradictoire de permettre au juge belge d'apprécier le caractère abusif d'une action introduite à l'étranger (et de lui reconnaître en plus le pouvoir d'interdire à une partie d'introduire ou de poursuivre cette action) alors qu'en Belgique, la loi et la jurisprudence octroient spécialement au juge de l'action, le soin d'apprécier le caractère éventuellement abusif de celle-ci. Même s'il ne s'agit pas d'une compétence exclusive, il se comprend aisément que le juge de l'action est manifestement le mieux placé pour en apprécier le caractère éventuellement abusif.

Il me semble, en conséquence, qu'en l'espèce, c'était bien au juge américain et à lui seul qu'il appartenait d'apprécier la recevabilité, le bien-fondé et le cas échéant le caractère abusif de la demande en discovery introduite contre ICG et qu'il n'appartenait pas aux juridictions belges de s'immiscer dans ce débat.

V. La demande d'injonction de ne pas introduire ou de ne pas poursuivre une procédure comme remède à “la sérieuse injustice” que serait de nature à causer la procédure étrangère

21.Certains auteurs estiment néanmoins que dans certains cas exceptionnels, le recours à l'injonction de ne pas poursuivre devrait être admis par nos cours et tribunaux [43].

Ainsi, A. Nuyts fait notamment une distinction entre la procédure (étrangère) abusive (vexatoire) qui ne pourrait pas justifier le recours à l'injonction de ne pas poursuivre et la procédure déraisonnable, soulignant que dans la résolution de l'Institut de Droit International [44], “le terme classique de 'vexatoire' a été remplacé (…) par celui de 'déraisonnable'. Cela pourrait signifier que l'on a voulu objectiver dans une certaine mesure le critère, en abandonnant la notion de 'vexatoire' qui est celle qui fait le plus clairement référence à un critère subjectif”. Ainsi, pour l'auteur, “plutôt que de prendre en compte les mobiles du plaideur, il faut donc peut être avoir égard aux conséquences concrètes que la poursuite de l'action entraînerait pour le défendeur dans l'action étrangère. Cette approche devrait être à notre sens approuvée. En effet, s'il s'agit uniquement de sanctionner un abus de procédure, il nous paraît que le remède doit être trouvé normalement auprès du juge étranger saisi abusivement. En revanche, s'il est établi que la poursuite de la procédure étrangère impliquerait en tant que telle une sérieuse injustice pour le défendeur qui ne pourrait se défendre de manière effective à l'étranger, l'octroi d'une injonction pourrait se justifier. L'injonction anti-suit apparaît dans un tel cas comme un mécanisme destiné à promouvoir l'accès effectif à la justice et, partant, le droit au procès équitable” [45].

A. Nuyts précise qu'“il s'agit en d'autres termes de permettre aux tribunaux d'un État de contraindre un plaideur de ne pas utiliser une procédure étrangère qui porterait une atteinte irréparable aux droits au procès équitable d'un autre plaideur”.

22.Même dans de telles circonstances, bien définies et compréhensibles, je reste fort réticent à admettre la possibilité de l'injonction de ne pas poursuivre. Pour moi, le risque essentiel que génère inévitablement l'admissibilité de ces procédures est celui, déjà dénoncé par d'autres, d'émission d'anti-suit injonctions contradictoires qui “pourraient conduire au chaos” [46].

Je crains que la tentation soit forte, chez certains juges, d'admettre trop facilement l'existence d'une sérieuse injustice pour prononcer de telle injonction si, d'aventure, on admet que dans de telles circonstances (qui devraient rester exceptionnelles), ils ont ce pouvoir.

C'est sous cette réserve (fondamentale) que je confronterai le cas soumis à la cour d'appel dans l'arrêt annoté à la théorie de la “sérieuse injustice” pour conclure que même s'il fallait admettre, en théorie, cette exception, elle ne pouvait trouver, selon moi, à s'appliquer en l'espèce.

23.La notion de “comportement déraisonnable ou oppressif” recouvre, selon cette doctrine, trois hypothèses [47]:

- “L'action abusive introduite par un plaideur qui vise en connaissance de cause à harceler le défendeur dans un for éloigné de manière le plus souvent à le forcer à transiger”.

Tel n'était manifestement pas le cas dans l'affaire soumise à la cour d'appel de Bruxelles, dès lors que l'action en discovery introduite aux États-Unis s'adressait à une association américaine ayant son siège aux États-Unis et portait sur des documents et/ou auditions de témoins se trouvant aux États-Unis. La cour relève par ailleurs, comme on l'a vu, que les appelants n'apportaient aucun élément justifiant que les demandeurs en discovery avaient été animés par la volonté de leur porter préjudice.

- “L'action introduite en violation d'une obligation préexistante de ne pas assigner en justice dans ce for”.

Tel n'était pas non plus le cas en l'espèce.

- “L'action qui a pour effet de causer une sérieuse injustice dans le chef du défendeur”.

C'est bien ce que soutenait les appelants.

24.L'argumentaire des appelants soulève ainsi une question intéressante: le recours à une procédure relevant du droit d'un état étranger démocratique (en l'espèce les États-Unis), communément admise et couramment utilisée dans cet État, et mettant en cause une personne morale relevant du droit de cet État, peut-il être constitutif d'une sérieuse injustice pour cette partie, dont elle pourrait se prévaloir devant les juridictions d'un autre État pour y faire échec?

À mon sens, il ne paraît pas possible de soutenir que la poursuite de la procédure en discovery pouvait causer à ICG de façon illégitime un préjudice grave et irréparable justifiant l'intervention du juge des référés belges.

Le harcèlement procédural dont se rendrait coupable le demandeur en discovery pourrait justifier que le juge américain refuse de faire droit à la demande puisqu'en effet celui-ci “dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation de l'opportunité et des limites de la 'discovery'” [48]. Dans cette dernière hypothèse, c'est bien le juge saisi de l'action “litigieuse” (en l'espèce l'action en discovery) qui est le mieux placé pour apprécier si la demande est abusive.

25.À défaut de risque imminent d'un préjudice illégitime d'une réelle gravité, découlant du caractère manifestement inéquitable de la procédure attaquée, la sérieuse injustice ne peut certainement pas être retenue. J'insiste sur le caractère illégitime du préjudice dès lors qu'il est certain que le fait, par exemple, de devoir produire des éléments susceptibles d'attester de fautes dans le chef d'une partie ou d'alimenter l'argumentation de son adverse, sera par nature susceptible de causer un préjudice à cette partie. Ce préjudice n'est toutefois pas illégitime dès lors qu'il découle de la mise en oeuvre régulière d'une procédure communément admise aux États-Unis.

VI. La procédure américaine de discovery est-elle de nature à octroyer à une partie un avantage exorbitant dans le cadre de la procédure au fond en Belgique?

26.Il reste à envisager cette dernière question dès lors qu'il s'agissait de l'argument principal des appelants pour justifier leur recours à la demande d'injonction de ne pas poursuivre la procédure de discovery aux États-Unis.

Pour la cour d'appel, “à supposer que ce moyen soit fondé” (ce qu'elle ne vérifiera pas), “il ne justifierait pas l'urgence à agir pour faire interdire le 'discovery' puisque le juge du fond belge garde la possibilité d'écarter des débats les pièces qui n'auraient pas été obtenues légitimement”.

Cette remarque me semble essentielle au regard de la controverse sur l'admissibilité des injonctions anti-suit. Plutôt que d'autoriser le juge national à interdire l'introduction ou la poursuite d'une procédure à l'étranger, il faut lui reconnaître - ce que notre droit fait - la possibilité, a posteriori, de ne pas donner d'effet, en Belgique, à une décision qui serait manifestement incompatible avec les principes généraux gouvernant notre droit procédural. Soit en refusant d'accorder l'exequatur à la décision étrangère, soit comme en l'espèce, en écartant des débats les pièces qu'une partie se serait procurée de façon illégitime, au regard du droit belge.

27.Cela étant, on peut, en guise de conclusion, s'interroger sur le caractère prétendument exorbitant - au regard des pouvoirs du juge belge en matière de preuve - de la procédure de discovery américaine.

28.Au départ d'une confusion quant au contenu des notions de procédure accusatoire et de procédure inquisitoire, la doctrine belge a, par le passé, fréquemment dénié au juge certains pouvoirs dans la direction du procès, aux motifs qu'étant donné la nature accusatoire de la procédure civile, il ne lui appartiendrait pas d'intervenir activement, son rôle étant et devant rester purement passif [49].

Le procureur général Krings, dans son discours prononcé à l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation en 1983, a clairement démontré que cette analyse procédait d'une confusion quant à la portée exacte des notions précitées et que le caractère accusatoire du procès civil n'obligeait nullement le juge à rester inactif dans la direction du procès [50]: “Il ressort de cet exposé que le caractère accusatoire de la procédure signifie que le juge ne peut pas prendre d'office, sans qu'aucune demande ait été portée devant lui, des mesures à l'égard d'un justiciable. Si le juge possède effectivement ce pouvoir, l'on se trouve manifestement en présence d'une procédure inquisitoire. (…) le juge apprécie lui-même si il y a lieu d'intenter l'action en vue d'appliquer la loi. Il ne fait pas de toute que notre procédure civile est nettement accusatoire (…).

C'est, dès lors, dans les limites de la procédure accusatoire que le problème du pouvoir du juge dans la direction du procès doit être traité” [51].

Le procureur général poursuit que si la procédure accusatoire est soumise au principe dispositif, selon lequel la mise en oeuvre de l'action judiciaire est un acte de disposition - l'action étant un attribut du droit matériel auquel la partie prétend - qui n'appartient qu'aux parties, “il n'en résulte pas pour autant que le rôle du juge dans la direction du procès soit purement passif. Nous constaterons au contraire que ce rôle doit être actif sous la réserve cependant du respect des droits de la défense” [52].

Le Code judiciaire reconnaît lui-même au juge certains pouvoirs d'intervention dans la direction du procès. Pour rappel, c'est au juge qu'il appartient d'arrêter le jour et l'heure auquel il entendra la cause; le juge règle la façon dont se déroule l'audience; étant maître de son rôle, il peut décider de surseoir à statuer ou de remettre la cause à une date ultérieure, etc. En d'autres termes, “il porte la responsabilité de la direction des débats et doit veiller à ce que la cause soit entendue, conformément aux règles de la procédure et dans un délai raisonnable” [53].

À cet égard, le procureur général Krings précise, à juste titre, que “lorsqu'il est fait appel à lui, le juge a l'obligation d'exercer pleinement ses fonctions” [54].

29.Dans sa mercuriale, le procureur général Krings aborde explicitement le problème de l'administration de la preuve: “À maintes reprises, il a été soutenu que le caractère accusatoire de la procédure s'oppose à une intervention active du juge dans ce domaine. L'on a même affirmé que la procédure relative à l'administration de la preuve, telle qu'elle a été réglée par le Code judiciaire, présente un caractère inquisitoire [55]. Cette opinion me paraît inexacte. Dès lors que la partie a décidé de saisir le juge du litige, il appartient à celui-ci d'examiner si la demande est fondée [56]. Il doit délivrer un titre juridique sur la base duquel la partie pourra procéder à la mise à exécution et imposer ainsi le respect de ses droits. Le juge doit donc avoir, en conscience, la conviction que la demande est fondée. Pour arriver à cette conviction, il doit pouvoir ordonner l'administration des preuves requises. Il ne peut donc pas se contenter des preuves offertes par les parties, si il estime soit que ces preuves ne sauraient conduire aux objectifs visés, soit qu'elles sont insuffisantes (…). (Le juge) ne peut rejeter une demande si il n'a pas mis en oeuvre les moyens de preuves nécessaires et adéquats. Mais il ne peut pas davantage accueillir une demande lorsque l'existence du droit invoqué ne lui paraît pas suffisamment établie. Dans les deux cas, il lui incombe d'assumer la direction et l'administration de la preuve [57]. (…) Le juge peut donc recourir d'office à tous les modes de preuves prévus par la loi. Il peut ordonner, d'office, la production de pièces, l'audition de témoins, la visite des lieux, la comparution personnelle des parties, une expertise” [58].

Il convient, à cet égard, de se rappeler que si en vertu de l'article 870 du Code judiciaire “chacune des parties a la charge de prouver les faits qu'elle allègue”, l'article 871 précise immédiatement que “le juge peut néanmoins ordonner à toutes parties litigeantes de produire les éléments de preuves dont elles disposent”.

30.Dans un arrêt du 15 juin 1967, la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que “dans l'administration de la preuve, le rôle du juge n'est pas nécessairement passif; que celui-ci peut d'office ordonner certaines mesures d'instruction et fonder sa décision sur les éléments de faits qui en résultent” [59].

A. Fettweis confirme que “tout en laissant l'initiative à la partie la plus diligente dans la conduite du procès, on a étendu les pouvoirs du juge au niveau de l'instruction, de façon à multiplier les garanties d'une bonne justice et à assurer la découverte de la vérité (…)” [60]. Cet éminent auteur précisant encore que “lorsqu'un fait avancé par une partie est contesté par l'autre, le plaideur qui l'allègue doit en apporter la preuve. Cependant, jouant un rôle actif dans le procès civil moderne, le juge peut décider d'office la mise en oeuvre d'une ou plusieurs mesures d'instruction et même les combiner entre elles” [61].

31.Sans même envisager la procédure d'enquête (qui m'éloignerait trop de mon propos), le Code judiciaire connaît deux mesures qui permettent au juge d'obtenir des informations quant aux faits que les parties invoquent, le juge pouvant à cet égard agir, soit à la demande d'une des parties, soit d'office. Il s'agit d'une part des règles régissant la production de documents (art. 877 à 882 C. jud.) et, d'autre part, de celles régissant l'interrogatoire des parties (art. 992 à 1004 C. jud.). Ces règles méritent d'être comparées aux effets de la procédure en discovery.

32.L'article 877 du Code judiciaire prévoit que: “lorsqu'il existe des présomptions graves, précises et concordantes de la détention par une partie ou un tiers, d'un document contenant la preuve d'un fait pertinent, le juge peut ordonner que ce document ou une copie de celui-ci certifiée conforme, soit déposé au dossier de la procédure”. Il s'agit d'une opportunité laissée à la souveraine appréciation du juge [62]. Pour la mise en oeuvre de cette disposition, il faut la réunion des conditions suivantes:

    • le document dont la production est demandée doit contenir la preuve “d'un fait pertinent”, c'est-à-dire le fait dont la preuve est utile ou qui est en rapport avec le fait litigieux [63]. La définition est très large. Le fait pertinent se distingue du fait capital visé à l'article 772 du Code judiciaire. Il se distingue également du fait concluant (visé notamment à l'art. 916 C. jud.), à savoir le fait qui est de nature à former la conviction du juge de façon décisive [64];
    • la production forcée concerne tout “document”. Il faut entendre par là non seulement les écrits susceptibles de faire preuve ou de renseigner (actes, lettres, livres de contes, papiers, plans, etc.) mais également tout document photographique, enregistrements sonores, visuels ou audiovisuels [65];
    • le document dont la production est ordonnée doit être détenu par une partie ou par un tiers. Il n'est donc pas nécessaire que le détenteur du document soit en possession de celui-ci en vertu d'un titre juridique quelconque. Tout détenteur, même précaire, est obligé de produire sur réquisition du juge [66];
    • il faut qu'il existe des “présomptions graves, précises et concordantes de la détention” du document par une partie ou par un tiers. Selon l'interprétation que la doctrine donne à cette exigence, il faut comprendre celle-ci en ce sens qu'il appartient à celui qui sollicite la production du document de fournir les éléments permettant raisonnablement de croire que le document est bien en possession de l'autre partie ou d'un tiers [67]. L'appréciation de ces éléments de fait relève du souverain pouvoir d'appréciation du juge [68]. Il est par contre nécessaire que la procédure en production forcée de documents porte sur un ou plusieurs documents précis [69]. Il est ainsi exclu de solliciter la production de tout document généralement quelconque qui serait détenu par une partie ou un tiers en rapport avec le litige;
    • le document dont la production est ordonnée doit être détenu, soit par une partie au procès, soit par un tiers. Cette obligation se justifie à l'égard des parties par l'obligation qui leur incombe de collaborer loyalement au déroulement du procès [70] et à l'égard des tiers par l'obligation imposée à toute personne de concourir à l'oeuvre d'intérêt général qu'est celle de la justice [71].

    Dans son rapport sur la réforme judiciaire, à la base des actuelles dispositions commentées, le Commissaire royal à la réforme judiciaire précise: “si un tiers peut être contraint à témoigner sous peine d'une amende correctionnelle, pourquoi ne pourrait-il pas, dans les mêmes circonstances, être obligé par le juge à produire tel document qu'il détient? Les deux obligations se complètent et se justifient par les mêmes motifs” [72].

    33.La procédure proprement dite est réglée par les articles 878 à 882 du Code judiciaire.

    Si en principe la demande de production forcée de document ne constitue qu'une demande incidente qui s'inscrit dans le cadre plus général d'une procédure principale, la doctrine admet que le président du tribunal puisse ordonner une production de document dans le cadre d'une procédure autonome dès lors que cette production serait nécessaire à la conservation d'une preuve.

    Conformément au prescrit de l'article 882, le détenteur d'un document peut s'opposer à la production de celui-ci si cette attitude est justifiée par “de justes motifs”. À défaut, il peut se voir condamner “à tels dommages-intérêts qu'il appartiendra”.

    La légitimité du motif invoqué à l'appui du refus est laissée à l'appréciation souveraine du juge [73]. Toutefois les tribunaux sont limités dans cette liberté d'appréciation par l'esprit du Code judiciaire. Celui-ci pose désormais en principe l'obligation de collaboration des parties et des tiers dans l'administration de la preuve. Le devoir de concourir à la manifestation de la vérité est affirmé [74].

    Enfin, en ce qui concerne la comparution personnelle des parties, le juge du fond dispose d'un pouvoir souverain pour ordonner ou refuser une telle mesure [75].

    34.Ce bref passage en revue des principes régissant la comparution des parties et la production des preuves dans le cadre du procès civil fait apparaître que les différences entre notre procédure et la procédure de pre-trial discovery américaine sont moins manifestes que le juriste continental pourrait avoir, a priori, tendance à penser [76]. C'est à cette conclusion qu'arrivaient déjà P. Van Leynseele et M. Dal dans leur étude déjà citée, prônant un “modèle belge” de la procédure de discovery [77].

    Le droit d'ordonner la production à une partie ou à un tiers de tout document pertinent ou d'ordonner la comparution personnelle d'une partie, fait apparaître que la procédure en “discovery” n'est en rien excessivement exorbitante par rapport au droit belge. C'est très certainement sur l'exigence du caractère précis du fait qui doit être prouvé ou du document qui doit être produit que la procédure belge se distingue nettement de la procédure en discovery qui, au contraire, permet d'aller “à la pèche”. Cette seule différence, certes essentielle, ne me semble pas suffisante pour considérer, a priori, qu'une procédure en discovery “subie” aux États-Unis par un justiciable américain soit à ce point incompatible avec nos règles procédurales qu'elle justifierait qu'un juge belge enjoigne à une partie qu'elle cesse de la poursuivre.

    D'autant plus que de récentes décisions belges démontrent l'étendue croissante des pouvoirs du juge dans le domaine de la preuve. Cette évolution ayant pour effet de réduire plus encore la distinction - théorique - entre les deux systèmes analysés:

      • dans le cadre d'un conflit qui opposait les héritiers d'un assuré à la compagnie d'assurance du défunt, la validité et l'authenticité des déclarations faites par l'assuré au moment de la souscription de l'assurance sont contestées. Pour éclaircir ces questions, la cour d'appel ordonne la comparution personnelle de la veuve de l'assuré et du représentant de la compagnie d'assurance ainsi que la production de divers documents rédigés lors de la souscription de la police [78];
      • dans le cadre d'un conflit entre associés quant aux nombres de parts détenues par un associé, la cour d'appel, d'initiative, a “invité les appelants à produire les conventions dans lesquelles ils seraient intervenus soit comme cédant, soit comme cessionnaire, (…) ou à défaut de conventions écrites, à produire tout document attestant du paiement du prix convenu” [79]. L'ordre de production est très large et ne vise pas un document précis en particulier;
      • dans un litige opposant une banque à sa cliente concernant la gestion d'un portefeuille-titres, la cour d'appel a condamné la banque à produire “le détail du compte courant n°… ou de tous autres comptes [80] ouverts au nom de (la demanderesse); un tableau reprenant sous forme de colonnes:toutes les opérations de crédit et de débit du ou desdits comptes;le classement de celle-ci en opération sur options, achat ou vente d'action et d'obligation, dépôt de fonds, retraits permettant d'identifier les retraits effectués par (la demanderesse) qui constitueraient la contre-valeur des bénéfices éventuels engrangés sur le marché des options;la valeur actuelle du portefeuille d'action et d'obligation tel qu'il était composé le 25 mars 2003” [81]. À nouveau le spectre des informations et documents demandés par la cour est extrêmement large.
      [1] Avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris, Maître de conférences à l'ULB.
      [2] L'arrêt annoté a déjà été publié, en extrait, au J.T. 2006, p. 63 .
      [3] La procédure de “pre-trial discovery” “est une phase d'investigation de la cause préalable au procès. Elle fait l'obligation à chaque partie de divulguer à l'autre partie tous les éléments de preuve pertinents au litige dont elle dispose (faits, actes, documents, …), y compris ceux qui lui sont défavorables, et ce par différents moyens (déposition sous serment, question écrite, mise en demeure de communiquer des documents, demande de reconnaissance ou de démenti d'un fait ou d'une allégation, …). L'objectif est de garantir davantage d'égalité et de justice entre les parties et d'abréger un procès en permettant l'élimination de certains points qui ne sont pas véritablement contestés.” (M.-L. Nadaud-Castanie, Le droit de la preuve devant le juge civil et l'attractivité économique du droit français, ministère de la Justice (France), Service des affaires européennes et internationales, 19 octobre 2005, p. 2). Il apparaît toutefois qu'en pratique “la procédure est lourde et peut s'avérer très onéreuse” (ibid., p. 3).
      [4] P. Van Leynseele et M. Dal reconnaissent expressément la possibilité du recours à la procédure américaine pour soutenir une procédure belge: “Une règle intéressante de la 'discovery' américaine est le fait que ces procédures ne sont pas uniquement disponibles pour les personnes impliquées dans des procès ayant lieu devant les tribunaux américains. Les règles fédérales prévoient que les tribunaux américains 'dans le ressort desquels une personne réside (…) peuvent ordonner à celle-ci de fournir un témoignage, une déclaration ou de fournir des documents ou autres objets pour être utilisés dans le cadre de procédures devant les tribunaux étrangers (…)'. En vertu de cette règle, les parties à un procès (…) qui a lieu en Belgique, et qui souhaitent 'enquêter' dans les dossiers américains de leur adversaire, ou interroger des témoins sous serment, peuvent introduire une demande de 'discovery' devant le tribunal fédéral américain.” (“Pour un modèle belge de la procédure de discovery?”, J.T. 1997, pp. 225 et s., ici nos 56 et 57).
      [5] Tant l'association internationale de droit belge que l'association de droit américain.
      [6] Requête d'appel, pp. 10 et 11.
      [7] S'agissant d'une contestation de la compétence territoriale d'une juridiction belge au profit d'une juridiction étrangère, l'exception soulevée n'est pas, à proprement parlé, d'incompétence mais bien d'absence de juridiction des tribunaux belges pour connaître de la demande.
      [8] C.J.C.E. 17 novembre 1998, aff. C-391/95, Van Uden Maritime bv.
      [9] Sur l'application de cette Convention en l'espèce, voy. infra, n° 8.
      [10] Contra: H. Van Houtte, “À propos des injonctions anti-suit et d'autres torpilles pour couler des actions étrangères”, in L'efficacité de la justice civile en Europe, Larcier, 2000, p. 150; qui considère que l'anti-suit injonction ne constitue pas une mesure provisoire et conservatoire au sens des dispositions de la Convention.
      [11] Identifiés à tort, dans cet attendu comme étant les intimés.
      [12] J.T. 2006, p. 63 . Et ce d'autant plus que le J.T. ne publie l'arrêt qu'en extrait, ne reproduisant que le § III consacré aux faits et le § IV consacré précisément au problème de compétence territoriale internationale sous un intitulé “Le pouvoir de juridiction des tribunaux belges”, qui - bien qu'étant juridiquement exact - pourrait également, en cas de lecture superficielle, induire en erreur.
      [13] La solution aurait pu être différente si les demandeurs en référé avaient initialement introduit, à titre reconventionnel, dans le cadre de la procédure au fond en dommages et intérêts, une demande d'injonction de ne pas poursuivre, rendant ainsi, par l'effet des règles de compétence régissant les demandes reconventionnelles, le juge du fond belge compétent pour connaître de cette demande.
      [14] Le premier intimé étant domicilié à Monaco, on ne voit pas sur quelle base la Convention de Lugano, retenue par la cour d'appel, pouvait lui être opposable (la Principauté de Monaco n'étant pas partie à cette Convention).
      [15] H. Born et M. Fallon, “Chronique de jurisprudence. Droit judiciaire international (1991-1998)”, Dossiers du J.T., n° 28, Bruxelles, Larcier, 2001, pp. 447-504.
      [16] Sur ces conditions, voy. not. H. Born et M. Fallon, o.c.; H. Boularbah, “Les mesures provisoires en droit commercial international: développements récents au regard des Conventions de Bruxelles et de Lugano”, R.D.C. 1999, pp. 604-610.
      [17] H. Van Houtte, o.c., p. 150.
      [18] F. Rigaux, “Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité générale”, R.C.A.D.I. 1989, I, t. 213, p. 310.
      [19] C.J.C.E. 17 novembre 1998, C-391/95, Van Uden, n° 39.
      [20] Spécialement s'il fallait l'admettre dans le cadre d'un litige transfrontalier.
      [21] A. Nuyts, L'exception de Forum non conveniens, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 483.
      [22] A. Nuyts, o.c., p. 473.
      [23] H. Van Houtte, o.c., p. 148; en ce sens A. Nuyts, o.c., p. 482.
      [24] Civ. Bruxelles (réf.) 18 décembre 1989, R.W. 1990-91, pp. 676 à 680.
      [25] Comm. Dendermonde (cess.) 3 janvier 2000, R.D.C. 2000, p. 242.
      [26] A. Nuyts, o.c., p. 485.
      [27] http://curia.eu.int/fr/content/juris/index.htm .
      [28] C.J.C.E. (ass. plén.) 27 avril 2004, arrêt Turner, § 24 à 31, http://curia.eu.int/fr/content/juris/index.htm ; J.T. 2005, pp. 31 et s., et note de A. Nuyts, “La fin des injonctions anti-suit dans l'espace judiciaire européen”.
      [29] R. Carrier, “Convention de Bruxelles: le devoir de confiance”, note sous l'arrêt Turner, Rec. Dalloz 2004, pp. 1919 et s., ici, p. 1920.
      [30] A. Nuyts, o.c., J.T. 2005, p. 34 ; R. Carrier, o.c., p. 1920.
      [31] Ibid., p. 34.
      [32] Ibid., pp. 34 et 35.
      [33] A. Fettweis, Manuel de procédure civile, 2ème éd., 1987, p. 33, n° 19.
      [34] R. Perrot, note sous Cass. fr. 19 novembre 1998, J.C.P. janvier 1999, p. 7.
      [35] G. de Leval, Éléments de procédure civile, Larcier, 2005, 2ème éd., pp. 16 et 17.
      [36] On rappellera à cet égard que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, “une procédure peut revêtir un caractère vexatoire non seulement lorsqu'une partie est animée de l'intention de nuire à une autre mais aussi lorsqu'elle exerce son droit d'agir en justice d'une manière qui excède manifestement les limites de l'exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente” (Cass. 31 octobre 2003 J.T. 2004 p. 135 , et note de J.-F. Van Drooghenbroeck, “L'abus procédural: une étape décisive”).
      [37] Civ. Bruxelles (réf.) 12 août 2004, inédit, RR n° 04/762/c, p. 5.
      [38] Ibid., p. 6.
      [39] Not. Cass. 4 octobre 1979, Pas. 1980, I, 157. Dans une note publiée, sur le site de la Cour de cassation (www.cass.be ) sous cet arrêt, on peut lire: “Cette règle se trouvait déjà énoncée par l'article 8 de la loi du 15 mars 1932, qui remplaçait l'article 37 de la loi du 25 mars 1876. Sur la portée générale de cette disposition, cons. les documents parlementaires relatifs à la loi du 15 mars 1932 et plus particulièrement le 'premier rapport du comité permanent du Conseil de législation' (Pasin., 1932, p. 41), spécialement les nos 19, 21, 22 et 98.”.
      [40] Cass. 17 mai 2001, n° C 990271 F, www.cass.be ; Cass. 30 mars 2001, n° C 990249 N, www.cass.be ; Cass. 30 janvier 1998, Pas. 1998, I, 56; Cass. 20 octobre 1995, Pas. 1995, I, 938.
      [41] Compétence visée par l'art. 18 de la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes dans les sociétés cotées en bourses et réglementant les offres publiques d'acquisition.
      [42] Bruxelles (9ème ch.) 24 mars 2006 (deux arrêts), inédits, RG nos 2005/SF/1 et 2005/SF/2.
      [43] C'est également en ce sens que s'est prononcée la deuxième Commission de la session de Bruges de l'Institut de Droit International dans sa résolution du 2 septembre 2003, consacrée aux principes directeurs relatifs au recours à la doctrine du forum non conveniens et aux anti-suit injonction, Rev. b. dr. intern. 2003, p. 528.
      [44] Parmi les raisons qui, selon l'Institut, pourraient justifier une action anti-suit, on relève au point B du principe n° 5 de la résolution, le cas du “comportement déraisonnable ou oppressif d'un demandeur devant une juridiction étrangère”.
      [45] A. Nuyts, “Les principes directeurs de l'Institut de droit international sur le recours à la doctrine du forum non conveniens et aux antisuit injonctions”, Rev. b. dr. intern. 2003, p. 567.
      [46] R. Carrier, o.c., p. 1920.
      [47] A. Nuyts, o.c., Rev. b. dr. intern. 2003, pp. 556 et 557.
      [48] P. Van Leynseele et M. Dal, “Pour un modèle belge de la procédure de discovery?”, J.T. 1997, p. 225 .
      [49] Not. Glasson, Précis de procédure civile, 1908, t. I, n° 9, p. 8; Cornu et Foyer, Procédure civile, 1958, p. 366.
      [50] E. Krings, “L'Office du juge dans la direction du procès”, J.T. 1983, pp. 513 à 521.
      [51] O.c., n° 8, pp. 514 et 515.
      [52] O.c., n° 9, p. 515.
      [53] O.c., n° 19, p. 517.
      [54] O.c., n° 18, p. 517.
      [55] C'est dire, a contrario, à quel point les dispositions du Code judiciaire autorisent l'intervention active du juge dans ce domaine.
      [56] C'est moi qui souligne.
      [57] C'est moi qui souligne.
      [58] O.c., n° 22, p. 518.
      [59] Cass. 15 juin 1967, Pas. 1967, I, 1228, ici p.1230.
      [60] Manuel de procédure civile, éd. 1987, p. 10.
      [61] O.c., p. 21.
      [62] Cass. 14 décembre 1995, Pas. 1995, I, n° 551.
      [63] J. Van Compernolle, “La production forcée de document dans le Code judiciaire”, Ann. dr. Louvain 1981, pp. 89 à 105, ici p. 91.
      [64] Ibid.
      [65] J. Van Compernolle, o.c., p. 92; Duquesne, Fontaine, Kellens, Kohl et Pirard, “La procédure de production de documents dans le Code judiciaire et le secret professionnel”, Ann. Fac. Dr. Lg. 1970, pp. 195 et s., ici p. 206; J.-J. Daigre, La production forcée de pièces dans le procès civil, PUF, 1979, p. 183; Paris 17 janvier 1979, Gaz. Pal. 31 mai 1979 (production forcée d'un film).
      [66] J. Van Compernolle, o.c., p. 92.
      [67] J. Van Compernolle, o.c., p. 92.
      [68] J. Van Compernolle, o.c., p. 93.
      [69] Ch. Van Reepinghen, éd. M.B. 1964, vol. I, p. 331; J. Van Compernolle, o.c., p. 93; R. Deckers, “De la collaboration des parties dans l'administration de la preuve”, R.C.J.B. 1959, pp. 146 et s., ici n° 20, p. 155.
      [70] Cass. 20 juin 1961, J.T. 1961, p. 609; Ch. Van Reepinghen, o.c., p. 331.
      [71] Ch. Van Reepinghen, o.c., p. 331.
      [72] Ch. Van Reepinghen, o.c., p. 331.
      [73] Ch. Van Reepinghen, o.c., p. 333.
      [74] R. Rasir, La procédure de première instance dans le Code judiciaire, Larcier, 1978, p. 131.
      [75] Cass. 16 février 1979, Pas. 1979, I, 721.
      [76] La cour d'appel de Bruxelles est arrivée au même constat dans un récent arrêt (10 juin 2005, inédit, RG n° 2004/KR/415) à propos de la procédure américaine dite de l'injonction subpoena, estimant que cette procédure était “à rapprocher de la procédure en production de documents organisée par l'article 877 du Code judiciaire”.
      [77] O.c., J.T. 1997, pp. 225 à 232.
      [78] Bruxelles (4ème ch.) 28 janvier 2003, inédit, RG n° 2000/AR/996.
      [79] Bruxelles (9ème ch.) 26 septembre 2003, inédit, RG n° 2001/AR/3050.
      [80] C'est moi qui souligne.
      [81] Bruxelles (9ème ch.) 27 novembre 2003, inédit, RG n° 2003/KR/186.