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Le “comme en référé” et le fond ordinaire devant le même juge d'appel: la jonction pour connexité ou litispendance reste possible, R.D.C.-T.B.H., 2006/9, p. 958-965

GERECHTELIJK PRIVAATRECHT
Gerechtelijk Wetboek - Gerechtelijke organisatie - Vordering in kort geding of “zoals in kort geding” - Plaatsvervangend rechter - Nietigheid van de beslissing
Als de voorzitter van de rechtbank van koophandel, waar een procedure in kort geding of zoals in kort geding aanhangig is gemaakt, verhinderd is om te zetelen, mag deze niet vervangen worden door een plaatsvervangend rechter. Deze regel houdt verband met de gerechtelijke organisatie en is van openbare orde. Bijgevolg kan de nietigheid van een beslissing van een plaatsvervangend rechter die een inbreuk maakt op dit verbod, ambtshalve worden uitgesproken.
GERECHTELIJK PRIVAATRECHT
Gerechtelijk Wetboek - Aanhangigheid en samenhang - Vordering “zoals in kort geding” en gewone vordering ten gronde - Samenloop
Een beroep ingesteld tegen een vonnis uitgesproken in een gewone procedure kan wegens samenhang niet worden gevoegd aan een beroep tegen een beslissing uitgesproken in een procedure “zoals in kort geding” (contra: de noot gepubliceerd onder het arrest).
DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ
Code judiciaire - Organisation judiciaire - Action en référé ou “comme en référé” - Juge suppléant - Nullité de la décision
Lorsqu'il est empêché de siéger, le président du tribunal de commerce saisi d'une procédure en référé ou comme en référé ne peut pas être remplacé par un juge suppléant. Cette règle touche l'organisation judiciaire et est d'ordre public. La nullité d'une décision rendue par un juge suppléant en violation de cette interdiction, peut par conséquent être prononcée d'office.
DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ
Code judiciaire - Litispendance et connexité - Action “comme en référé” et action au fond ordinaire - Jonction
Un appel à l'encontre d'un jugement au fond prononcé dans une procédure ordinaire ne peut pas être joint, pour cause de connexité, à un appel à l'encontre d'une décision prononcée dans une procédure “comme en référé” (contra: la note publiée sous l'arrêt).

Le “comme en référé” et le fond ordinaire devant le même juge d'appel:
la jonction pour connexité ou litispendance reste possible
Xavier Taton [1] et Florence Danis [2]

1.Les deux arrêts commentés ont été prononcés par la cour d'appel de Bruxelles dans le cadre du même litige sur l'utilisation du nom commercial “Braco/Bracco”.

Si deux arrêts ont été prononcés, c'est en raison de l'introduction simultanée d'une action en cessation devant le président du tribunal de commerce de Louvain, et d'une action au fond ordinaire devant le tribunal de commerce du même arrondissement judiciaire. Comme chacune des deux procédures a ensuite fait l'objet d'un appel, ces arrêts posent la question du régime procédural applicable en cas de coexistence devant la même cour d'appel d'un appel contre un jugement au fond ordinaire et d'un appel contre une décision “comme en référé”.

La présente note a pour objet d'examiner cette question de procédure, qui ne nous semble pas avoir été spécifiquement étudiée en doctrine, bien qu'elle soit susceptible de se poser fréquemment devant nos cours d'appel.

1. Antécédents procéduraux de l'espèce

2.En date du 6 janvier 2000, la société anonyme Bracco Belgium (ci-après dénommée “Bracco Belgium”) a introduit simultanément une action en cessation et une action au fond ordinaire à l'encontre de la société anonyme Algemene Aanneming Braco Cleaning (ci-après dénommée “Braco Cleaning”). Ces deux actions tendaient à interdire à Braco Cleaning tout usage du nom commercial “Braco”, l'action au fond ordinaire sollicitant, en outre, la condamnation de Braco Cleaning au paiement de dommages et intérêts.

Dans le cadre de ces deux procédures, Braco Cleaning a introduit une demande reconventionnelle, tendant à entendre condamner Bracco Belgium au paiement de dommages-intérêts pour procédure téméraire et vexatoire, ainsi qu'à lui entendre interdire l'usage du nom commercial “Bracco”. Dans le cadre de la procédure au fond ordinaire, Braco Cleaning a également sollicité l'annulation de la marque “Bracco Belgium” déposée par celle-ci.

3.Par jugement du 27 juin 2000, le président du tribunal de commerce de Louvain a rejeté tant l'action en cessation de Bracco Belgium que les demandes reconventionnelles introduites par Braco Cleaning [3].

Dans le cadre de la procédure au fond ordinaire, les demandes de Bracco Belgium ont également été rejetées par les jugements du tribunal de commerce de Louvain des 3 octobre 2000 et 9 avril 2002 [4].

4.Sur la demande reconventionnelle de Braco Cleaning, visant à interdire l'usage du nom “Bracco”, le tribunal a déclaré, à juste titre, cette demande irrecevable, au motif que le juge des cessations s'était déjà prononcé sur une demande identique dans son jugement du 27 juin 2000 [5].

En effet, la caractéristique essentielle des pouvoirs des présidents de tribunaux statuant “comme en référé” est qu'ils exercent au fond. En conséquence, les décisions rendues “comme en référé” sont revêtues de l'autorité de chose jugée [6].

Or, sous son aspect négatif, l'autorité de chose jugée s'oppose à la réitération de la même demande formée entre les mêmes parties et portant sur les mêmes faits [7]. Par conséquent, celui qui a été partie à un procès en cessation [8], dispose à l'égard de son ancien adversaire d'une fin de non-recevoir, communément appelée “exception de chose jugée” [9], qui lui permet de faire déclarer irrecevable toute demande qui aurait pour objet de revenir sur la décision du juge des cessations.

En l'espèce, l'autorité de chose jugée liée à la décision de rejet du juge des cessations ne permettait plus au juge ordinaire de se prononcer sur cette demande.

5.En date du 30 octobre 2003, Braco Cleaning a interjeté appel des jugements du tribunal de commerce de Louvain, statuant au fond ordinaire, devant la cour d'appel de Bruxelles. Braco Cleaning y a repris ses demandes reconventionnelles initiales, à l'exception de sa demande de dommages-intérêts pour procédure téméraire et vexatoire. Bracco Belgium a formé appel incident des jugements au fond ordinaire et y a également repris ses demandes initiales. Cette instance d'appel des jugements au fond ordinaire fait l'objet du premier arrêt annoté (R.G. 2003/AR/2528).

Ensuite, le 12 mars 2004, Bracco Belgium a relevé appel du jugement du président du tribunal de commerce, statuant “comme en référé”, devant la cour d'appel de Bruxelles. Bracco Belgium y a repris sa demande en cessation initiale. De même, Braco Cleaning a introduit un appel incident, reprenant ses demandes reconventionnelles initiales, à l'exception de sa demande de dommages-intérêts pour procédure téméraire et vexatoire. Cette instance d'appel du jugement “comme en référé” fait l'objet du deuxième arrêt annoté (R.G. 2004/AR/689).

6.D'après les informations que nous avons pu obtenir auprès du greffe de la cour d'appel de Bruxelles, les deux procédures d'appel ont fait l'objet d'un calendrier de mise en état acté à l'audience d'introduction du 13 juillet 2004 [10].

Les deux procédures ont été fixées pour plaidoiries à l'audience du 7 février 2005, puis remises à celle du 26 avril 2005, à laquelle elles ont été prises en délibéré.

Enfin, les deux arrêts annotés ont été prononcés à l'audience du 12 septembre 2005 [11].

7.Dans les arrêts commentés, la cour d'appel de Bruxelles a probablement été animée par le souci d'adopter une solution pragmatique pour juger de manière cohérente ces procédures d'appel de jugements au fond ordinaire et “comme en référé”, qui ont été simultanément débattues devant elle dans le cadre du même litige.

Dans le premier arrêt commenté, prononcé sur l'appel des jugements au fond ordinaire (R.G. 2003/AR/2528), la cour a tranché l'ensemble des moyens soulevés, tant sur les demandes réciproques en cessation d'utilisation du nom commercial “Braco/Bracco”, que sur la demande de Braco Cleaning en annulation de la marque “Bracco Belgium”. L'arrêt a déclaré fondées les demandes de Braco Cleaning en interdiction d'utilisation du nom commercial “Bracco” et en annulation de la marque “Bracco Belgium”. Les décisions de cet arrêt sont commentées par la note de J.-C. Troussel et F. Danis publiée ci-dessous.

Dans le deuxième arrêt annoté, prononcé sur l'appel du jugement “comme en référé” (R.G. 2004/AR/689), la cour a considéré que les demandes en cessation réciproques étaient identiques à certaines demandes tranchées dans le cadre de l'appel des jugements au fond ordinaire. La cour a néanmoins rejeté la demande de jonction pour connexité émanant de Bracco Belgium, au motif que la première procédure concernait un traitement au fond ordinaire tandis que la seconde faisait l'objet d'une procédure “comme en référé”. Enfin, la cour a déclaré que les demandes en cessation étaient devenues sans objet, au motif qu'elle avait déjà tranché les demandes identiques dans le cadre de l'appel contre les jugements au fond ordinaire. Tout en annulant le jugement prononcé “comme en référé” pour vice de forme [12], l'arrêt a déclaré l'appel de Bracco Belgium non fondé [13] et a constaté que les demandes réciproques en cessation étaient devenues dépourvues d'objet.

8.Même si nous partageons le souci de pragmatisme de la cour d'appel de Bruxelles, nous ne pouvons approuver la solution qu'elle a retenue dans les arrêts annotés. Premièrement, la cour aurait pu valablement joindre les deux procédures d'appel pour connexité, voire pour litispendance, ce qui constituait une solution simple et pratique aux problèmes issus de leur coexistence (2.). À défaut de ce faire, l'arrêt sur l'appel des jugements au fond ordinaire ne pouvait pas faire droit à la demande d'interdiction d'utilisation du nom commercial “Bracco”, sans méconnaître l'autorité de chose jugée du jugement “comme en référé” ayant rejeté cette demande en cessation. Au contraire, il appartenait dans ce cas à la cour de juger des demandes de cessation dans son arrêt sur l'appel du jugement “comme en référé”, puis de statuer sur les demandes excédentaires au fond dans son arrêt sur l'appel des jugements au fond ordinaire (3.).

2. La jonction des deux procédures d'appel pour connexité

9.En l'espèce, trois arguments pouvaient être envisagés pour s'opposer à la jonction pour connexité de l'appel contre les jugements au fond ordinaire et de l'appel contre le jugement “comme en référé”: (i) l'absence de connexité entre juridictions d'appel (2.1.), (ii) les caractères exclusif et restrictif des compétences exercées “comme en référé” (2.2.), et (iii) les différences procédurales entre les instances au fond ordinaire et “comme en référé” (2.3.). Cependant, comme il sera exposé ci-dessous, aucun de ces arguments ne peut être retenu lorsque - comme dans l'espèce commentée - l'appel contre les jugements au fond ordinaire et l'appel contre le jugement “comme en référé” relèvent de la compétence du même juge d'appel.

2.1. La jonction des causes connexes pendantes devant le même juge d'appel

10.Il est traditionnellement enseigné que la jonction pour connexité n'est possible qu'entre juridictions du premier degré [14]. Toutefois, cette affirmation signifie, en réalité, que le renvoi à une autre juridiction saisie d'une demande connexe n'est possible que si les deux juridictions saisies le sont au premier degré [15].

Par contre, lorsque deux appels connexes formés contre des jugements distincts sont pendants devant le même juge d'appel, la jonction pour connexité n'implique aucun renvoi et est, dès lors, parfaitement valable sur pied de l'article 856 alinéa 2 du Code judiciaire [16], [17]. Cette disposition, qui s'applique en degré d'appel conformément à l'article 1042 du même code, dispose en effet que “si les causes connexes sont pendantes devant le même juge, elles peuvent être jointes, même d'office.” [18].

2.2. L'effet dévolutif élargi de l'appel

11.En première instance, les caractères exclusif et restrictif des compétences du juge statuant “comme en référé” empêchent tout mécanisme de prorogation de compétence, de connexité ou de litispendance entre une demande en cessation et une demande au fond ordinaire [19].

D'une part, le caractère exclusif [20] de ces compétences signifie que le président siégeant “comme en référé” est seul compétent pour prononcer une mesure de cessation présentant les effets propres à une mesure prononcée par le juge des cessations [21], [22]. D'autre part, leur caractère restrictif implique que ce même président ne peut se prononcer que sur la demande de cessation [23].

En l'espèce, les demandes introduites ne pouvaient donc être jointes ni devant le président du tribunal de commerce de Louvain, statuant “comme en référé”, ni devant le tribunal de commerce de Louvain, statuant au fond ordinaire.

12.Cependant, comme l'a démontré H. Boularbah dans une note parue dans cette revue en 1999 [24], l'effet dévolutif élargi résultant des articles 643 et 1068 du Code judiciaire, conduit “à éliminer totalement en degré d'appel les c­ontestations relatives à la compétence du juge des cessations” [25].

En effet, comme il est précisé à l'article 1068 du Code judiciaire, l'effet dévolutif implique que le juge d'appel est saisi, dans les limites de l'appel principal ou incident, de l'ensemble du litige avec toutes les questions de fait ou de droit qu'il comporte [26], quand bien même celles-ci n'auraient pas été débattues devant le premier juge [27].

En outre, en application de l'article 643 du même code, le juge d'appel, statuant sur un déclinatoire de compétence, est tenu de renvoyer la cause, s'il y a lieu, devant le juge d'appel compétent [28]. Il découle de cette disposition que le juge d'appel peut se renvoyer l'affaire à lui-même s'il est le juge compétent pour statuer en appel de la juridiction à laquelle le litige aurait normalement dû être soumis [29]. Dans ce cas, le juge d'appel est compétent pour se prononcer sur le fond du litige en vertu de l'effet dévolutif de l'appel [30].

L'application combinée des articles précités permet donc à une juridiction d'appel, lorsqu'elle est le juge d'appel tant du juge initialement saisi que du juge compétent en réalité, de vider l'ensemble des questions litigieuses relatives au litige, même si le premier juge était incompétent ratione materiae [31], [32].

Seul pourrait éventuellement se produire un incident de répartition au sein de la juridiction d'appel si la chambre de la cour à laquelle l'appel a été déféré n'était pas celle à laquelle le règlement de la cour attribue les appels contre les décisions du juge compétent en première instance [33].

13.En matière de procédures “comme en référé”, ce raisonnement est susceptible de s'appliquer fréquemment, car la cour d'appel constitue le juge d'appel tant des tribunaux de première instance et de commerce [34] que des présidents de ces juridictions siégeant en référé ou “comme en référé” [35].

Lorsqu'il trouve à s'appliquer, il prive d'intérêt [36] tout déclinatoire de compétence qui serait soulevé, en degré d'appel, sur la base du caractère exclusif ou restrictif des compétences présidentielles exercées “comme en référé”. En effet, d'une part, le juge d'appel du juge ordinaire [37] peut connaître d'une demande de cessation [38], s'il constitue simultanément la juridiction d'appel du juge compétent pour statuer “comme en référé”. D'autre part, le juge d'appel du juge des cessations peut connaître d'une demande étrangère à ses compétences restrictives, s'il est également la juridiction d'appel du juge compétent pour statuer au fond ordinaire [39], [40].

14.Par conséquent, lorsque - comme en l'espèce - le même juge d'appel est compétent pour connaître de l'appel contre des jugements au fond ordinaire et de l'appel contre un jugement “comme en référé”, aucun motif de compétence ne s'oppose à la jonction de ces appels pour connexité ou pour litispendance.

2.3. Les différences procédurales entre l'instance au fond ordinaire et l'instance “comme en référé”

15.Enfin, certains auteurs soutiennent qu'il ne pourrait y avoir ni litispendance ni connexité entre une action au fond ordinaire et une action “comme en référé” “en raison de l'autonomie propre de ce dernier type d'action” [41].

Dans l'espèce commentée, il semble que ce soit cet argument qui ait été retenu par la cour d'appel de Bruxelles pour rejeter la demande de jonction de Bracco Belgium.

16.Cette pétition de principe ne peut cependant plus être retenue depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 29 mai 1998, aux termes duquel il peut y avoir litispendance, au sens de l'article 29 du Code judiciaire, lorsqu'une même demande provisoire est formée devant le juge du fond et devant le juge des référés [42]. Nous n'apercevons pas de raison de retenir une solution différente en cas de connexité, ou lorsqu'une même demande au fond est formée devant le juge ordinaire et devant le juge statuant “comme en référé”. En d'autres termes, l'application des formes du référé ne constitue pas un obstacle ontologique à la jonction pour cause de litispendance ou de connexité, de deux demandes présentant le même caractère provisoire ou définitif, dont l'une est soumise aux formes du référé et l'autre est régie par les formes de la procédure ordinaire.

17.Mises à part les questions de compétence examinées ci-dessus (2.2.), il n'y a pas d'“autonomie propre” de l'action “comme en référé” vis-à-vis de l'action au fond ordinaire, mais seulement quelques différences procédurales dans le traitement de ces deux actions. En degré d'appel, ces différences concernent uniquement le délai de comparution et la mise en état. Le délai de comparution est de deux jours pour l'appel du jugement “comme en référé” [43] tandis qu'il dure quinze jours pour l'appel du jugement au fond ordinaire [44]. Quant à la mise en état, les articles 1040 alinéa 3 et 1066 alinéa 2 du Code judiciaire prévoient que sauf accord des parties, l'appel du jugement “comme en référé” est retenu et plaidé lors de l'audience d'introduction ou dans les trois mois au plus [45].

En règle, en cas de jonction pour connexité ou litispendance de l'appel d'un jugement au fond ordinaire et de l'appel d'un jugement “comme en référé”, il s'agit donc de respecter tant les délais respectifs de comparution de chacun des appels [46], que la mise en état dans les formes du “circuit court” et la plaidoirie dans les trois mois de l'appel du jugement “comme en référé” [47].

18.Encore le respect de ces délais de comparution et de mise en état n'est-il pas sévèrement sanctionné.

En ce qui concerne les délais de comparution, la nullité absolue [48] de l'acte d'appel résultant de leur méconnaissance, peut être couverte, sur pied de l'article 867 du Code judiciaire, si le but légal de ces délais a pu être atteint [49], ce qui sera notamment le cas si l'affaire fait l'objet d'une remise contradictoire à une audience d'introduction fixée après l'expiration de ces délais d'attente [50].

Quant à la mise en état selon l'article 1066 du Code judiciaire, non seulement cette disposition ne prévoit qu'un délai d'ordre non sanctionné [51], mais encore ne semble-t-elle pas s'appliquer lorsque l'examen du bien-fondé de l'appel contre le jugement “comme en référé” ne peut pas être dissocié de celui de l'appel contre le jugement au fond ordinaire [52].

2.4. Conclusion sur la demande de jonction

19.Dans l'espèce commentée, il n'y avait aucun obstacle à la jonction de l'appel contre les jugements au fond ordinaire et de l'appel contre le jugement “comme en référé”.

En effet, les délais de comparution ont été dûment respectés dans les deux requêtes d'appel. En outre, les deux procédures d'appel semblent avoir été diligentées en parallèle par le biais de calendriers respectifs de mise en état actés lors de la même audience d'introduction [53], et d'une fixation des deux causes aux mêmes audiences de plaidoirie.

Par conséquent, après avoir considéré que les demandes en cessation réciproques étaient identiques à certaines demandes introduites au fond ordinaire, il appartenait, à notre sens, à la cour d'appel de joindre les deux procédures pour cause de litispendance.

3. Conséquences du refus de jonction

20.Abstraction faite du souci d'apporter une solution pragmatique à la coexistence de l'appel contre les jugements au fond ordinaire et de l'appel contre le jugement “comme en référé”, il convient de souligner que le refus de jonction des causes n'était pas exempt de conséquences.

En effet, en ne joignant pas les affaires pendantes devant elle pour connexité ou pour litispendance, la cour s'obligeait, dans chaque procédure, à respecter l'autorité de chose jugée s'attachant au jugement prononcé dans l'autre procédure. Cette conséquence s'explique aisément: deux décisions ont été prononcées au premier degré de juridiction, chacune revêtue d'une autorité de chose jugée [54] subsistant, en vertu de l'article 26 du Code judiciaire, tant qu'elles n'ont pas été infirmées.

Or, sous son aspect positif, l'autorité de chose jugée constitue une présomption irréfragable de vérité entre les parties. Chacune d'entre elles peut désormais se prévaloir du jugement à l'égard de son ancien adversaire [55].

21.En l'espèce, lorsque la cour d'appel de Bruxelles a prononcé le premier arrêt commenté sur l'appel contre les jugements au fond ordinaire et qu'elle y a tranché à la fois les demandes de cessation et les autres demandes au fond, le jugement du président du tribunal de commerce de Louvain n'avait pas encore été réformé. La cour d'appel ne pouvait d'ailleurs pas réformer ce jugement “comme en référé” dans le cadre de l'appel contre les jugements au fond ordinaire [56]. Liée par l'autorité de chose jugée du jugement “comme en référé”, la cour d'appel ne pouvait donc pas, dans son arrêt au fond ordinaire, statuer sur les demandes de cessation dans un autre sens que le président du tribunal de commerce de Louvain. Par conséquent, en déclarant fondée la demande de Braco Cleaning en interdiction d'utilisation du nom commercial “Bracco”, le premier arrêt commenté a violé l'autorité de chose jugée du jugement du président du tribunal de commerce de Louvain, qui avait rejeté cette demande.

Inversement, dans son deuxième arrêt commenté sur l'appel contre le jugement “comme en référé”, la cour d'appel n'aurait pas pu statuer sur la demande en annulation de la marque “Bracco” dans un autre sens que celui décidé par les jugements du tribunal de commerce de Louvain, statuant au fond ordinaire.

22.En d'autres termes, à défaut de jonction des deux procédures d'appel, la cour d'appel de Bruxelles était tenue de respecter la répartition des questions litigieuses qui s'était faite en première instance entre les décisions dont appel. Les demandes de cessation, et elles uniquement, devaient être d'abord jugées dans l'arrêt sur l'appel contre le jugement “comme en référé”. Ensuite, dans l'arrêt sur l'appel contre les jugements au fond ordinaire, la cour devait déclarer irrecevables les demandes identiques, pour cause d'exception de chose jugée, et statuer uniquement sur les demandes supplémentaires.

4. Conclusion

23.Sur la base des caractères exclusif et restrictif des compétences présidentielles exercées “comme en référé”, est unanimement exclue la possibilité de joindre, en première instance, une action en cessation et une action au fond ordinaire, que ce soit pour cause de connexité ou de litispendance.

Par contre, en degré d'appel, lorsque les appels respectifs contre les décisions rendues sur l'action en cessation et sur l'action au fond ordinaire sont portées devant le même juge d'appel compétent, il n'y a plus aucun obstacle à la jonction des deux procédures, sous réserve du respect des délais de comparution et de la procédure de débats succincts prévue par l'article 1066 du Code judiciaire.

Il s'agit là d'une solution simple et pratique aux inconvénients issus de la coexistence de deux procédures au fond ordinaire et “comme en référé” devant le même juge d'appel, et notamment à l'exigence, dans chaque procédure, de respecter l'autorité positive de chose jugée du jugement prononcé dans l'autre procédure.

[1] Collaborateur du cabinet d'avocats Linklaters De Bandt et chercheur au Centre de droit privé de l'Université Libre de Bruxelles.
[2] Collaboratrice du cabinet d'avocats Linklaters De Bandt.
[3] Les arrêts annotés ne précisent pas les motifs ayant conduit au rejet de ces demandes.
[4] Les arrêts annotés ne précisent pas davantage les motifs du rejet des demandes principales au fond ordinaire de Bracco Belgium. Comme il sera exposé ci-dessous à l'égard des demandes reconventionnelles de Braco Cleaning (voy. n° 4), la demande d'interdiction d'usage du nom commercial était, en toute hypothèse, irrecevable pour cause d'exception de chose jugée.
[5] Pour le surplus, les jugements du tribunal de commerce de Louvain ont déclaré la demande de dommages-intérêts pour procédure téméraire et vexatoire non fondée, et la demande d'annulation de la marque déposée par Bracco Belgium irrecevable à défaut d'intérêt.
[6] Cass. 15 décembre 1978, Pas. 1979, I, 460; Bruxelles 15 novembre 1995, Pas. II, 68; Ch. Dalcq et S. Uhlig, “Vers et pour une théorie générale du 'comme en référé': le point sur les questions transversales de compétence et de procédure”, in X., Les actions en cessation, CUP, vol. 87, Bruxelles, Larcier, 2006, pp. 7 et s., spéc. p. 61; M. Storme, “De voorzitter, zetelend zoals in kort geding, meester of metamorfose?”, in X., Le développement des procédurescomme en référé. De ontwikkeling van de procedures “zoals in kort geding”, CIUDJ / IUCGR, Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 1 et s., spéc. p. 14.
[7] Art. 23 à 27 C. jud. Bien que la question ne se posait pas dans le cas d'espèce - où les parties avaient introduit des demandes d'interdiction identiques devant le juge des cessations et devant le juge ordinaire -, il convient de rappeler que la notion d'autorité de la chose jugée est appliquée de manière souple et non formaliste. Ainsi, la Cour de cassation a précisé à cet égard que “de ce qu'il n'y a pas identité entre l'objet et la cause d'une action définitivement jugée et ceux d'une autre action ultérieurement exercée entre les mêmes parties, il ne se déduit pas nécessairement que pareille identité n'existe à l'égard d'aucune autre prétention ou contestation élevée par une partie dans l'une et l'autre instance, ni, partant, que le juge puisse accueillir une prétention dont le fondement est inconciliable avec la chose antérieurement jugée” (Cass. 27 mars 1998, Bull. Cass., n° 174). En d'autres mots, lorsqu'une question litigieuse a été posée à un juge, statuant au fond, et résolue par lui, cette question ne pourra plus être soulevée dans un nouveau procès entre les mêmes parties (J. Van Compernolle, “Considérations sur la nature et l'étendue de l'autorité de la chose jugée en matière civile”, note sous Cass. 10 septembre 1981, R.C.J.B. 1984, pp. 241 et s., spéc. pp. 252 et 253, n° 17). Pour l'application aux décisions du juge des cessations, voy. A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 256 et 257, n° 156; J. Laenens, “De vordering tot staking herbezocht”, in X., De Nieuwe Wet Handelspraktijken, Anvers, Kluwer, 1992, pp. 149 et s., spéc. pp. 154 et 155, n° 9.
[8] En matière civile, l'exception de chose jugée n'est pas d'ordre public et ne peut pas être soulevée d'office par le juge (art. 27 al. 2 C. jud.; Cass. 20 octobre 1994, Pas., I, 846).
[9] Malgré son appellation traditionnelle d' “exception”, la chose jugée constitue bien une fin de non-recevoir, et n'est donc pas soumise au régime des exceptions de procédure. Ainsi, elle peut être invoquée à tout moment par la partie qui peut s'en prévaloir (G. de Leval, Éléments de procédure civile, 2ème éd., Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 51 et s. et 251 et s., nos 32 et 173; G. Closset-Marchal, “Exceptions de nullité, fins de non-recevoir et violation des règles touchant à l'organisation judiciaire”, note sous Cass. 27 mai 1994, R.C.J.B. 1995, pp. 643 et s., spéc. p. 650, n° 13).
[10] Aux audiences d'introduction précédentes des 28 novembre 2003 et 21 avril 2004, l'appel des jugements au fond ordinaire avait fait l'objet de renvois au rôle particulier de la chambre d'introduction. Il en a été de même à l'audience d'introduction du 21 mai 2004 pour l'appel du jugement “comme en référé”.
[11] À notre connaissance, aucun pourvoi en cassation n'a été introduit contre les arrêts annotés.
[12] Le deuxième arrêt commenté a annulé le jugement prononcé “comme en référé”, au motif qu'il a été prononcé par un juge suppléant, alors que le remplacement du président du tribunal par un tel juge n'est pas prévu par les art. 87 et 322 du Code judiciaire.
[13] En termes de dispositif, le deuxième arrêt commenté ne s'est pas prononcé sur l'appel incident de Braco Cleaning. La raison de ce silence doit probablement être trouvée dans le souci d'éviter une contradiction avec le premier arrêt commenté, prononcé sur l'appel des jugements au fond ordinaire, qui avait déclaré fondées les demandes de Braco Cleaning en interdiction d'utilisation du nom commercial “Bracco” et en annulation du dépôt de la marque “Bracco Belgium”. Pour être recevable, le moyen de cassation qui se serait fondé sur cette contradiction, n'aurait pas pu être pris de l'art. 149 de la Constitution, qui ne s'entend que d'une contradiction entre les motifs ou entre les motifs et le dispositif d'une même décision, mais bien de la violation des dispositions relatives à l'autorité de chose jugée (voy. Cass. 16 juin 2004, R.G. P.04.0281.F, http://www.cass.be ; Cass. 1er mars 2001, R.G. C.00.0155.F, http://www.cass.be ).

Dans le même ordre d'idées, c'est vraisemblablement le succès de Braco Cleaning dans son appel contre les jugements au fond ordinaire, qui a conduit la cour d'appel à délaisser à Bracco Belgium l'intégralité des dépens de l'appel contre le jugement “comme en référé”.
[14] Voy. notamment J. Van Compernolle et G. Closset-Marchal, “Examen de jurisprudence (1985 à 1996). Droit judiciaire privé”, R.C.J.B. 1997, pp. 495 et s., spéc. p. 603, n° 161; J. Laenens, “Overzicht van rechtspraak. De bevoegdheid (1979-1992)”, T.P.R. 1993, pp. 1479 et s., spéc. p. 1588, n° 140. Pour des cas d'application, voy. Cass. 11 février 2000, R.D.J.P. 2000, p. 204, et les observations de H. Boularbah, p. 207; Gand 3 février 1989, R.W. 1989-90, p. 156; Civ. Namur 22 juin 1989, J.T. 1990, p. 329. Contra: Comm. Termonde 31 mai 1988, R.W. 1988-89, p. 1134, et la note critique de B. Deconinck, “Dubbele aanleg en exceptie van samenhang”, p. 1135.
[15] D'ailleurs, les règles de renvoi qui sont prévues aux art. 565 et 566 du Code judiciaire et qui touchent à l'ordre public (Cass. 11 mai 1979, Pas., I, 1071), ne prévoient aucune hypothèse de renvoi par ou vers la cour d'appel ou la cour du travail.
[16] Pour un cas d'application et les conséquences d'une jonction pour connexité sur la procédure en cassation subséquente, voy. Cass. 26 novembre 1990, Pas. 1991, I, 312.
[17] De même, la Cour de cassation se reconnaît le pouvoir de joindre d'office, sur pied de l'art. 30 du Code judiciaire, deux pourvois connexes dirigés contre des arrêts distincts (Cass. 11 mars 2002, Pas., I, 697; Cass. 22 octobre 2001, Pas., I, 1680; Cass. 12 décembre 1997, Pas., I, 1427).
[18] A fortiori cette disposition permet-elle de joindre des causes pendantes devant le même juge en cas de litispendance. En l'espèce, il s'agissait en effet davantage d'un cas de litispendance plutôt que de connexité, puisque les arrêts annotés ont constaté que la Cour était saisie de demandes identiques dans le cadre de l'appel contre les jugements au fond ordinaire et de celui contre le jugement “comme en référé”. La litispendance entre les demandes est encore confirmée par l'admission de l'exception de chose jugée en première instance. Sur les liens entre les conditions de la litispendance et celles de l'autorité de chose jugée, voy. G. de Leval, Éléments…, o.c., p. 250, n° 171, note 128.
[19] A ce sujet, voy. récemment H. Boularbah et X. Taton, "Les procédures accélérées en droit commercial (référé, comme en référé, avant dire droit, toutes affaires cessantes): principes, conditions et caractéristiques", in X., Le tribunal de commerce: procédures particulières et recherche d'efficacité, Jeune Barreau, Bruxelles, 2006, p. 7 et suiv., spéc. p. 42 à 51, n° 61 à 69.
[20] Et non spécial, qui n'exclut pas la prorogation de compétence au profit du tribunal de première instance. À ce sujet, voy. notamment Ch. Dalcq et S. Uhlig, “Vers et pour une théorie générale du 'comme en référé'…”, o.c., pp. 36 à 43. Sur la distinction terminologique entre compétences exclusives et spéciales, voy. également A. Fettweis, Précis de droit judiciaire, t. II, La compétence, Bruxelles, Larcier, 1971, pp. 65 à 68, nos 84 à 88.
[21] Certes, un ordre de cessation peut également être demandé au juge ordinaire à titre de réparation en nature ou au juge des référés en tant que mesure provisoire et urgente. Toutefois, cette décision, prononcée à l'issue d'une procédure ordinaire ou par le juge des référés, n'est pas revêtue de l'autorité ni des conséquences particulières que sont celles des jugements prononcés “comme en référé” (H. Boularbah et X. Taton, “Les procédures accélérées...”, o.c., p. 43, n° 62.).
[22] Aucune autre juridiction ne pourra donc connaître d'une demande en cessation présentant de tels effets, que ce soit par voie de demande directe, de demande incidente, de prorogation de compétence, de connexité ou encore de litispendance. Sur les doutes existant cependant en cas de prorogation de compétence sur demandes incidentes, de connexité et de litispendance entre deux actions “comme en référé”, et de jonction directe pour connexité d'une action “comme en référé” et d'une action en référé dans le même acte introductif d'instance, voy. notamment Ch. Dalcq et S. Uhlig, “Vers et pour une théorie générale du 'comme en référé'…”, o.c., pp. 39 à 47; S. Uhlig, “Questions actuelles en matière de compétence”, in X., Actualités et développements récents en droit judiciaire, CUP, vol. 70, Bruxelles, Larcier, 2004, pp. 9 et s., spéc. pp. 48 à 54; J.-F. van Drooghenbroeck, “La nature et le régime de la compétence exercée 'comme en référé'. L'exemple de l'action en dommages et intérêts”, J.T. 1996, pp. 554 et s.
[23] Ainsi, par exemple, une demande portant sur des dommages et intérêts ne pourrait pas être valablement formée devant le président siégeant “comme en référé”, sauf s'il s'agit d'une demande reconventionnelle pour procédure téméraire et vexatoire (art. 563 al. 3 C. jud.; Cass. 4 octobre 1979, R.W. 1979-80, p. 2007; G. Closset-Marchal, “Éléments communs aux procédures 'comme en référé'”, in X., Le développement des procédures 'comme en référé'. De ontwikkeling van de procedures 'zoals in kort geding', CIUDJ/IUCGR, Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 17 et s., spéc. p. 24, nos 20 et 21). En l'espèce, le jugement du président du tribunal de commerce de Louvain du 27 juin 2000 a donc valablement statué sur la demande reconventionnelle de Braco Cleaning en dommages-intérêts pour procédure téméraire et vexatoire (voy. supra, n° 3).
[24] H. Boularbah, “L'effet dévolutif de l'appel et le sort en degré d'appel des déclinatoires de la compétence du juge siégeant en référé et comme en référé en matière commerciale”, R.D.C. 1999, pp. 97 et s.
[25] H. Boularbah, ibid., p. 104, n° 19.
[26] G. de Leval, Éléments…, o.c., p. 340.
[27] H. Boularbah, “Variations autour de l'appel des ordonnances 'sur référé'”, in X., Imperat lex. Liber Amicorum Pierre Marchal, Bruxelles, Larcier, 2003, pp. 225 et s., spéc. p. 243, n° 14.
[28] J. Laenens, “La compétence ratione summae, le ressort et le règlement des incidents de compétences”, in X., Le droit judiciaire rénové. Het vernieuwd gerechtelijk recht, CIUDJ/IUCGR, Bruxelles, Kluwer, 1992, pp. 69 et s., spéc. p. 75, n° 16.
[29] Pour un cas d'application, voy. Liège 30 janvier 1979, J.T. 1979, p. 424. Contra: Liège 14 mars 2000, J.L.M.B. 2000, p. 1169 , qui fait primer, à tort selon nous, la connexité existant en première instance sur l'art. 643 du Code judiciaire.
[30] Cass. 16 novembre 1989, R.D.C. 1991, p. 572, et les observations de V. Simonart, “Observations sur l'effet dévolutif de l'appel en matière de la faillite”, pp. 574 et s.; Bruxelles 7 juin 1995, DAOR 1995, n° 37, p. 74; Bruxelles 4 juin 1987, J.T. 1988, p. 108; H. Boularbah, “L'effet dévolutif…”, o.c., pp. 99 et 100, nos 6 et 8.
[31] Cass. 5 mai 1994, Pas., I, 444; Cass. 3 mars 1989, Pas., I, 686; Cass. 10 octobre 1973, Pas. 1974, I, 154; Cass. 21 janvier 1972, Pas., I, 494. Pour une solution identique en matière de compétence territoriale d'ordre public, voy. Cass. 26 septembre 1996, Pas., I, 860.
[32] S'il ne permet pas d'éliminer les vices de l'acte introductif d'instance (voy. Cass. 27 mai 1994, et la note précitée de G. Closset-Marchal), l'effet dévolutif de l'appel purge donc, dans ce cas, les vices d'incompétence de la saisine du premier juge (H. Boularbah, “L'effet dévolutif…”, o.c., p. 100, n° 7).
[33] Voy. Liège 30 janvier 1979, J.T. 1979, p. 424. En vertu de l'art. 109 al. 2 du Code judiciaire, cet incident de répartition se règle selon la procédure définie à l'art. 88 § 2 du même code.
[34] Art. 602, 1° C. jud.
[35] Art. 602, 2° C. jud.
[36] Bruxelles 22 février 1993, Rev. prat. soc. 1993, p. 168, et les observations de F. T'Kint, pp. 182 et s.
[37] Voire du juge des référés (Anvers (5ème ch.) 19 décembre 1995, A.R. 280/93, inédit, cité par H. Boularbah, “L'effet dévolutif…”, o.c., p. 101, n° 11).
[38] Ce qui est exclu en première instance, en vertu du caractère exclusif des compétences du juge des cessations (voy. ci-dessus, n° 7).
[39] Liège 8 janvier 2004, J.L.M.B. 2004, p. 718 ; Bruxelles 18 février 2002, R.W. 2003-04, p. 1467; Bruxelles 3 avril 1998, R.D.C. 1999, p. 119, et la note de A. Puttemans, “'Les hommes savent pourquoi', mais les juges? Ou que reste-t-il de la compétence du juge de la cessation (en matière de marque par exemple) si le juge de l'action n'est plus le juge de l'exception”, pp. 122 et s.; Anvers (5ème ch.) 9 janvier 1996, A.R. 3192/91, inédit, cité par H. Boularbah, “L'effet dévolutif…”, o.c., pp. 101 et 102, n° 12.
[40] Sauf dans l'hypothèse où l'urgence n'est pas invoquée dans la citation, ce raisonnement n'est pas applicable au juge d'appel du juge des référés. En effet, dans cette matière, l'effet dévolutif ne saisit le juge d'appel que de l'intégralité du provisoire, de sorte qu'il ne pourrait pas statuer sur le fond du litige (H. Boularbah, “Variations…”, o.c., pp. 243 et 244, nos 14 et 15).
[41] Ch. Dalcq et S. Uhlig, “Vers et pour une théorie générale du 'comme en référé'…”, o.c., p. 43; Ch. Dalcq, “Les actions 'comme en référé'”, in X., Le référé judiciaire, Bruxelles, Éd. du Jeune Barreau, 2003, pp. 145 et s., spéc. p. 182. Ces auteurs ne motivent cependant pas leur affirmation.
[42] Cass. 29 mai 1998, R.D.J.P. 1999, p. 106.
[43] Art. 1035 et 1040 C.ode .; Cass. 31 janvier 1997, Bull. Cass. n° 55.
[44] Art. 1062 C. jud.
[45] G. Closset-Marchal, “Éléments communs…”, o.c., pp. 35 et 36, n° 61.
[46] En d'autres termes, la connexité ne peut être prononcée au plus tôt qu'à une audience d'introduction fixée au moins quinze jours après la signification ou la notification de l'acte d'appel contre le jugement au fond ordinaire, et au moins deux jours après la signification ou la notification de l'acte d'appel contre le jugement “comme en référé”. Remarquons qu'en cas d'appel par requête, le nouvel art. 53bis du Code judiciaire, inséré par l'art. 2 de la loi du 13 décembre 2005 (M.B. 21 décembre 2005, p. 54.532) ne fait courir le délai de comparution qu'à partir de la réception du pli judiciaire par l'intimé, soit à un moment inconnu du greffe. Très concrètement, les premiers commentateurs de cette disposition conseillent au greffier de laisser un délai supplémentaire de trois jours ouvrables entre la date de remise du pli aux services de la poste et la date de l'audience d'introduction (H. Boularbah et J. Englebert, “Questions d'actualité en procédure civile”, in X., Actualités en droit judiciaire, CUP, vol. 87, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 43 et s., spéc. p. 46, n° 15 et la note 47). Par contre, cette disposition n'est pas applicable à la signification de l'acte d'appel par voie d'huissier (sauf peut-être lorsqu'elle intervient par la voie recommandée sur pied de l'art. 40 C. jud.), ce qui peut conférer un avantage pratique non négligeable à l'appel par exploit d'huissier dans les affaires urgentes.
[47] Comme la procédure des débats succincts en degré d'appel doit être poursuivie en raison de la nature de la décision dont appel, le fait que le juge d'appel statue sur le fond ordinaire en vertu de l'effet dévolutif élargi ne modifie en rien l'obligation de retenir l'affaire conformément à l'art. 1066 du Code judiciaire (H. Boularbah, “L'effet dévolutif…”, o.c., p. 103, n° 16).
[48] Art. 862 § 1er, 1° C. jud.
[49] Le but légal de ces délais de convocation est de permettre à la partie intimée de comparaître et de disposer d'un temps utile pour préparer ses moyens de défense (H. Boularbah, “Le nouvel article 867 du Code judiciaire”, J.T. 1999, pp. 321 et s., spéc. p. 323, n° 7).
[50] Civ. Liège (saisies) 16 septembre 1996, J.L.M.B. 1996, p. 1660.
[51] Le non-respect de l'art. 1066 du Code judiciaire est sans conséquence sur la régularité de la procédure et de la décision d'appel (voy. Cass. 14 mars 1974, Pas., I, 729).
[52] Par analogie, en cas d'appel d'un jugement mixte, la règle de l'art. 1066 du Code judiciaire ne s'applique que si l'on peut dissocier l'examen du bien-fondé de la mesure avant dire droit de celui de la décision définitive (H. Boularbah, “Questions d'actualité relatives aux débats succincts”, in X., Actualités et développements récents en droit judiciaire, CUP, vol. 70, Bruxelles, Larcier, 2004, pp. 85 et s., spéc. p. 92, n° 7, et les réf. citées). Nous n'apercevons pas de raison de retenir une solution différente en cas d'appels pendants contre un jugement “comme en référé” et contre un jugement au fond ordinaire.
[53] En actant ce calendrier dans la procédure d'appel contre le jugement “comme en référé”, les parties nous semblent avoir renoncé à l'application de l'art. 1066 du Code judiciaire.
[54] Voy. nos développements supra, n° 4.
[55] J. Van Compernolle, “Considérations…”, o.c., pp. 253 et 254, nos 18 et 19.
[56] En effet, l'effet dévolutif de l'appel ne peut pas concerner des questions litigieuses tranchées par une décision autre que celle appelée. Voy. notamment Cass. 4 mai 1984, Pas., I, 1083: “si tout appel d'un jugement définitif saisit du fond du litige le juge d'appel, il ne défère toutefois pas à ce juge les décisions contenues dans un jugement antérieur, non frappé d'appel, et par lesquelles le premier juge a épuisé sa juridiction sur des questions litigieuses”; J. Van Compernolle, “Considérations sur l'effet dévolutif de l'appel dans le Code judiciaire,” note sous Cass. 5 mai 1988, R.C.J.B. 1989, pp. 523 et s., spéc. p. 527, n° 5.