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Actualité, R.D.C.-T.B.H., 2006/6, p. 679-688

ACTUALITÉ

Actualité Concurrence (du 1er octobre au 31 décembre 2005) [2]

TABLE DES MATIERES

Belgique - Service et Conseil de la concurrence

Décision n° 2005-C/C-47 du 26 septembre 2005- Affaire MEDE-C/C-05/0029 - NV De Persgroep et NV Rossel & Cie - NV Uitgeversbedrijf De Tijd

Décision n° 2005-I/O-52 du 30 novembre 2005 - Affaire CONC-I/O-98/0012 - Distri-One SA/Coca-Cola Enterprises Belgium SPRL

Décision n° 2005-C/C-56 du 20 décembre 2005- Affaire CONC-C/C-03/050 NV Rossel & Cie - NV De Persgroep - NV Editeco et Affaire MEDE-C/C-05/0068 NV Uitgeversbedrijf Tijd - NV Editeco

Belgique - Cours et tribunaux

Arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 3 novembre 2005, Sabam/Productions & Marketing SA

Arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 10 novembre 2005, Wallonie Expo/Febiac

CE - Jurisprudence

Arrêt du Tribunal de première instance duJur.29 novembre 2005, Britannia Alloys/Commissie, T-33/02, non encore publié au Jur.

Belgique - Service et Conseil de la concurrence
Décision n° 2005-C/C-47 du 26 septembre 2005- Affaire MEDE-C/C-05/0029 - NV De Persgroep et NV Rossel & Cie - NV Uitgeversbedrijf De Tijd

La reprise de l'entreprise Uitgeversbedrijf Tijd par Rossel (Le Soir) et De Persgroep (De Morgen, Het Laatste Nieuws) a été approuvée sous conditions par le Conseil de la concurrence. Le Conseil avait examiné dans ce cadre les différents marchés pertinents. En premier lieu, l'enquête se rapportait au marché belge des journaux d'affaires dont De Tijd a le monopole. Eu égard à l'existence de ce monopole, la concentration ne peut aboutir à la création ou au renforcement d'une position dominante. Toutefois, le Conseil était confronté à une situation unique étant donné que du fait de la concentration susvisée, ce monopole serait détenu par des entreprises disposant déjà d'un monopole sur le marché des journaux d'affaires francophones, à savoir L'Echo [3]. Vu que ces deux marchés sont caractérisés par des barrières importantes à l'entrée (les rendant pratiquement inaccessibles), le Conseil est d'avis que la concentration n'aggravera pas la situation existante. Toutefois, le Conseil se pose aussi la question de savoir si la combinaison d'un monopole sur le marché des journaux d'affaires néerlandophones pourrait conduire à un renforcement de la position desdits marchés. Le Conseil estime que de tels effets leviers négatifs ne pourront pas être exclus et que l'application d'une condition proposée par une des parties notifiantes relative à l'interdiction de faire une offre conjointe (entre par exemple De Tijd et De Morgen) est nécessaire.

En ce qui concerne le marché belge de la publicité à caractère financier et de la publicité à des fins légales, le Conseil tient compte du contrôle conjoint de De Tijd et de L'Echo, et le Conseil estime qu'il n'est pas impossible que la concentration cause l'exclusion d'autres journaux sur ce marché. Certaines conditions sont dès lors imposées pour la vente conjointe d'espaces publicitaires dans De Tijd d'une part et dans tout autre journal édité par Rossel ou De Persgroep d'autre part. En ce qui concerne les annonces d'offres d'emploi, le Conseil décide que les parties notifiantes ne disposent pas d'une puissance significative sur le marché de nature à entraîner une exclusion et qu'aucune condition ne doit être imposée.

Enfin, le Conseil examine le marché pour la fourniture de données financières formatées à la presse écrite (publishing on demand). L'entreprise Tijd Beursmedia, filiale de l'entreprise Uitgeversbedrijf Tijd, et Editeco fournissent ces données à presque tous les journaux en Belgique. C'est pourquoi certaines conditions sont imposées afin de permettre aux entrants potentiels d'entrer effectivement dans le marché.

Décision n° 2005-I/O-52 du 30 novembre 2005 - Affaire CONC-I/O-98/0012 - Distri-One SA/Coca-Cola Enterprises Belgium SPRL

Cette affaire traite une plainte adressée contre Coca-Cola Enterprises Belgium (“CCEB”) par Distri-One, qui est un distributeur grossiste notammant des bouteilles de Coca-Cola. Distri-One soutient que CCEB a abusé de sa position dominante sur le marché en lui appliquant des conditions de vente discriminatoires, entre autres en ce qui concerne la politique de prix, la procédure de commande et la notification obligatoire de la destination des produits distribués.

Conformément aux décisions de la Commission européenne, le Conseil définit le marché concerné comme étant le marché belge des boissons rafraîchissantes gazeuses sans alcool (à l'exclusion des eaux aromatisées). Le Conseil établit que CCEB dispose sur le marché tel que défini ci-dessus d'une position dominante, compte tenu de sa part du marché de 55%, de l'importance des écarts entre les parts du marché de ses concurrents et de la stabilité importante de ses parts du marché.

Ensuite, à la requête de CCEB, le Conseil examine s'il est possible en droit belge de clôturer une procédure ouverte à charge d'une entreprise accusée d'un abus de position dominante au moyen de l'acceptation d'engagements pris par l'entreprise faisant l'objet de ladite procédure. Cette possibilité a été contestée par Distri-One dès lors que la loi sur la protection de la concurrence économique ne la prévoit pas expressément. Toutefois, le règlement 1/2003 prévoit que les autorités nationales de la concurrence sont compétentes pour appliquer les articles 81 et 82 CE dans des cas individuels et qu'à cette fin, elles peuvent accepter des engagements. Étant donné que les pratiques concernées de CCEB sont susceptibles d'affecter le commerce entre États (de sorte que le Conseil, en vertu du règlement 1/2003, doit appliquer l'art. 82 CE à ces pratiques) et étant donné que le règlement 1/2003 est directement applicable dans tout État membre, le Conseil se déclare compétent pour clôturer la procédure en cours et pour accepter des engagements. Le Conseil entérine les engagements proposés, tels que modifiés suite aux observations des concurrents et des clients de CCEB, et clôture la procédure sans qu'il ne soit nécessaire d'établir s'il y a eu infraction.

Décision n° 2005-C/C-56 du 20 décembre 2005- Affaire CONC-C/C-03/050 NV Rossel & Cie - NV De Persgroep - NV Editeco et Affaire MEDE-C/C-05/0068 NV Uitgeversbedrijf Tijd - NV Editeco

Suite à l'arrêt de la cour d'appel du 15 septembre 2005 [4], le Conseil de la concurrence devait réexaminer l'admissibilité de la reprise d'Editeco (l'éditeur du journal d'affaire français L'Echo) notifiée en 2003.

Les sociétés Rossel et de De Persgroep ont réexaminé l'opération à cet effet. Aux termes de celle-ci, Rossel et De Persgroep devaient acquérir un contrôle conjoint sur Editeco avant de céder la totalité de leurs actions à l'entreprise Uitgeversbedrijf Tijd (actuellement Mediafin). L'objectif de la concentration était ainsi de procurer à De Persgroep et Rossel par le biais de l'entreprise Uitgeversbedrijf Tijd le contrôle conjoint sur Editeco et de maintenir celui-ci. Aux termes de la décision commentée, le Conseil considère que l'entreprise Uitgeversbedrijf Tijd ne représente qu'un véhicule pour acquérir le contrôle sur Editeco et examine la concentration dans cette optique.

IPM (l'éditeur de La Dernière Heure notamment) s'est opposé à cette procédure en soulevant que la convention originale n'avait pas été renotifiée. Le Conseil estime toutefois que la nouvelle notification permet au contraire d'examiner la concentration sur le plan du droit de la concurrence, eu égard à la reprise de l'entreprise Uitgeversbedrijf Tijd (voy. supra). Le Conseil considère par conséquent que c'est à son droit que les parties ont modifié leur opération originaire.

Le Conseil a approuvé la concentration, moyennant le respect de certaines conditions outre celles imposées pour la reprise de De Tijd (voy. supra), initialement proposées par les parties elles-mêmes, le Conseil a également estimé qu'il fallait imposer des conditions afin de garantir la liberté de choix sur le marché belge de la publicité thématique dans les journaux belges francophones, eu égard à la part de marché importante de Rossel.

Belgique - Cours et tribunaux
Arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 3 novembre 2005, Sabam/Productions & Marketing SA

En 2000, le bureau d'événements Productions & Marketing (“P&M”) a introduit auprès de la Sabam une demande d'autorisation afin de pouvoir exécuter, moyennant paiement d'une redevance des oeuvres du répertoire de la Sabam à l'occasion de concerts organisés par P&M. La Sabam accorde une réduction de redevances pour autant que certaines conditions soient respectées. En outre, il résulte de la correspondance entre les parties que la Sabam offre une réduction supplémentaire de 50% aux entreprises qui se voient octroyer le statut de “grand organisateur”. La Sabam a soumis l'attribution de cette réduction supplémentaire à P&M à certaines conditions. P&M a calculé les droits d'auteur dus en tenant compte de cette réduction supplémentaire de 50%. La Sabam a toutefois jugé que P&M n'avait pas droit à cette réduction et a par conséquent introduit une procédure en paiement des factures qui avaient été contestées par P&M. Dans le cadre de cette procédure, une question préjudicielle a été posée à la cour d'appel étant donné que P&M affirmait que la Sabam se rendait coupable d'abus de position dominante.

La cour constate que la Sabam dispose d'un monopole de fait sur le marché de services relatifs à la protection des droits d'auteurs d'oeuvres musicales. En outre, elle est un partenaire obligatoire des organisateurs de spectacles musicaux et a le pouvoir de faire obstacle à une concurrence effective sur ce marché distinct.

La cour reconnaît qu'il ne peut pas être reproché à la Sabam de subordonner son autorisation à des conditions visant à assurer le paiement des redevances qu'elle a pour mission de percevoir. Cependant, la cour observe que certains critères appliqués par la Sabam (entre autres un volume minimum annuel des redevances générées par l'utilisateur) n'étaient nullement de nature à diminuer le risque de non-paiement des factures. Bien que le système soit de nature à stimuler le respect par les nouveaux partenaires de la Sabam de leurs engagements, cet objectif ne peut être obtenu que si la tarification différenciée fait l'objet d'une publicité et si elle répond à une exigence de transparence. En l'espèce, la cour constate que le système de réduction ne fait l'objet d'aucun écrit connu d'avance par les utilisateurs, qui par conséquent étaient dépendants de la manière dont la Sabam définit au cas par cas la portée réelle des conditions requises pour l'application de la réduction. La cour décide que la Sabam a abusé sa position dominante par l'application de conditions inégales à des prestations équivalentes.

Arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 10 novembre 2005, Wallonie Expo/Febiac

Le salon “Truck & Transport 2005” organisé par la Febia s'est déroulé au mois de janvier 2005. Afin d'être admis à ce salon, les exposants devaient satisfaire à un certain nombre de conditions; ils ne pouvaient pas participer à une exposition concurrente pendant une période de six mois avant l'ouverture du salon Febiac jusqu'à la fermeture du salon. Le règlement ne prévoit pas la possibilité d'obtenir une dérogation à l'interdiction de non-concurrence. Wallonie Expo (“WEX”) a décidé d'organiser dans ses bâtiments une exposition qui devait avoir lieu au mois d'octobre 2004 et qui s'adressait aux professionnels du transport. Au moment où la WEX a pris connaissance de l'interdiction de concurrence, elle a exigé que la Febiac supprime l'interdiction qui serait appliquée au salon organisé par WEX. Ensuite, la WEX a introduit une action en cessation, dans le cadre de laquelle une question préjudicielle était posée à la cour d'appel.

Étant donné qu'il s'agit d'un salon de véhicules utilitaires lourds importés et que la majorité des constructeurs et des importateurs participent au salon organisé par la Febiac, la cour considère que toute restriction à la liberté de participer à des événements concurrents, même si l'interdiction se limite aux événements organisés en Belgique, est susceptible d'avoir une incidence sur les échanges intracommunautaires. La cour estime que le règlement de la Febiac constitue une décision d'associations d'entreprises qui a pour effet et pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81 CE mais que cette restriction est de minimis étant donné que le salon Febiac n'est organisé que tous les deux ans et qu'il ne fait pas obstacle à l'organisation de ou à la participation à d'autres foires dans les dix-huit mois qui suivent une foire organisée par la Febia.

La cour constate toutefois l'existence d'un abus de position dominante dans le chef de la Febiac étant donné que la clause - limitée dans le temps, mais absolue - a pour effet de faire obstacle à toute concurrence durant une période de six mois précédant le salon de la Febiac. Eu égard au monopole de fait de Febiac sur le marché de l'organisation de salons portant sur les véhicules utilitaires, la concurrence sur ce marché est très affaiblie et tout acte d'une entreprise dominante ayant pour effet de restreindre la concurrence même faiblement, est interdit.

CE - Jurisprudence
Arrêt du Tribunal de première instance duJur.29 novembre 2005, Britannia Alloys/Commissie, T-33/02, non encore publié au Jur.

Dans le cadre de l'introduction d'un recours contre une décision prise par la Commission concernant une entente sur le marché du phosphate de zinc, le Tribunal confirme que pour le calcul du montant total des amendes imposées aux entreprises concernées (10% du chiffre d'affaires), la Commission est obligée de se référer au chiffre d'affaires du dernier exercice social complet reflétant les activités économiques normales pendant une période de douze mois. Si une entreprise n'a pas exercé d'activité économique au cours de l'exercice social précédent, le chiffre d'affaires pour cette période ne donne aucune indication de l'importance de ladite entreprise.

Le montant maximum des amendes qui peuvent être infligées doit être proportionnel à l'importance de l'entreprise.

Koen Baekelandt

Avocat au barreau de Bruxelles

[1] La plupart des décisions et des arrêts mentionnés dans cette contribution, sont disponibles sur les sites Internet du Conseil de la concurrence (http://www.mineco.fgov.be ), de la Commission européenne (http://europa.eu.int/comm/competition ), des juridictions nationales (http://www.cass.be ) et des juridictions européennes (http://curia.eu.int ).
[2] Bien que, conformément à l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 15 septembre 2005 (voy. infra), l'autorisation de concurrence n'existait plus au moment de la décision prise par le Conseil en cause de De Tijd pour la reprise d'Editeco (l'éditeur de L'Echo).
[3] Voy. R.D.C. 2006, vol. 2.