Article

Cour d'appel Liège, 21/12/2004, R.D.C.-T.B.H., 2006/2, p. 260-262

Cour d'appel de Liège 21 décembre 2004

AANNEMING
Uitvoering - Bewijslast van correcte uitvoering
De aannemer die betaling vraagt van het saldo van de aannemingssom moet bewijzen dat de werken volgens opdracht en overeenkomstig de regels van het vak werden uitgevoerd. In geval van geschil behoort het de aannemer het initiatief te nemen om de goede uitvoering van zijn werk te doen vaststellen.
CONTRAT D'ENTREPRISE
Exécution - Charge de la preuve de l'exécution conforme
L'entrepreneur qui demande le paiement du solde du montant du marché doit prouver que les travaux ont été effectués suivant la commande et conformément aux règles du métier. En cas de litige, il appartient à l'entrepreneur de prendre l'initiative pour faire constater la bonne exécution de son travail.

SPRL Limabel / SA Solheid Construction

Siég.: R. de Francquen (président), M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers)
Pl.: Mes P. Henry, B. de Cocqueau et A.-S. Chagnaud loco J. Rathmes

(...)

Attendu que l'action introduite par la SA Solheid Constructions tend à obtenir la condamnation de l'appelante au paiement du solde de sa facture du 31 juillet 1997 relative à des travaux d'aménagement portant principalement sur l'asphaltage en tarmac du chemin joignant un immeuble lui appartenant.

Antécédents

1. Les travaux ont été commandés le 17 avril 1997, effectués suivant l'appelante dans le courant du mois de juin 1997 et facturés le 31 juillet 1997 pour le prix de 273.980 FB, la TVA étant prise en charge par le cocontractant.

2. Limabel explique que “rapidement, (elle a) signalé des malfaçons à l'entrepreneur (et que) de sa propre initiative, celui-ci (a alors posé) une couche d'émulsion et de sable sur la route début juillet 1997” (conclusions d'appel, pt. 2, p. 2). Le fait n'est pas contesté.

3. Le 31 juillet 1997, le responsable de l'appelante écrit à Solheid Constructions en ces termes:

“Nous avons le regret de vous informer que nous refusons formellement la couche d'émulsion et sable que vous avez posé sur la couche de tarmac initiale afin de colmater cette dernière.

Nous vous saurions gré de remédier à ces travaux, car nous portons tout le sable à l'intérieur de notre maison.

Dans l'attente de votre intervention rapide...”.

4. Le sable est balayé; Limabel paye 200.000 FB le 5 septembre 1997, le solde étant retenu “du fait de la mauvaise réalisation du travail de pose du tarmac” (conclusions L., pt. 4, p. 2).

5. Le 11 février 1998, le conseil de Solheid Constructions met en demeure Limabel de payer le solde de la facture majoré d'une clause pénale de 15% et des intérêts calculés au même taux et dès le 26 février, citation est signifiée à l'appelante pour l'audience du 12 mars 1998.

6. Le 2 mars 1998, le conseil de Limabel répond à la mise en demeure du 11 février en ces termes:

“Comme elle a eu l'occasion de l'écrire via Mr. Roger Lieber, le 31 juillet 1997, à votre mandante, ma cliente n'accepte pas les travaux réalisés par votre mandante, lesquels ne l'ont pas été conformément aux règles de l'art.

En effet, l'asphalte n'est pas plat, les travaux n'ayant pas été réalisés avec le matériel adéquat, tous les raccords sont visibles, tandis que la route présente des défoncements le long de toutes les bordures et la couche d'usure s'effrite de manière tout à fait anormale.

Une tentative de remise en état par votre cliente n'a donné aucun résultat, les préposés de la société Solheid ayant étendu la colle à l'aide de vulgaires raclettes et le camion en redémarrant arrachait l'asphalte qui restait accroché aux pneus.

Ma cliente avait proposé d'envisager une nouvelle intervention au printemps.

Au lieu de cela, votre cliente prend des attitudes agressives.

Dans les conditions qui précèdent, lesquelles ont été notifiées en temps utile à votre mandante, il est évidemment exclu de réserver une suite favorable à votre demande et ma cliente ne paiera pas un franc supplémentaire aussi longtemps que les choses ne seront pas parfaitement en état.

Bien plus, si une remise satisfaisante ne devait pas être opérée à brève échéance, nous nous réservons de prendre l'initiative d'une procédure en désignation d'expert.”

7. À l'audience du 12 mars 1998, la cause sera renvoyée au rôle où elle restera pendant près de quatre ans... jusqu'au dépôt par l'intimée le 7 février 2002 d'une requête en aménagement des délais pour conclure.

Le 21 mai 2002, Limabel qui maintient que la retenue opérée par elle est parfaitement justifiée, conclut au rejet de la demande.

À titre subsidiaire, elle suggère cependant au tribunal de se rendre sur les lieux en compagnie d'un expert ou de recourir à une mesure d'expertise classique.

Solheid Constructions s'oppose à cette demande, faisant état de l'écoulement du temps et de ce qu'“entre commerçants, le silence pendant un laps de temps si long vaut approbation” (conclusions, pt. 3.2., p. 3).

8. Le tribunal accueille la demande de l'entrepreneur dont elle réduit toutefois d'office le taux des intérêts moratoires et le montant de la clause pénale ce qui justifie l'appel incident interjeté par celui-ci.

Les principaux motifs du jugement sont les suivants:

“... il n'y a pas trace d'un accord tacite de la SA Constructions Solheid au sujet d'une réduction de prix vu la mauvaise qualité des travaux;

... la plupart des vices invoqués sont des vices apparents de même qu'étaient apparentes les défectuosités des travaux de réparation reprochées à la SA Constructions Solheid;

... les objections de la SPRL Limabel sont faites tardivement et (…) par conséquent la mesure d'expertise sollicitée ne peut être ordonnée”.

9. En degré d'appel, Limabel produit un rapport unilatéral daté du 22 novembre 2002 qui relève la présence de cinq fissures, la plus longue étant de 8,20 m, la plus courte de 40 cm, qui devraient être refermées afin de ne pas aggraver la situation. Le géomètre expert relève également qu'un joint devrait être placé entre le tarmac et les bordures et signale que le charroi ne peut être mis en cause en ce qui concerne les dégradations constatées.

L'appelante maintient sa position première et conclut toujours subsidiairement qu'“une mesure d'expertise conserve toute sa pertinence, dans la mesure où les lieux n'ont pas été modifiés et (où) les fissures qui sont présentes depuis le départ, peuvent toujours être observées” tout en rappelant, ainsi qu'elle l'avait fait en instance, que “le seul obstacle qui pourrait exister à la désignation d'un expert résulte du coût disproportionné que pourrait entraîner pareille mesure...” (conclusions, pt. 2.3., pp. 5 et 6).

Solheid Constructions tout en ne contestant pas l'existence des fissures mais bien leur origine, celles-ci étant, selon elle, imputables au gel et aux intempéries, conclut qu'une expertise est inutile parce que tardive, “l'usage quotidien du tarmac ayant entraîné une usure correspondante” (conclusions principales, pts. 4.1.1., p. 3 et 4.2., p. 4).

Discussion

Attendu que le litige pose la question toujours délicate de la charge de la preuve;

Attendu qu'en tant que demandeur en paiement de sa facture, l'entrepreneur doit établir la conformité de ses travaux avec la commande et les règles de l'art; qu'en d'autres termes, il doit prouver que ses travaux ont été agréés par le maître d'ouvrage;

Que s'agissant de travaux de peu d'importance, les parties n'ont prévu aucune disposition contractuelle aménageant la réception et l'agréation des travaux;

Que “l'agréation des travaux peut être établie par toutes voies de droit et résulter de la preuve de la volonté du maître, manifestée en l'occurrence par le paiement de la dernière facture sans la moindre remarque ou réserve (Bruxelles 22 septembre 1994 cité par M.-A. Flamme, Ph. Flamme, A. Delvaux et E. Pottier, Dossiers J.T., dossier 29, Le contrat d'entreprise. Chronique de jurisprudence 1990-2000, n° 284, p. 230);

Attendu que l'appréciation des premiers juges ne saurait être approuvée;

Qu'en effet, l'appelante a refusé de manière formelle le 31 juillet 1997 la couche d'émulsion et de sable posée sur la couche de tarmac afin de colmater celle-ci, ce qui constituait déjà une première tentative de (re)mise en état des travaux d'être agréés;

Que le paiement par l'appelante de 200.000 FB un peu plus d'un mois plus tard, après que le sable ait été balayé, n'implique pas qu'elle ait renoncé à son refus d'accepter les travaux dans l'état dans lequel ils se trouvaient; qu'il peut être interprété tout au plus comme une manifestation de bonne volonté destinée à faciliter l'intervention d'un règlement amiable du litige mais non comme la manifestation de la volonté implicite et non équivoque du maître d'ouvrage d'agréer les travaux et ce d'autant que celui-ci a confirmé clairement sa position par courrier de son conseil du 2 mars 1998 contenant la réponse officielle à la mise en demeure qui lui était adressée le 11 février 1998;

Attendu qu'en cas de refus injustifié de la part du maître d'ouvrage de recevoir et d'agréer l'ouvrage, c'est à l'entrepreneur qu'il appartient de s'adresser au juge pour que celui-ci constate, généralement avec l'aide d'un expert, que les travaux se trouvaient en état de réception et en ordre (M.-A. Flamme et Ph. Flamme, Le droit des constructeurs 1984, n° 137; Le contrat d'entreprise. Quinze ans de jurisprudence 1975-1990, n° 87, p. 70; A. Delvaux et Th. Beguin, Act. dr. 1992, 307);

Que la solution est la même que celle qui prévaut en matière de vente: “En tant que demandeur en paiement de ses factures, le fournisseur doit établir la conformité de la livraison à la commande” (Liège 25 novembre 2002, J.T. 2003, 515 );

Que la charge de la preuve repose donc sur le seul entrepreneur et ce d'autant que le maître d'ouvrage n'a introduit aucune demande reconventionnelle en vue d'obtenir des dommages et intérêts;

Que c'est donc l'intimée qui doit supporter les conséquences de l'écoulement du temps et de la déperdition des preuves; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'instruction à l'exécution de laquelle elle s'oppose depuis l'introduction du litige;

Par ces motifs,

(...)