Article

Cour d'appel Bruxelles, 10/11/2005, R.D.C.-T.B.H., 2006/2, p. 242-246

Cour d'appel de Bruxelles 10 novembre 2005

ACTION EN JUSTICE
Intérêt (art. 17 du Code judiciaire) - Intérêt purement théorique - Intérêt fonctionnel (absence) - Intérêt général - Capacité (art. 17 du Code judiciaire) - Syndicat - Absence de personnalité juridique - Absence d'habilitation légale expresse pour agir en justice
En vertu de l'article 17 du Code judiciaire, l'action ne peut être admise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former. L'intérêt doit être personnel et direct. Le litige doit présenter une effectivité suffisante pour le demandeur; un intérêt purement théorique ne répond pas aux exigences de l'article 18 du Code judiciaire et ne suffit pas à rendre une action recevable.
Une association de fait dépourvue de la personnalité juridique n'est pas recevable à agir en justice, sauf dans les cas expressément prévus par la loi qui ne peuvent être étendus par analogie.
DROIT DES SOCIÉTÉS
Offre publique d'acquisition - Article 18ter de la loi du 2 mars 1989 - Règle de compétence
L'article 18ter de la loi du 2 mars 1989 est une règle de compétence qui ne peut, en soi, servir de fondement à une demande.

RECHTSVORDERING
Belang (art. 17 van het Gerechtelijk Wetboek) - Zuiver theoretisch belang - Functioneel belang (afwezigheid) - Algemeen belang - Hoedanigheid (art. 17 van het Gerechtelijk Wetboek) - Vakbond - Ontbreken van rechtspersoonlijkheid - Ontbreken van uitdrukkelijke wettelijke machtiging om op te treden in rechte
Krachtens artikel 17 van het Gerechtelijk Wetboek is de rechtsvordering niet toelaatbaar indien de eiser geen hoedanigheid en belang heeft om de vordering in te stellen. Het belang dient persoonlijk en rechtstreeks te zijn. Het geschil dient een voldoende nut te hebben voor de eiser; een zuiver theoretisch belang beantwoordt niet aan de eisen van artikel 18 van het Gerechtelijk Wetboek en is niet voldoende om een vordering ontvankelijk te verklaren.
Een feitelijke vereniging zonder rechtspersoonlijkheid kan niet optreden in rechte, tenzij in de gevallen uitdrukkelijk door de wet voorzien. Deze gevallen mogen niet worden uitgebreid via analogie.
VENNOOTSCHAPSRECHT
Openbaar overnamebod - Artikel 18ter van de wet van 2 maart 1989 - Bevoegdheidsregel
Artikel 18ter van de wet van 2 maart 1989 is een bevoegdheidsregel die op zich niet kan dienen als basis van een vordering.

R. De Leeuw et La Fédération générale des travailleurs de Belgique (FGTB) / Suez SA de droit français et Electrabel SA

Siég.: J.-P. Collin (président), H. Mackelbert (conseiller) et M.-F. Dubuffet (conseiller suppléant)
Pl.: Mes P. Frühling et J.-M. Nelissen Grade, K. Geens, E. Fremault
II. Faits et antécédents de la procédure

1. Le 9 août, la Commission bancaire, financière et des assurances (en abrégé CBFA) rend public l'avis suivant:

(...)

Le conseil d'entreprise d'Electrabel se réunit le 17 août 2005. Les représentants du personnel y formulent les observations suivantes:

- ils sont attentifs à l'aspect de l'évolution de l'effectif du personnel, aux garanties quant au maintien des conditions salariales, des statuts des travailleurs actifs et non actifs;

- ils demandent un engagement des représentants d'Electrabel et de Suez sur ce point;

Le président marque accord pour qu'une lettre en ce sens soit adressée aux présidents des conseils d'entreprise.

Les représentants du personnel au sein des conseils d'entreprise émettent unanimement un avis de réserve en l'attente de la concrétisation des engagements annoncés;

- par ailleurs, ils marquent une inquiétude sur la politique d'investissements en Belgique dans les prochaines années avec les conséquences qui en découlent pour l'emploi et pour la sécurité d'approvisionnement du pays;

- le président confirme que des investissements continueront à être réalisés en Belgique pour autant qu'ils soient autorisés et en fonction des besoins du marché belge.

Le 22 août 2005, un comité spécial composé de trois administrateurs indépendants d'Electrabel et d'un autre administrateur non lié à l'actionnaire majoritaire, chargé de préparer l'avis du conseil d'administration requis par les articles 14 et 15 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 relatif aux offres publiques d'acquisition et aux modifications du contrôle des sociétés, rencontre les membres des conseils d'entreprise.

Par courriers des 23 et 25 août 2005, M. Mestrallet, président-directeur général de Suez et M. Hansen, administrateur-délégué d'Electrabel, adressent aux présidents des conseils d'entreprise d'Electrabel les confirmations des engagements souscrits lors de la réunion du 17 août 2005.

Le 24 août 2005, le conseil d'administration d'Electrabel rend un avis positif sur l'offre et estime qu'elle ne met pas en cause les intérêts des travailleurs.

Le 22 septembre 2005, la CBFA approuve le prospectus qui est porté à la connaissance du public le 26 septembre 2005.

2. Le 7 octobre 2005, M. De Leeuw, secrétaire fédéral de la FGTB écrit à M. Mestrallet, avec copie au premier ministre, à M. Hansen et à la CBFA, que son organisation considère que le prospectus est lacunaire sur certains points et que, sur d'autres, il se borne à énoncer des engagements imprécis. Il estime qu'aucune garantie n'est offerte au sujet de l'intérêt social d'Electrabel qui ne peut être réduit à l'intérêt de ses actionnaires. Dans l'intérêt des travailleurs d'Electrabel, de ses clients et, de manière générale, de l'économie belge, il lui soumet diverses questions pour lesquelles il entend obtenir des réponses et des engagements clairs. Ces questions portent sur:

- le fonds de pension complémentaire;

- le fonds de démantèlement des centrales nucléaires;

- la politique d'investissement;

- la garantie de l'emploi;

- la politique tarifaire.

M. Mestrallet répond à M. De Leeuw par courrier du 10 octobre 2005, dans lequel il aborde les cinq questions qui lui ont été posées.

Suite à des conversations qui ont eu lieu entre elle et le gouvernement fédéral belge, Suez publie, le 11 octobre 2005, un complément de prospectus, approuvé le jour même par la CBFA, dans lequel elle donne certaines assurances quant à l'ancrage belge du groupe et informe qu'elle prendra des initiatives dans le cadre de l'amélioration du fonctionnement du marché belge de l'électricité.

3. Le 11 octobre 2005, M. De Leeuw et la FGTB déposent une requête, aux termes de laquelle, sur la base de l'article 18ter de la loi du 2 mars 1989, ils demandent à la cour de donner injonction à Suez de lui donner des informations précises quant aux points suivants:

- Suez entend-elle assurer la sécurité d'approvisionnement de la Belgique grâce à des outils de production situés en Belgique?

- quels sont les plans actuels de Suez quant au développement de nouveaux outils de production en Belgique pour pourvoir au remplacement des centrales nucléaires?

- Suez s'engage-t-elle à remplacer, à tout le moins partiellement, la capacité de production des centrales nucléaires par d'autres installations en Belgique? Le cas échéant, dans quelle mesure (en termes de mégawatts/heures)?

- Suez a-t-elle l'intention qu'Electrabel propose aux travailleurs actifs et non actifs qui bénéficient actuellement du régime B de garantir leurs droits à la pension complémentaire en proposant l'externalisation de ce système de pensions complémentaires? Le cas échéant, dans quelles conditions?

- les rapprochements opérationnels entre Suez et Electrabel entraîneront-ils des pertes d'emploi au niveau du siège de Bruxelles et/ou des transferts de travailleurs vers Paris?

Ils demandent également à la cour de donner injonction à Suez de fournir des informations précises et détaillées quant aux coûts de production de l'électricité en Belgique, notamment eu égard à l'amortissement des centrales nucléaires.

À l'audience du 3 novembre 2005, M. De Leeuw et la FGTB étendent à Electrabel, toutes les demandes d'injonction dirigées contre Suez.

Ils demandent en outre d'ordonner la production par Suez et/ou Electrabel des conventions actuellement en vigueur entre Synatom et Electrabel, le tout sous astreinte de 5.000 € par jour de retard.

4. M. Delville ne demande rien aux termes de sa requête en intervention volontaire.

Quant à M. Francesconi, il précise à l'audience du 3 novembre 2005 que son intervention volontaire tend à suspendre l'offre publique d'acquisition actuellement en cours, dans l'attente qu'il soit statué sur une plainte pénale qu'il a déposée, et à désigner un séquestre sur les titres qui seraient apportés dans le cadre de cette offre publique d'acquisition.

III. Discussion
1. Sur l'intérêt à agir de M. De Leeuw

5. M. De Leeuw soutient qu'il a intérêt à introduire la présente action en sa qualité:

- de mandataire de la FGTB à laquelle M. Mestrallet n'a pas donné de réponses satisfaisantes aux questions qui lui ont été posées;

- de membre du CREG, organisme régulateur du secteur de l'électricité en Belgique;

- de citoyen belge et de consommateur d'électricité qui a directement participé au financement des centrales nucléaires et au fonds de démantèlement, et auquel il ne peut être refusé de faire contrôler par le pouvoir judiciaire le respect de l'intérêt social d'Electrabel.

6. En vertu de l'article 17 du Code judiciaire, l'action ne peut être admise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former. L'intérêt consiste en tout avantage, matériel ou moral, effectif mais non théorique que le demandeur peut retirer de la demande au moment où il la forme, dût la reconnaissance de droit n'être établie, ou non établie, qu'à la prononciation du jugement (Rapport Van Reepighem, Bruylant, 320).

L'intérêt doit, en outre, être personnel et direct. Le litige doit présenter une effectivité suffisante pour le demandeur, un intérêt purement théorique ne répond pas aux exigences de l'article 18 du Code judiciaire et ne suffit pas à rendre une action recevable (Bruxelles 6 février 1997, Pas. 1996, II, p. 18).

7. En sa qualité de mandataire de la FGTB et du CREG, M. De Leeuw ne peut faire valoir l'intérêt de ses mandants mais uniquement son intérêt fonctionnel.

Or, il n'est pas soutenu que l'offre publique d'acquisition de Suez sur les titres d'Electrabel serait de nature à porter atteinte à l'exercice de ces mandats. M. De Leeuw n'a donc pas qualité à agir.

8. Comme citoyen belge, M. De Leeuw entend en réalité protéger un intérêt collectif. Son intérêt personnel se confond avec l'intérêt général.

Or le droit n'admet pas au contentieux subjectif l'action collective ou populaire (G. de Leval, Éléments de procédure civile, 2ème éd., Larcier, p. 20).

9. Quant à sa qualité de consommateur d'électricité, M. De Leeuw n'indique pas en quoi sa demande personnelle d'informations aurait pour effet de modifier le résultat, les conditions ou le déroulement de l'offre publique d'acquisition ou quels seraient les droits subjectifs reconnus aux consommateurs d'électricité par la loi du 2 mars 1989 et de son arrêté d'exécution du 8 novembre 1989 et auxquels il aurait été porté atteinte par Suez ou Electrabel.

M. De Leeuw n'est ni actionnaire, ni créancier au sens du droit comptable, ni membre du personnel d'Electrabel. Il ne peut donc se prévaloir de l'intérêt social de l'entreprise tel qu'il est visé par l'article 15 § 2 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 imposant au conseil d'administration de la société cible de faire connaître son avis sur l'offre dans l'intérêt de l'ensemble des titulaires de titres, des créanciers et des travailleurs de la société visée (sur l'intérêt social dans le cadre des offres publiques d'acquisition, voy. J. Malherbe, Ph. Lambrecht et Ph. Malherbe, Droit des sociétés, Précis, Bruylant, 2004, p. 231).

En tout état de cause, la cour est sans pouvoir de juridiction pour recueillir des informations complémentaires à l'occasion d'une offre publique d'acquisition. En effet, l'article 15 § 3 de la loi du 2 mars 1989 prévoit que la CBFA est seule chargée de veiller à l'application de l'arrêté royal. Conformément au principe de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut, en effet, priver l'administration de sa liberté d'appréciation et se substituer à elle (Bruxelles 19 janvier 2001, T.R.V. 2001, 101). Cette disposition légale met ainsi un terme à la possibilité de demander au pouvoir judiciaire des compléments d'information après l'approbation du prospectus par la CBFA (X. Taton, “La nature des nouvelles compétences de la cour d'appel de Bruxelles en matière d'offres publiques d'acquisition”, R.D.C. 2003, p. 814).

La demande de M. De Leeuw n'est donc pas recevable pour défaut d'intérêt à agir.

2. Sur le droit à agir de la FGTB
a. Contre Suez

10. La FGTB est une association de fait dépourvue de la personnalité juridique et n'est, partant, pas recevable à agir en justice, sauf dans les cas expressément prévus par la loi. Les dispositions légales qui attribuent à des organisations représentatives des travailleurs, n'ayant pas la personnalité civile, la capacité d'ester en justice en certaines matières, sont exceptionnelles et ne peuvent, dès lors, être étendues par analogie (Cass. 28 avril 1966, Pas. 1966, I, 1087).

En l'espèce, la FGTB invoque:

- l'article 24 de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l'économie;

- la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition;

- la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne;

- la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires;

- la loi du 29 mai 1952 organique du Conseil national du travail, l'arrêté royal du 20 février 1964 instituant un Conseil de la consommation et ses propres statuts.

11. Il convient préalablement de rappeler que la demande de la FGTB s'inscrit dans le cadre de l'article 18ter § 1er de la loi du 2 mars 1989 qui dispose que toute demande, au fond ou au provisoire vu l'urgence, fondée en tout ou en partie sur une ou plusieurs dispositions du chapitre II ou des dispositions arrêtées par le Roi en exécution de l'article 15 § 1er et 2, ainsi que toute demande qui a pour objet ou qui est susceptible d'avoir pour effet de provoquer l'ouverture d'une offre publique d'acquisition ou de modifier le résultat, les conditions ou le déroulement d'une telle offre, sont de la compétence exclusive de la cour d'appel de Bruxelles.

Il s'agit donc d'une règle de compétence qui ne peut, en soi, servir de fondement à la demande.

Il convient donc de vérifier dans quelle mesure la demande d'information complémentaire formulée par la FGTB peut entrer dans le cadre des dispositions légales invoquées par elle.

12. L'article 24 de la loi du 20 septembre 1948 prévoit que les organisations représentatives des travailleurs peuvent introduire devant les juridictions du travail une action tendant à trancher tout différend relatif aux dispositions qui concernent les conseils d'entreprises.

L'article 15 de cette loi impose au chef d'entreprise de donner périodiquement au conseil d'entreprise des informations économiques et financières définies par l'arrêté royal du 27 novembre 1973 portant réglementation des informations économiques et financières à fournir aux conseils d'entreprises.

En cas d'offre publique d'acquisition, le conseil d'entreprise est en droit d'obtenir des informations du chef d'entreprise, notamment sur la base de l'article 25 de l'arrêté royal du 27 novembre 1973 qui énonce que l'information occasionnelle est communiquée au conseil d'entreprise, sans attendre l'information périodique, chaque fois que se produisent des événements susceptibles d'entraîner pour l'entreprise des conséquences importantes.

Mais ce droit trouve son fondement dans la loi du 20 septembre 1948 et pas dans la loi du 2 mars 1989 qui est une loi différente et qui poursuit un but différent.

Certes, l'article 15 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 précise que l'avis du conseil d'administration de la société cible fait état de la position prise par le conseil d'entreprise, mais il ajoute que celui-ci est saisi en application de l'arrêté royal du 27 novembre 1973.

Il s'en déduit que les organisations représentatives des travailleurs ne peuvent pas saisir la cour d'appel de Bruxelles dans le cadre des dispositions légales sur les offres publiques d'acquisition au cas où l'information donnée au conseil d'entreprise serait incomplète. En revanche, rien ne leur interdit de saisir les juridictions du travail à cette occasion.

En tout état de cause, il convient d'observer que Suez n'est pas le chef d'entreprise et que c'est donc à tort qu'elle a été mise à la cause sur la base des dispositions légales invoquées.

Pour les mêmes motifs, c'est à tort que la FGTB entend s'appuyer sur la convention collective de travail n° 9 du 9 mars 1972 coordonnant les accords nationaux et les conventions collectives de travail relatifs aux conseils d'entreprise conclus au sein du Conseil national du travail.

13. Le 23ème considérant de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 prévoit que l'information et la consultation des représentants des travailleurs de l'offrant et de la société visée devraient être régies par des dispositions nationales pertinentes et qu'il convient de donner la possibilité pour les travailleurs des sociétés concernées ou leurs représentants de donner leur avis sur les répercussions prévisibles de l'offre en matière d'emploi.

Il convient d'observer tout d'abord que cette directive ne doit être transposée que le 20 mai 2006 au plus tard et qu'elle n'a donc, à ce jour, aucun effet direct.

Ensuite, il ne peut être déduit de cet exposé des motifs, par ailleurs non traduit dans le corps même de la directive sous la forme d'une norme contraignante, que les organisations représentatives des travailleurs, dépourvues de personnalité juridique, pourraient saisir directement les autorités de contrôle et les autorités judiciaires dans le cadre de la procédure de contrôle des offres publiques d'acquisition, en cas de manquement de l'offrant ou de la société visée à leurs obligations d'informer les travailleurs et de recueillir leurs avis.

Au demeurant, la loi du 20 septembre 1948 et celle du 2 mars 1989 réglementent déjà ces matières dans leurs champs d'application respectifs.

La FGTB ne peut donc s'appuyer sur la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 pour justifier d'un droit d'ester en justice.

14. C'est à tort que la FGTB invoque, dans le cadre du présent litige, la directive 2002/14 du 11 mars 2002.

Celle-ci est en effet étrangère à la matière des offres publiques d'acquisition puisqu'elle concerne la mise en oeuvre d'un cadre général d'information et de consultation des travailleurs d'une entreprise qui est d'ailleurs déjà mis en place par la loi du 20 septembre 1948, laquelle octroie aux organisations représentatives des travailleurs le droit d'ester en justice devant les juridictions du travail en cette matière.

15. La FGTB soutient que dans la mesure où sa demande porte notamment sur les droits acquis par les travailleurs d'Electrabel dans le cadre des conventions collectives de travail, et en particulier la convention collective portant octroi de compléments de ressources de retraite, d'invalidité et de survie conclue le 2 mai 1952, elle peut ester en justice sur la base de la loi du 5 décembre 1968.

L'article 4 de cette loi dispose en effet que les organisations représentatives des travailleurs peuvent ester en justice dans tous les litiges auxquels l'application de la loi donnerait lieu et pour la défense des droits que leurs membres puisent dans les conventions conclues par elles.

Comme cela a été rappelé au point 12, il y a lieu de faire la différence entre cette loi et la loi du 2 mars 1989 qui est une loi différente et qui poursuit un but différent.

En outre, seule la demande visant à enjoindre à Suez de préciser si elle a l'intention qu'Electrabel propose aux travailleurs actifs et non actifs qui bénéficient actuellement du régime B de garantir leurs droits à la pension complémentaire en proposant l'externalisation de ce système de pensions complémentaires et le cas échéant, dans quelles conditions, serait susceptible de s'appuyer sur la loi du 5 décembre 1968, s'il fallait admettre que la loi du 2 mars 1989 substitue, en cette matière, la compétence de la cour d'appel de Bruxelles à la compétence exclusive des tribunaux du travail.

Il s'en déduit que les autres demandes sont manifestement irrecevables.

Mais plus fondamentalement, en tant que cette demande est dirigée contre Suez, elle est irrecevable puisque Suez n'est pas l'employeur.

16. Le fait d'être membre du Conseil national du travail et du Conseil de la consommation ne confère pas aux organisations représentatives des travailleurs le droit d'ester en justice en toutes matières.

Par ailleurs, la compétence d'avis instituée par la loi du 29 mai 1952 et l'arrêté royal du 20 février 1964 est réservée au Conseil national du travail et au Conseil de la consommation et pas aux organisations qui en sont membres.

Enfin, en invoquant ses propres statuts, la FGTB reconnaît que son action ne vise pas à protéger un intérêt personnel et direct puisqu'elle indique expressément qu'ils confirment sa vocation à défendre l'intérêt général. En outre, il n'est pas inutile de rappeler que l'intérêt propre d'une personne morale (que la FGTB ne peut revendiquer puisqu'elle n'est pas dotée de la personnalité juridique) ne comprend que ce qui concerne l'existence de la personne morale, ses biens patrimoniaux et ses droits moraux, spécialement son patrimoine, son honneur et sa réputation; le seul fait qu'une personne morale ou une personne physique poursuit un but, fut-il statutaire, n'entraîne pas la naissance d'un intérêt propre (Cass. 19 septembre 1996, Pas. 1996, I, 319).

b. Contre Electrabel

17. En ce qui concerne la demande d'injonctions, telle qu'elle a été étendue à Electrabel à l'audience du 3 novembre 2005, à supposer que la FGTB puisse valablement se prévaloir, dans la présente cause, des lois des 20 septembre 1948 et 5 décembre 1968, cette demande n'est pas recevable.

En effet, l'article 18ter § 2 de la loi du 2 mars 1989 dispose que la demande doit être introduite dans un délai de 15 jours à compter de la connaissance, par le demandeur, du fait fondant sa demande.

En l'espèce, le prospectus, que la FGTB estime incomplet, a été rendu public le 26 septembre 2005. Le délai expirait donc le 11 octobre 2005.

En outre, la demande nouvelle dirigée contre Electrabel n'est pas virtuellement comprise dans la demande originaire dirigée exclusivement contre Suez.

18. Quant à la demande de production des conventions actuellement en vigueur entre Synatom et Electrabel, seule demande formulée originairement à la fois contre Suez et Electrabel, outre qu'elle n'entre pas dans le cadre des lois des 20 septembre 1948 et 5 décembre 1968, elle est manifestement sans objet puisque ces documents sont publics, le projet de ces conventions ayant été publié dans les travaux parlementaires du projet de loi du 22 janvier 2003 sur les provisions constituées pour le démantèlement des centrales nucléaires et pour la gestion de matières fissiles irradiées dans ces centrales nucléaires tandis que le texte définitif a été signé par l'État belge le 3 mai 2004. Ce texte constitue en outre la pièce 4 du dossier d'Electrabel, d'où il s'ensuit, qu'à tout le moins, il a été satisfait à la demande.

(...)