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Observations, R.D.C.-T.B.H., 2006/1, p. 137-139

DROIT BANCAIRE
Responsabilité du banquier - Agents indépendants - Responsabilité de la banque comme principal ou comme mandant - Inapplicabilité de l'article 1384 § 3 du Code civil - Pas de lien de subordination - Théorie de l'apparence
Le contrat d'agent indépendant exclut l'existence d'un lien de subordination, dans la mesure où l'agent dispose d'une très large autonomie dans l'organisation de son travail et où la banque ne s'est pas réservé un pouvoir de direction effective et de contrôle immédiat des activités de l'agent.
Si la responsabilité de l'établissement de crédit mandant peut être engagée sur le fondement du mandat apparent, encore faut-il que soit rapportée la preuve de l'existence d'une situation apparente ne correspondant pas à la situation réelle.
BANK EN KREDIETWEZEN
Aansprakelijkheid van de bankier - Onafhankelijke agenten - Aansprakelijkheid bank als principaal of lastgever - Artikel 1384 § 3 van het Burgerlijk Wetboek niet toepasselijk - Geen band van ondergeschiktheid - Schijnleer
De overeenkomst van onafhankelijke agent sluit het bestaan uit van een band van ondergeschiktheid, voor zover dat de agent over een zeer brede autonomie beschikt in de organisatie van zijn werk en dat de bank zich niet een effectieve leiding en een onmiddellijke controlebevoegdheid over de activiteiten van de agent voorbehoudt.
Indien de aansprakelijkheid van de kredietinstelling als lastgever kan geëngageerd zijn op grond van het schijnmandaat, dan nog moet het bewijs geleverd worden van het bestaan van een schijnsituatie die niet overeenkomt met de werkelijke toestand.

Plusieurs banques s'appuient dans l'exercice de leurs activités sur un réseau d'agents indépendants [1].

Les pouvoirs d'autorité, de surveillance et de contrôle de l'établissement de crédit mandant sont souvent limités, afin d'éviter tout lien de subordination.

Le droit de surveillance d'une banque vis-à-vis d'un agent indépendant ne peut caractériser le lien de subordination au sens de l'article 1384 alinéa 3 du Code civil [2]. La surveillance vigilante des intermédiaires commerciaux qu'une banque mandate, même lorsqu'elle recourt à un réseau d'agents indépendants, est une obligation [3], [4].

C'est à bon droit que la décision commentée rappelle que, par définition, le contrat d'agent indépendant exclut l'existence d'un lien de subordination au sens de l'article 1384 alinéa 3 du Code civil. La relation est par ailleurs elle-même placée dans le cadre d'une relative indépendance. Et de constater que l'agent dispose d'une très large autonomie dans l'organisation de son travail et qu'en l'espèce, la banque ne s'était pas réservée un pouvoir de direction effective et de contrôle immédiat des activités de son agent.

La responsabilité de la banque peut être engagée soit sur base d'une faute professionnelle [5], soit, conformément aux règles qui gouvernent la responsabilité du mandant, à raison de fautes commises par son mandataire [6].

Elle peut aussi être engagée en cas de dépassement de pouvoir du mandataire, sur base du mandat apparent non seulement dans le cas où le banquier a fautivement créé une apparence mais également en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime [7].

En l'espèce, la cour rejette le recours des tiers lésés, fondé sur l'apparence, dans la mesure où les tiers n'établissaient pas l'existence d'une situation apparente qui ne correspondait pas à la situation réelle. Le débat aurait peut-être dû être mieux placé sur l'absence de croyance légitime dans le chef des tiers, dans la mesure où la cour constate que ces tiers savaient ou devaient savoir en raison de leur expérience, en se rendant au Luxembourg afin d'encaisser les obligations qui lui avaient été remises et d'en acheter d'autres, que l'agent indépendant agissait hors des limites de ses fonctions d'agent de banque indépendant [8]. Seule la personne qui ne connaît pas ou ne doit pas connaître la véritable situation peut se prévaloir de la théorie de l'apparence [9]. La cour écarte aussi l'application de la théorie de l'apparence, en estimant que les victimes étaient de mauvaise foi, sur base d'une série d'indices [10], qu'elle précise.

[1] En 2003, on dénombrait 5.022 agents délégués pour 72.210 personnes employées (http://www.banquefin.be ).
[2] Bruxelles 22 janvier 1992, R.D.C. 1993, p. 366.
[3] Liège 26 mai 2003, R.D.C. 2005/2, p. 195 et obs. J.-P. Buyle et M. Delierneux, R.R.D. 2004, p. 415; cons. not. circulaire CBFA B93/5 du 21 octobre 1993 concernant les agents délégués.
[4] Sur la compatibilité entre ce devoir de contrôle et la législation sur la protection de la vie privée, cons. Bruxelles 15 février 2005, Dr. banc. fin. 2005/IV, p. 273 et note N. Daubies et M. Mairlot.
[5] Une faute pourrait être recherchée dans le chef de l'établissement de crédit par exemple dans le mauvais choix de l'agent indépendant, dans le défaut de surveillance (Liège 26 mai 2003, o.c.) ou dans le fait de s'être abstenu de prévenir les tiers susceptibles d'entrer ou de rester en relation avec l'agent délégué qui a été révoqué (Mons 16 décembre 1996, D.C.C.R. 1997, p. 167).
[6] Cons. not., J.-P. Buyle, “L'organisation de la distribution des produits “bancassurfinance”“, in Bancassurfinance, Bruylant, 2005, p. 147.
[7] Mons 6 avril 1994, R.R.D. 1994, p. 517; Liège 26 mai 2003, o.c.; Mons 22 mars 2004, J.T. 2004, p. 658 .
[8] Ce comportement est un procédé ayant pour but ou pour effet de favoriser la fraude fiscale et constitue un mécanisme particulier prohibé (cons. circulaire CBFA B93/5 précitée, art. 3.6). Ce comportement est par ailleurs contraire à celui qu'on est en droit d'attendre d'un agent, aux termes de l'art. 6 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale.
[9] R. Kruithof, “La théorie de l'apparence dans une nouvelle phase” (note sous Cass. 20 juin 1988).
[10] Pour un cas analogue, cons. Gand 27 mars 1992, T. Not. 1993, p. 198, note F. Bouckaert.