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Observations, R.D.C.-T.B.H., 2006/1, p. 116-118

ZEKERHEID
Persoonlijke zekerheid - Autonome garantie - Garantie op eerste verzoek - Voorwaarden van afroep - Formalisme
Onder formalisme van de bankgarantie moet verstaan worden dat de inhoud van de verbintenis van de garant enkel en alleen door de inhoud van de van hem uitgaande garantiebrief wordt bepaald.
De vraag omtrent het aangetekend of per drager bezorgen van de brief waarin beroep wordt gedaan op de bankgarantie ressorteert niet onder het formalisme van de bankgarantie, maar houdt verband met de problematiek van kennisgeving.
Door te stellen dat de kennisgeving van de afroep aangetekend moet gebeuren hadden de partijen niets anders voor ogen dan discussies te vermijden ontrent de juiste dagtekening van de afroep.
SÛRETÉS
Sûreté personnelle - Garantie indépendante - Garantie à première demande - Conditions d'appel - Formalisme
Par formalisme des garanties bancaires, il faut entendre que le contenu de l'engagement du garant est déterminé uniquement et exclusivement par le contenu de la lettre de garantie qu'il a émise.
La question de savoir si l'appel à garantie doit parvenir à la banque par lettre recommandée ou par porteur ne relève pas du formalisme de la garantie bancaire mais bien d'une problématique de communication.
En stipulant que la communication de l'appel doit avoir lieu par recommandé, les parties n'avaient à l'esprit que d'éviter des discussions concernant la date de l'appel.

L'engagement du banquier émetteur d'une garantie indépendante est littéral, en ce sens que le banquier doit s'en tenir strictement aux conditions et modalités de cet engagement tel qu'exprimé dans la lettre de garantie [1].

Ce caractère littéral est généralement présenté comme le pendant de l'abstraction: le texte de la garantie sera, dans la mesure du possible, aménagé non seulement dans le but d'en éliminer les ambiguïtés terminologiques mais également en vue de limiter les possibilités d'abus ou de fraude par le bénéficiaire ou par des tiers.

Un soin tout particulier sera, bien entendu, apporté à ce niveau à la rédaction des conditions d'appel. Sont notamment visés à ce niveau: le délai dans lequel devra, le cas échéant intervenir un appel valable, la forme que devra revêtir cet appel, son contenu, les documents devant éventuellement y être joints… S'agissant d'un bénéficiaire avec lequel la banque garante n'est pas en relation régulière, il sera également souvent prévu que l'appel doit parvenir au garant par l'intermédiaire du banquier habituel du bénéficiaire, lequel attestera de la régularité de la ou des signature(s) figurant sur la lettre d'appel.

La jurisprudence a, à maintes reprises, eu l'occasion de prendre parti entre autonomie et formalisme précisant ainsi l'application qui pouvait être raisonnablement faite par le garant de telle ou telle modalité de la garantie.

La nécessité d'un appel écrit n'a jamais été sérieusement contestée [2]. À défaut de précision contraire, un appel par téléfax ou télex repéré peut être accepté pour autant que l'émetteur du message puisse être identifié de manière indiscutable [3].

Le tribunal de commerce de Bruxelles a par contre décidé que si la lettre de garantie prévoit expressément un appel par lettre recommandée, cette modalité doit être respectée [4].

Cette position avait déjà été exprimée par la Cour suprême d'Autriche [5] suivant laquelle, lorsque la lettre de garantie prévoit que sa mise en jeu doit se faire par lettre recommandée, une demande adressée par télex est inopérante. Les commentateurs de cet arrêt considèrent qu'il s'agit là de la correcte expression du “formalisme des garanties”, et que cette position répond à “la nécessité, dans l'intérêt de la sécurité des opérations bancaires, de l'observation scrupuleuse des formes prévues” [6].

Dans l'espèce soumise au tribunal de commerce de Louvain, la lettre d'appel à la garantie qui suivant les termes de celle-ci aurait dû être adressée au siège local de la banque garante, par courrier postal recommandé avait en fait été remise par taxipost au siège central de la banque et adressée concomitamment par fax à la chargée de relation.

Le tribunal considère que les stipulations particulières de la lettre de garantie relatives aux modalités d'envoi de l'appel ne relèvent pas comme telles du formalisme des garanties mais visent simplement à éviter des discussions à propos de la date de l'appel.

Cette analyse ne nous paraît pas sans risque.

Le caractère littéral des garanties est un principe incontesté qui fait partie de l'équilibre fragile mis en place par la pratique pour répondre aux besoins qu'a le marché de disposer d'un instrument permettant de sécuriser certaines opérations en disposant d'une garantie indépendante des discussions auxquelles ces opérations pourraient donner lieu.

Les garanties indépendantes, autonomes et abstraites dont le mécanisme a été mis en place, en dehors de tout cadre légal pour répondre à ces besoins sont des instruments particulièrement lourds et dangereux pour le client donneur d'ordre qui en finale en supporte le risque.

Comme l'a très justement souligné le professeur Simont, le risque d'appel abusif est inhérent à la technique des garanties indépendantes [7] et c'est au client donneur d'ordre qu'incombe la charge de ce risque.

Dans ce contexte, le caractère littéral de ce type d'engagement est avec raison présenté comme le contrepoids de l'abstraction. C'est par le soin apporté à l'élaboration des conditions d'appel, que le donneur d'ordre peut espérer améliorer sa position en limitant les risques d'appel abusif ou frauduleux. Il doit pouvoir compter sur le respect scrupuleux par le garant de ces conditions qui fixent le cadre et les limites de son engagement.

Il s'agit comme souligné ci-avant, d'une question d'équilibre entre les intérêts en présence.

Appartient-il au juge d'intervenir dans les termes et conditions clairement exprimés par les parties pour déterminer lesquels, parmi ces termes et conditions relèvent effectivement du “littéralisme” qui doit s'appliquer aux garanties abstraites?

Comment, si on s'en réfère à une appréciation du juge au cas par cas, garantir le degré de sécurité juridique requis au niveau des principes pour que ces instruments puissent continuer à être acceptés par la pratique?

On ne transige pas avec les principes…

Un parallèle peut ici être établi avec le crédit documentaire irrévocable, autre instrument né de la pratique, faisant l'objet de véritables usages aujourd'hui unanimement reconnus par tous les pays au monde.

Comme les garanties bancaires indépendantes, ce type d'engagement se caractérise par son caractère abstrait et littéral.

La mise au point d'une lettre de crédit documentaire suppose un soin tout particulier apporté à la description des documents qui en déterminent le paiement, aux clauses et informations que ces documents doivent contenir et aux personnes habilitées à les émettre.

Le banquier débiteur d'un crédit documentaire est tenu de payer si et seulement dans la mesure où, les documents qui lui sont présentés lors du tirage sur le crédit présentent une conformité apparente avec les stipulations de la lettre de crédit.

Les banques intervenant dans un crédit documentaire, comme banque émettrice, banque confirmatrice ou banque négociatrice confient à des équipes de vérificateurs avertis le soin de relever scrupuleusement toutes les divergences pouvant apparaître dans les documents présentés par rapport aux stipulations de la lettre de crédit.

Il n'appartient pas au banquier - ni nous semble-t-il au juge - de décider si parmi les exigences exprimées clairement par les parties à ce niveau - et même si certaines de ces exigences peuvent sembler “purement formelles” ou “relevant du domaine du détail” - certaines échappent au principe du littéralisme qui s'applique aux crédits documentaires.

Il faut selon nous placer le débat à un autre niveau.

Si l'application littérale des conditions stipulées par les parties est de principe, il appartient au juge de contrôler, en la matière comme dans tout autre domaine du droit, l'existence éventuelle d'un abus de droit.

Quel que soit le poids des principes, il convient d'empêcher que des excès de formalisme ne dégénèrent en chicanes ayant pour seul objet d'éviter le respect de l'engagement qui a été souscrit.

Tout droit est susceptible d'abus [8] et il appartient aux tribunaux de sanctionner ces abus sans pour ce faire que doive être remis en question l'existence du droit en question même dans ce qu'il a de plus absolu.

Il faut “savoir juste mesure garder” … Si les abus parfois commis par les bénéficiaires de garanties sont susceptibles de certaines sanctions, tout aussi condamnable est le garant qui pour se dérober à son engagement - ou par solidarité avec son client donneur d'ordre - cherche refuge dans un formalisme outrancier. À peine de dégénérer en chicanes, le “littéralisme” doit rester dans les limites du raisonnable [9].

Rappelons que la Cour de cassation a progressivement élaboré une théorie de l'abus de droit sanctionnable basée sur différents critères: l'exercice d'un droit dans la seule intention de nuire à autrui [10]; l'exercice d'un droit causant préjudice à autrui sans réel intérêt pour le titulaire du droit en question [11]; l'existence d'une disproportion évidente entre l'intérêt recherché et le préjudice causé à autrui [12]; le choix, parmi différente manière d'exercer un droit de la manière la plus dommageable à autrui [13].

En matière contractuelle, la théorie de l'abus de droit constitue une application du principe d'exécution de bonne foi des conventions [14]. Ce principe prohibe l'abus de droit commis par une partie qui utilise un droit contractuel - par ailleurs incontestable et incontesté - pour en retirer un avantage démesuré par rapport à la charge corrélativement supportée par son co-contractant.

Dans l'espèce annotée, le bénéficiaire de la garantie n'avait pas respecté les conditions de forme que devait revêtir l'appel en vertu des termes et conditions de la garantie. Le garant pouvait se retrancher derrière le littéralisme des garanties pour rejeter l'appel en question. Toutefois, les circonstances démontraient qu'en fait l'appel était bien parvenu entre les mains de la bonne personne et dans les délais convenus. Le fait que le contenu de la lettre d'appel remplisse par ailleurs les conditions de la garantie n'était pas contesté. En refusant d'accepter l'appel comme valable alors que le non-respect des conditions formelles n'avait en fait causé aucun préjudice, le garant cherchait à obtenir un avantage (possibilité de ne pas exécuter la garantie) démesuré par rapport au dommage qu'une telle intransigeance causait au bénéficiaire de celle-ci. Un tel comportement ne pouvait qu'être sanctionné.

En l'espèce, la lettre de garantie exigeait un appel par recommandé postal.

Le recours de plus en plus fréquent aux messages électroniques a vu se développer l'idée d'un “recommandé électronique” susceptible de se substituer, avec les mêmes garanties et les mêmes effets, aux recommandés postaux.

Le recours à un tel “procédé de substitution” est théoriquement fonctionnellement compatible avec la notion d'envoi recommandé définie en droit belge et européen [15] comme “un service consistant à garantir forfaitairement contre les risques de perte, de vol ou détérioration et fournissant à l'expéditeur, le cas échéant à sa demande, une preuve du dépôt de l'envoi postal et/ ou de sa remise au destinataire”.

Encore faut-il répondre adéquatement à la fois au problème lié à l'identification de l'émetteur du message et à l'intégrité de celui-ci [16], au problème de preuve de l'envoi et de la réception du message et au problème de preuve de la date de cet envoi et/ou de cette réception [17]ce qui suppose l'intervention d'un prestataire de service neutre et de qualité [18].

La loi de réforme de la Poste [19] réserve à la Poste l'envoi pour lequel le recours à la recommandation dans le cadre d'une procédure judiciaire ou administrative est prescrit par une disposition légale ou réglementaire. L'article 144octies de cette même loi [20] précise quant à lui qu'est seul visé par ce monopole “le service des envois recommandés physiques utilisés dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives”.

Le recommandé électronique est donc reconnu et ce service peut être offert par tout prestataire sur le marché [21]. Seul subsiste le monopole de la Poste pour les envois recommandés sur support papier et uniquement s'ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire ou administrative.

La question s'est posée de savoir s'il était permis de recourir à un service de recommandé électronique fourni par un prestataire de service autre que la poste en dehors des cas d'utilisation dans le cadre d'une procédure judiciaire ou administrative, dans l'hypothèse ou un texte légal ou réglementaire prévoit la formalité de l'envoi d'une lettre recommandée postale.

Cette question est controversée [22].

Didier Gobert conseille, pour lever toute incertitude, l'intervention du législateur pour préciser que lorsque l'envoi d'une lettre recommandée à la poste est prescrit par un texte légal ou réglementaire, cette exigence est satisfaite par le recours à un service de recommandé électronique, quel qu'en soit l'opérateur [23].

Par ailleurs, les auteurs s'accordent à considérer qu'au stade actuel, aucune disposition légale ne permet de garantir la qualité des opérateurs présents sur le net. Le statut des prestataires de services électroniques reste à définir, statut qui fournirait des garanties quant aux services offerts et définirait les responsabilités des prestataires. Moyennant soumission du prestataire de services de recommandés électroniques à ce statut, les services offerts par ce dernier bénéficieraient d'une clause d'assimilation permettant de présumer que le recommandé électronique remplit les fonctions reconnues traditionnellement au recommandé papier (réalité de l'envoi, date de l'envoi et le cas échéant, réception de cet envoi) [24].

En l'absence d'un tel statut, l'assimilation du recommandé électronique au recommandé papier n'est pas possible aujourd'hui à défaut d'offrir un degré satisfaisant de sécurité juridique.

Dans l'état actuel de notre droit, il n'est donc pas possible, lorsque les parties ont expressément stipulé la nécessité d'un recommandé postal, de substituer valablement à cette formalité le recours à un recommandé électronique.

[1] L'art. 16 des “Uniform Rules for Demand Guarantees” codifiées par la Chambre de Commerce Internationale (publication CCI n° 458, avril 1992 stipulent que “A Guarantor is liable to the Beneficiary only in accordance with the terms specified in the Guarantee and any amendment(s) thereto…”). De même, l'art. 19 de ces mêmes règles rappelle que “A demand shall be made in accordance with the terms of the guarantee…”. Ces règles expriment un usage unanimement admis, même si les Règles CCI ne sont applicables comme telles qu'aux garanties qui s'y réfèrent expressément.
[2] R.P.D.B., complément t. VII, Les Garanties Bancaires Autonomes, n° 37, voy. également les “Uniform Rules for Demand Guarantees” codifiées par la Chambre de Commerce Internationale (publication CCI n° 458, avril 1992, art. 20).
[3] R.P.D.B., o.c., n° 37. L'art. 2, d) des “Uniform Rules for Demand Guarantees” codifiées par la Chambre de Commerce Internationale précise que l'expression “écrit” ou “par écrit” inclut les “authenticated teletransmissions” et les tested electronic data interchange (EDI).
[4] Comm. Bruxelles 15 décembre 1992, R.D.C. 1993, p. 1055; Bruxelles 21 novembre 1997, R.D.C. 1998, p. 858. Dans le même sens, Paris 12 décembre 2000, Rev. dr. banc. et fin., p. 231, obs. A. Cerles, “L'appel de la garantie doit se faire strictement dans les formes prévues dans l'acte d'émission”.
[5] Cour Suprême d'Autriche 24 mars 1988, Dall. Syr. 1992, Som. Comm. p. 233 avec la note du professeur M. Vasseur.
[6] M. Vasseur, note après Cour suprême d'Autriche 24 mars 1988, Dall. Syr. 1992, Som. Comm. p. 233 et réf. cit.
[7] L. Simont, “Les garanties indépendantes”, Rev. banque, p. 596; Trib. Verviers (réf.) 8 février 1996, R.D.C. 1997, p. 781 et nos observations.
[8] Voy. notamment Cass. 10 septembre 1971 à propos de l'abus du droit de propriété - droit “absolu” s'il en est.
[9] Voy. l'art. 13 des Règles et Usances Uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires, publication CCI n° 500, juin 1993: “Les banques doivent examiner avec un soin raisonnable tous les documents stipulés dans le crédit pour vérifier s'ils présentent ou non l'apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit”.
[10] Voy. notamment Cass. 29 novembre 1962, Pas. 1963, I, p. 406 en matière de recours à justice.
[11] Voy. notamment Cass. 12 juillet 1917, Pas. 1918, I, p. 65 à propos d'un commerçant dont l'enseigne était placée de manière à cacher celle de son voisin.
[12] Voy. notamment Cass. 10 septembre 1971 précité.
[13] Voy. notamment Cass. 6 octobre 1966, Pas. 1967, I, p. 147 qui intègre non seulement l'intérêt légitime tant du demandeur que du défendeur mais également de l'ensemble des parties intéressées.
[14] Cass. 19 septembre 1983, R.W. 1983-84, col. 1480.
[15] Art. 131, 8° de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques qui transpose l'art. 2, 9° de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service, J.O.C.E. n° L. 015 du 21 janvier 1998, p. 14.
[16] Loi du 20 octobre 2000 introduisant l'utilisation de moyens de télécommunication et de la signature électronique dans la procédure judiciaire et extrajudiciaire, M.B. 22 décembre 2000, p. 42698 et loi du 9 juillet 2001 fixant certaines règles relatives au cadre juridique pour les signatures électroniques et les services de certification, M.B. 29 septembre 2001, p. 33070.
[17] R. Bisciari, Les contrats et la preuve dans l'environnement électronique, UGA, 2004.
[18] D. Gobert, “Commerce électronique: vers un cadre juridique général pour les tiers de confiance”, in Revue du Droit des Technologies de l'information, n° 18, avril 2004, pp 33 et s.
[19] Art. 131, 9° de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques tel que modifié par l'arrêté royal du 9 juin 1999, M.B. 18 août 1999, p. 30697.
[20] Tel que modifié par l'art. 172 § 2 de la loi-programme du 2 août 2002, M.B. 29 août 2002, p. 38408.
[21] D. Gobert, Commerce électronique: vers un cadre juridique général pour les tiers de confiance, o.c., p. 37.
[22] D. Gobert, Commerce électronique: vers un cadre juridique général pour les tiers de confiance, o.c., p. 37 et réf. cit.
[23] D. Gobert, Commerce électronique: vers un cadre juridique général pour les tiers de confiance, o.c., p. 38.
[24] D. Gobert, Commerce électronique: vers un cadre juridique général pour les tiers de confiance, o.c., p. 39.