Article

Cour d'appel Bruxelles, 23/01/2004, R.D.C.-T.B.H., 2006/1, p. 112-116

Cour d'appel de Bruxelles 23 janvier 2004

DROIT FINANCIER
Intermédiaires financiers - Ordre de bourse verbal - Opérations de report - Couverture - Devoirs d'information et de mise en garde de l'intermédiaire - Devoir de s'informer du client
Le devoir d'information de l'intermédiaire financier est le corollaire de son devoir général de se comporter de bonne foi. L'intensité de ce devoir varie en fonction des circonstances et notamment des qualifications du client.
Le devoir d'information se réalise par l'envoi au client de bordereaux relatifs aux opérations qu'il réalise. Ce document permet au client de comprendre l'opération financière effectuée et d'appréhender, en matière de report, l'évolution des placements spéculatifs réalisés.
Le client doit surveiller l'évolution de ses finances et des opérations qu'il effectue. S'il ne maîtrise pas l'influence des opérations de report réalisées sur le solde général de son compte, le client doit solliciter une information plus régulière et plus complète. La réception sans contestation des bordereaux équivaut à un consentement du client sur la réalisation des opérations qu'ils constatent, particulièrement lorsque les ordres ont été donnés verbalement.
Lorsqu'un client non avisé procède de manière régulière à des opérations de report spéculatives sur le même titre qui s'avèrent déficitaires, l'intermédiaire financier a l'obligation de le mettre en garde. Il doit attirer l'attention du client sur le caractère désastreux de sa stratégie de placement, sur son risque élevé, sur l'existence d'autres produits financiers ainsi que sur le dommage pouvant résulter du fait de concentrer l'ensemble de ses fonds de placement sur un seul titre dans le cadre d'une opération spéculative unique. Cette mise en garde peut se faire en sollicitant du client la constitution d'une couverture.
Le client doit cependant démontrer que si l'intermédiaire l'avait dûment mis en garde, il aurait modifié sa stratégie de placement de fonds et n'aurait pas préféré attendre que la situation s'améliore dans l'espoir de réduire et de récupérer les pertes accumulées.

FINANCIEEL RECHT
Financiële tussenpersoon - Mondeling beursorder - Reportverrichtingen - Dekking - Informatie- en waarschuwingsplichten van de tussenpersoon - Plicht zich te informeren over de cliënt
De informatieplicht van de financiële tussenpersoon hangt samen met zijn algemene plicht te goeder trouw te handelen. De intensiteit van deze plicht varieert in functie van de omstandigheden en in het bijzonder de bekwaamheden van de cliënt.
De informatieplicht wordt vervuld door de verzending aan de cliënt van de borderellen met betrekking tot de uitgevoerde operaties. Dit document laat de cliënt toe de uitgevoerde financiële operatie en, inzake report, de evolutie van de uitgevoerde speculatieve beleggingen te begrijpen.
De cliënt moet toezicht houden op de evolutie van zijn financiën en de operaties die hij verricht. Indien hij de invloed van de uitgevoerde reportoperaties op het algemene saldo van zijn rekening niet kent, moet de cliënt om een meer regelmatige en een meer volledige informatie verzoeken. De ontvangst zonder betwisting van de borderellen komt neer op een toestemming van de cliënt over de uitvoering van de operaties die zij vaststellen, in het bijzonder indien de orders mondeling werden gegeven.
Indien een onwetende cliënt regelmatig speculatieve report­operaties verricht op eenzelfde effect die verlieslatend blijken te zijn, heeft de financiële tussenpersoon de plicht hem te waarschuwen. Hij moet de aandacht van de cliënt trekken op het rampzalige karakter van zijn beleggingsstrategie, het hoge risico, het bestaan van andere financiële producten alsook de schade die kan voortvloeien uit de concentratie van zijn gehele beleggingskapitaal in één effect in het kader van één enkele speculatieve operatie. Deze waarschuwing kan gebeuren door de cliënt te verzoeken om een dekking te verstrekken.
De cliënt moet echter aantonen dat als de tussenpersoon hem behoorlijk had gewaarschuwd, hij dan zijn beleggingsstrategie zou gewijzigd hebben en niet liever zou gewacht hebben tot de situatie verbeterde in de hoop de opgestapelde verliezen te beperken en terug te winnen.

Y. D.M. / SNC P. Sinn & C. Leplat

Siég.: M. Ménestret (président), Fr. Roggen et Fr. Bruyns (conseillers)
Pl.: Mes M. Borgers et R. Chantelot

(...)

Faits et antécédents de la cause

- Sinn est une société de bourse soumise à l'époque des faits au régime de la loi du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et aux marchés financiers (plusieurs dispositions de cette loi ont en effet été modifiées par celle du 6 avril 1995);

- Y. D.M. est le gérant d'une société commerciale dont le domaine d'activité s'étend aux produits d'alimentation dits de luxe;

- En 1991, dans des circonstances sur lesquelles les parties ne s'entendent pas mais qui n'ont aucune incidence dans le cadre du litige qui les oppose, Y. D.M. entre en contact avec Sinn et ouvre un compte en son établissement; la signature du document d'ouverture de ce compte mentionne la prise de connaissance et la réception d'une convention-type qui fixe leurs relations; cette double formalité a été respectée;

- Le point A1 de la convention est relatif aux ordres verbaux qui seraient communiqués à Sinn par le client; cet article précise qu'ils sont exécutés au risque du client qui renonce à tout droit de contradiction et accepte toutes les conséquences qui peuvent en résulter;

- Le point B1, relatif aux garanties et aux couvertures prévoit qu'indépendamment du système instauré par l'arrêté royal n° 10 du 15 octobre 1934 (qui a cependant été abrogé par la loi du 4 décembre 1990 et par l'arrêté royal du 8 octobre 1992), Sinn peut exiger des garanties supplémentaires qui l'autorisent, en cas de défaut, à suspendre toute exécution d'opération;

- Le point B4 attire l'attention du client sur la circonstance que les opérations de bourse peuvent entraîner des pertes supérieures au montant de la couverture;

- Le point D4 indique que le client reçoit un état des valeurs en dépôt une fois par an;

- Le point E mentionne que le client reconnaît avoir signé un avenant d'ouverture de compte pour les opérations de change à terme (encore appelé mécanisme du report) reprenant les clauses spécifiques à ce type d'opérations; cet avenant dont la signature n'est pas contestée n'est cependant pas produit;

- Y. D.M. a remis 1.050.000 FB à Sinn; cette somme fut affectée à l'exécution d'une opération à terme d'un seul type de titres, des actions Acec-Union minière;

- Il est indifférent de savoir qui d'Y. D.M. ou de Sinn a conseillé de se concentrer sur ce titre, l'essentiel étant qu'Y. D.M. espérait par l'opération de report qui sera décrite ultérieurement, obtenir un profit important en spéculant sur la brusque hausse attendue du titre Acec-Union minière;

- Dans le mécanisme du report, le donneur d'ordre (en l'espèce Y. D.M.) achète des actions au cours du jour (par exemple 50 euros); le jour du report (en l'espèce 15 jours plus tard), le cours du titre a évolué; s'il a baissé (et est par exemple descendu à 45 euros), le donneur d'ordre est confronté à un choix; soit il lève les titres et paie son achat à 50 euros, soit il décide de reporter au cours de 45 euros et de payer la différence; si le cours du titre a monté, l'option subsiste à la différence près que le donneur d'ordre fait un bénéfice;

- Chaque opération de report s'accompagne d'une commission de courtage en faveur de la société de bourse;

- En l'espèce, Sinn achète le 5 juin 1991 avec la mise de départ d'Y. D.M., 400 actions Acec-Union minière, Sinn en achètera 1.000 supplémentaires quelques jours plus tard; Y. D.M. ne règlera cependant pas ce deuxième achat et aucune garantie complémentaire ne sera payée à cette occasion; le mécanisme du report qui vient d'être décrit sera mis en oeuvre, sans interruption pendant près de 3 ans (jusqu'en aval 1994); durant toute cette période le cours du titre restera globalement stable (2.610 FB en juin 1991, 2.595 FB en avril 1994); aucune évolution significative et conforme aux espoirs d'Y. D.M. ne se concrétisera de sorte que son compte présentera, en outre, au mois d'avril 1994 un solde débiteur de 652.112 FB en faveur de Sinn;

- Y. D.M. refuse de solder son compte, imputant à Sinn diverses fautes et notamment, un manquement à son obligation de conseil qui aurait permis d'éviter l'hémorragie financière que l'opération a immédiatement engendré ainsi qu'un défaut d'appel en garantie et couverture, procédure destinée à éviter que le client ne s'endette en réalisant des opérations à risque qui dépassent sa surface financière;

- Sinn a de son côté toujours fait valoir qu'elle n'avait agi que comme commissionnaire et non en qualité de mandataire d'Y. D.M., que l'envoi systématique des bordereaux de réalisation des opérations dictées par téléphone n'avait jamais donné lieu à une observation ni engendré la moindre contestation dans le chef d' Y. D.M., circonstances qui, dans sa thèse, ne l'autorisent pas à contester utilement le solde de son compte;

- Les parties sont encore en désaccord sur de nombreuses circonstances de fait, Y. D.M. contestant avoir formulé des ordres verbaux de report, avoir sollicité l'achat supplémentaire de 1.000 actions les 7 et 8 juin 1991 et enfin avoir reçu les relevés annuels de comptes que Sinn prétend lui avoir adressés;

- Par exploit du 11 avril 1994, Y. D.M. a lancé citation contre Sinn en annulation de la convention d'ouverture de compte du 5 juin 1991 et en remboursement du montant de 1.050.000 FB remis à cette occasion;

- Par conclusions du 5 octobre 1994, Sinn a formé une demande reconventionnelle tendant à obtenir la condamnation d'Y. D.M. au paiement de 652.112 FB représentant le solde débiteur de son compte constitué des écarts de cours sur la valeur des titres, des frais de timbres impayés, des intérêts débiteurs et des frais de courtage de Sinn;

- Par la décision attaquée, le premier juge a débouté Y. D.M. de sa demande, considérant qu'il lui appartenait de s'informer régulièrement du solde de son compte, s'il était insatisfait de l'information qui lui était transmise; il a ensuite fait droit à la demande reconventionnelle de Sinn et a condamné Y. D.M. au paiement de 652.112 FB, augmentés des intérêts judiciaires (dont il n'a pas pris soin de préciser la nature, ni à partir de quand ils prenaient cours);

- Y. D.M. relève appel de ce jugement dont il sollicite la mise à néant; il ne demande plus l'annulation de la convention d'ouverture de compte mais persiste pour le surplus dans les fins de sa demande originaire; invoquant en outre l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de Sinn, pour violation de l'article 6 de l'arrêté royal du 15 octobre 1934, relatif à la constitution obligatoire d'une garantie suffisante dont le défaut l'autorise, dans sa thèse, à soulever l'exception de jeu;

- Sinn conclut au non-fondement de l'appel et au débouté d'Y. D.M., confirmant en outre sa demande reconventionnelle.

Discussion
1) Quant à la faute imputée à Sinn

Attendu qu'il est établi qu'en sa qualité de société de bourse, Sinn a agi comme intermédiaire obligé d'Y. D.M. qui était contraint de s'adresser à un professionnel de la finance pour faire réaliser les opérations de report qui ont été précédemment décrites;

Attendu certes que Sinn n'a jamais agi en qualité de mandataire d'Y. D.M., ce dernier n'ayant pas conclu avec elle de convention dite de gestion de fortune ou encore de gestion de patrimoine;

Attendu que la convention d'ouverture de compte conclue entre les parties le 5 juin 1991 doit s'exécuter dans le respect des articles 1134 et 1135 du Code civil;

Que si les conventions doivent être exécutées de bonne foi, il convient de ne pas perdre de vue qu'elles obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature;

Attendu que le principe de bonne foi contient l'idée d'une relation de nature éthique d'abord, juridique ensuite, entre sujets de droit et impose, dans une certaine mesure, la prise en considération de l'intérêt de chaque partie au contrat dans les faits et actes juridiques posés, de manière à ce qu'il ne soit pas porté atteinte de manière fautive et illégitime à ses intérêts;

Attendu par ailleurs que le devoir d'information et de conseil du professionnel est le corollaire de son devoir général de se comporter avec bonne foi;

Qu'il constitue en outre la contrepartie de la situation privilégiée dans laquelle il se trouve par rapport à son client profane;

Attendu que l'obligation de rendre compte qui constitue l'un des aspects spécifiques du devoir d'information dépasse le domaine strict du mandat, pour s'étendre à l'ensemble des entreprises qui comportent une part de risque ou d'aléa, ce qui est le cas en l'espèce;

Attendu que l'intensité du devoir de conseil dont est tenu le prestataire de service varie en fonction des circonstances et notamment des qualifications de son client;

Qu'en l'espèce, la spécificité et la technicité du monde boursier échappaient à l'évidence à Y. D.M. qui en qualité d'administrateur de société commerciale avait des connaissances limitées aux facteurs de base qui, de manière classique, influencent en général l'économie;

Qu'Y. D.M. correspond au client moyen auquel le professionnel peut s'adresser de manière directe pourvu que l'information qu'il transmet soit énoncée clairement;

Attendu que le devoir de conseil se présente tantôt sur le plan précontractuel, tantôt dans le cadre de l'exécution du contrat;

Qu'en cours de contrat, il peut se manifester sous divers aspects;

Que c'est ainsi, notamment, qu'un entrepreneur doit, dans l'exercice de sa mission attirer l'attention de son cocontractant sur les frais exceptionnels qui seraient engendrés par la poursuite de celle-ci, suivant les instructions données lorsque des circonstances imprévues apparaissent (voy. notamment, P.-A. Foriers, Les contrats de service, Éd. du Jeune Barreau, 1994, p. 168);

Attendu qu'en l'espèce, Sinn a systématiquement adressé à Y. D.M. des bordereaux relatifs aux opérations de report qu'elle réalisait;

Que la lecture de ces bordereaux indique de manière claire le type d'opération réalisée (report), le titre sur lequel elle porte (Acec-Union minière), le nombre de titres concernés par l'opération (x centaines, selon le cas), le cours du titre au moment de sa réalisation (le plus souvent au-dessus de 2.000 FB), le montant total de l'opération (en évolution plusieurs centaines de milliers de francs et parfois au-dessus du million), les frais de courtage (le plus souvent entre 5.500 FB et 6.500 FB par opération) et les frais de timbres (plus ou moins 3.000 FB par opération);

Que ce type de document permet à tout homme normalement prudent et diligent, placé dans les mêmes circonstances qu'Y. D.M. (un gérant de société commerciale qui espère faire fructifier rapidement quelques économies) de comprendre l'opération financière à laquelle il se rapporte;

Que la comparaison de plusieurs bordereaux permet encore d'appréhender globalement l'évolution du placement spéculatif réalisé;

Attendu que la réception sans contestation de ces bordereaux équivaut en l'espèce à un consentement d'Y. D.M. sur la réalisation des opérations à terme;

Qu'en effet, dès lors que Sinn n'était pas investie d'un mandat de gestion du patrimoine, il incombait à Y. D.M. d'assurer la surveillance de l'évolution des opérations réalisées par Sinn, indépendamment de la réception ou non de son relevé de compte annuel;

Que c'est donc de manière non pertinente et sans qu'aucun élément ne rende ses affirmations crédibles, qu'Y. D.M. conteste avoir donné les ordres verbaux relatifs aux renouvellements des opérations de report et avoir donné instruction de solliciter l'achat des mille actions Acec-Union minière supplémentaires les 6 et 7 juin 1991;

Attendu cependant que l'envoi des bordereaux ne permettait pas à Y. D.M. de connaître de manière suffisamment claire et précise le solde de son compte;

Qu'indépendamment de la question des envois annuels du relevé de compte qu'Y. D.M. conteste avoir reçus, il y a d'emblée lieu de relever qu'aucune mise en garde attirant son attention sur le caractère désastreux de sa stratégie de placement et sur son risque élevé ne lui fut adressée;

Attendu que cette absence de mise en garde constitue un manquement contractuel à l'obligation de conseil de Sinn;

Que toute autre société de bourse, normalement prudente, aurait en effet, dans les mêmes circonstances (opération spéculative menée sur un titre globalement stable pendant près de trois ans) agi de manière avisée en attirant l'attention de son client sur l'existence d'autres produits financiers ainsi que sur le danger de concentrer l'ensemble de ses fonds de placement sur un seul titre dans le cadre d'une opération spéculative unique;

Attendu que ce type de mise en garde ne doit pas être réservé aux clients liés par une convention de gestion de patrimoine à une société de bourse puisque, par définition, la gestion patrimoine confère une certaine autonomie d'action à la société de bourse, qui en général, s'abstient d'ailleurs d'engager sa clientèle dans des opérations à risque sans son accord préalable exprès;

Attendu qu'en se contentant d'exécuter les instructions de son client malgré la chute constante du crédit de son compte, sans veiller en outre à se faire constituer la couverture supplémentaire que la convention d'ouverture de compte lui permettait d'exiger et que l'achat des mille actions supplémentaires réalisé les 6 et 7 juin 1991 lui commandait en pur bon sens de solliciter, Sinn n'a pas agi de manière raisonnable et prudente, comme l'aurait fait toute autre société de bourse, placée dans les mêmes circonstances;

Qu'en s'abstenant d'agir comme toute autre société de bourse l'aurait fait en ses lieu et place, elle a, à tout le moins implicitement, entretenu chez son client une confiance excessive dans les chances de succès de l'opération de spéculation dans laquelle il s'était engagé.

2) Quant au lien de causalité entre la faute de Sinn et la perte de la mise de départ d'Y. D.M.

Attendu qu'Y. D.M. ne démontre pas - et il n'est nullement évident - que, s'il avait été dûment averti des risques qu'il encourait en poursuivant son opération spéculatrice, il aurait - avant le mois d'avril 1994 - modifié sa stratégie de placement de fonds;

Qu'il est, en effet, fréquent dans le domaine des opérations boursières d'attendre qu'une situation s'améliore pour mettre un terme à un placement et procéder à une réorientation d'investissement, ceci dans l'espoir, régulièrement réalisé, de réduire et même de récupérer les pertes accumulées;

Qu'il est dès lors vraisemblable qu'Y. D.M. aurait préféré faire preuve de patience, certes durant un temps raisonnable qui peut être évalué, à défaut d'autres éléments plus précis à trois ans, s'il avait été informé des risques inhérents à l'opération financière dans laquelle il s'était engagé;

Qu'eu égard aux motifs ainsi exposés il n'est pas établi que l'absence de mise en garde d'Y. D.M. entre en relation causale avec son dommage (la perte de sa mise de départ de 1.050.000 FB);

Qu'il n'est pas davantage rapporté que sans la faute de Sinn, le dommage d'Y. D.M. ne se serait, pas concrètement réalisé de la même manière.

3) À titre surabondant, quant au dommage d'Y. D.M.

Attendu, par référence à ce qui a déjà été exposé sous le point 1), qu'il appartenait à Y. D.M. de solliciter de Sinn une information plus régulière et plus complète, dans l'hypothèse où il ne maîtrisait pas l'influence des opérations de report réalisées sur le solde général de son compte;

Qu'en ne s'enquérant pas de l'évolution de ses finances, Y. D.M. a fait preuve d'un désintérêt pour celles-ci ainsi que d'une négligence fautive;

Que tout autre client d'une société de bourse placé dans les mêmes circonstances n'aurait pas manqué d'exiger par la voie de courriers officiels les éclaircissements pertinents qui lui manquaient, démarche qu'Y. D.M., n'a pas entreprise;

Que la cour constate qu'Y. D.M. n'a donc pas, par les mesures raisonnables et simples qui étaient à sa disposition, veillé à limiter son dommage;

Attendu que dès lors de la perte de la mise de départ d'Y. D.M. trouve sa cause principale dans sa propre négligence fautive et qu'il n'est pas établi que sans la faute de Sinn le dommage d'Y. D.M. ne se serait pas concrètement réalisé de la même manière, son préjudice n'est pas réparable;

Attendu qu'en ce qui concerne la demande originaire, l'appel n'est pas fondé.

4) Quant à la demande reconventionnelle de Sinn

Attendu qu'à bon droit le premier juge a déclaré cette demande recevable;

Que l'arrêté royal du 15 octobre 1934 sur la base duquel Y. D.M. développe dans sa requête d'appel un moyen d'irrecevabilité, a en effet été abrogé par la loi du 4 décembre 1990;

Que la convention-type d'ouverture de compte remise à Y. D.M. ne faisait état de cet arrêté royal que par référence à la législation applicable au moment de sa rédaction (elle était d'ailleurs déjà dépassée sur ce point au moment de sa signature);

Que l'économie générale du contrat et des relations entre les parties ne permet pas de lui conférer la qualité de clause contractuelle d'application constante quelles que soient les modifications légales ultérieures;

Attendu qu'en continuant, dans le contexte exposé ci-avant sous le point 1) (c.-à-d. sans avoir préalablement adressé de mise en garde à Y. D.M.), à comptabiliser les commissions de courtage qui lui revenaient systématiquement à l'issue de chaque passation d'ordre, les intérêts débiteurs du compte, les frais de timbre et les pertes générées par les différences de cours du titre Acec-Union minière, Sinn n'a par ailleurs pas veillé à prendre avec loyauté, les mesures raisonnables qui lui auraient permis de modérer ou de limiter son préjudice;

Que dès lors que sa faute est établie et qu'elle entre en relation causale directe avec le solde débiteur du compte d'Y. D.M., la demande reconventionnelle de Sinn n'est pas fondée;

Que c'est par conséquent à tort que le premier juge a fait droit à la demande reconventionnelle de Sinn;

Attendu que sur ce point l'appel est fondé;

Par ces motifs,

La cour,

statuant contradictoirement,

(...)

Dit l'appel principal recevable et en partie fondé;

Réforme le jugement attaqué en tant qu'il a fait droit à la demande reconventionnelle de Sinn;

Déclare la demande reconventionnelle de Sinn non fondée et l'en déboute;

(...)